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dimanche 22 juillet 2018

La grande procession de l'histoire russe.



Tableau d'Ilya Glazounov
Un correspondant russe, Iouri Tkatchev, qui a étudié à fond l’histoire de la chute et de l’assassinat du tsar et de la famille impériale, m’a interpellée à propos de l’homélie du patriarche Cyrille, qu’il trouve hypocrite et lâche.
Je suis donc amenée à me pencher sur cette homélie et en faire quelques commentaires.... Non que j'en ai très envie, ou que je sois très habilitée, mais je ne peux pas me dérober non plus...
Le Patriarche dit : des gens coupables en rien, qui ont dédié leur vie au service de la Patrie, ont été assassinés par une volonté humaine mauvaise. Ce crime ravive jusqu’à maintenant notre conscience, il nous force à faire revenir nos pensées sur ce qui s’est produit avec notre pays et notre peuple et, en même temps, à nous efforcer de le comprendre. D’où est provenu ce trouble de l’esprit, ce malheur ? En regardant avec un recul de cent ans, malgré tous nos désirs, nous ne pouvons voir toutes les nuances de la vie nationale de notre peuple, qui sont effacées de la mémoire et échappent même aux regards les plus pénétrants. Mais de tels crimes, comme ceux qui ont été commis ici, ne peuvent être fortuits. Derrière ce crime se trouvait quelque chose, derrière lui il y a une sorte de faute collective du peuple entier, une sorte de tournant dans la vie historique de la sainte Russie, qui a précipité le peuple dans une impasse grave, terrible. Que s’est-il donc passé avec notre peuple ? Tout le pays était couvert d’églises et de monastères, la majorité absolue des gens étaient baptisés, les églises étaient pleines. Pourquoi cela s’est-il produit ? Pourquoi les assasins ont-ils pressé sur la gachette, sans frémir pour ce qu’ils faisaient ? Cela veut dire que tout n’était pas en ordre. Cela veut dire que la lumière solaire qui se reflétait sur les coupoles dorées n’était pas toujours réfractée dans les cœurs des hommes, en renforçant en eux la foi dans le Seigneur.
Iouri Tkatchev est profondément choqué, car toute la responsabilité du crime est attribuée au seul peuple russe dans son entier. Y compris les bourreaux, ceux qui ont « pressé sur la gâchette sans frémir ». Or comme on le sait, bien qu’il soit mal perçu de le dire, les commanditaires du crime et les éxécutants n’étaient pas ethniquement russes, et ne se considéraient pas comme russes, ils avaient même la Russie en horreur, et entendaient, à partir du matériau russe, le seul à leur portée pour pratiquer l’expérience révolutionnaire qui devait s’exporter et supprimer toutes les particularités nationales, créer un homme nouveau pour un monde nouveau. Donc, dans l’assassinat du tsar, aucun Russe n’était directement impliqué (ou peut-être un seul, si je me souviens bien). Et les gens de Russie n’étaient même pas au courant de ce qui s’était passé, ils ne l’ont appris que l’automne suivant. Iouri reproche au patriarche de ne pas avoir eu le courage de le dire, comme l’auraient fait des personnages comme saint Philippe de Moscou ou saint Tikhon, fusillé par les bolcheviques.
La thèse selon laquelle la révolution est le résultat des péchés du peuple n’est pourtant pas l’apanage du patriarche. J’ai entendu de nombreux prêtres la soutenir : si les gens avaient eu plus de foi, s’ils ne s’étaient pas laissé séduire par des idées étrangères, ils auraient résisté au chant des sirènes. Un peu plus loin, c’est ce que développe le patriarche, d’ailleurs : Et nous savons qu’au cours d’au moins 200 ans précédant la tragédie de la maison Ipatiev, certains changements se produisirent dans la conscience des gens qui, lentement, mais sûrement, en amenèrent beaucoup à l’apostasie, l’oubli des commandements, la perte d’un lien spirituel réel avec l’Église et la tradition spirituelle séculaire. Pourquoi cela s’est-il produit avec notre peuple ? Pourquoi, à un certain moment, il a imité un train, dont le conducteur n’a pas tenu compte de la vitesse et s’est engagé dans un virage serré, se précipitant dans une catastrophe inévitable ? Quand sommes-nous, comme peuple, entrés dans ce virage ? Nous y sommes entrés lorsque des pensées autres, des idéaux autres, une perception du monde autre, formés sous l’influence de théories philosophiques et politiques n’ayant rien en commun avec le christianisme, pas plus qu’avec notre tradition et notre culture nationale, ont commencé a être adoptées par l’intelligentsia, l’aristocratie, et même une partie du clergé et ce comme une pensée avancée, laquelle, si on la suivait, pourrait changer, en l’améliorant, la vie du peuple. Effectivement, l’idée de changer en mieux la vie du peuple surgit chaque fois lorsqu’apparaît le plan de changer radicalement le cours de l’histoire. Nous savons que les renversements les plus terribles et les plus sanglants se sont toujours produits en vue de l’aspiration des gens à une vie meilleure.
Cela n’est pas faux. La noblesse et l’intelligentsia pétersbourgeoises, détachées du reste du pays, versaient dans toutes sortes de dérives, dénoncées par Dostoïevski qui avait annoncé, dans son roman « les Démons », les horreurs à venir. Tout cela est aussi la conséquence de la politique occidentaliste de Pierre le Grand, du schisme des vieux-croyants malheureusement provoqué sous le règne de son père Alexis, du servage qu’on a laissé s’installer et s’aggraver sous le règne des Romanov, on peut dire que les derniers tsars n’ont pas hérité des premiers de la dynastie une situation très facile à gérer. Le tsar Nicolas, avant de devenir la proie des bolcheviques, avait été trahi par tout son entourage. Donc, en une certaine façon, quand le patriarche dit que le peuple russe est responsable, il l’est, bien qu’à priori, ce soient surtout ses élites qui aient provoqué l’engrenage fatal.
En dehors des faits historiques, il intervient probablement dans cette assertion du patriarche et de nombreux prêtres depuis que l’événement a eu lieu, la conscience que nous sommes tous solidaires dans le péché, ce qu’on appelle, pour les romans de Dostoïevski, la responsabilité collective, car l’Homme est Un (comme l’écrivait le père Vsévolod Schpiller). Ainsi, dans les « Frères Karamazov », l’affreux père Karamazov est-il tué par son ignoble fils bâtard, mais de ses autres fils qui le détestaient cordialement, à l’exception du doux Aliocha, l’intellectuel Ivan se pend, et la tête brûlée Mitia, que l’on accuse et condamne à tort, prend volontairement sur lui la croix de ce crime, car s’il ne l’a pas commis, il a désiré le commettre, et il expie consciemment pour lui et pour les autres. 
On peut dire que de la même manière, si les Russes n’ont pas commandité ni exécuté le crime odieux, ils l’ont favorisé, par complaisance, lâcheté, trahison, passivité, et toutes sortes de mauvais sentiments. Une grande partie des gens, comme toujours dans ces cas-là, subissait sans trop comprendre, une partie restait loyale, et l’autre se donnait comme une fille folle aux mauvais sujets (au sens propre) patibulaires qui lui contaient des boniments sur la vie merveilleuse qu’ils allaient lui faire et n’entendait pas qu’on la privât de son rêve. Tout le monde était plus ou moins impliqué dans un sens ou dans l’autre, comme il arrive toujours dans un événement historique, et en tant que chrétiens orthodoxes, nous savons que nous sommes tous reliés, en communication profonde et mystérieuse, en communion. Auprès de certains il fait clair, auprès d’autres, il fait sombre, la prière d’un seul en sauve plusieurs, mais le mal aussi est contagieux. Dans cette perspective, le crime, en effet, implique l’ensemble du pays et s’en repentir au sens chrétien a un sens profond. Quand je prie : « Seigneur, prends pitié de moi pécheur », le moi n’implique pas seulement ma personne, mais tous mes proches, et par extension tous les hommes pécheurs. Peut-être aurait-il fallu préciser tout ceci.
Cependant personnellement, je ne partage pas l’opinion que la Russie a été « punie de ses péchés », comme il est sous entendu et comme je l’entends souvent dire. Car s’il fallait punir des péchés, à part les errements d’une élite, comme le dit patriarche lui-même, les églises étaient pleines, la Russie était certainement le pays le plus chrétien du monde, pourquoi ne pas punir prioritairement les pays d’où venaient les idées fâcheuses qui tournaient la tête de la noblesse et des intellectuels, donc l’Occident qui avait commencé à renier le christianisme originel pratiquement depuis le x° siècle et surtout depuis la renaissance ? De plus, les Russes avaient déjà pas mal souffert pour la foi au cours de leur histoire, pas mal souffert tout court, et les souffrances causées par la révolution ont largement dépassé les scores précédents. Non, moi je crois qu’il y a quelque chose, dans la tragédie de la révolution, et de l’assassinat du tsar, de plus mystérieux, peut-être quelque chose d’eschatologique, qui embrasse toute l’histoire russe précédente. Car au fond, que le tsar eut été comme ceci ou comme cela n’aurait pas changé grand-chose au problème à plus ou moins long terme, et même en fin de compte s’il n’avait pas commis l’erreur, pour respecter sa parole, d’entrer dans la guerre de 14. La modernité progressiste, technologique, capitaliste, corruptrice déclenchée par l’occident n’eût certainement pas laissé la Russie tranquille, elle devait l’assassiner avec son tsar, comme elle avait assassiné la France avec son roi. Un mouvement satanique était en route qui ne pouvait laisser aucun peuple intact.
