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mardi 21 novembre 2017

Permis de séjour

Donc, aujourd'hui, je suis allée porter mon dossier au service d'immigration à Yaroslavl. L'employée qui nous a reçus, Ilya et moi, semblait prête à mordre. Il est vrai, nous l'avons appris plus tard en le voyant revenir, que le "client" précédent était parti en emportant son dossier administratif complet sous le bras:"C'était sur la table, dit-il, j'ai pensé que c'était pour moi.
- Sur la table, il y a aussi une imprimante, un ordinateur et un téléphone, vous allez les prendre aussi?"
La dame s'étant radoucie, nous a expliqué qu'il manquait, comme on pouvait s'y attendre, des pièces au dossier. Malgré son premier abord, elle s'est montrée extrêmement gentille. Je n'avais pas l'enregistrement de mon visa, mais je n'avais pas eu non plus le temps matériel de le faire avant l'entrevue. Je n'avais pas les photocopies du nouveau visa et du tampon de la douane. Il fallait remplir autrement le formulaire, certaines mentions n'y figuraient pas. Bref on nous a rendu notre copie, mais en s'efforçant de nous donner un rendez-vous rapide, et si j'ai bien compris, une fois mon dossier constitué, je ne serais pas obligée de repartir encore une fois, ou bien je n'aurais plus besoin d'une invitation, je ne suis pas très sûre, Ilya non plus.
Nous avons vu plusieurs photos de moi passer sur l'ordinateur. Ilya m'a dit ensuite: "A mon avis, ils savent tout de vous, et pourraient même vous apprendre des choses sur votre père..."
Au retour, il m'a parlé de son grand-père qui faisait à cheval et au sabre la chasse aux banderistes dans les forêts ukrainiennes après la guerre, un cosaque. Les forêts étaient saupoudrées de neige, parfois couvertes de givre, sous un ciel bas. La température tourne autour de zéro. Le soir tombe à quatre heures, à cinq heures il fait nuit noire.
J'ai noté cette fois que tout en restant jolie, Yaroslavl aussi a son content de cicatrices et de destructions regrettables. Pourvu que le processus s'arrête...

lundi 20 novembre 2017

Ces quelques cartes postales

Ce matin, à Pereslavl. Heureusement, la maison se réchauffe....



Souvenirs de mon automne d'or du midi, qui cette année n'était pas pluvieux, hélas pour les paysans et les jardiniers, mais tant mieux pour moi, que la sécheresse et le mistral guérissent de tous les miasmes. Voyez, c'est ici que j'ai grandi.


Le mûrier

La Garde Adhémar

Le petit chien de ma soeur sous un grand chêne

Un plan d'eau

Hé les Russes, faut vous aimer, quand même, pour échanger ça contre la caillance et les cottages Disneyland, les barrières de béton et le mépris du patrimoine, il faut l'aimer, la Russie, ce qu'il en reste et ses enfants, tous ceux qui m’accueillent à bras ouverts, se mettent en quatre pour moi, il faut l'aimer ce pays féerique vitriolé qui a gardé son âme, alors que nous perdons la nôtre, dans notre paradis que nous ne savons plus chérir ni défendre... Russes, aimez-vous donc vous-mêmes, autant que je vous aime, tous les Russes de tous les siècles qui montent en procession vers moi, comme sur un tableau de Glazounov, derrière les icônes et les bannières, à la rencontre des derniers temps... Il faut tenir jusque là, dans votre nef trouée. Nous n'en avons pas d'autre, ni vous, ni moi. Aimez les souvenirs dont on a tenté de vous priver: c'est là notre source vive, notre racine irriguée. La vôtre, mais aussi, plus profondément, la nôtre, et c'est peut-être essentiellement cela qui m'a amenée ici.

Fêtes délirantes

Retour dans une maison glaciale. Le chauffage est défaillant. Il fallait faire remonter la pression, mais je trouve que la maison ne se réchauffe pas vite. Le plombier Rouslane m'a dit qu'il fallait remettre la pompe, mais il prévoit cela début décembre...
Olga m'a ramené Rosie. Fêtes délirantes. Il paraît qu'elle déprimait sans moi, qu'elle était en état de choc. Comme il fait un temps affreux entre la neige et la pluie, ses fêtes m'ont complètement salopé la maison, que je venais d'essayer de nettoyer, les chats font d'ailleurs pareil. Je lui ai donné un nonos et deux bouts de fromage qui traînaient au frigo, depuis, elle vomit dans tous les coins. Elle aboie à tous propos, veut sans cesse entrer et sortir. Mais elle m'aime, cette gourde...Elle a grossi, c'est une énorme bestiole, de plus en plus fourrée. Elle est con mais elle est belle.
A l'aéroport de Lyon Saint Exupéry, j'ai constaté qu'on avait tout refait, c'est-à-dire que maintenant, au lieu d'arriver deux heures à l'avance, il vaut mieux en prévoir trois. Ils ont centralisé tous les contrôles en une seule usine où les gens arrivent ahuris au terme d'un serpentin interminable. Chacun doit prendre soin de faire circuler les bacs où l'on met ses affaires, et de les ranger à la fin du ruban roulant, sinon ça bloque tout. J'avais récupéré mes affaires mais pas mon ordinateur, je ne voyais même pas où il était: sur un autre ruban, où il attendait d'être examiné. La bonne femme chargée de la chose n'arrêtait pas d'aller ailleurs faire Dieu sait quoi. Bref avant ça restait un peu humain, maintenant, c'est rationalisé! Ensuite au contrôle des passeports à nouveau le serpentin, et maintenant, ils vérifient souvent les empreintes digitales. Autrefois, à l'issue de tout cela, je prenais un café et un croissant ou un sandwich près de la porte d'embarquement, car ce qu'on nous sert dans les avions est dégueu et je n'arrive souvent pas à avaler grand chose les matins de départ. Eh bien c'est fini, tous les commerces qui délivraient bouffe et boissons ont disparu. On se retrouve dans un espace sinistre, avec juste des sièges, et puis des distributeurs de café, de boissons ou de barres chocolatées. Quand aux boutiques détaxe etc, si on veut avoir le temps d'y faire un tour, avant tout ce cirque , parce qu'après plus question, eh bien ce n'est pas trois heures qu'il faut prévoir d'avance, mais quatre!

en attente du nonos

Trop petite, la chatière...

alors il faut lui ouvrir,dans l'autre sens, pareil.

