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dimanche 10 juillet 2022

Bain de bonheur

 

lune rousse

Le frère de Nounours, celui qui est chez Ania, est vraiment bien tombé, Ania et son mari voient leur ado s'émanciper, et le chien va leur servir de substitut, ils l'adorent. Aliocha l'a nommé Tsézar, César. César, ça ferait très chien rural français, mon beau-père a eu un cocker ombrageux qui portait ce nom, dans les années 60. La prononciation russe donne un autre caractère, bien sûr. Le voisin Sacha appelle Nounours Noursik...

Avec Tsézar, nous sommes allées chez Nadia la chevrière chercher des pieds de mélisse et du fromage maison. Elle nous a submergées de ses productions avec une bonté bougonne. Je regardais sa modeste maison, reconstruite après l'incendie, son potager abondant, je sais qu'elle n'a pas eu la vie facile, et pourtant, elle respire la sérénité, écrit des poèmes, tient un journal et bénit chaque jour le Créateur de lui offrir de splendides couchers de soleil qu'elle regarde avec ses chèvres. Est-elle heureuse ou malheureuse? Elle vit...

Il me faut absolument aller tous les jours à la rivière, car c'est un bain de bonheur. C'est beau, paisible, j'étais captivée par les tout petits nuages parfaits que le lac exhalait par bouffées, leurs liserés gris et roses, leur volume tendre, ces petites pensées enfantines, nées d'une surface bleue et lisse où glissent des pêcheurs amicaux . Et puis ces fleurs aquatiques d'un jaune gras et joyeux où s'ébattent les canards, l'église en pain d'épices, les feuillages liquides et brillants des saules, les flâneurs sur la promenade en béton qu'ornent des croix de place en place... mon âme s'épanouit et devient bienveillante à la terre entière, elle s'emplit de reconnaissance envers Dieu qui lui offre toutes ces joies en sa fin de parcours. Je suis partie en vélo au son cristallin des cloches de l'église de la Protection et revenue avec une escale au supermarché Magnit. Sur les chemins cabossés, je respirais de douces effluves fleuries, tilleul, seringat, j'ai l'impression, avec la nonchalance et le désordre russe en plus, de retrouver la France des années 50 ou 60. J'ai vu avec satisfaction que des esthètes avaient magnifiquement restauré une vieille maison, si cela pouvait servir d'exemple aux autres...

Au bord de la rivière, j'ai rencontré une baigneuse matinale qui m'a tenu la jambe un bon moment. Une Russe du Kazakhstan, une ancienne hôtesse de l'air. Elle est depuis 15 ans à Pereslavl. Elle m'a dit qu'elle allait chaque année passer un moment à Kertch, par une agence du coin, que c'était facile, pas cher et merveilleux, la mer d'Azov d'un côté, la mer Noire de l'autre. Elle avalait les mots et je la comprenais mal. Ou alors je deviens sourde, mais je ne crois pas. Apparemment, elle aime Pereslavl, mais elle a la nostalgie du sud et des montagnes. Elle trouve les gens du cru peu ouverts, bien qu'elle ait quitté le Kazakhstan à cause de l'hostilité musulmane, suscitée et entretenue par ceux qui ont tout intérêt à semer la zizanie, là bas comme partout ailleurs. 

Au café, tout change avec l'arrivée de Godfroi, Maxime a pris la vente en mains, je crois que les gens sont contents de voir un vrai Français dans cet établissement français et cela ne désemplit pas. Un concert de free jazz a permis d'inaugurer le bar, au sous-sol. Une amie française de Gilles revenue vivre en Russie après y avoir vécu et travaillé longtemps; m'a dit qu'elle avait l'impression d'une résurrection, qu'elle se sentait complètement euphorique...

le nouveau staff du café

Je me demande combien de temps durera notre petit miracle de Pereslavl-Zalesski où, en dépit de tout, nous avons une existence paisible, où je laisse mon vélo appuyé contre un arbre sans antivol. Un pays encore normal, c'est un pays où les chevrières subsistent sur leur petit troupeau et leur potager. Où des pêcheurs nonchalants vous lancent une plaisanterie en prenant le large du lac. Où le fils de la voisine peut aller s'essayer à la pâtisserie, dans une ambiance exigeante mais détendue de petite structure. Où règnent malgré tout la confiance, la bonhommie et la solidarité. Même si tout n'est pas parfait ici, loin de là. Quand je lis le blog de Panagiotis, et que je vois en Europe brûler les récoltes et périr les troupeaux selon ce qui semble bien un plan organisé, je comprends à qui et pourquoi la Russie fait la guerre et sacrifie de jeunes soldats pour lesquels je prie tous les jours, les morts et les vivants, de tous bords. Poutine a déclaré qu'on ne pensait pas assez à eux, qu'on profitait de l'été en toute quiétude, pendant qu'ils risquaient leur vie là bas. Certes, et ce n'est pas que je n'y pense pas, j'y pense beaucoup, cela fait huit ans que j'y pense, mais on ne sait pas de quoi demain sera fait et l'appréhension, et l'horreur, nous prennent trop à la gorge, si l'on ne trouve pas de dérivatifs, soit dans la prière, soit dans la joie du bel instant, soit éventuellement dans les deux.

http://www.greekcrisis.fr/2022/07/Fr0975.html


1 commentaire:

  1. JE ME REMETS DOUCEMENT DU COVID ,MAIS TE LIRE ME FAIT DU BIEN.LIZA

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