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dimanche 2 mai 2021

Christ est ressuscité!

Aux matines de pâques, il y avait énormément de monde. J'ai rencontré Katia qui s'est réjouie: "Ah quand même, quelqu'un que je connais!" Nous avons évoqué la Pâques covidée de l'année dernière, son ambiance clandestine, avec une poignée de résistants qui se répartissaient dans les églises de la ville pour ne pas exaspérer les autorités, et là, l'église était bondée, avec quelques concombres masqués qui s'obstinaient à prolonger le carnaval d'Ensor. Il paraît qu'à Moscou circulaient encore les consignes de mascarade. Evidemment, beaucoup de ces gens étaient là en touristes, et ils faisaient du bruit. Pâques met toujours en présence les Russes de la sainte Russie et les post-soviétiques du mondialisme qui visitent les offices comme des musées. Mais cela ne me touchait pas, j'avais l'impression de ne pas être dans le même espace-temps, ce qui en réalité est le cas. Je suis partie sans assister à la liturgie, j'ai reporté cela au lendemain matin, et j'ai bien fait. Car je me serais entêtée sur mes jambes douloureuses au milieu de la foule que je n'en aurais pas retiré beaucoup de joie spirituelle, et l'office que j'ai eu ce matin était si beau, et si touchant. Il avait lieu dans l'église voisine qui n'est qu'à moitié en service, avec des vieilles impotentes dans mon genre, et des familles, mais des familles qui s'occupent de leurs gosses, au lieu de les laisser courir et brailler. Un seul prêtre, le père Vassili, qui vient d'Ukraine, un petit bonhomme très fervent et très bon. Le choeur chantait avec sobriété. Les gens se conduisaient comme s'ils étaient tous apparentés, échangeant des sourires et des embrassades. Une maman m'a offert un petit koulitch qu'elle avait confectionné elle-même. Les grands-mères me faisaient place sur leur banc avec des sourires. 
J'ai revu sur place les gens qui ont acheté ma datcha de Krasnoié, avec leurs nombreux enfants. Ils vont rajouter un étage à ma pauvre isba, dont j'avais respecté le style et fait un îlot de beauté... Mais que dire? D'un autre côté, d'après ce qu'ils m'avaient confié à l'époque, sans moi, ils n'auraient pas pu se loger. Ils sont orthodoxes, moralement d'aplomb, et ils font des tas de gosses élevés dans le même esprit.
Malgré les destructions opérées à Pereslavl, et la consternante bêtise de certaines réactions, je me sens chez moi parmi ces gens, je me sens même aimée. Les Russes sont extrêmement attachants en ce sens que l'amour qu'on leur porte nous revient décuplé. A l'issue de ce carême difficile, à l'ombre de manoeuvres mondiales ténébreuses qui nous menacent tous, cette Pâque me semblait encourageante, réconfortante celle de la fraternité, de la nécessaire communion avec ceux qui ici, partagent ma foi, mais pas seulement. J'avais beaucoup d'images de Solan dans la tête, et la beauté des offices byzantins auxquels je participais là bas. Quand je suis rentrée chez moi, la nuit, le ciel était, pour une fois, plein d'étoiles, comme à Solan, justement. Il est rare qu'il soit ici suffisemment dégagé pour que je les vois, et en plus, la bâtisse du voisin me cache désormais une bonne partie des spectacles célestes. 
Pendant la procession, au pied de la belle église de la Transfiguration où Alexandre Nevski a été baptisé, Katia a filmé une petite vidéo. J'avais oublié mon téléphone, et nous nous étions arrêtées, car je traînais la patte et les trottoirs de Pereslavl la nuit, c'est traître, je n'avais pas envie de me retrouver encore avec un oeil au beurre noir, et je ne sais pas pourquoi, les processions se font toujours au pas de course... 


Je rajoute une vidéo de mon père Valentin à Moscou, dans son église, et du père Basile à Tcheboksary. 




La veille de Pâques est morte dans son sommeil mon amie Marie Gestkoff, avec qui j'étais allée voir ce même père Basile, il y a six ou sept ans. Marie était partie pour la Russie de ses ancêtres à 62 ans, avec sa voiture et les souvenirs et affaires qu'elle avait pu y faire rentrer, dans l'intention d'y finir ses jours. La frontière franchie, elle conduisait en évoquant ses parents: "Papa, maman! Je suis en Russie!" Elle a vécu à Moscou des années de façon illégale, avant qu'un prêtre ne lui obtienne un passeport russe. 

Nous voici ensemble à Tcheboksary, avec le père Basile:





J'ai fait prier pour cette adorable femme à la liturgie de Pâques. Elle reposera dans la terre russe qu'elle avait rejointe avec tant de décision, et d'audace.

2 commentaires:

  1. Merci, encore une fois pour cette belle chronique de Pâques, accompagnée de trois vidéos, qui m'ont permis de "vivre" une veillée pascale que nous, ici, en France, n'avons pu vivre en raison du confinement. Ici, à Quimper, nous avons vécu une "veillée" transportée à 9 h, du matin. J'ai l'impression que vous êtes plus optimiste, et j'en suis heureux. Ce matin, j'ai vécu pour la première fois cette belle fête de la Pâques orthodoxe. Notre chapelle était comble ; j'ai l'impression que, même en Bretagne, il y a, à présent, une dynamique pour l'orthodoxie. Elle provient du charisme de notre prêtre, mais pas seulement. Bien sûr, la diaspora orthodoxe des pays de l'Est était présente, mais aussi des "convertis" du catholicisme et des personnes (des familles) venues de la société grandement sécularisée. Oui, il se passe quelque chose... Christ est ressuscité, en vérité il est ressuscité ! Je vous souhaite une belle Semaine lumineuse. André Baron

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  2. Merci,Laurence ici aussi il se passe quelque chose,j'allais à l’église "à reculons",à cause des consignes de mascarade et puis en fait tout fut lumineux .Tout est rempli de beauté et de lumière, tout est transfiguré, toute angoisse, solitude et tristesse fondent comme de la cire devant la face du feu ,le Christ est ressuscité en vérité il est ressuscité!

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