Rom





samedi 18 novembre 2017

Gros stress du retour

Pierrelatte, au loin...
Avant-hier, je suis allée voir la mère Hypandia qui considère que j’ai mon rôle à jouer là bas, en Russie, et que je dois me remettre à prier plus assidument : «Dieu vous aidera, mais il faut lui accorder du temps pour cela… »
J'ai assisté ensuite aux vêpres, maintenant tous les offices ont lieu dans la belle église. Quelle douce lumière émane des vitraux et des lampes à huile de verre, et les arceaux aux différents tons de roche montent avec douceur et légèreté jusqu’à la coupole qu’ils supportent, comme de sourds arc-en-ciels entrecroisés. Les voix des moniales montent en planant et résonnent, elles font partie de cet espace, on dirait qu’elles vont s’envoler, elles aussi, avec leurs blancs visages et leurs draperies noires, de sombres et doux séraphins. Au dehors un Roumain monté sur un échafaudage décorait avec patience de fleurs stylisées les poutres du passage extérieur.
Puis le lendemain, je suis allée déjeuner avec la famille de mon beau-père paysan, on fêtait l'anniversaire de son beau-frère, dernier survivant de sa génération. Il n'y a plus de paysans chez les Fargier, mais les descendants ont conservé le sens de la communauté familiale, de la convivialité, et l'humour ancestral. Ils reconnaissent leurs anciens dans certains de leurs enfants, poursuivent les traditions et les transmettent autant que possible.
En sortant du restaurant, j'ai vu la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui est si belle, si équilibrée, avec ses détails antiques, ses décorations médiévales fantastiques et très simples, ses fresques intérieures: où est passé l'esprit qui faisait réaliser aux Français de pareils chefs d'oeuvre, non seulement beaux, mais pleins de sens? Qu'avons-nous gardé de commun avec ceux qui ont construit ce sanctuaire?
Mes derniers jours m'ont été gâchés par Chronopost, je n'ai pas pu revoir tranquillement certains amis, ni préparer mon départ. Je devais recevoir mon passeport et son visa dès jeudi. On m'informa alors qu'à cause d'un "événement" non précisé, il n'arriverait que le lendemain. Le lendemain, un courriel m'annonce que le truc arrivera de 8 à 13h, je commence à monter la garde. Puis, par curiosité, je clique pour aller suivre l'avancement de la livraison, et là, je vois que le passeport n'a pas quitté l'agence et qu'on est "en attente de précisions concernant l'adresse de livraison". Très contrariée, je demande un dépôt à la poste de Pierrelatte. Mais déjà, la livraison n'est plus possible le jour-même. Après le restaurant, sur les conseils de ma soeur, je passe à la poste pour voir si par hasard on n'aurait pas déjà déposé le paquet. Non, mais on me donne le numéro de Chronopost. Rentrée chez moi, je contacte l'agence qui m'a fait le visa, et celle-ci, après enquête, me confirme que l'objet serait bien le lendemain à la poste. Très bien.
Aujourd'hui, veille de mon départ, je guette de même, je devais recevoir un courriel ou un SMS confirmant le dépôt. Ne voyant rien venir, j'appelle le numéro laissé par la poste et apprends que le passeport est à l'agence de Valence à 60 km au nord, et que si je veux le récupérer, il me faut cavaler là bas avant midi trente, heure de la fermeture. On me donne l'adresse, je demande si l'on pourrait attendre un peu pour fermer, non, pas question. 60 km, un plein d'essence et une crise de nerfs plus tard, à Valence, on ne trouve pas mon colis, et on m'informe que le machin est à l'agence d'Avignon, à 130 km au sud, alors que j'avais encore téléphoné en chemin pour être bien sûre qu'il me fallait aller à Valence et pour demander des indications sur l'itinéraire.
Le chef de service m'engueule parce que je lui parais trop énervée, mais téléphone à Avignon et demande que le passeport me soit apporté à domicile. Retour à la Garde Adhémar. 120 km en tout. J'attends une heure en me demandant si j'arriverai à récupérer le truc, et finalement, entre en sa possession, épuisée et les nerfs en pelote.
Pour ça, j'ai payé 25 € plus 16 € d'autoroute, plus l'essence, pas toute dépensée, mais quand même. Et je n'ai pas pu dormir chez Claire hier, aller à Solan pour une dernière liturgie ce matin, ni déjeuner avec Annamaria, Giovanni et Samuel, il est vrai que j'ai quand même foncé ensuite pour aller boire le café et passer l'après-midi avec eux.
Si je n'avais pas eu mon passeport, je ratais l'avion, et donc le rendez-vous avec le service d'immigration le 21 à Yaroslavl. J'espère bientôt sortir de ces allées et venues et de ces courses aux invitations, visas, documents qui me minent.