Mais au plan mystérieux de Dieu, il a fallu que le dernier tsar de la dynastie des Romanov fut ce pur Nicolas, avec sa famille d’un autre monde, ces jeunes filles ravissantes, compatissantes et humaines, ce petit garçon sensible, de même qu'en contrepoint, la dynastie précédente, celle de Rurik, s’est achevée par le tsar Féodor Ivanovitch, doux mystique incapable de régner. Il a fallu que ce martyr fut suivi de tant d’autres, d’un si grand nombre de croyants morts pour la foi, et cela, dans une Russie isolée du reste de la planète, un espace retranché où se livrait un combat métaphysique redoutable. Dieu, me semble-t-il, ces derniers terribles siècles, plutôt que de punir me paraît d’une part faire ses dernières moissons de justes et d’autre part peut-être créer les conditions qui permettront de sauver l’essentiel jusqu’à la fin, quelques lumières dans la tourmente. La famille impériale, par sa mort, prend la tête de la grande procession de l'histoire russe qui en est la quintessence. Non la puissance terrestre au nom de laquelle des impérialistes athées ou peu orthodoxes justifient les crimes de Pierre I aussi bien que ceux de Staline, mais le chemin spirituel de la Russie qui a aussi fécondé de sa foi les pays où s'est dispersée son émigration.
Je ne me donnerai pas le ridicule d’essayer de percer les desseins divins, qui me dépassent. Mais à l’inverse de mes contemporains, je n’ai pas une lecture exclusivement politico économique de l’histoire, surtout de l’histoire russe, qui est pleine de signes, d’épisodes tragiques et de miracles incompréhensibles, de lumière perçant au travers des ombres, comme la littérature de Dostoïevski elle-même.
Le patriarche incite ensuite les Russes à ne plus recourir aux révolutions et à ne plus attendre de changements de société, ce qui n’est également pas bien perçu par un certain nombre de gens :
Oui, de quelle loi pouvait-il être question si, pour construire la vie heureuse, il fallait assassiner le tsar et toute sa famille ? Nous savons qu’il n’est rien sorti de tout cela, et, enseignés par cette amère expérience, nous devons former en nous une aversion ferme à toute idée, à tout dirigeant, qui proposerait, par la démolition de notre vie nationale, de nos traditions et de notre foi, à aspirer à quelque « avenir radieux » incertain. Aujourd’hui, rassemblés ici dans une telle multitude, nous avons commémoré la tragédie de la maison Ipatiev. Nous avons élevé des prières au Seigneur, nous avons prié l’empereur Nicolas martyr et ceux qui ont souffert avec lui, afin que dans les cieux, ils prient pour notre Patrie terrestre, pour notre peuple, afin que se renforce la foi orthodoxe dans chacune des générations futures des Russes, pour que la fidélité à Dieu, l’amour de la patrie accompagnent notre jeunesse et ceux qui viendront la remplacer, et pour que jamais de telles tragédies ne se reproduisent sur notre terre.
La première phrase de cet extrait m’a encore rappelé Dostoievski : «Le bonheur de l’humanité ne vaut pas une larme d’enfant » faisait-il dire, je crois, à Ivan Karamazov. Le type qui a achevé le tsarévitch à coups de baïonnette, lorsque celui-ci rampait vers son père, prétendait qu’il l’avait fait pour l’avenir de son propre fils, ce qui est complètement spécieux, mais qui répond à cette problématique. Les lendemains qui chantent, lorsqu’ils coûtent si chers, et les jeunes cadavres profanés du tsarévitch et de ses sœurs sont loin d’avoir été les seuls sur la route censée y mener, n’annoncent rien de bon à un chrétien lucide. Le bonheur à venir fondé sur les massacres du présent ressemble trop à une supercherie, du genre pacte avec le diable : tu ne reçois rien, et tu perds tout.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut tout accepter et ne pas tenter d’améliorer, réparer  ou défendre ce qui peut l'être, comme on l’a d’ailleurs toujours fait d’une manière ou d’une autre, sans recourir aux bouleversements radicaux menés par des aventuriers, la plupart du temps soutenus et financés par des ennemis extérieurs.
Le chrétien auquel le patriarche s’adresse sait que nous sommes sur terre avec un destin spirituel, une âme qui quittera ce monde plus ou moins préparée à ce qu’elle ira rejoindre, et que cela compte plus que tout le reste.
Le problème de cette homélie est peut-être de n’avoir pas nuancé certains points pour prévenir les interprétations qui pourraient en être données.
Reste qu’effectivement, pourquoi mettre sur le dos des seuls Russes, comme il convient au discours officiel exigé de manière quasiment internationale, les péchés de la révolution et l’horrible exécution à laquelle un seul Russe a pris part effectivement ?
Pourquoi ne pas dire qui étaient les commanditaires et les bourreaux, pourquoi ne pas les nommer ?
Poser la question est sans doute déjà y répondre. Encore qu'il ne m'appartient pas de juger, en l'occurrence. Mais la pratique qui consiste à faire des Russes les boucs émissaires de l'URSS n'a que trop duré.
Où s'arrêtent la prudence et la diplomatie, où commencent la compromission et la lâcheté? Encore une fois, cela n'est pas à moi d'en juger. On a accusé les patriarches de l'époque soviétique de compromission, l'Eglise a été sur le point de disparaître, car contrairement à tous les gouvernements précédents, ce pouvoir ne reculait devant rien, il n'avait rien de sacré. Je considérais le patriarche grec Bartholomée comme un oecuméniste à tendance carrément uniate susceptible de toutes les trahisons, et mon père spirituel le tient pour un fin diplomate dans une situation très compliquée.
Un ami m'a dit que le patriarche, comme tout un chacun, était faillible, ce sont les catholiques qui ont un pape infaillible. En dehors de Iouri Tkatchev, à propos de la tragédie d'Ekaterinbourg, je vois toutes sortes de gens l'accuser de tous les péchés et de tous les maux, cracher sur l'Eglise et sur ses prêtres, même parmi les orthodoxes, du moins par le baptême... J'ai récemment demandé à l'un de ces contempteurs du clergé s'il connaissait beaucoup d'exemples concrets de ce qu'il avançait, et j'ai vu qu'il avait finalement du mal à en produire. Il fut un temps où me choquaient non les "popes en Mercedes" (j'en ai connu un dans ma vie, sa Mercedes était vieille comme le monde, pourrie, branlante et il se démenait pour ses paroissiens), mais les Savonarole qui décourageaient les gens par une attitude intransigeante. Etant donné l'incroyable méchanceté de tous ces commentaires, j'en conclus que selon l'aphorisme de je ne sais plus quel starets, les mouches vont spontanément vers la merde et les abeilles spontanément vers les fleurs.
Je me suis rendu compte, le jour où un prêtre à qui je ne pouvais rien reprocher m'a demandé pardon des péchés de ses confrères, quand je lui confessai mes doutes et mes indignations, que l'Eglise est Une, l'humain est Un, l'Eglise est le Corps du Christ qui est venu appeler non les justes, mais les pécheurs à la pénitence. De sorte qu'on ne peut dire: "ah j'aime Dieu mais pas l'Eglise, ah je crois en Dieu mais je méprise les popes". Car l'Eglise est une communauté, une sorte de ruche dont le Christ est la reine.A certains endroits de cette communauté, on est presque au ciel, à d'autres on touche à l'enfer, mais notre affaire, c'est notre coeur. C'est ce qu'explique le starets Zosime dans les Frères Karamazov avec sa métaphore de la goutte dans l'océan, si chaque goutte se purifie, c'est l'ensemble qui est purifié.
Pour ce qui est du soutien de l'Eglise au gouvernement, dans lequel siègent pas mal de coquins, d'anciens apparatchiks qui se lèvent pour applaudir des Américains mais pas pour la mémoire de la famille impériale, là aussi, pressentant toute la complexité de la situation, je vais me montrer réservée. Je suppose que l'Eglise ne va pas soutenir les communistes qui l'ont persécutée, ni des ultralibéraux tendance néotrotskiste qui lui veulent la peau, et qu'elle n'a pas envie de voir s'installer des situations du type de l'Ukraine. Le père spirituel du patriarche est le très vénéré starets Elie. Quand à Poutine, dont je devine qu'il se bat, comme dit le Saker, une main attachée dans le dos, je lui accorde le crédit d'être reçu à Valaam, et le mont Athos l'avait pratiquement intronisé. Mon parti est pour l'instant de faire confiance au starets Elie, à Valaam et au mont Athos.
Comme le dit le proverbe russe "Celui qui ne reconnaît pas l'Eglise pour sa mère, Dieu n'est pas son Père". C'est à cela que je m'en tiens.



