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mercredi 26 juin 2024

Blousons noirs

 

dauphinelles

Je me remets à dessiner, pour profiter de la belle saison, qui m’est considérablement gâchée par les pétrolettes des petits débiles. Comme j’en parlais à Katia, elle m’a dit : «Ils exaspèrent et terrorisent la ville entière. Des gens s’en plaignent sur tous les sites internet, et ils les narguent, ils répondent qu’ils s’en fichent et continueront de toute manière. Ils font du rodéo sur le val, l’ancien rempart, ils ne nous laissent plus vivre. Je n’ai jamais compris comment on pouvait prendre tant de plaisir à faire du bruit en nuisant à tout ce qui existe autour.
 Dans un village des environs, les gens se sont tous ensemble adressés à la police, et ils n’y vont plus.

- Il faudrait faire pareil. Quand je pense que tant de garçons merveilleux meurent au front, la fleur du pays. Et ceux-là empoisonnent impunément la vie de toute une ville... Il faudrait les envoyer là bas, ne serait-ce que comme brancardiers, ça leur remettrait les idées en place, si c’est l’adrénaline qui leur manque. »

Dans un sens, j’ai l’espoir que ce sabbat prenne fin, parce qu’obligatoirement, ils vont faire une grosse connerie, ou bien quelques types musclés et furieux vont les ramener à de meilleurs sentiments. Mais dans l’autre, cela m’effraie qu’à Pereslavl apparaissent les problèmes des banlieues françaises, c'est tout de suite à cela que Katia a fait référence. Que des ados rétrécis du bulbe oublient le respect dû aux autres sous l'effet de la testostérone peut à la rigueur se comprendre, mais qu'ils narguent les gens qui s'en offusquent n'est pas bon signe. J’ai vu que dans je ne sais plus quel coin de Russie, une étudiante avait invité deux garçons et une fille de son âge pour fêter son diplôme et ceux-ci l’ont abominablement torturée, ont filmé la chose et tenté de travestir ce meurtre en suicide. D’où sortent de pareils monstres ? On dirait qu’ils surgissent de partout, dans tous les pays, une vraie folie.

Avec Katia, nous commencions déjà à envisager de nous retirer quelque part, de fonder une petite communauté avec quelques candidates à l'immigration, de chercher la paix, comme dans mon livre «Epitaphe »...  J’aime chaque buisson, chaque plante de mon espace, mais je supporte de plus en plus mal l’entourage qui me cerne. 

Y en a marre, n'est-ce pas, Moustachon?


Au fond, bien que je ne regrette pas d’être partie pour toutes sortes de raisons, j’ai la nostalgie de la France, des miens, des lieux de mon enfance. Et d’autant plus qu’ici, on en est déjà, comme l’a remarqué Thierry Messian, au stade ultérieur, ce qu’il considère comme positif, et dans un sens, ça l'est. La révolution bolchevique a tout ravagé, puis sont venus les joyeux capitalistes apatrides essayer de rafler le butin que Staline leur avait ôté des griffes en gagnant la guerre et en fermant les frontières. Et la perestroika a obligé les gens à trouver des moyens de survivre au sein du désastre, alors qu’en France et en Europe, le désastre n’en est qu’au début, et les gens n’y sont pas du tout préparés. La constatation de Thierry Messian correspond à ce que j'avais ressenti dans les années quatre-vingt-dix : la Russie était terriblement abîmée, il fallait en chercher pieusement les débris au sein du béton lépreux et des magasins vides. C'étaient les églises timidement renaissantes, les maisons d’autrefois encore épargnées, la culture, moins endommagée par le communisme que chez nous par le consumérisme et le gauchisme, et les gens qui s'y cramponnaient pour retrouver leur mémoire et le courage de vivre. J’avais l’impression qu’au moins, ce monde russe défiguré par la modernité sous sa forme communiste, ne me mentait pas et qu’il y renaissait quelque chose. Alors que notre petite France encore bien sauvegardée n’était plus qu’une façade et que la paix qui y régnait était celle des cimetières. Ses « élites » n’avaient plus qu’une idée : l’achever, la brader, l'humilier, la prostituer à tous ses taureaux d’importation.

Le métropolite Jonathan a été libéré contre rançon et expulsé d'Ukraine, il a été reçu par le patriarche Cyrille à Moscou, il ne mourra pas d'un infarctus dans les geôles du SBU. Le père Nicolas, assassiné au Daghestan, a été enseveli. C'était un prêtre très aimé. Il avait soixante-six ans, des enfants et des petits-enfants.

le père Nicolas, nouveau martyr

 Ce soir, j'ai bu un coup sur la terrasse avec mon locataire Aliocha. Il faisait beau, après l'orage, un ciel lavé par la pluie, une brise légère, et je voyais fleurir ma première hémérocalle de l'année, dont le calice orange et brûlant était du plus bel effet auprès des étoiles bleues d'une dauphinelle illuminée par la lumière du soir. Aucune moto, aucune radio, aucun camion, une paix lisse et douce, presque mystérieuse dans sa rareté.


 

 

 

 

 

1 commentaire:

  1. Les pétrolettes ont des pneus et dans les pneus, il y'a de l'air et curieusement, quand un pneu rempli d'air trouve sur sa route des punaises....

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