jeudi 16 novembre 2017

Cette haine bolchevique d’un autre monde ou réponse à l’écrivain Prilepine


Zakhar Prilepine a écrit ses : « 12 points sur la Révolution et la Guerre Civile », avec le pathos d’un propagandiste du parti convaincu qui sait que son enseignement est vrai simplement parce qu’il est vrai.  C’est avec la même assurance , libre de toute autre connaissance extérieure au parti, que nous lisaient  à l’université l’Histoire du PCUS les militants à la retraite des organes soviétiques.
Pendant que j’écrivais mes réponses à Prilepine, leur faisait écho Kholmogorov  et il reçut la brillante réponse, de la part de l’écrivain de gauche, que dans la mesure où les thèses de Yégor étaient faciles à réfuter, « il le ferait une autre fois ». Il est probable que cette autre fois, pour Prilepine, n’est pas près d’arriver, et le thème de la révolution est trop important pour la conception politique du monde pour laisser passer une telle occasion.
Il semble à notre écrivain de gauche qu’il a posé des questions irréfutables. En fait il se trouve dans certains cas dans une ignorance simplement banale, mais compréhensible en l’absence de formation historique, et en d’autres, pourvu des œillères de ses convictions de gauche.
Le camarade Prilepine commence par l’affirmation la plus répandue des gauchistes d’aujourd’hui, selon laquelle « les bolcheviques n’ont pas renversé le Tsar ». C’est-à-dire qu’au moment de la révolution de février, Lénine et autres leaders bolcheviques étaient à l’étranger, et c’étaient d’autres gens qui avaient obtenu l’abdication du souverain.
Oui, c’est vrai. Lénine et les autres leaders bolcheviques, ayant consacré leur vie à la cause de la révolution en Russie, ont dormi, comme « les vierges folles » de l’évangile, pendant l’arrivée de leur « fiancé », c’est-à-dire de la vraie révolution. Tous ces journalistes-propagandistes et idéologues marxistes regardaient leur pays à travers des lentilles marxistes déformantes et ont raté leur « entrée ». Et ensuite, ils se sont justifiés en disant qu’il fallait d’abor une révolution « bourgeoise » avant la révolution « prolétarienne ».
Néanmoins, on peut toujours affirmer que les bolcheviques ont renversé le tsar, ils l’ont renversé en ce sens qu’ils le voulaient, l’avaient planifié, le parti avait pris les mesures correspondantes, ils avaient essayé de le renverser, ils avaient participé aux événements de février par l’intermédiaire de leur clandestinité, sous la direction de Molotov, de Chliapnikov. Mais le fait même du renversement, la primauté dans cette sombre affaire n’appartient pas aux bolcheviques. A ce propos, j’estime que pour les adorateurs des bolcheviques il n’y a pas de quoi »être fier ». Ici s’était manifestée l’impuissance révolutionnaire et intellectuelle des bolcheviques.
Leur caractère révolutionnaire, ils le révélèrent avec retard et éclat quand le Souverain et sa Famille tombèrent entre leurs mains.
C’est là que se révéla toute la substance spirituelle des bolcheviques, ils tuèrent férocement le Souverain et la Souveraine, et leurs enfants, et leurs parents, et leurs amis, et leurs serviteurs. A ce propos, ils trouvèrent même ensuite la nourrice du souverain, qui l’avait nourrie de son lait, et la fusillèrent avec son mari et sa fille. Voilà quelle « philanthropie » rare parmi les hommes était la leur.
Peut-on se rappeler quelque chose de semblable de l’autre côté ? Volodia Oulianov fut-il fusillé pour l’attentat de son frère contre l’Empereur Alexandre III ? Sa mère, son frère et ses sœurs, qui avaient reçu, un avant le crime, la noblesse héréditaire de la part de ce même Empereur furent-ils fusillés ? Ou bien peut-être, après l’assassinat de l’Empereur Alexandre II, les monarchistes avaient-ils pris de nombreux otages dans le milieu des révolutionnaires et de leurs familles, leurs amis, leurs enfants, pour les fusiller, comme ce fut le cas après l’assassinat d’Ouritski ?
Le camarade Prilepine a absolument  raison de ne pas toucher le thème des saints Martyrs. Ce n’est pas utile à quelqu’un qui joue à la fois sur le plan de l’Orthodoxie et celui du soutien au bolchevisme. Car c’est vraiment là que se situe avec le plus de précision le choix entre le bien et le mal.
Il n’y a pas de chrétiens bolcheviques ni de bolcheviques chrétiens, l’un ou l’autre doit forcément tôt ou tard triompher en nous de l’autre. Ici, personne n’arrivera à rester à la fois avec les bolcheviques et le saint Souverain. Il faut choisir entre le bien et le mal et non entre le bon mal et le mauvais bien. C’est seulement dans notre absurde réalité terrestre qu’il peut exister des stalinistes orthodoxes, des bolcheviques blancs, des slavophiles de gauche et autres personnes syncrétiques.
Dans le monde de la détermination spirituelle ou on soutient les bolcheviques et l’on prend sur soi le sang de l’Oint du Seigneur, c’est-à-dire aussi de tous les autres Nouveaux Martyrs, glorifiés par l’Eglise, et celui des millions de simples chrétiens tourmentés par les léninistes et les stalinistes, ou on rejette la révolution et on manifeste le désir de s’unir avec tous les saints martyrs, sans exception, dans le Royaume de Dieu.
Le Christ n’a pas apporté la paix dans le monde, mais le glaive. Et cette division spirituelle ne passe pas seulement par les convictions politiques, ou la vie terrestre, mais dans l’au-delà éternel. Ce qui devrait inquiéter plus que tout les chrétiens lucides.
Le camarade Prilepine accorde beaucoup d’attention aux blancs. Les cadets, tous les progressistes possibles, les SR de droite, bien sûr, n’éveillent pas chez moi d’émotions positives et j’aurais préféré qu’ils ne se fussent jamais trouvé sur la scène politique russe. Mais il y a en eux un trait positif hypothétique, ils n’ont pas gouverné la Russie pendant soixante-dix ans, ils peuvent compter sur la présomption  d’innocence dans les nombreuses années de répression de masse, ce qu’ont déjà réalisé d’une façon absolument libre les bolcheviques sur la terre russe.
Les dilemmes sur qui auraient été les meilleurs  vainqueurs, les « généraux-févralistes » (à ce propos, dans le mouvement blanc, il y avait beaucoup de généraux non févralistes  qui n’avaient même pas prêté serment au gouvernement provisoire) n’ont pas lieu d’être pour un croyant. Dans l’histoire agit parallèlement à la volonté humaine et avant elle, celle de Dieu, qui se fait jour jusque dans l’absence d’action. Si les gens avaient décidé de s’enivrer de « communisme méthylique » jusqu’à la perte de conscience, c’est là le châtiment divin qu’ils s’étaient eux-mêmes attiré. Mais faut-il, après un verre pleinement rempli de « communisme méthylique » qui a aveuglé notre société pendant soixante-dix ans tendre la main vers un second… C’est là une occupation pour les amateurs de sensations fortes à issue léthale.
Je ne peux pas non plus imaginer que les « généraux-févralistes », en cas de victoire, eussent recherché les nourrices des nobles, devenus par la suite des leaders bolcheviques, pour les fusiller avec leurs maris et leurs enfants ? Je ne peux pas imaginer cette haine d’un autre monde. C’est pourquoi je considère que leur victoire nous aurait coûté beaucoup moins cher en vies humaines.
