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samedi 29 juillet 2017

Course à l'abîme

Mon amie Dany m’écrit à propos de la clique de Bruxelles, les compradores de l'UE : « Quand ils vont commencer à reculer, il y aura un grand précipice derrière eux! »
Cela m’a fait penser à la course à l’abîme de la Damnation de Faust, que me faisait écouter un ami mélomane et qui m’impressionnait beaucoup. Je lui ai donc envoyé un dessin animé sur ce passage et je l’ai réécouté pour la première fois depuis… trente ans, quarante ans ? J’ai perdu le goût de l’opéra, mais je l’ai beaucoup aimé. J’ai perdu le goût des voix artificielles et de ce que l’on écoute en s’ennuyant un peu dans un fauteuil inconfortable, devant une scène, alors que l’ensemble des gens ne font plus aucune musique. Mais c’est beau, puissant, cela parle à l’imagination, cela vient d’une certaine manière, du fond du moyen âge, mais avec une emphase étrange, une emphase démoniaque. La course à l’abîme. Nous y courons tous, à l’abîme, dans le vacarme de nos musiques dégénérées et de nos machines tonitruantes et nous n’entendons plus que par bouffées, parfois, le chant discret des anges, et la cloche qui un moment, un court instant, arrête Faust dans sa course mais hop, hop, elle reprend, de plus en plus sinistre, vers l’abîme irrémédiable. Dans la foulée, je me suis souvenue d’un autre Méphistophélès, c’était celui de… voyons ? Ah oui, Busoni. Ce même ami mélomane m’avait fait écouter cette apparition d’un Méphisophélès qui n’avait rien du guignol à cornes et à collant rouge qu’on voit ricaner dans le Faust de Gounod. C’était un esprit à la voix suraiguë, inhumaine, qu’on voyait apparaître dans un tumulte de cristaux noirs, du moins c’est ainsi que je me l’étais représenté en écoutant ce morceau, lorsque j’avais… dix-huit ans ? Vingt ans ?
Je suis allée sur youtube essayer de trouver ce Méphistophélès. Il me faudrait écouter tout l’opéra, car on n’a pas isolé ce moment de l’apparition, dommage, et je ne sais pas où elle est située. Et du reste, peut-être ne la reconnaîtrais-je pas telle que j’en ai conservé la vision. J’ai écouté un extrait d’une demie heure : une musique de la fin du XIX° siècle, étrange, envoûtante, un peu désaccordée, avec cette emphase, cette emphase un peu psychotique, et tout à coup j’ai pensé à Wagner, aux sortilèges de Wagner, que j’ai tant aimé, oui, précisément des sortilèges et des envoûtements. Et après tous ces enchantements raffinés, passionnés et puissants, voilà que la musique a commencé à se briser, à devenir discordante et de plus en plus difficile, de plus en plus sinistre aussi, et on ne l’a plus entendue que dans des cercles très restreints. Tandis que parallèlement, nous inondait le jazz, c’est sympa le jazz, mais ce n’est pas vraiment notre truc, et voilà que nos campagnes ont cessé de bruire et de chanter, que les rues se sont emplies d’une musique « gaie », vulgaire, primitive, obsédante, partout, dans les magasins, les fêtes votives, une musique fabriquée comme tout le reste en usine, et comme tout le reste tonitruante et abrutissante, notre danse macabre est devenue somnambule, frénétique, hagarde. C’est la course à l’abîme. Le tohu-bohu des illusions, des désirs toujours plus tyranniques et plus insatisfaits. Où est passé Wagner ? Où sont Berlioz, Busoni ? Sur quoi ont débouché toute cette emphase et tous ces sortilèges, quand avons-nous perdu la mesure et le sol sous nos pieds ? A quel moment de l’histoire ?
Je me suis prise de passion pour le chant traditionnel russe, car il ne demande que la voix de l’homme ou de simples instruments de terre ou de bois, et qu’il est plein de vent, d’espace, d’eau courante, de prés et de forêts. Et voici que je trouve sur Facebook ce chant gallois, avec ce merveilleux langage ruisselant et presque disparu qui me rappelle celui des elfes de Tolkien, ce chant pur et simple, venu du fond de nos âges, de nos âges à nous. De ce moment où nous vivions les pieds dans la terre et la tête dans le ciel et où les chants perdus circulaient de l’un à l’autre comme des anges, notre humble et profond trésor, méprisé à l’égal de la fleur des champs et des animaux sauvages. Quand tout le monde chantait, quand tout le monde dansait, à tout moment, au champ avec les vaches, au lavoir, à l’église, au marché. Quand les salles de concert n’existaient pas. Et pas non plus les machines tonitruantes, ni tout le grand tohu-bohu factice de Méphistophélès qui nous mène à l’abîme.










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