vendredi 20 juillet 2018

Un temps pour les taons

Il fait orageux et comme je l'avais déjà remarqué à la datcha, la deuxième moitié de juillet est l'apanage des taons. Un vrai cauchemar, je préfère les moustiques. Les moustiques n'aiment ni le vent, ni le soleil, les taons s'en foutent. Il est vrai qu'en revanche, ils ne s'attaquent qu'au individus debout, en train de s'agiter et qui transpirent, c'est comme cela qu'ils les repèrent. donc couchée dans le hamac, j'ai la paix, seulement le temps orageux fait que le hamac est détrempé. Et puis j'aurais beaucoup de travail à faire dehors, que je ne fais pas, parce qu'à la différence de la piqûre de moustique, dont l'irritation passe assez vite, celle de la piqûre de taon dure des jours et des jours (chez moi), et souvent elle s'infecte. Une fois, j'ai eu des résurgences de démangeaisons pendant plusieurs mois!
Je me suis quand même décidée à aller faire une récolte de cassis. Il me faudra les tailler, car ils ne donnent pas beaucoup, on les taille, dans ces cas-là? Mais ils ont donné plus que je ne le pensais, pas assez pour des confitures, mais assez pour manger ce soir et congeler l'autre partie, les confitures c'est plein de sucre.
Pendant que je ramassais mes cassis, il tombait des gouttes à travers le vent tiède, et cela me rappelait l'église, quand le prêtre nous arrose copieusement d'eau bénite dans une atmosphère surchauffée. 
Puis j'ai voulu désherber et là quelque chose m'a piquée, si c'est un taon, alors là, c'est une espèce nouvelle, encore plus toxique que la précédente. Douleur aiguë, brûlures, démangeaisons. Je me suis hâtée de mettre de l'essence de lavandin, et j'ai pris un antihistaminique, mais on dirait que mes parades françaises sont sans effet sous ces latitudes...
Les Russes mettent des feuilles de cassis dans leur thé, moi aussi, c'est délicieux.
J'ai dû refaire partiellement ma façade, car on m'avait fixé les planches avec de petits clous, comme à l'intérieur, et elles se décollaient déjà. Il a donc fallu les visser puis repeindre et la peinture s'en allait déjà, j'ai mis de la peinture de bonne qualité. C'est presque le même ton, mais en plus joli.
Je me heurte sans arrêt à ma malédiction: des types qui me font le coup de la sympathie, et qui travaillent mal pour un prix gonflé. Le patron du café m'a dit qu'on en était tous là, mais je crois qu'il est un peu comme moi, trop gentil. Cependant, la mentalité de ceux qui me grugent m'est si étrangère que j'ai du mal à me défendre, car il me faudrait aller sur un terrain qui ne m'est vraiment pas familier. Je pense sans arrêt à un arrière-arrière-grand-père Chanterperdrix, le mari de l'arrière-arrière-grand-mère Caroline, qui répétait à ceux qui l'en blâmaient: "J'aime mieux qu'on dise j'ai roulé Chanteperdrix que Chanteperdrix m'a roulé"
J'ajouterais aussi à la russe: "Que Dieu leur soit juge".
J'en ai profité pour refaire l'escalier, qui était très casse-gueule.

Le nouvel escalier


J'aime beaucoup cette hémérocalle, quand la plante va grossir,
l'effet sera joli sur le fond de la palissade