Et encore un détail sur les généraux blancs. Alexeïev (autrefois simple soldat) aussi bien que Kornilov (cosaque) ou Dénikine (dont le grand-père était paysan serf) ou encore Kaledine (cosaque) ont bien sûr violé le serment prêté à l’empereur à divers degrés, mais la question se pose : pourquoi doit-on moins estimer ces gens (de simple origine) que ces officiers (nobles) qui ont combattu avec les rouges après avoir violé leur serment au Tsar, à leur classe sociale, souvent à leur famille et ensuite celui prêté au gouvernement provisoire ? Pourquoi ceux qui ont trahi une fois, et s’en sont repentis, seraient-ils pires que ceux qui ont trahi plusieurs fois, et en s’en sont pas repentis ?
Le camarade Prilepine ne comprend pas l’intérêt des « subventionneurs » des révolutionnaires, ou fait mine de ne pas le comprendre. J’expliquerai avec plaisir. Les Allemands avaient besoin comme de l’air qu’on respire d’une « paix séparée » avec l’une des parties qui combattaient avec les pays de la Coalition centrale (de la Quadruple Alliance). Les forces de l’Allemagne et de ses alliés étaient à bout en 1917 pour résister sur deux fronts. Le souverain russe et ensuite ke gouvernement provisoire, ne désiraient pas trahir leurs alliés et conclure une paix séparée.
Lénine et son parti étaient la force idéale pour conclure une telle paix.  Lénine haïssait l’Empire russe, pas seulement comme un républicain déteste la monarchie ou un socialiste la bourgeoisie, mais avec une nuance de haine personnelle et de mépris européen hautain.
Au début de la première guerre mondiale, Lénine avait écrit : « Il ne fait aucun doute, absolument aucun doute que le moindre mal à présent serait la défaite du tsarisme dans la guerre actuelle. Car le tsarisme est cent fois pire que le kayserisme. »
Lénine cherchait précisément la défaite de notre « tsarisme », car il était persuadé, comme « Smerdiakov », qu’une « nation intelligente en dominerait aisément une stupide », car le « kayserisme » étranger était loin d’éveiller chez lui une haine aussi violente que la monarchie russe. Pour Lénine, la Russie n’était pas seulement le « tsarisme » maudit mais une civilisation haïssable au plan émotionnel.
Parvus et autres, qui connaissaient bien cette position politique et psychologico-émotionnelle de Lénine, attirèrent l’attention de l’Allemagne sur ce « vlassoviste » de la première guerre mondiale. Les intérêts des révolutionnaires de Lénine et des impérialistes de l’Allemagne coïncidèrent dans la cause de l’effondrement de la Russie en tant que participante à la guerre mondiale. Lénine était un agent de l’Allemagne non en tant qu’espion banal, mais en tant que co-actionnaire de l’Allemagne dans la destruction de la puissance militaire et étatique russe.
Pour ce qui est des « subventionneurs » britanniques de la révolution de Février, ayant essuyé une rebuffade dans leurs pressions sur le Souverain pour le faire abdiquer, ils trouvèrent leurs co-actionnaires chez les libéraux et les cercles de gauche. Leur tâche était très difficile : éloigner le souverain Nicolas Alexandrovitch du trône, le remplacer par celui de leur choix (un Romanov ou un autre membre de la société) mais conserver parallèlement la Russie comme membre actif de la guerre mondiale. Eloigner le Souverain du pouvoir fut un objectif réussi, mais la deuxième partie du plan fut gâchée par les bolcheviques financés par les allemands.
Et maintenant au sujet de la conduite des différents actionnaires de la révolution en Russie au moment de la guerre civile. Les pourparlers avec l’Allemagne commencèrent le 20 novembre (3 décembre) 1917, établissant le bilan des efforts allemands, le secrétaire d'État (ministre) des Affaires étrangères de l'Empire allemand Kühlmann a déclaré dans une lettre au Kaiser: «C’est seulement quand les bolcheviques commencèrent à recevoir de nous un afflux permanent de fonds par différents canaux et sous différentes étiquettes, qu’ils furent en situation de redresser leur principal organe « la Pravda », de mener une propagande énergique et d’élargir significativement la base au départ étroite de leur parti ».
Les pourparlers avec les bolcheviques traînaient, pour des raisons bien compréhensibles. Les Allemands avaient aidé les bolcheviques à arriver au pouvoir et maintenant, il fallait réaliser déjà leur principal désir, la sortie de la Russie de la guerre. Lénine et particulièrement Trotski  (avec l’argent cette fois des cercles juifs américains) essayèrent de gagner du temps, dissolvèrent le 11 février les restes de l'armée russe, expliquant cela, tout comme nos libéraux dans les années 1990, que  soi-disant en Allemagne et en Autriche-Hongrie on ne voulait  pas la guerre. Mais déjà le 18 février l’Allemagne mit fin à la trêve et reprit l’assaut militaire, occupant Dvinsk, Loutsk, Minsk, Rovno, Polotsk, Jitomir, et s’avançant plus loin. Le 21 février, le pouvoir soviétique s’occupa de la fondation de l’Armée Rouge. Ensuite les Allemands, pour réveiller complètement la conscience de leurs co-actionnaires, occupèrent encore Pskov, Iouriev et Revel. Et déjà le 24 février Lénine télégraphia (intéressant, n’est-ce pas, ce lien télégraphique avec « l’ennemi » ?) à Berlin qu’il était d’accord avec les conditions de la paix de Brest-Litovsk. Et aussi avec l’indépendance de la Courlande, de la Livonie, de l’Estonie, de l’Ukraine, de la Finlande,  l'Empire ottoman d'Anatolie et le paiement d'énormes réparations de 6 milliards de marks.
Pour ce qui concerne les difficultés ultérieures avec l’Allemagne, elles sont naturelles, les objectifs sont atteints des deux côtés, les bolcheviques sont au pouvoir, l’Allemagne a sorti la Russie de la guerre. Mais l’Allemagne jusqu’à sa propre chute promettait son soutien au gouvernement bolchevique. Mais voilà que Trotski proposait périodiquement des pourparlers avec l’Entente.
La soi-disant intervention contre les bolcheviques, c’est un mythe. Il y eut une intervention, qui fut une opération de pillage de la part de nos anciens alliés, mais il n’y eut pas de confrontation militaire avec les bolcheviques. Ils se contentèrent de piller, dans la situation où il n’y avait plus de gouvernement sur tout le territoire de la Russie. Il n’y a aucune trace de la lutte à mort, dont parle le camarade Prilepine. Peut-être le camarade Prilepine a-t-il connaissance d’au moins une bataille au moment de la guerre civile entre les bolcheviques et l’un des interventionnistes ? Ne fut-ce qu’au niveau des connexions divisionnaires ?
Il faut dire que les représentations des gens de gauche sur l’histoire de leur parti offre traditionnellement un caractère très brumeux. Le camarade Prilepine ne fiat ici pas exception. Dans son zèle à démontrer que les bolcheviques sont le prolongement de la tradition gouvernementale russe, il en vient même à évoquer que « dans la composition du premier gouvernement soviétique, il n’y eut qu’un seul juif, Trotski. »
