J’ai commencé le traitement, mais j’ai du mal à digérer tous ces médicaments. De plus, l’un d’eux me fait chuter la tension, l’urologue m’avait prévenue et dit de boire du café, mais il me faudrait me bourrer de café toute la journée. Marcher beaucoup, par un temps affreux, quand on n’a plus de tension, ce n’est pas simple.Et puis j’essaierai de danser, pour faire descendre les pierres. J’irai faire un tour, aussi, mais il y a de l’eau et de la boue partout, dans les bottes en caoutchouc, on a froid, dans les bottes d’hiver, trop chaud. Ce qui est bien, c'est le jardinage, je prends les mêmes positions que pour laver les sols, et je fais beaucoup d'allées et venues dans tout le jardin. J'ai déterré des topinambours...
Je vais mieux, mais dès que j’ai mal quelque
part, et j’ai mal partout, je commence à me faire du souci. Je suis allée à la
lecture de leurs vers que faisaient Natacha et Kostia dans le sous-sol du café
français. C’est désormais une galerie, "Liès", la forêt, où expose un peintre
local, Pacha Morozov. Ses tableaux peuvent paraître quelque peu brouillons, mais ils
ont une luminosité et une présence étonnantes quand on les regarde
attentivement. Une amie de Natacha était venue de Moscou pour chanter, elle
s’accompagnait au piano électronique. Il y avait du monde, pour une soirée
poétique. C’était chaleureux. J’étais loin de tout comprendre, mais j’en
captais assez pour voir que les vers étaient bons. Ceux de Natacha sont comme
une petite musique de la vie, qui sourd avec simplicité et naturel, et débouche sur le mystère et la ferveur. Ceux de Kostia scandés, martelés, passionnés, incantatoires. La
différence de rythme et d’atmosphère entre les deux poètes est remarquable.
Dans quinze jours, ils veulent faire une soirée française, avec ma participation. Kostia lira en russe des poèmes français classiques que je lirai en version originale. Je chanterai mes propres chansons. Enfin si j’en suis capable. Dans dix jours, je verrai où j’en suis avec mes cailloux, et puis il me faut répéter les chansons...
La correctrice Nina m’a envoyé encore un paquet de
50 pages, elle en est au début de la troisième partie. Elle me dit qu’il n’y a
rien de ridicule dans Yarilo, que ce que le livre a de français, c’est plutôt sa
manière, et qu’il y a des scènes très fortes, celle où le fol en Christ Basile
apparaît à Fédia et sa femme, l'entretien du tsar et du petit tsarévitch
Feodor. Et enfin que la fin est remarquable, avec la vie du héros qui "s’éteint
dans les chants liturgiques", et le tsar qui « vient contempler le tas de
cendres dont il est responsable».
Elle a des trouvailles dans les dialogues, et
elle remet tout à sa place, par rapport au texte français. Je sens d’ailleurs
qu’elle a commencé à accrocher au livre, qu’elle l’ait lu jusqu’à la fin en est
un signe.
De son patron pas de nouvelles, je
ne l’intéresse plus depuis que j’ai refusé de continuer Epitaphe avec lui, et
de reprendre Yarilo de la même manière, ce qui aurait pris deux ans et m'aurait coûté je ne sais combien. Quand je pense qu’il l’a caractérisé de
conte dans l’esprit du tsar Saltan avec beaucoup de dorures ! Alors que
finalement, j’ai écrit sobrement, et s’il y a parfois de l’humour, de la
poésie, de la couleur locale, c’est un livre profondément tragique, et actuel. Mais il l'a à peine survolé...
Enfin ce qu’il m’importe, c’est que tout soit
rapidement achevé. Avec la dictature sanitaire qu’on essaie d’installer en
Russie, je risque de ne pas être en mesure d’aller faire des présentations à
Moscou. Encore que d’avoir été malade me donne un sauf-conduit de six mois, merci mon Dieu.
tableaux de Pacha Morozov |
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