mercredi 18 juillet 2018

Natalia Poklonskaïa, l'étendard de la sainte Russie


Natalia Poklonskaïa, qui fut la Jeannne d’Arc de la cause de la Crimée et du Donbass, éveille les sarcasmes depuis qu’elle s’obstine à célébrer le souvenir du tsar Nicolas. Hier, elle a demandé aux députés de se lever pour observer une minute de silence en mémoire de la famille impériale, on lui a répondu que c’était interdit par le règlement.
Ces mêmes députés, en dépit du règlement, s’étaient spontanément levés comme un seul homme (à l’exception de Poklonskaïa) pour applaudir une délégation américaine venue discrètement et de façon impromptue, alors que la Russie est en butte aux persécutions économiques et aux calomnies de cette même Amérique qui finance et arme l’extermination de la population russophone du Donbass.
Je vois dans cet événement la confirmation de mon opinion sur le capitalisme et le communisme, et le libéralisme, et le nazisme, et tous les « ismes » de nos deux derniers siècles : plusieurs têtes sur un seul serpent. Car tous ces députés sont en majorité d’anciens apparatchiks du pouvoir précédent, tout comme leurs fonctionnaires, et ils fondent d’enthousiasme devant l’Amérique et l’Occident, tout en méprisant le tsar et sa famille assassinés qui incarnent la sainte Russie, c’est-à-dire CQFD, qu’à l’instar des bolcheviques, ils méprisent et même détestent, la sainte Russie. On en arrive donc à la constatation que libéraux et néostaliniens, communistes et trotskistes ont tous un dénominateur commun : ils détestent la sainte Russie.
Or la sainte Russie, c’est la Russie, c'est plusieurs siècles de Russie, sa formation, sa culture, son mode de vie, son originalité, un pouvoir fondé sur la détestation de la Russie ne peut être appelé russe, et d’ailleurs, il ne le voulait surtout pas, il se disait soviétique, le patriotisme russe était devenu un péché mortel, on faisait à l’échelle de l’ancien empire des tsars ce qu’on se propose de faire maintenant à l’échelle mondiale : priver les gens de leur mémoire, de leur culture locale, de leur identité pour créer un « homme nouveau » qui convienne à une poignée d’intellectuels sadiques, ou à présent, en Europe, en important le maximum d’allogènes hostiles,  une « nouvelle race métissée », administrée comme du bétail par une caste supranationale  immaculée qui, elle, ne se mélange pas. Les députés de la Douma ont montré de quel côté ils se situaient, car bien entendu, eux n’ont plus aucun lien charnel, culturel et spirituel avec cette entité qu’on appelle la Russie, ils la détestent instinctivement, raison pour laquelle sans doute, dès qu’un retour aux traditions se manifeste, le « ministre de la Culture » ferme le centre de folklore, qui marchait très bien, trop bien.
L’URSS fut donc porteuse de cette idéologie, mais depuis qu’elle s’était russifiée, congelée et que le golem manifestait, dans l’accumulation de ses tissus morts, des repousses incongrues de sentiment national réel, des survivances de valeurs humaines et spirituelles archaïques, on s’est mis à la haïr, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec la même fureur qu’autrefois le tsar, les cosaques, les paysans et leur folklore, l’Eglise orthodoxe, les coupoles dorées et tout ce fatras poétique qui n’avait rien à faire dans un monde progressiste, productif et efficace. On s’est mis chez les libéraux à en exhiber les crimes, si longtemps cachés et minimisés, ou justifiés, tandis que chez les malheureux communistes laissés sur le bord du chemin, on accusait l’Eglise de tous les péchés de la terre, parce qu’elle alignait ses innombrables martyrs, et ne voulait pas en démordre, et l’on criait au mensonge, en proclamant, devant la traîtrise des libéraux( généralement d’anciens apparatchiks ou leurs descendants) que les milliers de gens sacrifiés sur l’autel du progrès et de l’avenir radieux avaient mérité leur sort.
Quand on aime la Russie, je dis bien la RUSSIE, il est évident qu’on ne peut être ni d’un côté ni de l’autre.  De même que lorsqu’on aime la France, on ne peut pas être républicain. Surout de nos jours, au vu des résultats. J’aime la Russie, je n’ai jamais aimé l’URSS, ce pays synthétique qui offre à mes yeux assez peu de charme, qui  a détruit un patrimoine unique par sa beauté et son originalité au nom des cages en béton et des meubles en contreplaqué poli,  et qui a causé le malheur de milliers de ces  Russes qui s’obstinaient à rester russes plutôt que de devenir « soviétiques ».
Les soviétiques, qui peuvent être, par les vertus de la génétique et de l'imprégnation culturelle, un peu ou beaucoup russes quand même, et parfois sympas, et puis ceux qui sont restés sur le carreau, avec leur drapeau rouge, étaient naturellement les plus naïfs et les moins pourris, ont effectivement perdu leur pays dans l’affaire. Ceux dont l’histoire commence en 1917, comme chez nous les instits de gauche, dont l’histoire commence en 1789. L’histoire de leur patrie a commencé en 1917 et elle s’est achevée en 1985. Les déprédations culturelles et la guerre sans merci, sous dénomination de lutte des classes, qui fut faite aux anciens occupants de l’espace russe par l’URSS sont, à la lueur de cette découverte, tout à fait compréhensibles : appartenant à un nouveau pays et une nouvelle espèce, tout ce qui rappelait l’ancien était insupportable et devait être détruit. Le phénomène se poursuit avec les libéraux qui applaudissent les Américains et qui détestent « ce pays » : bouleverser les ossements antérieurs à l’illumination du progrès, construire sur les cimetières, raser les vieux quartiers, promouvoir la « culture » internationale (européenne classique ou massivement américanoïde) au détriment de la sienne, tout cela prend son sens.
La Russie, elle, a commencé on ne sait quand, sans doute avec les Scythes, et se poursuit encore aujourd’hui, comme elle peut, je l’ai retrouvée, et j’y tiens. Je pense que nous sommes désormais tous condamnés, mais c’est avec la Russie que je me tiendrai dans le naufrage, pas avec l’URSS. De même que mon cœur reste avec la France, pas avec la République française maçonnique, ni avec l’UE.
Car la France elle-même, sur un temps plus long, a connu le même processus. Ceux qui ont été élevés dans la détestation de leurs racines, de leurs ancêtres, du "moyen âge", des "religions", des "moeurs patriarcales" se foutent éperdument qu'on détruise une cathédrale ou que leur gouvernement livre leur pays à n'importe qui. Leur France est née en 1789. Et dans les musées, ils traversent en courant toutes les salles où les collections sont antérieures à cette date: leur culture commence avec Zola et l'impressionnisme, tout ce qu'il y avait auparavant est ténèbres (j'ai vu cela de mes yeux!). 
Les ténèbres qui les attendent dans le monde qu'ils ont enfanté seront autrement plus épaisses que celles du "moyen âge obscurantiste"...


mardi 17 juillet 2018

Sainte Russie, garde la foi orthodoxe...