Il est instructif que le camarade ne comprenne pas que dans le gouvernement du parti, la principale institution, qui détient le pouvoir, est le Politburo du Comité Central du Parti, et pas du tout le gouvernement, qui est un organe purement exécutif. Les commissaires du peuple étaient nommés par le Politburo du Comité central du RSDLP dirigé par Lénine qui fut fondé le 10 octobre 1917 pour la direction politique de la révolte armée. Il comportait un Russe d’une famille de marchands, A.S. Boubnov (fusillé avec sa femme en 1938, sa fille unique condamnée à sept ans de camp et à l’exil à vie), G.E.Zinoviev (Radomyslski Evseï Gerch Aronovitch, fusillé en 1936, sa première femme fut arrêtée en 1934, 1937, 1946, 1951, libérée en 1954, gravement malade, elle mourut bientôt, le fils de sa seconde femme (24 ans) fut fusillé en 1937 ; la femme de son fils fut emprisonnée, et déportée, sa troisième femme fut emprisonnée et déportée de 1936 à 1954).  L.B. Kamenev (Rosenfeld, fusillé en 1936, sa première femme le fut en 1941, ses deux fils en 1937, sa seconde femme fut fusillée en 1937, son fils placé en orphelinat, plus tard réprimé, son frère, la femme et le fils de celui-ci furent également fusillés), le sang très mêlé et en partie juif V.I Lénine (tombé psychiquement malade), G.I Sokolnikov (Brilliant Girch Iankelevitch) (tué dans un isolateur politique sur ordre de Staline en 1939, on ne sait comment ont fini ses deux premières femmes, la troisième passa dix-huit ans dans les camps et en déportation, sa fille unique fut exilée avec sa mère.) I.V. Staline (sa femme s’est suicidée, son fils fut emprisonné de 1953 à 1961, fut libéré pour quatre mois) et L.D. Trotski (Bronstein Leïba Davidovitch) (tué sur ordre de Staline en 1940, sa femme fusillée en 1938, sa fille s’est suicidée, une de ses filles fut réprimée, un autre petit-fils fusillé (19 ans), encore une autre petite-fille a disparu sans laisser de traces, le fils de sa concubine fut fusillé en 1937, la femme d’un autre fils en 1938, un petit-fils disparut sans laisser de traces ne 1937).
De sorte qu’ainsi que l’exprime Prilepine, des « descendants d’artisans et de boutiquiers » on avait un choix complet dans la première composition du Politburo, et même sans compter Lénine, une pure majorité. Je rappellerai que les juifs constituaient environ 4% de la population de l’Empire russe.
Au sujet de la première composition du gouvernement soviétique, je dirai que sur ces 15 personnes, dix furent fusillées, quatre moururent  avant la grande terreur, et seul Staline survécut à tous. Question : qui est coupable de l’exécution de ces dix ? Et peut-on considérer comme un homme normal celui qui fusille presque tous ses camarades, et pas seulement de la première composition du gouvernement ? tous ceux qui furent fusillés étaient-ils des « ennemis du peuple » ? Et s’ils ne l’étaient pas tous, peut-on dire que Staline les a fusillés simplement parce qu’ils gênaient son pouvoir ?
Et je répondrai aussitôt à la question du camarade Prilepine que bien meilleur que le pouvoir de ces quinze et surtout celui de Staline qui les a tous conduits dans l’autre monde, était celui du seul Empereur de toutes les Russie, et même au pire, celui des « généraux-févralistes » aurait été mieux.
Je donnerai aux questions sur les nobles dans les rangs des bolcheviques et les experts militaires de l’Armée rouge une seule réponse pour des raisons pratiques.
La participation des nobles dans la révolution est particulièrement déplorable, en tant que violation de leur serment au tsar « de le servir fidèlement, sans épargner leur vie jusqu’à la dernière goutte de sang », sur l’Evangile et la Croix, mais le service dans les rangs des bolcheviques, c’est le summum de la bassesse, digne seulement de vauriens finis ou de lansquenets d’une grande légèreté.
La caractéristique « lansquenets d’une grande légèreté » convient particulièrement à la majorité des conseillers militaires soviétiques. J’illustrerai le mot « légèreté » par le destin des nobles et officiers cités par Prilepine, qui démontre avec éclat et mieux que n’importe quelles paroles combien la violation de leur serment ne leur a pas réussi, même à l’époque soviétique.
 Krestinski N.N. (fut fusillé en 1938, sa femme condamnée à 8 ans de camp, sa fille déportée), Kouïbychev V.V. (version officielle : mort subitement en 1936, sa seconde femme fusillée, son frère Kouïbychev N.V également, et lui-même est mort d’une façon très étrange, bien qu’il fût un alcoolique fini). Ordjonikidzé G.K. (version officielle, mort d’un infarctus en 1937, mais selon son épouse, il s’est tiré une balle, selon une autre version, on  l’a assassiné, fut arrêté puis fusillé l’un de ses frères, deux autres furent victimes des répressions) ; Blok A.A. (mort de faim à Petrograd en 1921 ! Il avait demandé à quitter l’Union Soviétique. Ayant reçu un refus, il brûla ses notes, cessa de se nourrir et mourut. Lounatcharski remarqua : « Nous avons tourmenté le poète au sens littéral, en ne le laissant pas partir et  en ne lui laissant pas d’autre part de conditions de vie décentes ») ; Brioussov était d’une famille de marchands, Maïakovski s’est tiré une balle dans la tête dans le pays soviétique en 1930 ; S.S Kamenev (il eut le temps de mourir en 1936, avant l’épuration dans l’armée. Mais juste après sa mort, sur la vague de l’épuration, il fut accusé de participation à un « complot militaro-fasciste ». S’il avait vécu jusque là, il aurait été obligatoirement fusillé) ; P.P. Lebedev (eut de même la chance de mourir en 1933).
La thèse de Prilepine selon laquelle « ce sont les blancs qui ont provoqué la guerre civile » est particulièrement absurde. Elle n’éveille que des questions, par exemple : y aurait-il eu une guerre civile, si les bolcheviques n’avaient pas fait la révolution d’octobre et n’avaient pas interdit les autres partis et les autres  moyens d’information de masse ? Qu’allons-nous faire du slogan léniniste « transformation de la guerre impérialiste en guerre civile » du temps de la guerre mondiale, n’est-il pas le vrai point de départ de la guerre civile, sa préméditation criminelle ?
L’article de Lénine « la défaite de notre gouvernement dans la guerre impérialiste » est consacré à l’élucidation de la signification de ce slogan. Et dans son œuvre « le socialisme et la guerre » (juillet-août 1915) cette pensée s’exprime ainsi : « La guerre a engendré sans aucun doute la crise la plus brutale et a aggravé incroyablement les malheurs des masses… Notre devoir est d’aider à la prise de conscience de ces états d’esprit, à les approfondir et à les mettre en forme. Le slogan de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile exprime correctement cet objectif, et toute lutte des classes subséquente pendant la guerre, toute tactique d’actions de masse sérieusement menée conduit inévitablement à cela ». ainsi Lénine conduisit consciemment le parti (dès 1915) à la guerre civile en Russie.
Ou bien l’ont-ils préméditée quand même les blancs quand ils se battaient alors sur le front pour leur patrie ? si le parti bolchevique dès 1915 avait formulé le début de la guerre civile comme son objectif de parti, alors que viennent faire là des épisodes attribués aux blancs en 1918 et caractérisés comme le début de la guerre civile ? Vous nous citerez  quelque document de 1914 appartenant à l’idéologie blanche ou à un général blanc où l’on se donnerait pour objectif le déclenchement d’une guerre civile en Russie ?
