Le moment approche de récupérer mon permis de séjour de cinq ans, celui qu'on renouvelle automatiquement. Mais on n'en est pas averti par courrier, ni même par courriel, il faut appeler pour savoir si c'est prêt. Et dans ces cas-là deux possibilités: soit on ne répond pas, soit c'est toujours occupé. Pour l'instant, j'en suis au stade numéro un. Après quoi il me faudra aller à Yaroslavl récupérer le truc. Puis à Petrovskoïé refaire l'enregistrement de la voiture. Puis au service d'immigration de Pereslavl me faire enregistrer moi-même à nouveau.
Je me suis traînée à Rostov pour un concert dans ce même centre "The Place". J'étais fatiguée, les douleurs arthrosiques me font passer des nuits en pointillés. en plus je ne chantais pas grand chose. Ce qui me plaît le plus, c'est de chanter avec des gens qui chantent pour leur plaisir, comme Vassia ou Skountsev, dans le cadre par exemple d'une fête ou d'un anniversaire, et d'ailleurs, c'est le mien dans trois semaines.
Les forêts étaient couvertes de givre, tout le long de la route, et de façon uniforme, sur elles flottait une brume vaguement rose, dont l'ourlet oblique laissait paraître, à l'horizon, un ciel bleu pâle.
J'ai rencontré un Français qui va venir s'installer à Rostov, il est en train d'y acheter une maison, près du monastère saint Jacques, et du lac. Sa femme est de Rostov. Elle parle mal le français, et lui à peine le russe, mais il parle italien, de par ses origines, et Katia, qui nous a rejoints, le parle aussi très bien! Il connaissent un Français à Rostov, le ferronnier d'art que je n'ai encore jamais vu.
Le lendemain de cette équipée, je n'avais aucune envie d'aller à l'église, une flemme phénoménale. Je ne sais pas comment j'ai réussi à m'y traîner in extremis. Le père Andreï a essayé, dans son homélie, de trouver des raisons à une récente tragédie locale: une famille a brûlé avec sa maison. Les parents sont vivants, bien que mal en point, mais leurs trois enfants ont péri. Or c'était une pieuse famille orthodoxe, et les enfants étaient adorables, bien élevés et doués. L'exercice était donc périlleux. Même l'évêque a avoué que c'était la deuxième fois de sa vie qu'un événement lui paraissait complètement dépasser sa compréhension chrétienne de l'existence. Moi aussi, je suis restée dépassée. Je pense souvent que nos prières influent sur le cours des choses, d'une manière mystérieuse, c'est ce que pense d'ailleurs tout chrétien. Pas qu'elles s'attirent une récompense, je ne pense pas que ce soit comme cela que ça marche, mais parce que nous sommes en harmonie avec le créé et le Créateur, il y a des malheurs qui ne se produisent pas ou des "miracles" qui surviennent, et aussi, on apprend à tirer un bien d'un mal, à surmonter. Le père Andreï a fait allusion à des comportements contemporains ignobles qui peuvent amener Dieu à frapper de la sorte pour nous réveiller. Mais pourquoi cette famille exemplaire et ses trois enfants? J'avais une amie qui pensait que les inondations catastrophiques de Yakoutie provenaient de nos péchés, mais pourquoi la Yakoutie plutôt que New-York, Washington ou autres expressions de la Babylone maudite des derniers temps? Et puis cette idée que Dieu frappe les gens ne m'a jamais convenu, quand les gens savent si bien se frapper tous seuls. On peut dire que les inondations ici ou les incendies là, quand ils dépassent toutes les proportions connues, sont le fruit du désordre que la bêtise et la cupidité de la modernité progressiste matérialiste ont introduit dans la Création, et comme tout est relié dans le cosmos, le malheur peut surgir chez ceux qui ne l'ont pas provoqué. Et ainsi, les saintes gens souffrir du désordre de tous les autres comme un phénomène morbide peut apparaître sur le pied quand la cause en est une maladie du foie ou du pancréas... en ce sens, nous sommes bien tous coupables de tout ce qui se produit, moi la première qui ne prie pas assez et ne contribue pas assez à la restauration de l'harmonie brisée.
Je me confie à Dieu, pour la suite et la fin de mon existence ici, en particulier, je lui demande de ne pas me faire mourir avant mes animaux, mais je mérite certainement moins de traitement de faveur que la pieuse famille et ses trois enfants.
J'ai vu aussi une vidéo où un prêtre parle du destin des âmes des animaux. Comme je l'ai déjà entendu dire, il n'existe pas sur ce point d'opinion canonique tranchée, mais la croyance généralement admise ici est qu'elle rejoint l'âme commune de leur espèce, le grand Chat ou le grand Chien, le prêtre de la vidéo disait "l'âme de la terre". Cependant, il proposait une hypothèse qui m'avait déjà effleuré l'esprit: leur âme rejoint la nôtre, quand on les aime, nous prenons leur âme à l'intérieur de la nôtre. Quand j'avais enterré Joulik sous un romarin du monastère de Solan, je lui avais dit: "Je te prends avec moi pour toujours dans mon coeur, mon petit chien". "Pensez, dit le prêtre de la vidéo, à ce que vous pourriez ressentir si vous retrouviez votre chat non au paradis, mais en enfer!"
C'est ce qui arrive au chien de Ponce Pilate, dans le roman de Boulgakov, "le maître et Marguerite", jusqu'au moment où ils sont délivrés tous les deux. Mon père Valentin m'avait dit, quand je pleurais mon chat tué devant chez moi: "Nous emmènerons là bas tout ce que nous avons aimé ici bas."
