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lundi 23 décembre 2024

Les petits Jésus de cire

 


Comme d’habitude, j’ai eu du mal à me traîner à l’église, et j’ai manqué les vigiles, la veille. Je vais à la liturgie de l’aube chantante, c’est plus rapide, il y a moins de monde, l’acoustique est meilleure. Je n’avais pas grand chose à confesser car j’ai communié il y a trois jours. Mais j’y suis allée quand même, pour ne pas traumatiser le père Alexeï, et j’ai oublié de lui dire le seul truc qui me tracassait vraiment, d’avoir manqué les vigiles la veille. 

Quand je suis sortie, le ciel commençait à peine à s'éclairer, derrière les coupoles.

C’était l’évêque qui officiait. Me voyant, au moment des prières de remerciements, avec le petit bouquin du père Placide, il s’est exclamé, ravi : « Oh mais que vois-je ? Vous avez la traduction française !

- Eh oui, monseigneur, je ne comprends rien, quand on lit vite. »

En me donnant sa bénédiction, il m’a dit qu’il avait honte de ne pas parler français, je lui ai répondu que je pouvais lui donner des cours, mais il n’aura jamais le temps.


J’éprouve une immense lassitude morale, et la fréquentation de l'église, dans ce contexte, est une nécessité vitale, quelle que soit ma flemme. Nicolas Bonnal dit que « Poutine a tué 500 000 Ukrainiens, et que les prorusses s’en réjouissent ». Moi, je ne me réjouis pas du tout, et  ce n’est pas Poutine qui a tué ces soldats, mais leur gouvernement ukrobolchevique à folklore nazi et ses parrains anglosaxons qui l’ont acculé à la guerre et ont tout fait pour la prolonger et faire périr un maximum de gens des deux côtés. Le gouvernement russe a au moins essayé d’épargner les civils, qui sont systématiquement la cible de l’OTAN et de son proxy. Cela dit, la trahison est partout, la vilenie, les combines, la corruption, l’hypocrisie, tout cela sévit aussi à l’arrière chez nous. Nicolas me donne parfois l’impression de se réjouir de tout ce qui peut confirmer ses vues les plus pessimistes, et en particulier des revers réels et supposés de la Russie. Or si la Russie bascule complètement du mauvais côté, il n'y aura plus de place sur terre ni pour Nicolas, ni pour Slobodan, ni pour Dany et Iouri, ni pour moi, ni pour aucun être humain normal. Voir ce qui se passe en Ukraine, en Syrie et en Palestine.

Je vois tous les jours de déchirantes histoires d’animaux, dans les régions en guerre, bien sûr, mais surtout sur Pereslavl même. Dans les régions en guerre, beaucoup de soldats s'impliquent dans le sauvetage des malheureux quadrupèdes qui parfois même retrouvent leurs familles. Ici, les gens balancent des animaux domestiques dans les stations services, dans la forêt, dans des villages où il n’y a personne, des chats et des chiens qui étaient en appartement se retrouvent dans la neige, sur la glace, abandonnés, affamés, affolés, suppliants des yeux et des pattes, c’est monstrueux. Certains s’indignent de l’attention portée à toute cette innocente et injustifiable misère par des personnes comme moi, et malheureusement parmi eux, des orthodoxes et même des prêtres. Eh bien j’estime que secourir les victimes de notre indifférence, de notre irresponsabilité, de notre cupidité et de notre sadisme allègera un peu la facture de notre méprisable et indigne espèce, le jour peut-être assez proche du Jugement.

Personnellement, j’ai mon contingent de gentils parasites, et je ne suis plus de première jeunesse, je ne suis pas sûre d’avoir encore l’espérance de vie d’un chat. Je me sens parfois terriblement mal de ne pas recueillir un de ces malheureux. Mais c’est par dizaines que leurs photos défilent sur les sites des bénévoles, et que ces paires d’yeux nous implorent ou, pire, attendent avec une enfantine confiance que nous fassions quelque chose pour eux. Si je les prenais au rythme où je les vois, j'en aurais déjà un véritable troupeau...


Merci Annie Duperey

J’ai vu deux photos d’un quartier de Moscou, avant, après. C’est à pleurer, surtout quand on pense à l’échelle fantasmagorique des destructions qui ont eu lieu partout. Mais un joyeux communiste, en tous points semblables aux petits komsomols que j’ai connus dans les années soixante-dix, s’écrie dans les commentaires que c’est parfaitement normal, c’est la vie, tout change, vive le neuf, à bas le vieux, "du passé faisons table rase". « Le problème, lui ai-je répondu, c’est qu’à la place du vieux, vous n’avez construit et ne continuez à construire que du moche, du triste, du désespérant. Le problème est que vous ne sachiez plus faire la différence. Vos « nouveaux paramètres » sont le reflet d'un racornissement de l'âme. L’ancien quartier était humain, harmonieux et pittoresque. Le nouveau ne donne envie ni de le dessiner ni d'y habiter. »

Moins il reste d’âme aux imbéciles plus ils sont actifs, agressifs et sans complexes. Forcément, l'âme, c'est parfois bien douloureux et lourd à porter, s'en passer est plus simple. Du moins en ce monde.



Ici, c'est la ville de Iouriev-Polski qui, pourtant, en comparaison de Pereslavl, a conservé beaucoup de son charme passé, mais cette vieille photo fait entrevoir la beauté absolument fantastique que nous avons perdue, et que nous avons perdue partout. La danse des vandales sur les ruines, avec cris de triomphe et autojustification péremptoire, me paraît de plus en plus revêtir un caractère satanique, qu'ils en aient ou non conscience.



 Avec la venue de Noël, je repasse la tradition qui s'y rapporte, du moins celle que je connais. Malheureusement, je n'ai pas de crèche ici. En l'honneur de cette fête, j'ai mis en ligne deux chansons composées dans cet esprit, il y a déjà longtemps. Je les chante ensemble, parce que l'une me paraît le prolongement de l'autre. Sans doute à cause du musée d'art sacré de Pont-Saint-Esprit...



 

 

2 commentaires:

  1. Je ne sais si mon commentaire parviendra à la publication… il y en a tellement qui n’y sont pas parvenus que je me demande si ça vaut le coup de le faire. Bref, je crois à propos de Nicolas Bonnal qui ne me connait ni que je connais — mais dont je me suis à une époque senti proche par son parcours idéologique — que l’amour provoque si ce n’est la cécité, du moins fait naître et développe chez l’amoureux un intérêt privilégié, un amour même et une valorisation de la terre, de la langue et de la culture d’origine de l’aimée qui est peut-être un peu systématique voire sans nuances. J’ai expérimenté cela avec ma première épouse slovaco-cévenole et la seconde alsacienne… C’est pourquoi j’acquiesce à tes positions Laurence à propos de « si la Russie bascule… »

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    1. Maxime, je ne comprends pas ce qui arrive à tes commentaires, celui-ci m'est arrivé sans problèmes... et je n'en ai supprimé aucun!

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