Au sujet des premières lois des bolcheviques qui ne portaient « aucun caractère répressif », je dirai seulement que la Tchéka fut formée dès le 20 décembre 1917. Et sans aucun idéalisme. C’était la famine, la terreur et beaucoup de sang écarlate, surtout du sang russe.
Au sujet du « rassemblement accéléré de l’Empire » par les bolcheviques. Le premier souci des bolcheviques après leur prise de pouvoir fut de proclamer la déclaration des droits des peuples de Russie. Après quoi commença la parade des souverainetés, sur la base des doits proclamés dans cette déclaration à la libre autodétermination, jusqu’à la séparation et à la création d’états indépendants.
Cette déclaration devint fatale non seulement pour les premières années du gouvernement bolchevique mais pour celles de la fin, détruisant l’Union Soviétique. Une autre idée bolchevique joua un rôle qui n’était pas moins destructeur, celle de l’union fédérative.  D’un état unique du peuple russe, l’Empire Russe, les communistes firent artificiellement une Fédération de formations nationales comme base de départ pour le lancement d’une révolution mondiale.
Devinrent des états indépendants le grand-duché de Finlande aussi bien que le royaume de Pologne, les territoires baltes, les gouvernements biélorusses et petits-russiens, les peuples du Caucase et d’Asie Centrale.
Mais il apparut bientôt que les bolcheviques, en parlant de liberté, cherchaient seulement la révolution mondiale et la destruction de tous les gouvernements nationaux. Toutes les libertés données aux peuples, Lénine s’efforça pratiquement tout de suite de les leur enlever.  On conduisit deux guerres avec la Finlande (défaites), une avec la Pologne (défaite), avec l’Estonie (défaite), avec chaque république caucasienne, l’Armée rouge se battit de nombreuses années au Turkestan.
Au sujet de l’effondrement de l’URSS une question se pose qui de ceux qui se trouvaient à Foros et dans la célèbre forêt de Biélorussie ne faisait pas partie du PCUS ? Ils étaient tous la chair de la chair du parti communiste, ils en avaient tous fait partie plus d’une décennie. Il est très possible qu’il y eut une espèce de dérive libérale ou de tendance dans leur rangs. Mais que nous importent à nous, gens sans parti, les nouveaux « boukharinistes », « zinovievistes » ou trotskistes, ils étaient de toutes façons communistes. Que nous importent les querelles communistes internes au parti ?
Ce sont les communistes, c’est vous, gens de gauche, qui avez perdu contre l’Occident la guerre froide, parce que vous étiez vous-mêmes un Occident de second choix. La contrefaçon avec des dogmes marxistes fut vaincue par l’Occident véritable et authentique. L’original est toujours mieux que la copie.
Et où étaient les détachements rouges pour la lutte contre les libéraux, qui nous avaient soi-disant pris le pouvoir soviétique ? Où eut lieu au moins une révolte communiste (et ne me parlez pas de 1993, quand pas un seul député communiste ne périt), où sont vos idéaux, pour lesquels il fallait alors donner sa vie ?
Bien sûr, les communistes n’ont pas « posé une bombe sous l’empire », pour mettre quelque chose sous l’empire, ils n’avaient pas la moelle, ces révolutionnaires professionnels, qui avaient consacré leur vie à leur lutte avec l’empire… Ils ont laissé passer même la révolution de février et sont arrivés en retard.
Tout le message de Zkhar Prilepine sur la bombe placée sous l’Empire, c’est juste une thèse commode pour le débat. On a toujours discuté sur le fait que Lénine et ses camarades, en construisant le globalisme soviétique, avaient posé une « bombe à retardement » en le bâtissant sur l’idée de l’autodétermination des peuples jusqu’à la séparation et celles de la structure fédérative de l’état.
Le fédéralisme et les républiques nationales au sein de l’Union Soviétique ont aidé les leaders soviétiques eux-mêmes de ces républiques soviétiques à renverser le pouvoir soviétique unique.
A la question de Prilepine « A qui faites-vous le plus confiance ? Au grand duc Romanov ou aux démocrates des années 1990 » ? je répondrais que je me fie davantage à Bounine qui écrivit que Lénine est « un dégénéré, un idiot moral de naissance.  Il a ruiné le plus grand pays du monde et a tué quelques millions de personnes… Et pourtant, le monde a à ce point déjà perdu l’esprit qu’ouvertement il débat pour savoir si c’était ou non un bienfaiteur de l’humanité ? »
La question de l’anathème je l’adresserai au certain degré d’honnêteté du camarade orthodoxe Prilepine. L’anathème du concile local de 1918 s’étend réellement à toutes les personnes de confession orthodoxe (Lénine aussi bien que Staline, en tant que baptisés dans l’Orthodoxie), qui ont participé aux persécutions contre l’Orthodoxie et aux massacres de gens innocents. Sous cet anathème tombent tous les bolcheviques, baptisés dans l’Orthodoxie, c’est-à-dire tous les bolcheviques d’origine russe.
Le patriarche Tikhon a-t-il ou non donné sa bénédiction à telles ou telles forces blanches n’a en fonction de l’anathème aucune importance. Si même on considère que les blancs n’avaient pas la bénédiction de l’Eglise pour leur combat (bien qu’ils eussent dans leurs rangs des évêques et des prêtres), les bolcheviques d’origine orthodoxe étaient incontestablement sous le coup d’un anathème, c’est-à-dire se trouvaient en dehors de l’Eglise et en dehors du salut. Rien que cela, pour n’importe quel Russe orthodoxe fidèle est suffisant pour ne pas être communiste et ne jamais soutenir cette idéologie antichristique et antirusse.
L’anathème des communistes pour la persécution de l’Orthodoxie et le meurtre de gens innocents, comme un héros de cinéma le dira à propos de son pistolet, l’emportera sur des centaines d’autres arguments. Il est vrai qu’il n’en sera ainsi qu’avec les orthodoxes…
Je dirai honnêtement que dans toute la diversité des questions liées à la révolution, aux bolcheviques et à la période soviétique la plus importante est celle-ci : peut-on être à la fois révolutionnaire, communiste et orthodoxe ?
Je désirerais définitivement élucider et ce faisant définitivement différencier dans la conscience de nos compatriotes de confession orthodoxe la voie du salut à travers l’Orthodoxie et la voie de la transformation révolutionnaire de notre société, la construction du « paradis » terrestre communiste.
La révolution de février, le coup d’état d’octobre et les soixante dix années soviétiques qui suivirent ont coûté excessivement cher, en premier lieu au peuple russe, mises à part les pertes humaines grandioses, les communistes ont presque anéanti l’Orthodoxie dans notre peuple, ont détruit l’énorme couche sociale fertile de la paysannerie (grâce à laquelle la population russe augmentait chaque siècle plusieurs fois) et le temps de leur règne, ont désappris aux gens à travailler, engendrer et élever des enfants, respecter les aînés et aimer leur Patrie, toute leur histoire millénaire.
Nous ne devons pas être fiers de nos chutes spirituelles et de nos erreurs sociales, mais en prendre conscience avec repentir et retourner dans le monde orthodoxe de la civilisation russe. Il est nécessaire de distinguer l’ivraie communiste et, avec l’aide de Dieu, de la séparer du bon grain orthodoxe de la Russie historique.