L'office à la mémoire de la famille impériale avait lieu dans l'église neuve du Signe, construite par le marchand de vins et spiritueux à la place de son magasin, qui occupait celle de l'ancienne église. Elle est très jolie. La première fois, les dorures de l'iconostase m'avaient choquée, cette fois-ci, j'ai trouvé que c'était assez harmonieux et les icônes sont belles, le choeur tout à fait décent.
Avec le recteur officiait le prêtre de l'église de la Protection de la Mère de Dieu, le père Alexandre.
En entrant dans les lieux, j'ai tout de suite vu une grande icône du tsar Nicolas. J'étais émue, je pensais à ces gens, à leur air digne, honnête, sensible et raffiné, à leurs jeunes filles ravissantes, au petit garçon malade plein de bonté et de noblesse, à leurs serviteurs fidèles, au docteur Botkine... A tous ces gens massacrés par des gnomes qui ont achevé cet enfant, alors qu'il rampait pour rejoindre son père, et la princesse Anastasia, à coups de baïonnettes, et qui les ont arrosés d'acide... Ne faut-il pas être un parfait démon pour traiter ainsi de telles personnes, pour inonder d'acide de tels visages?
Mais à propos de visages, à moins d'être soi-même complètement égaré, il suffit de les comparer avec ceux de leurs bourreaux, des leaders bolcheviques qui ont confisqué le pouvoir pour comprendre à qui on avait affaire.
Cependant, dans les fils de commentaires russes apparaissent toujours les imprécations vibrantes de haine de mutants soviétiques qui justifient ce crime et ceux qui ont suivi et considèrent l'opposant politique comme un ennemi personnel. Ils sont extrêmement agressifs. Sectateurs de bolcheviques russophobes acharnés à détruire tout ce qui était russe, ils appellent Nicolas le Sanglant cet homme civilisé, humain, sensible et plein de bonne volonté qui a commis l'erreur d'entrer dans la guerre de 14 pour respecter sa parole...
Les massacres soviétiques, les famine organisées, l'esclavage d'état que fut le Goulag ne sont sans doute que des détails. Il est vrai qu'ils les nient, ou plus grave, les justifient: des ennemis du peuple... Mais le peuple, à mes yeux, ce sont tous ces gens sur la tombe desquels ils crachent et de nos jours, ceux qui avec lesquels je prie...
Il semble que cet office nocturne ait été accompli à travers toute la Russie, car c'est au milieu de la nuit qu'on a tué la famille impériale. Sur Pereslavl, il avait lieu à trois endroits.Les prêtres étaient vêtus de rouge comme pour l'office de Pâques. Ils ont lu l'évangile de Jean:
Ce que je vous commande est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui; mais parce que vous n'êtes point du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, c'est pour cela que le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé mes paroles, ils garderont aussi les vôtres. Mais ils vous feront tous ces mauvais traitements à cause de mon nom; parce qu'ils ne connaissent point celui qui m'a envoyé. Si je n'étais point venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient point le péché qu'ils ont; mais maintenant, ils les ont vues, et ils ont haï et moi et mon Père. Celui qui me hait, hait aussi mon Père.
Avant la communion, le choeur a chanté: "sainte Russie, garde la foi orthodoxe". A la fin, nous avons tourné autour de l'église en procession, en nous arrêtant aux quatre côtés, avec aspersion d'eau bénite. J'en ai pris une giclée en pleine figure, les prêtres adorent arroser leurs fidèles, et les fidèles ne sont pas contents, s'ils ne le sont pas copieusement. Puis on a lu l'évangile de Matthieu:
Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres; mais gardez-vous bien de vous troubler, car il faut que ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin. Car on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume; il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieu. Et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs. Alors on vous livrera aux magistrats pour être tourmentés, et on vous fera mourir; et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. En ce même temps, plusieurs trouveront des occasions de scandale et de chute, se trahiront, et se haïront les uns les autres. Il s'élèvera un grand nombre de faux prophètes, qui séduiront beaucoup de personnes. Et parce que l'iniquité sera accrue, la charité de plusieurs se refroidira. Mais celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. 
Le vent était très doux, je distinguais des étoiles, ce n'était pas Solan par nuit de mistral mais quand même, il y en avait.
l'icône du tsar
Je n'étais pas fatiguée, je n'avais pas sommeil et je ressentais une sorte de tristesse pleine de grâce. Que la mort du tsar soit liée à la venue des ténèbres et des derniers temps, je l'ai toujours senti, mais cela me paraissait encore plus évident. Le répit chrétien qui suivit la venue du Christ a pris fin avec le meurtre du roi anglais par Cromwell, puis celui du roi français par la franc maçonnerie et enfin l'assassinat du tsar russe par des intellectuels juifs enragés.
Comme j'étais avec Katia et qu'elle connaissait l'un des prêtres, nous avons été embarquées, après l'office, aux agapes qui suivaient. Cela m'a donné l'occasion de constater que le père Alexandre semblait pétillant d'intelligence et d'humour.
Un membre du choeur a chanté une abominable chansonnette cucul la praline à thème religieux, dans le style variété internationale. Ce fut mon seul moment de tristesse. J'avais envie de chanter un vers spirituel, mais je n'ai pas osé.
A part ce détail, tout était très chaleureux et touchant.
Je suis sortie de là à trois heures du matin, le jour se levait, il se lève encore très tôt. Arrivée chez moi, je n'avais toujours pas sommeil, et cette grâce m'accompagnait, comme si j'avais réellement rencontré la famille martyre, et constaté qu'elle était sainte et qu'elle me protégeait. Car je l'ai priée, je l'ai priée pour la sainte Russie, et pour moi, qui ai choisi d'y retourner et de partager son sort, comme la tsarine Alexandra et sa soeur, la grande duchesse Elizabeth, à laquelle le père Barsanuphe avait autrefois consacré tous ses convertis.
J'ai dormi un peu, et en ce jour anniversaire de l'affreux massacre, il faisait un de ces temps béni qui surviennent parfois ici: un vent tiède, beaucoup de lumière, une lumière spéciale, douce et omniprésente, j'ai jardiné un peu, avec toujours cette grâce au coeur, et quand cela arrive, c'est un signe, c'est une indication. Je me sentais participante de la dernière ligne droite de la grande Procession russe, que j'en sois ou non digne, par la grâce de l'amour que je porte à la sainte Russie.







lundi 16 juillet 2018

Le glas des martyrs

La France vue par les Russes, illustration de Maria Soutiaguina
Lorsque le Capital se prend un retour de vivre-ensemble en pleine poire. Il n'y pas de raison que ce soit uniquement les petits blancs qui en profitent.
Mais on s'en fout... on a gagné !
Ce n’est pas une civilisation qui se donne à voir dans un de ses moments de félicité et de communion, c’est le réensauvagement de l’espèce qui s’étale dans sa volupté vandale.
Les uns sont hébétés de malheur, d’avoir perdu leur patrie ; les autres hébétés de haine et de succès, de pouvoir la détruire et se l’approprier. Les industries de la Matière Humaine Indifférenciée et de l’homme remplaçable se frottent les mains, en songeant au profit. Plus l’époque est technique, plus l’espèce est barbare.

C'est ainsi que commente, citant Renaud Camus, Jean-Michel Gorsse, sur sa page Facebook intéressante et lucide, le déchaînement très prévisible de la "diversité" à la suite de la victoire à la coupe du monde de foot, d'une équipe africaine sous les couleurs françaises. 

Il ajoute encore:

Le multiculturalisme (et son corollaire, le droit à la différence) est une politique néocoloniale qui a échouée (il suffit de voir les Champs Elysées ce matin ou de repenser au Bataclan...)
Le système essaye de masquer ses échecs derrière une victoire sportive où des gladiateurs des temps modernes ont étés achetés à prix d'or, privant ainsi l'Afrique d'une victoire en coupe du monde. Le dopage a remplacé l'effort, l'argent remplace maintenant le dopage.
L'immigration est bien l'armée de réserve du capitalisme, elle est le droit à indifférenciation, à l'uniformisation au détriment des peuples et des cultures du monde.
Le racisme est la négation de la culture de l'autre, le néocolonialisme vit de cette indifférenciation. Le racisme est bien dans ce camps là !

"Hébétés de malheur d'avoir perdu leur patrie..." Enfin, pour ceux qui ne sont pas devenus apatrides sur leur propre sol et ne contribuent pas à sa livraison pure et simple avec paquet-cadeau...
Je trouve encore sur celle de Luna Delsol ce témoignage:
Dans le bourg à côté, 7 voitures incendiées hier soir en feu de joie stupide et irresponsable, dont celle d’un de mes vieux patients malade de pauvreté, et qui en pleurait à l’instant à mon Cabinet. Il ne pourra jamais s’en offrir une autre, avec les mesures du bellâtre poudré et mauvais comédien qui met la société en coupe réglée.
La victoire sportive pseudo-patriotique de la France aura engendré moult actes inciviques voire barbares. Faites le point , c’est général .
Ma voiture a juste été rayée sur toute la longueur sur ses deux portières.
Nous sommes en marche vers la France soumise comme un troupeau de moutons décérébrés.
Tout cela, j'y assiste de loin avec horreur, après l'avoir prévu depuis longtemps, il n'y avait d'ailleurs pas besoin d'être extra-lucide, seulement d'avoir un peu de bon sens. Contrairement à Cassandre, qui a subi la prise de Troie qu'elle avait prédite à ses compatriotes sourds et aveugles, j'ai émigré dans ma patrie de rechange, ma patrie spirituelle.
Cela me retourne pourtant les tripes de voir cela, même à distance, nos années 17 et 18 dont nous ne nous remettrons jamais. De voir sur une vidéo le traître de mélodrame qui nous sert de président proclamer en dansant sur notre tombe que "rien ne sera plus comme avant", tandis que des hordes de sarrasins scandent autour de lui qu'elles vont tout casser. Et c'est ce qu'elles font.  
Je vais ce soir à l'office nocturne à la mémoire du tsar et de sa famille, le sacrifice humain qui a inauguré l'affreux XX° siècle, brouillon de l'épouvantable XXI°.
Dans mon hamac, je pensais à cela, et aux morts qui me sont chers et dorment là bas. J'entendais sonner le glas, sans doute en hommage à la famille impériale, cette famille qui n'était pas de ce monde et qui conduit dans l'autre monde, la grande Procession russe....
Mes amis russes soutenaient tous cette équipe de France exotique et me félicitaient à qui mieux mieux, n'enregistrant même pas mes protestations, d'abord faibles, puis de plus en plus véhémentes, assorties de vidéos, montrant nos tatars-mongols déchaînés. Ils y tiennent à la jolie France d'Yves Montand, d'Edith Piaf, de Mireille Matthieu et de Joe Dassin! Pour leur coller dans la tête que réveillez-vous, les enfants, le Mordor nous a bouffés, les orques et les nazguls déferlent sur les Champs, ce n'est pas facile.
Evidemment, je m'en veux de leur faire de la peine, mais si les Français ont besoin de se réveiller, les Russes aussi: le paradis occidental n'est plus ce qu'il était, débrouillez-vous pour rendre vivable votre arche de Noé, il faut qu'elle tienne dans la tempête...
En attendant, il fait beau, un peu orageux, avec d'affreux taons russes. Ces bestioles raffolent des gens qui travaillent, et rappliquent dès que je m'agite, et ensuite, j'ai des bouffioles pendant des jours, c'est vraiment pire que les moustiques. En revanche, ils me fichent la paix si je suis en position horizontale...
J'ai fait un poème étendue sous le poirier (le meilleur endroit pour en écrire, ne me chantez pas les vertus du travail): 

Le glas des martyrs

O brûlantes verdures aux feux clairs jaillissants,
Aux reflets circulant sous la brise étendue,
J’écoute en reposant vos sourds chuchotements
Et vos incantations distantes et ténues.

