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samedi 23 juillet 2022

Chez Anna Ossipova


Nouvelle visite de la chaîne orthodoxe Spas, beaucoup plus brève que la dernière fois. Presque tout s'est déroulé sur ma nouvelle terrasse, au frais. J'ai chanté à l'intérieur. La jeune femme qui m'interviewait, Olessia, très jolie et très touchante, m'a embrassée en me disant que j'étais le trésor de Pereslavl!
J'avais fait fièvreusement le ménage, juste avant, à cause des affreux chats, et nous avons eu la visite de Nounours. Profondément pénétrée de l'idée que le prendre serait de la folie, je suis perturbée par son attitude amicale, il est net que je lui plais beaucoup, que je suis tout à fait son genre de patronne. 
Ania est de nature hypersensible et moi aussi, c'est ce qui nous rapproche. Nous avons discuté hier sur la terrasse, en buvant le thé. Puis je suis allée chez Anna Ossipova, qui fait de très jolies choses dans l'esprit de l'art populaire, dont elle est imprégnée, et aussi des icônes. Elle vit dans un bel endroit, mais toutes les maisons que j'ai vues sur le chemin sont affreuses. Son père et sa mère, élevés à la soviétique, ne voient visiblement pas le problème, et elle me l'a confirmé. Ils lui reprochent d'être trop axée là dessus, c'est le progrès, les vieilles maisons sont incommodes! "Pas de chance pour eux, lui dis-je, avec moi, en voilà une autre comme vous dans leur entourage!" 
Ils m'ont reçue royalement, dans une maison hyper propre, je n'ai jamais vu ici d'endroit aussi impeccable, je pense que la maman d'Ania, à ma place, aurait depuis longtemps envoyé mes six parasites de chats se faire pendre ailleurs.
La table était si jolie que j'ai fait une photo. Ania avait confectionné une tarte à la canneberge, excellente et superbe, avec des bords très hauts, elle pensait que c'était le genre quiche, je lui ai expliqué que non, la quiche ce n'est pas ça, de même que le vin de pomme de son père, ce n'est pas du cidre. Mais il était heureux d'avoir quelqu'un avec qui le boire et nous l'avons bu gaiment.
Son père travaille encore, il est dans tout ce qui touche au cosmos; et ils ont voyagé et séjourné en occident. Il m'a parlé de son père, garde rouge, qui, pendant la seconde guerre mondiale, avait été fait prisonnier et qu'avaient hébérgé des Russes blancs en Allemagne. Quoique d'opinions radicalement opposées, ils l'avaient reçu avec tout leur coeur, comme un compatriote, l'avaient habillé de pied en cap et lui avaient offert deux valises de cadeaux, tout cela lui a été confisqué à son retour en Russie. "Il n'a été ni fusillé, ni envoyé au goulag, tout ça c'est des histoires"! Mais il a été quand même interrogé et mis à l'écart dans un camp spécial pendant deux ans, et d'avoir été prisonnier l'a poursuivi pendant une bonne partie de sa carrière.
La maman d'Ania, devenue orthodoxe, a été désagréablement surprise par l'hostilité des descendants d'émigrés, dans une paroisse de Belgique ou d'Allemagne, je ne me souviens plus. 
C'est une famille intéressante, car les parents sont vraiment soviétiques pur jus, charmants, hospitaliers, ils m'ont couverte de cadeaux, de légumes et de fleurs du jardin, mais mis à part la conversion de la maman, soviétiques pur jus. Alors qu'Anna et son mari Dima, sont russes tendance sainte Russie, nostalgiques de la paysannerie, du folklore et de la tradition, Dima travaillait dans un aéroport, avec les événements des dernières années, il a dû se reconvertir et il est parti vivre à Pereslavl, ce dont il est enchanté. Non seulement il éprouve la nostalgie de la sainte Russie paysanne, mais il le physique de l'emploi.

Une artiste peintre, Larissa Lickmann, avec laquelle je vais exposer, m’a demandé de mettre de côté deux chroniques et deux Yarilo, car elle a prêté son exemplaire de ce dernier à des amies qui le lisent à haute voix et sont tellement enthousiastes, qu’elles veulent absolument le leur. Si ça se trouve, je vais faire un best-seller.  Anna Ossipova m’a dit : « Je le commence juste, c’est très poétique, mais ce n’est pas vraiment un roman historique, c’est un livre qui me paraît hors du temps. » Cette réflexion m’a frappée, je crois qu’elle est assez juste, bien que je ne l'ai pas fait exprès, mais les livres se font à notre insu. Le livre est très visuel, mais ne donne pas toutes sortes de  ces détails qui reconstituent une époque, en fait, c’est un peu comme si l’époque allait de soi. Quand on écrit un roman contemporain, on ne fournit pas forcément une description documentaire d'un environnement, alors qu’on se croit obligé de le faire dans un roman historique, ce que justement je n’ai pas fait, sauf quand le propos impliquait une description, mais c’est parfois le ciel du nord, la forêt, quelque chose d’intemporel. Le mari de Natacha, quand il avait fait des tentatives de rédaction de ma traduction, ajoutait tous ces détails, la description des vêtements de la future tsarine tcherkesse et de son frère par exemple, ou ceux des boyards, et leur attitude.  Je n’étais absolument pas d’accord, en dehors du fait que je ne reconnaissais ni mon livre ni son style, parce que je n’ai pas fait une reconstitution historique et que le tsar au moment précis où apparaît Kotcheneï se fiche éperdument des détails de son costume national tcherkesse: comme tout homme de sa trempe, il regarde si elle est ou non baisable en pensant qu’elle ne remplacera pas sa femme, irremplaçable par définition.


Oeuvres d'Anna

saint Serge et son ours

boite

commode Ikea transfigurée

  

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