Mikhaïl Smoline

https://tsargrad.tv/articles/o-nezdeshnej-nenavisti-bolshevikov-ili-otvet-pisatelju-prilepinu_95280

mercredi 15 novembre 2017

A l’éternelle liturgie paysanne de la terre nourricière ils ont opposé le jeu de l’absurde.

Paysans de la région de Vologda
photo Sergueï Prokhoudine-Gorski 1907

En complément de mon article sur le négationnisme néocommuniste, j'aimerais proposer cet extrait de la "Civilisation Orthodoxe" d'Alexandre Panarine, consacré à la paysannerie et à la collectivisation, à l'intérieur d'une vaste analyse du destin de la Russie et des problèmes actuels de notre monde, de la société marchande et du globalisme. Ce livre pénétrant et difficile (très difficile à traduire) me paraît profondément vrai. Je l'avais traduit sur la commande d'un moine du mont Athos et m'aperçoit d'ailleurs qu'il me faudrait encore le recorriger.
Car dans cette affaire, ce n'est pas sur la noblesse ou ce qu'on appelle, à tort en Russie, où elle était très peu présente, la bourgeoisie, ni même sur la classe intellectuelle que je m'apitoie le plus, c'est sur la paysannerie, exactement comme chez nous, d'ailleurs. Naturellement, je suis scandalisée par le sort fait à la famille impériale et à de nombreux nobles et officiers. A de nombreux marchands, qui n'avaient pas du tout la mentalité du riche ou du bourgeois occidental, comme on le voit dans le livre de Chmeliov "l'été du Seigneur". A de nombreux artistes remarquables qui ont quasiment tous eu un sort tragique, qu'ils aient ou non marché dans la combine révolutionnaire, un peu, beaucoup ou passionnément. Il n'y a pas d'écrivain, de peintre, de musicien ni de cinéaste de l'époque qui n'ait eu de plus ou moins gros problèmes, je le vois à chaque fois que je tombe sur un article biographique: Essénine, Goumilev, Akhmatova, Blok, Boulgakov, le peintre Korine, Mandeslstam, Tsvetaïeva, la chanteuse populaire Lydia Rousslanova, le grand chirurgien saint Luc de Crimée, le père Pavel Florenski, esprit encyclopédique qui pouvait apporter tant de choses à son pays, et combien d'autres... Même Eisenstein est mort à temps. Leur implication dans les événements était variable et parfois nulle, mais je garde à l'esprit que beaucoup, dans ces classes là, ont adhéré à ce qui se passait, exactement comme aujourd'hui nos bobos et notre presse font notre malheur, et contribué à brouiller la cervelle de foules plus simples. 
Le paysan, c'est l'âme d'un pays, c'est sa mémoire, sa longue, très longue mémoire, et c'est sur lui qu'on s'est acharné, sur lui et sur le chrétien, c'est d'ailleurs en russe quasiment le même mot. Contrairement à la légende colportée par la propagande et reprise impudemment de nos jours, c'est toute la paysannerie et non pas le "koulak" des immondes caricatures destinées à donner un permis de spolier et d'affamer tranquille, qui fut l'objet de la "sollicitude" prolétarienne de tous ces amis de l'humanité à revolver.
J'ai entendu plusieurs fois des communistes me justifier cette politique en partant du principe que "les paysans ne comprenaient rien à la révolution".
J'ai lu un commentaire expliquant que "sans cela, les villes seraient mortes de faim". En dehors du fait que c'est complètement faux et qu'une paysannerie qu'on laisse tranquille est tout à fait capable de nourrir les villes, cela signifie qu'aux yeux des tenants de cette thèse, peu importait de faire mourir toutes les campagnes si l'on  sauvait les précieux citadins.
Enfin d'autres commentaires déclarent que l'on exécutait des traîtres et que c'était parfaitement normal.
C'est-à-dire que toute l'élite intellectuelle russe, non seulement en émigration, mais restée sur place souvent au péril de sa vie, et devenue "soviétique" par la force des choses, les Essénine, Blok, Akhmatova etc, méritait le sort souvent abominable qui lui a été fait, et avec elle, les chrétiens orthodoxes et les paysans, fort nombreux. Que de traîtres, en Russie, décidément!
Cette tournure d'esprit me glace le sang: est un traître toute personne qui n'épouse pas la cause. Et démontre qu'en effet, le patriarche Tikhon avait raison d'accuser les commissaires du peuple d'avoir divisé le pays, c'est bien ce qu'ils ont fait, et pour longtemps. Car on peut toujours pardonner ce qui a été commis, et même il le faut, mais comment pardonner à celui qui ne reconnaît pas ses crimes, les justifie et se déclare prêt à recommencer?
Alexandre Panarine est profondément antilibéral, comme moi, slavophile, comme moi, croyant, comme moi. Il n'est pas communiste, et décrit la perversité du marxisme et ses effets sur son pays avec une grande lucidité. Cependant, il pense que la Russie avait plus ou moins digéré cet affreux truc, que la vie y était devenue supportable et qu'il n'aurait pas fallu y toucher, dans la mesure où l'on se décidait enfin à foutre la paix aux croyants, c'est une opinion que je partage. Se débarrasser du communisme pour se retrouver la proie des apparatchiks devenus oligarques et des chacals occidentaux n'était pas forcément gagner au change.
Dans l'état actuel des choses, je verrais même d'un bon oeil une nationalisation de tout ce qui est d'intérêt collectif et national, et pas seulement en Russie. Le communisme, malgré l'agressivité et l'aveuglement de ses nostalgiques ne me paraît pas actuellement un danger, car le serpent du totalitarisme progressiste matérialiste a une fois de plus mué et l'a abandonné comme une vieille peau, pour prendre sa forme peut-être la plus dangereuse, celle du libéralisme mondialiste néoconservateur. C'est-à-dire plus simplement du pouvoir des mafias, suite logique de l'assassinat des peuples organiques et homogènes, de la destruction de leur mémoire, de leur culture originale et de leur spiritualité.

La vie est une fête de la totalisation sensuelle, de l’accouplement et de la pénétration mutuelle, de l’ouverture permanente. La mort, au contraire, est le passage de la réunion organique au stade inférieur de la division en éléments isolés- à l’intérieur d’un corps donné comme au sein de ses relations au monde extérieur. Toute la culture actuelle économico centriste du change est fondée sur les présomptions d’une action intentionnelle, convenue à l’avance et de pointe – sans stimulation matérielle garantie elle ne marche pas. En ce sens, c'est un éloignement de la vie, car cette dernière consiste en une activité spontanée, qui se déverse hors de ses limites, qui pousse à travers tous les obstacles. La paysannerie et son amour pour la terre représentaient une spontanéité de cet ordre.
Comparez l’ancien type paysan que les commissaires bolcheviques ont mis tant d’énergie à combattre – ces eunuques du harem appelé propriété socialiste, avec les nouveaux « agraires » auxquels nous avons affaire aujourd’hui.  Son drame est celui de la vie elle-même, que l’on a tranchée, tronquée, déracinée, stérilisée. Les commissaires ont adopté la technologie de l’absurde, et à l’éternelle liturgie paysanne de la terre nourricière ont opposé le jeu de l’absurde.
Au début, dans la période d’excédent, ils prenaient au paysan, qui venait de recevoir sa terre, toute sa récolte. Le travail devenait par là même absurde. Ensuite, dans la période de la collectivisation, les commissaires nécrophiles, sous les yeux des paysans, vouaient à sa perte le blé qu’ils leur avaient enlevé, en l’arrosant comme il convient. Le bétail confisqué mourait de faim dans les parcelles collectives, les récoltes confisquées pourrissaient ou brûlaient. Ce théâtre de l’absurde, organisé avec une sombre et mauvaise jubilation de nécrophiles devant la vie profanée dura des décennies.
On semait du lin, seulement pour le récolter à l’automne et le brûler. Au temps de « l’épopée du maïs », sous Khrouchtchev, des superficies de terre étaient dévastées pour être occupée par le « roi des champs » qui trompait la science et ne donnait rien. Après la famine monstrueuse des années 30, qui avait commencée à la suite de la collectivisation générale, le pouvoir décida de céder momentanément à « l’instinct de propriété ». On accorda aux paysans de misérables parcelles de jardin, moins de 1% des surfaces cultivables du pays. C’était un petit oasis de vie dans le royaume de la scholastique socialo-bureaucratique mortifère. Et cet oasis nourrissait de ses sucs le pays exsangue, fournissant près de 40% de toute la production agraire. Mais cette petite revanche suscita aussitôt l’agitation et la haine des eunuques du communisme, qui commencèrent à exiger pour chaque poule élevée, chaque arbre fruitier planté un impôt qui excédait des dizaines de fois le « bénéfice » possible du paysan.
Le foyer paysan misérable était isolé et bloqué par tous les efforts d’une armée mobilisée de surveillants-expropriateurs. Il était interdit de mener le bétail au pré, on ne pouvait faucher pour le nourrir que dans des endroits peu commodes, au hasard, près des ravins, et encore en cachette, avec les coups d’œil traqués qui accompagnent les pratiques illégales et honteuses.  La réaction rationnelle à cette censure omniprésente et qui ne connaissait pas la pitié envers les manifestations de la vie eût été de tout laisser tomber, de partir à la ville et de passer dans les rangs de la bureaucratie et de la technocratie victorieuses.
Beaucoup le firent. La différenciation socialiste distingue et oppose deux parties de la paysannerie : celle qui, à la vie et au travail de la terre réels a préféré le « travail du texte »- l’activité bruyante d’innombrables activistes des jeunesses communistes, des propagandistes, des agitateurs, des organisateurs, des agents de terrain, des contrôleurs – et celle qui est restée fidèle à la vie même du peuple et au-delà de cela, à l’ordre cosmique. Quelle force vitale, quelle énergie de l’éros fallait-il pour continuer, dans les circonstances de la nécrophilie inlassable des commissaires, son affaire de paysan, qui transforme le corps et la volonté en un organisme cosmique, en l’expression de la nature opprimée, assiégée par la technosphère !
Dans la logique de la modernité, on pourrait évaluer la différenciation de la paysannerie asservie et l’expliquer par les critères de la « mobilité sociale ».
S’en allaient à la ville, en quittant la terre pour toujours, les plus mobiles, les plus adaptables, les plus réactifs aux appels de la modernité avec toute son « école du succès » rationaliste. Mais une réflexion contemporaine plus mûre  nous découvre des secrets inaccessibles à la sociologie traditionnelle. Selon quelque critère supérieur, ceux qui restaient sur la terre devraient être reconnus comme les meilleurs conservateurs du feu cosmique chancelant qui répond de la continuation de notre existence.
La question de ce que la campagne a donné à la ville industrielle se pose d’une nouvelle façon.  Du point de vue du positivisme sociologique, elle lui a simplement donné la masse physique d’une nouvelle force de travail. Du point de vue de la nouvelle métaphysique du cosmisme, elle l’a gratifié du type d’homme que la ville actuelle n’est plus en état de former : celui qui apporte au monde l’offrande de son activité spontanée et désintéressée, de sa réceptivité et de sa curiosité  insatiables,  de son empathie et de sa participation, en un mot, de cette ouverture à la vie sans laquelle la production sociale n’est, au sens propre, pas possible. Car la production se fonde sur deux aspects :
1) sur l’ouverture des gens à la nature, au dialogue difficile et plein de sens auquel ils doivent être constamment prêts ;
2) sur l’ouverture  des uns aux autres, sans laquelle une coopération sociale quelque peu  développée et efficace n’est pas possible.
Aujourd’hui, nous sommes menacés par une véritable paralysie de la production sociale.
La domination du paradigme de Saussure,- la séparation du signifié et du signifiant, est le signe d’une phase nouvelle et inattendue des relations entre la nature et la culture. La maladie de la naturophobie prends le dessus sur la culture, elle ne se sent déjà plus les forces de « lutter avec la nature » et de répondre à ses défis par les exploits de nouvelles découvertes fondamentales, découvertes ou révélations artistiques.