Mon âme balbutiant des regrets éplorés
S’attarde en ce corps lourd que la vie charme encor
En jetant sous mes yeux ouverts tous ses trésors
Que jamais je n’ai su ni voulu mépriser.

L’enfant vivace en moi n’a pas pu se lasser
Des radieuses visions qu’offre à chaque moment
L’existence enivrée de sa propre beauté,
L’ombre avec la lumière enlacées s’embrassant.

Splendeur des fleurs brassées sous le grand ciel ébloui
Dont je lis en rêvant les pensées allusives,
Qui vont à petits pas errantes et furtives
D’est en ouest suivant des trajets infinis.

Sonne le glas doré de ses nouveaux martyrs
Sur le cœur ravagé de la sainte Russie.
Dans quel état serai-je au moment de partir
Quand l’archange viendra m’arracher à la vie ?

Le Seigneur mettra-t-il quand même à mon crédit
Le cœur bien défendu de ma solide enfance ?
L’enfance est le seul bien que j’ai gardé pour lui
Au fil trouble des pleurs avec grande constance…


la famille impériale



dimanche 15 juillet 2018

Le néotraditionnalisme de la jeunesse russe


A la suite d'une discussion que j'ai eue avec de jeunes amies inquiètes de voir les ravages des tablettes et autres ordinateurs sur le mental de leurs enfants, je leur ai sorti une fois de plus ma panacée: le folklore, et les divers endroits où on le transmet activement, le folklore et pas le n'importe quoi de mauvais goût qui en prend trop souvent la place et qui fait ricaner les ados à juste titre. Malheureusement, une de ces amies fréquente elle-même un club de ce type avec des "kalinka kalinka" et rien de spontané. Et aujourd'hui, je tombe sur cet article, diffusé par Dima Paramonov, le roi du gousli. A noter que l'évêque de Pereslavl, tout comme le prêtre qui prête ses locaux à Skountsev, considèrent le folklore comme une thérapie. Le fait de reprendre une tradition en l'adaptant, ce qui l'amène à évoluer, me paraît un signe encourageant de santé. Car la tradition est quelque chose qui évolue constamment, mais contrairement aux principes des sociétés-golem fabriquées par de brillants esprits à coups de réformes autoritaires, de façon organique et naturelle. Cela m'a rappelé certaines considérations sur la permaculture qui reprend des traditions agricoles d'autrefois en leur ajoutant des trouvailles contemporaines. A la différence que trop souvent, le retour à la terre en France s'accompagne de toutes sortes d'emprunts culturels exotiques, plutôt crever que de jouer de la vielle ou du biniou, ou si l'on en joue, c'est en méconnaissant et désavouant complètement l'esprit qui présidait à la pratique de cette musique...

