Débarquement de Génia le balalaiker. Le temps aujourd'hui était idéal, ensoleillé, venteux, vivifiant, sans moustiques. Romane le cosaque a attaqué la confection de la clôture. Je jouais des gousli dans le jardin, en regardant bouger les feuilles, et chatoyer la lumière au travers de leurs dentelles, et des fleurs qui commencent à apparaître. Les chats et Rita se répartissaient autour de moi, à divers endroits, Blackos, Georgette, Moustachon, le petit Robert, qui n'a eu que la rue à traverser pour passer de l'enfer au paradis; et le chat de la mère de Génia, dont je n'avais vraiment pas besoin, et qui s'obstine à venir me trouver.
Génia m'a rejointe avec sa balalaïka. Il m'a dit; "Je sais ce qui ne va pas avec toi, tu as dans la tête la musique occidentale qui met tout au carré, et les musiques traditionnelles font dans la nuance. Mais joue!" Il s'est mis à jouer de son côté, pour m'accompagner, et me donner le rythme, et cela s'est prolongé un bon moment, je me laissais embarquer. Ce qui me perturbait par instants, c'était le passage de camions puants qui se rendaient dans le marécage pour y déverser encore et toujours des tonnes de glaise. Dès que j'oubliais les camions, et revenais aux gousli, au vent, aux lumières et aux fleurs, je rattrapais Génia, et tout se passait bien.
Romane alignait les planches bleues de la clôture, et je me disais: "Au dehors, tout est défiguré, les requins guettent le lac, le voisin a détruit tout son terrain, enseveli tout ce qui y vivait, les camions passent les uns après les autres, mais à l'intérieur de la clôture bleue, tout reste vivant, les chats y vont et viennent, les oiseaux, les insectes, les "mauvaises herbes" et les roseaux côtoient les arbustes et les fleurs. A cause des dégâts causés à la nappe, tes deux poiriers et ton pommier sont en train de mourir, mais tu vas essayer de faire pousser dessus une vigne vierge, pour conserver de l'ombre, et ce sera même assez joli, en automne, ce dôme de feuilles écarlates. Le cancer de la modernité détruit absolument tout, mais tu représentes une partie du tissu sain de l'univers, tu mets de la beauté et de la musique autour de toi. De la vie".
Romane à l'oeuvre. |
moi je fais l'inspecteur des travaux finis…. |
La veille, je suis allée au bord de la rivière Troubej, où les cosaques locaux se réunissaient pour chanter. L'accordéoniste m'a serrée sur son coeur en me demandant de mes nouvelles. "Ca va, mais je suis très affligée par ce qui se passe dans le monde en général et à Pereslav en particulier, on détruit tout; tout devient hideux, vulgaire, stupide et dément.
- Mais nous devons résister! Nous devons à notre niveau, faire tout ce que nous pouvons pour résister, et par exemple, nous réunir, et jouer de la musique, et faire la démonstration que nous pouvons vivre autrement, dans la foi, l'honneur, le bonheur familial, l'amour de la patrie, le respect de ce qui nous entoure, c'est là notre mission!
- Oui, oui, bien sûr, et c'est ce que j'essaie de faire! Je le disais justement à Romane aujourd'hui, les cosaques vivaient traditionnellement aux frontières, quand le danger venait de l'extérieur, mais à présent, c'est à l'intérieur qu'il se situe, il est transversal à tous les pays du monde, et donc, l'important est de préserver l'esprit, là où Dieu nous dépose!"
Et que cette petite réunion était sympathique! Je pensais à la France et ses concombres masqués traqués par un gouvernement de malfaisants déchaînés, ici, au moins, on peut se réunir, chanter, sans masque, sans surveillance permanente. Des jeunes filles ont fait la danse du sabre, ce qui n'est en principe pas l'affaire des jeunes filles, mais des jeunes hommes. Après les chants folkloriques et guerriers, on a chanté Victor Tsoï, le Jim Morrisson russe, à la grande joie d'un jeune couple qui avait l'air passablement défoncé, d'ailleurs. Deux ivrognes de passage ont dansé, à la russe, sur l'estrade, et pas mal, la mémoire, peut-être génétique, leur revenait. Des paires se sont formées, à leur suite, deux copines, un père et sa fille, un jeune homme et une jeune fille... Oui, il a raison, l'accordéoniste, nous ne perdons pas notre temps. Un homme m'a même remerciée de chanter ce que tout le monde a tendance à oublier.
Olia la femme de Romane |
Bonsoir Laurence,
RépondreSupprimerJe suis tombée, aujourd'hui, sur ce petit texte du Père Maurice Zundel :
"Il faut donc absolument renverser toutes les perspectives. Ce n'est pas nous qu'il faut sauver, c'est Dieu ! Il faut le sauver de nous-mêmes, comme il faut sauver la musique de notre bruit, comme il faut sauver la vérité de nos fanatismes, comme il faut sauver l'amour de notre possession".
Amicalement
C'est beau!
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=sEtfdxmkn5A Бордо, Франция, Саха, Якутия и Болгария. Что общего?
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