Je me suis traînée à Rostov pour un concert dans ce même centre "The Place". J'étais fatiguée, les douleurs arthrosiques me font passer des nuits en pointillés. en plus je ne chantais pas grand chose. Ce qui me plaît le plus, c'est de chanter avec des gens qui chantent pour leur plaisir, comme Vassia ou Skountsev, dans le cadre par exemple d'une fête ou d'un anniversaire, et d'ailleurs, c'est le mien dans trois semaines.
Les forêts étaient couvertes de givre, tout le long de la route, et de façon uniforme, sur elles flottait une brume vaguement rose, dont l'ourlet oblique laissait paraître, à l'horizon, un ciel bleu pâle.
J'ai rencontré un Français qui va venir s'installer à Rostov, il est en train d'y acheter une maison, près du monastère saint Jacques, et du lac. Sa femme est de Rostov. Elle parle mal le français, et lui à peine le russe, mais il parle italien, de par ses origines, et Katia, qui nous a rejoints, le parle aussi très bien! Il connaissent un Français à Rostov, le ferronnier d'art que je n'ai encore jamais vu.
Le lendemain de cette équipée, je n'avais aucune envie d'aller à l'église, une flemme phénoménale. Je ne sais pas comment j'ai réussi à m'y traîner in extremis. Le père Andreï a essayé, dans son homélie, de trouver des raisons à une récente tragédie locale: une famille a brûlé avec sa maison. Les parents sont vivants, bien que mal en point, mais leurs trois enfants ont péri. Or c'était une pieuse famille orthodoxe, et les enfants étaient adorables, bien élevés et doués. L'exercice était donc périlleux. Même l'évêque a avoué que c'était la deuxième fois de sa vie qu'un événement lui paraissait complètement dépasser sa compréhension chrétienne de l'existence. Moi aussi, je suis restée dépassée. Je pense souvent que nos prières influent sur le cours des choses, d'une manière mystérieuse, c'est ce que pense d'ailleurs tout chrétien. Pas qu'elles s'attirent une récompense, je ne pense pas que ce soit comme cela que ça marche, mais parce que nous sommes en harmonie avec le créé et le Créateur, il y a des malheurs qui ne se produisent pas ou des "miracles" qui surviennent, et aussi, on apprend à tirer un bien d'un mal, à surmonter. Le père Andreï a fait allusion à des comportements contemporains ignobles qui peuvent amener Dieu à frapper de la sorte pour nous réveiller. Mais pourquoi cette famille exemplaire et ses trois enfants? J'avais une amie qui pensait que les inondations catastrophiques de Yakoutie provenaient de nos péchés, mais pourquoi la Yakoutie plutôt que New-York, Washington ou autres expressions de la Babylone maudite des derniers temps? Et puis cette idée que Dieu frappe les gens ne m'a jamais convenu, quand les gens savent si bien se frapper tous seuls. On peut dire que les inondations ici ou les incendies là, quand ils dépassent toutes les proportions connues, sont le fruit du désordre que la bêtise et la cupidité de la modernité progressiste matérialiste ont introduit dans la Création, et comme tout est relié dans le cosmos, le malheur peut surgir chez ceux qui ne l'ont pas provoqué. Et ainsi, les saintes gens souffrir du désordre de tous les autres comme un phénomène morbide peut apparaître sur le pied quand la cause en est une maladie du foie ou du pancréas... en ce sens, nous sommes bien tous coupables de tout ce qui se produit, moi la première qui ne prie pas assez et ne contribue pas assez à la restauration de l'harmonie brisée.
Je me confie à Dieu, pour la suite et la fin de mon existence ici, en particulier, je lui demande de ne pas me faire mourir avant mes animaux, mais je mérite certainement moins de traitement de faveur que la pieuse famille et ses trois enfants.
J'ai vu aussi une vidéo où un prêtre parle du destin des âmes des animaux. Comme je l'ai déjà entendu dire, il n'existe pas sur ce point d'opinion canonique tranchée, mais la croyance généralement admise ici est qu'elle rejoint l'âme commune de leur espèce, le grand Chat ou le grand Chien, le prêtre de la vidéo disait "l'âme de la terre". Cependant, il proposait une hypothèse qui m'avait déjà effleuré l'esprit: leur âme rejoint la nôtre, quand on les aime, nous prenons leur âme à l'intérieur de la nôtre. Quand j'avais enterré Joulik sous un romarin du monastère de Solan, je lui avais dit: "Je te prends avec moi pour toujours dans mon coeur, mon petit chien". "Pensez, dit le prêtre de la vidéo, à ce que vous pourriez ressentir si vous retrouviez votre chat non au paradis, mais en enfer!"
C'est ce qui arrive au chien de Ponce Pilate, dans le roman de Boulgakov, "le maître et Marguerite", jusqu'au moment où ils sont délivrés tous les deux. Mon père Valentin m'avait dit, quand je pleurais mon chat tué devant chez moi: "Nous emmènerons là bas tout ce que nous avons aimé ici bas."
Mon gentil petit chien, vas-tu me pardonner
De recueillir si tôt ce chien qui te ressemble ?
Malgré tout, je le sais, dedans l’éternité,
Nous nous retrouverons à jamais tous ensemble
Et tu ne seras plus, là bas, aussi jaloux,
Car d’amour jaillissant nous ne manquerons point
Dans mon cœur dilaté pour deux petits toutous
La place sera grande, douillette et chaude à point.
On y verra aussi des chats et des nuages
Des champs et des jardins et de grands oiseaux blancs
La mer et son écume et les vents de passage
Des églises dorées et des vitraux d’argent
Tout ce que dans les plis de mon âme épuisée
J’aurai su recueillir, garder précieusement
C’est là tout le trésor de ma vie déchirée
L’amour et la beauté de ses plus clairs moments
Joulik |