Le néotraditionnalisme de la jeunesse russe  est 1) un processus d’utilisation de normes, de valeurs de la culture traditionnelle et leur adaptation aux conditions contemporaines, les plus consubstantielles à la jeunesse. Il s’avère précisément un mécanisme d’adaptation aux conditions contemporaines et non une simple reproduction des traditions, ce qui différencie le néotraditionnalisme du traditionnalisme ; 2) un processus d’observation par les jeunes de la tradition, possédant en même temps des caractéristiques au caractère nouveau. 3) un choix de pratiques sociales de la jeunesse, lié au recours aux formes traditionnelles de comportement et d’orientation morales, caractéristiques des modèles traditionnels de société.
Dans la science nationale, les phénomènes de néotraditionalisme, ainsi que les processus connexes de l'archaïsation et du traditionalisme, ont été couverts dans les travaux d'auteurs comme AI Arnold, AS Akhiézer, SI Artanovsky, NI Lapin, VG Fedotova, IG Iakovenko, A. Ya. Flier, AV Kostina, VA Achkasov, Yu. V. Popkov, EA Tyugashev, LD Gudkov, C. K. Lamazhaa, S. A. Madyukova, E. V. Nikolaeva et autres (Achkasov, 2004, Gudkov, 2002, Madyukova, Popkov, 2011, Nikolaeva, 2004, Lamajaa, 2013 et d'autres).
Les approches de l'étude du néotraditionalisme sont ambiguës. Ainsi, les chercheurs Yu. V. Popkov et S. A. Madyukova le représentent comme un double processus: d'une part, la reproduction continue de la tradition, et d'autre part - sa modification, l'adaptation aux conditions modernes. En conséquence, s’effectue non seulement la mise en œuvre du «modèle», mais la tradition se développe, grâce à l'incorporation de l'innovation. Ainsi, concluent les auteurs, est inhérent au néotraditionnalisme la dialectique de la stabilité et de la variabilité, qui se manifeste dans l'interdépendance des traditions et des innovations (Madyukova, Popkov, 2010).
Une autre approche du néotraditionnalisme comme processus d'utilisation des normes, des valeurs de la culture traditionnelle et de l'adaptation aux conditions modernes permet de distinguer différentes formes d'adaptation dans l'environnement des jeunes. L'analyse par les chercheurs des particularités de la vie ethnoculturelle en Russie centrale, la généralisation de certaines formes ont permis aux chercheurs d'identifier trois formes de manifestation du néotraditionalisme chez les jeunes de Russie (Lapshin, 2014).
Les premières formes identifiées de néotraditionalisme sont le folklore et l'ethnographie. Elles sont associées à la reproduction des traditions folkloriques de la culture ethnique russe qui, entre autres, se déroule de façon professionnelle, avec des objectifs éducatifs, visant à populariser la culture russe ou nationale en incorporant les traditions folkloriques dans la culture musicale contemporaine du pays et du monde. C'est le cas, par exemple, de l'Union russe du folklore, de divers ensembles musicaux folkloriques, d'associations créatives engagées dans l'organisation de festivals, etc. (Klyuchnikova, ressource électronique).
 La seconde forme de néotraditionnalisme est militaire et ethnographique. Nous parlons d'organisations impliquées dans la renaissance des traditions militaires nationales (elles sont particulièrement représentées à Moscou, dans les régions de Moscou et de Tver), qui ont commencé leurs activités au début des années 1990. Parmi celles-ci, par exemple, la tradition russe du combat à mains nues - système Golitzine:, Buz (Bazlov, 2006), système Kadochnikova (Kadochnikov, 2007), etc., qui est utilisé à des fins éducatives et pour le développement en général (Bazlov ressources électroniques.).du mouvement de culture physique dans le pays, des sports amateurs et professionnels. Dans ces organisations s’impliquent en premier lieu la jeunesse à qui sont transmises des traditions russes de combat originelles plutôt que la tradition empruntée des arts de combats orientaux ou occidentaux, avec leur transformation ultérieure.
La troisième forme de néotraditionalisme des jeunes est néo-païenne (surtout à Moscou, dans les régions de Moscou, Vladimir, Voronej, Ivanovo, Orel). Selon un certain nombre de spécialistes modernes de ce phénomène, le paganisme contemporain est le fruit de la recherche spirituelle d'une population en quête de son identité à travers les racines culturelles du peuple russe d’avant la période chrétienne (Seregin 2001, Shnirelman, 2001, Ardinger, 2006).
Ainsi, les formes du néotraditionalisme de la jeunesse de Russie sont interdépendantes, bien que l'isolement même de ces formes soit plutôt conditionnel. Certaines organisations sont plus solidement structurées idéologiquement, d'autres - moins; certaines ont plus de succès commercial, d'autres ne sont pas du tout destinées à faire des profits. L'accélération de la vie sociale, l'érosion des valeurs sociales dans le contexte de la mondialisation et l'occidentalisation des traditions de la culture populaire constituent non seulement une menace pour la culture elle-même, mais aussi pour la santé morale des jeunes générations. Le néotraditionnalisme des jeunes prend la forme d'une adaptation sociale aux conditions changeantes de la société, d'une forme de socialisation, d'une alternative à l'impact d'un certain nombre d'autres institutions sociales.
Lit:. Achkasov, VA (2004) La transformation des traditions et de la modernisation politique: le phénomène du traditionalisme russe // La philosophie et les valeurs sociales et politiques du conservatisme dans la conscience publique de la Russie (des origines à nos jours). Saint-Pétersbourg. S. 173-191; Bazlov, GN (2006) Combat à corps-à-corps russe Buza. M. 80 p .; Bazlov, GN Trostka Boy [Ressource électronique] // Buza russe. URL: http://www.buza.ru/text.php?cat_id=9&text_id=42 (date de diffusion: 19 juin 2015); Bazlov, GN Les principes et préceptes du prince Boris Vassilievitch Golitsynyna Timofeev enregistré Gregory Bazlovym [ressource électronique] http://www.russtil.ru/1files/books/Golotcin.pdf (date de référence: 04/12/2015 g). Bazlov, GN Le système du Prince Golitsyn [Ressource électronique] // Buza Russe. URL: http://www.buza.ru/text.php?cat_id=11&text_id=26 (date de référence: 14 juin 2015); Gudkov, LD (2002) Le néotraditionalisme russe et la résistance au changement // Le multiculturalisme et la transformation des sociétés post-soviétiques. M.S. 124-147. Kadochnikov, AA (2007) Russie main-à-main de combat dans le système des forces spéciales. Rostov n / D : Phoenix. 224 p.; Klyuchnikova, OA sur les tendances contemporaines mouvement populaire russe [ressource électronique] // http://www.folklore.ru/article/122-folklornoedvigenie .. (date de référence: 04.06.2015); Lamajaa, C.C. (2013) Archaïsme de la société. Le phénomène Tuva M .: Librocom. 272 p .; Lamazhaa, CK, Namlinskaya, O. (2013) Les modèles de mode russes et néo-archaïsme dans la modernisation // L'état actuel de la culture et de la société: caractéristiques et perspectives de développement de la Russie: samedi sci. articles / Moscou. Humanit. un-t. MS 99-103; Lapshin, V. (2014) Les formes de néo-: District fédéral du Nord-Ouest [ressource électronique] // Base de données de recherche « modèle russe de perturbation et neotraditsionalizatsii ». URL: http: //neoregion.ru/szfo.html PHPSESSID = 1ce91e1b3a572 ... (date de référence: 04.06.2015)? Lapshin, VA (2014) Néotraditionalisme en Russie centrale: Formes, mouvements, idéologie // Connaissance. Compréhension Capacité № 2. P. 102-108; Bows, VA, Pogorsky, EK, Tikhomirov, DA (2011) La politique de jeunesse de l'État: la pratique russe et internationale dans la mise en œuvre du potentiel d'innovation sociale des nouvelles générations // connaissances. Compréhension № 4. P. 231-236; Lukov, VA (2012) Théories de la jeunesse: analyse interdisciplinaire. M .: "Canon +" de l'ONG de réhabilitation. 528 p.; Madyukova, SA, Popkov, V. (2010) neotraditionalism socio-culturelle: jouer les traditions et la reproduction de l'ethnicité [ressource électronique] // Nouvelle recherche de Touva. 2. URL №: http://www.tuva.asia/journal/issue_6/1743-madyukova-p .. (date de référence: 14.06.2015); Madyukova, SA, Popkov, Yu. V. (2011) Le phénomène du néotraditionalisme socioculturel / ed. E. A. Tyugasheva. Saint-Pétersbourg. : Aletheia. 132 pp. Nikolaeva, EV (2004) néo-culture de la vie quotidienne: la version russe de la fin du XX siècle: l'auteur. dis. ... cand. culte M. 27 s .; Recensement panrusse de la population de 2010 T. 4. Composition nationale et compétences linguistiques, citoyenneté [Ressource électronique]. URL: http://www.gks.ru/free_doc/new_site/perepis2010/croc/ .. (date de référence: 20.11.2015); "Post-folklore" - folklore urbain russe moderne [Ressource électronique] // Magan.org.il. URL: http://madan.org.il/node/855 (date de référence: 4 juin 2015); Seregin, A. (2001) Vladimir Soloviev et la "nouvelle" conscience religieuse // Le Nouveau Monde. № 2. P. 134-148. Néopaganisme slave moderne (critique) [Ressource électronique] // Culture slave. URL: http://www.slavyanskaya-kultura.ru/slavic/jazychestvo .. (date de référence: 19.06.2015); Shnirel'man, VA (2001) Le néopaganisme dans les étendues de l'Eurasie. M .: Théologien biblique. in-t. 177 pp. Ardinger, V. (2006) païen chaque jour: trouver l'extraordinaire dans nos vies ordinaires. Livres Weiser.