La nouvelle culture, qui s’isole elle-même et craint de goûter à tout ce qui est primordial, cosmique et naturel, passe sa commande sociale à la technique : isoler la personnalité du milieu naturel et de toutes dépendances naturelles, la faire entrer entièrement dans un texte artificiellement construit. Comme l’écrit V. Koutyriev, « il faut regarder la vérité dans les yeux : la partie « d’avant-garde », progressiste de l’humanité se transforme en matériau de base du monde informatique et s’apprête, comme l’y invitait l’académicien V. Glouchkov », à « entrer dans la machine ». 

Alexandre Panarine, la Civilisation Orthodoxe, chapitre II


mardi 14 novembre 2017

Des oiseaux à l'aube

Je pensais aujourd'hui à quelqu'un de profondément perdu, qu'on ne sait plus par quel bout attraper. et qui finit sa vie dans le malheur. Le salut ne serait pourtant pas loin, à Solan, où le père Elisée en a exposé le mode d’emploi. A vrai dire, je ne me presse pas trop non plus de faire le mien pour de bon,  et de franchir les stades nécessaires, à commencer par fuir la politique sur facebook autant que possible et à prier pour le tsar qui cherche ma chaleur du fond de nulle part. Je suis certaine que cette âme m’a suivie toute ma vie, gardée en réserve, et que maintenant, il me faut prier pour elle et pour la mienne. Mais avec l’aide de Dieu, car je n’en suis pas du tout capable, pas du tout capable, j’appelle Dieu au secours chaque jour. Nous ne sommes capables de rien, dit le père Elisée, il faut le savoir. Bien sûr, j’ai fait le livre, mais si Fédia en est quelque peu réhabilité, peut-être même trop, je ne suis pas sûre que ce soit le cas pour le tsar, en tous cas pas aux yeux de mes lecteurs ! Pourtant, je l’aime, si atroce qu’il fût parfois, j’ai de la fascination et de la compassion pour lui, comme Fédia lui-même. Fédia aussi s’est accroché à moi, je les ai aimés tous les deux, mais Fédia peut-être plutôt comme un frère ou comme mon double. Fédia, je l'ai sans doute trop absous, peut-être parce qu'étant mon double, il ne pouvait pas être dénué d'empathie. Est-ce compatible, peut-on garder une capacité d'empathie qui ne veut pas disparaître et commettre des choses terribles par la force des événements? Le livre s'est constitué de cette manière et je n'en ai pas eu le contrôle absolu... Après tout, c'est une sorte de conte.
Je suis sortie ce matin par un mistral violent qui chassait de petits nuages blancs et touffus au travers d’un champ noir de grosses étoiles, brillantes et miroitantes. Ces étoiles du midi, ces étoiles des nuits de mistral, je les regardais de mon hamac à Cavillargues, ou en sortant des agrypnies du monastère de Solan.  Elles sont si calmes et si présentes, elles jettent avec tant de force leurs rayons dans les ténèbres, de très petits anges à leurs postes lointains qui nous sembleraient trop énormes si on les voyait de près.
Hier, Claire m'a montré son chef d’œuvre de broderie, son exploit spirituel, le linceul du Christ pour les vendredis saints du monastère de Solan. Elle y travaille depuis plusieurs années, au tout petit point comme au  moyen âge, comme dans les ateliers de la tsarine Anastasia. Le linceul représente le déploration du Christ, avec des anges et les quatre évangélistes. Une fois il a brûlé en partie, une autre fois, on en a volé un détail. J'avais une amie iconographe qui me disait que le diable s'acharnait sur elle chaque fois qu'elle peignait une nouvelle icône.
Elle m'a montré des livres qu'on lui a offerts et qui rassemblent des icônes catholiques, dont on sent tout de suite qu'elles sont catholiques, selon l'expression du père Barsanuphe, elles ne sont pas dans l'Esprit: il n'y a pas derrière toute la structure théologique, la liturgie où l'icône prend sa place, l'icône n'étant pas un ensemble de trucs iconographiques et de "symboles", mais un élément constitutif de notre Eglise visible et invisible, passée et présente, dont les églises matérielles et ce qu'elles comportent sont l'image, comme notre église neuve de Solan, qui a été bâtie dans l'Esprit, justement, non par un architecte profane mais par une communauté de croyants.Elle.m’a paru dimanche encore plus belle que la dernière fois, les chants y résonnent si bien, on dirait que tout l’espace intérieur prie avec nous. J’ai dit à la mère Hypandia qui me demandait comment j’allais : «Je reste spirituellement attachée à Solan…
- Ce n’est rien, Laurence, au plan de l’invisible, nous sommes toujours tous ensemble. »
A l'aller, je me suis arrêtée pour dire mes prières, le soleil se levait sur le Ventoux, et j'entendais les oiseaux, que l'on n'entend déjà plus à Pereslavl, des oiseaux discrets qui voient arriver l'hiver et répandent de légers scintillements sonores entrecroisés. Au retour, j’étais hypnotisée par les reflets somptueux et les vibrations des peupliers d’or et d’argent et des vignes qui rougeoyaient dans la lumière comme autant de buissons ardents à la combustion exubérante, le long des oliviers bleus et des cyprès bruns… Je pensais à mes longues promenades en toutes saisons avec Jules, puis Doggie, à mes prières dans le vent, ce joyeux mistral qui accompagnait mon enfance de son pas capricieux et puissant de cheval lâché.
Le soleil se lève sur le Ventoux