samedi 14 juillet 2018

Les deux patries

Petit tour à Moscou. Le plan était de fêter mon permis de séjour avec ma famille russe et tous les gentils "batiouchka" de notre paroisse, mais l'un partait à la datcha, les deux autres ont été invités au dernier moment à l'anniversaire d'un bienfaiteur...
La veille de l'événement, néanmoins, je me suis retrouvée dans la cuisine du père Valentin, avec 50 g de vodka, et, après des considérations diverses sur ma traduction de la vie et la doctrine de saint Grégoire Palamas, sur les vieux-croyants, Ivan le Terrible et l'influence occidentale, voici qu'est arrivée Irina Victorovna, veuve de Viatcheslav Markovitch, voisin du père Valentin et juif converti adorable qui aidait tout le monde. Autrefois, je me retrouvais souvent dans cette même cuisine, avec cette même vodka, et cette même "tante Ira", mais il y avait aussi son mari "oncle Slava", la "matouchka", la femme du père Valentin, et puis aussi Vassili Gueorguiévitch, dit "le Baron", et ils avaient des discussions politiques passionnées, car ils avaient des avis très divergents: le père Valentin et le Baron étaient et sont toujours  monarchistes, oncle Slava et sa femme  libéraux et la matouchka néostalinienne. Moi, je n'intervenais pas tellement, parce que je ne pouvais pas en placer une. Maintenant, la matouchka et oncle Slava sont dans l'autre monde. Mais tout à coup, là, tous les trois, nous retrouvions un peu de l'ambiance disparue. Tante Ira était en verve. Elle m'a dit: "On vous a donné le permis de séjour? Pas possible! A mon avis, on va vous chasser comme agent étranger!"
Le père Valentin a pris un air gourmand et sarcastique: "Certainement pas, Irina Victorovna, car nos autorités savent bien que Laurence a des idées diamétralement opposées aux vôtres."
Mine excédée de tante Ira: "Vous êtes deux imbéciles!"
Le lendemain soir, chez Xioucha, le père Valentin, le Baron, Iouri, Dany et toute une compagnie. Voilà que Iouri et le baron s'accrochent. La baron est insensible au cinéma. C'est un homme du XIX° siècle qui n'a pas digéré la révolution. Iouri ne la défend pas vraiment, mais il est né en URSS, il prend le paquet tel qu'il est, et lui, le cinéma, il aime, et le cinéma, en Russie, fatalement, s'est développé à l'époque soviétique. Le baron considère que tout le cinéma soviétique est nul et propagandeux, même Tarkovski. Ce qui n'est pas du tout mon avis, et puis, dans ces films, la Russie et le soviétisme sont souvent si imbriqués...La Ballade du Soldat est un film d'esprit complètement chrétien. Andreï Roubliov est ouvertement chrétien. Et Si Ivan le Terrible ne l'est pas, et propose des prélats orthodoxes une vision absolument fausse et caricaturale, la sainte Russie, la Russie tsariste pénètre en filigrane ce qui était censé devenir l'apologie des tchékistes, en tous cas, à 16 ans, ce que j'ai vu, c'était le tsar sacré, le tsar de droit divin, et pas le secrétaire du parti communiste... D'autre part, je ne peux donner tort à Iouri quand il dit que le système capitaliste exerce autant de censure sur les oeuvres d'art que le système communiste: pas de financement, pas d'oeuvres, pas de films, pas de publications, pas de pièces de théâtre, pas d'expositions et quand on n'est pas dans une certaine mouvance, quand on ne joue pas dans les règles, quand on n'est pas d'un certain milieu, on n'a pas trop le droit non plus à la libre expression. Le père Valentin me dit le lendemain que le Baron ne peut accepter, comme Iouri et moi le faisons plus facilement, de prendre la Russie d'aujourd'hui avec ses valises, car ces scories communistes qui subsistent sont pour lui une tragédie, rien n'est pire à ses yeux que les Russes soviétisés. De mon côté, je considère que c'est aussi le soviétisme qui a été russifié, et quand à ceux qui sont purement soviétiques, et applaudissent aux crimes communistes ou les prétendent faux, ou aux post-soviétiques qui ne connaissent ni leur histoire, ni leur folklore, ni les traditions et la foi de leurs ancêtres, ils ont beau parler le russe et avoir un physique slave, je ne les ressens pas comme des Russes, de même que beaucoup de Français contemporains ne sont plus des Français.
A la suite de cette conversation, qui s'est terminée par le départ offensé du Baron, Xioucha a évoqué sa mère, la matouchka, devenue communiste devant les ravages du libéralisme eltsinien qui la scandalisaient à juste titre, racontant qu'elle avait découvert dans l'étude des textes, à mes yeux insupportables, des penseurs et leaders communistes que cette doctrine était absolument conforme au christianisme. Je me suis récriée qu'une orthodoxe ne pouvait dire une chose pareille. "Mais la seule différence, me dit Xioucha, c'est que les communistes ne croient pas en Dieu.
- D'abord ce n'est pas la seule différence, loin de là, mais quand bien même ce serait la seule, elle est énorme. Et pour un chrétien, les choses sont très simples, ce qui n'est pas conforme à l'enseignement du Christ est hérétique et vient de l'antéchrist, point à la ligne! Soit on est chrétien orthodoxe, et notre Royaume n'est pas de ce monde, soit on est communiste, et on entend installer le paradis sur terre en écrasant tout ceux qui lui font obstacle activement, ou par leur seule résistance passive à un monde nouveau où ils n'ont pas envie de vivre, ce qui  est mon cas! "
Je suis repartie avec l'impression que nos si belles civilisations respectives, la française et la russe,  ont connu, avec leurs révolutions, des massacres et des destructions culturelles qui les ont laissées divisées et confuses, comme des familles où des intrus malfaisants ont détruit à jamais l'affection et l'harmonie initiales. Et qu'avons-nous obtenu à présent, au bout de deux cents ans de cette expérience pour les Français et de cent ans pour les Russes? Des lendemains qui chantent? La démocratie nous a tous livrés aux mafias à qui elle a donné un pouvoir mondial exorbitant, et absolument dépourvu du moindre frein, de la moindre espèce de conscience, et si on ne parvient pas à les arrêter, c'est la vie même, dans son ensemble, qui risque de prendre fin sur la terre. Capitaliste ici ou communiste là, la modernité nous a tous profondément avilis, diminués, abêtis et asservis. Ce que nous faisons est massivement moche, à se pendre d'ennui et de désespoir, et notre vie ne nous regarde plus et n'a plus aucune transcendance. Les quelques avantages du soviétisme des dernières décennies qui remplissent une partie des Russes de nostalgie valent-ils toutes les existences qu'on leur a sacrifiées, et vivre dans le béton, et les meubles en contreplaqué poli tous pareils, habillés d'oripeaux tristes est-ce là le summum radieux de l'histoire humaine? Le supermarché, la télé, le foot, est-ce là l'horizon qui justifie les massacres de Vendée, la destruction de l'esprit de la France, de ses traditions, de sa paysannerie en deux siècles de république bourgeoise et maçonne? Et où en sommes-nous, maintenant, livrés  par nos propres gouvernements félons, promis à un destin de sous-hommes que l'on croise comme des vaches, pour obtenir une "nouvelle humanité" sans nous demander notre avis?
Aujourd'hui c'est le 14 juillet, dans quelques jours le centenaire de l'horrible assassinat de la famille impériale. Le mensonge est devenu inextricable, comme un gigantesque taillis de ronces. Une supercherie après l'autre, nous courons après les vessies que nous prenons pour des lanternes, et les ténèbres s'épaississent.
Heureusement, il reste encore assez d'églises et de saints pour éclairer, de place en place, le chemin de ceux qui cherchent une issue...
Au cours du dîner, j'ai levé mon verre à la défunte matouchka: "Je voudrais rappeler, au moment où j'obtiens mon premier permis de séjour, ce que me disait toujours Inna: vous mourrez avec nous, vous mourrez avec les Russes. On dirait que je suis en bonne voie pour réaliser sa prédiction!"
Elle me prédisait aussi que je finirais par lui donner raison. Partiellement, peut-être, très partiellement. Son voisin, "oncle Slava", lui rétorquait quand à lui: "Pourquoi veux-tu obligatoirement, parce que je ne peux pas partager ton enthousiasme stalinien, me classer parmi les suppôts du capitalisme? Pourquoi devrais-je choisir entre deux tas de merde, puisqu'ils sentent la même chose?"
Je pense souvent à cet ouvrage historique de Jean de la Viguerie "les Deux Patries". D'abord parce que j'en ai deux, la France et la Russie, et que lorsque je suis dans l'une, je pense à l'autre et réciproquement, mais ce n'est pas le propos de Jean de la Viguerie, son propos est que dans la patrie française, et je vois que dans une certaine et moindre mesure, c'est valable aussi pour la patrie russe, il y a deux patries: la patrie charnelle, spirituelle, celle de nos ancêtres, de leur foi, celle de leur culture, celle de notre histoire et ce golem idéologique, ce Moloch insatiable qu'ont créé les révolutions, au prix d'une extraordinaire violence et avec une méchanceté acharnée. Il y a ceux qui sont désormais les produits du golem: ils ne reconnaissent la France qu'à partir de 1789, ou la Russie à partir de 1917. Tout ce qu'il y avait avant, c'est-à-dire tout ce qui a fait nos génies respectifs, n'est que ténèbres.  Pour ceux qui ne sont pas du golem, c'est le contraire. Et puis il y a les hybrides, plus ou moins de l'une ou plus ou moins de l'autre patrie. Du genre les Russes qui adorent la famille impériale, détestent les bolcheviques et adorent Staline, parce qu'il a tué Trotski et "gagné" la guerre, une guerre que je crois gagnée par l'héroïsme du peuple russe et sa faculté de s'unir, quand son entité encore vivace est menacée.

Le père Valentin et sa matouchka