J'ai fait un aller et retour à Moscou pour récupérer mes livres et voir le père Valentin, et aussi Dany. Mon intelligent éditeur n'était pas en forme. Il a été malade. Son local a changé, il est juste en face du monastère Danilov et, comme à l'époque de Yarilo, on entend sans arrêt des carillons, car le monastère forme des sonneurs.
Le livre est très beau. L'éditeur Slava pense qu'il va se vendre.
J'ai passé une soirée chez Dany et Iouri, qui ont eu aussi des problèmes de santé, nous en avons tous, c'est le propre de notre tranche d'âge. D'après le psaume, nous commençons tous à être en sursis. "70 ans pour les plus robustes, le surplus n'est que peine et douleur".
Pendant la nuit, j'ai été réveillée par un grand fracas et des cris affreux. Cétait un chat tombé sur le bord de ma fenêtre depuis les étages superieurs, un chat magnifique, de race sphinx, avec un poil ras et frisé tout soyeux, un corps élégant et souple, très propre. Il m'a paru complètement affolé, j'ai essayé de le calmer, de le nettoyer, car il s'est mis aussitôt à déféquer et vomir, et pour l'isoler de la chienne, et du père Valentin aussi affolé que lui, je l'ai mis dans la salle de bains puis j'ai collé une affiche dans l'ascenseur, afin de signaler que nous l'avions recueilli.
Au matin, je l'ai trouvé mort, ce qui a dû se produire tout de suite après que je l'eus laissé. J'étais consternée. C'était un chat magnifique, certainement très aimé. Et de fait, j'ai vu arriver deux heures plus tard sa patronne qui, apprenant le drame, a éclaté en sanglots, et moi aussi. C'était une petite bonne femme entre deux âges, dont l'aspect ne correspondait pas à ce chat de luxe, et dont il était sans doute la plus grande joie, la consolation d'une vie terne. Elle s'accusait de sa mort, car à cause de la chaleur étouffante dans ces appartements, elle avait laissé la fenêtre entrouverte. Je connais bien tout cela, qui m'est déjà arrivé sous une forme ou une autre, et j'avais terriblement pitié et de la dame et du chat. Je suis restée au bord des larmes toute la journée à ruminer les événements du même ordre que j'ai traversé dans ma vie.
Je pensais qu'il était mort de peur, mais en fait, il a certainement dû se blesser en tombant, ce sont des chats certainement fragiles, une race artificielle, comme les spitz miniatures...
Je suis revenue chez moi heureuse de retrouver mon jardin et même mes chats cagueurs et pisseurs, à qui je n'ai pas souhaité la malemort. Il fait beau, un petit air frais, le lys de Nadia la chevrière fleurit et il est magnifique, un bouquet de trompettes d'or.
Le père Valentin m'a raconté que sa fille Olga avait assisté à l'arrestation d'une ado qui brandissait une pancarte "non à la guerre", et qui tremblait de peur à l'idée des conséquences: elle se voyait soumise aux sévices décrites dans la presse libérale pro occidentale; or après l'avoir sermonnée, les flics lui ont dit de rentrer chez elle. La gamine n'en croyait pas ses oreilles: "Vous ne me gardez pas?
- Et pourquoi faire?"
Quand on s'attend à l'échafaud ou au cul-de-basse-fosse, c'est sans doute même un peu vexant!
Nous avons parlé de l'Eglise Ukrainienne, le père Valentin est très heureux que le patriarche et les hiérarques russes n'aient point réagi ni crié au schisme, personne ne juge le métropolite Onuphre, et de plus, cela fait la démonstration de son indépendance effective, que tous les soutiens empressés de l'intervention pachydermique du patriarche Bartholomée dans le magasin de porcelaine ukrainien contestent.
Et à ce propos, mon téléphone ne recevant plus facebook, j'ai appris par Dany et vérifié ensuite que s'installait tout un échange de répliques auquel je ne pouvais participer, sous ma dernière chronique, où j'évoque le métropolite Philippe, entre une dame orthodoxe libérale et atlantiste; c'est-à-dire qu'à mes yeux, elle soutient les gens les plus infernaux qui soient sur la planète en ce moment, et des amies qui la contredisaient. D'après cette dame, le métropolite Philippe, martyrisé pour avoir résisté à Ivan le Terrible, n'aurait pas approuvé l'intervention russe au Donbass. Bien que je n'ai guère le temps de faire une réponse, je sens qu'elle s'impose, et elle servira pour tous les autres.
Chère corréligionnaire, je ne sais si cette chronique se prêtait tellement à une discussion de cette sorte, mais soit, allons-y. Mon histoire avec le métropolite Philippe est très ancienne, et méritait mieux qu'une telle réaction, je n'ai pas l'impression qu'il me désavoue, en l'occurrence.
Le métropolite Philippe défendait contre Ivan le Terrible les propres sujets de celui-ci et non pas les Polonais, les Lithuaniens ou les Suédois. Je ne pense pas que, dans la situation présente, il approuverait l'abandon de populations russes et orthodoxes aux exactions fantasmagoriques de personnages plus ou moins uniates, néonazis et néopaïens revendiqués, dont les tortures et les viols ne sont pas moins atroces et inventifs que ceux qu'on attribue à Ivan le Terrible et son Opritchnina.
Je n'avais pas connaissance de l'opinion de Poutine sur l'assassinat du métropolite Philippe, vous êtes visiblement plus à l'affût que moi de ses moindres dires. Par quel canal l'avez-vous apprise? Au reste, il a très bien pu le dire, c'est une opinion qui circule, certains pensent que Maliouta Skouratov aurait pris cette initiative, ce qui après tout, est possible, et n'innocente pas le tsar pour autant, comme le démontre tout le roman de Dostoievski les Frères Karamazov. Sans contester le martyre du saint homme, il en est aussi pour estimer que l'on ait pu exagérément noircir le tsar sur lequel en fin de compte, on a peu de documents irréfutables. C'est également possible. a partir du moment où on l'identifie à Staline, on assiste à des excès dans un sens comme dans l'autre, ceux qui en font une caricature, dans leur désir de noircir toute l'histoire russe et de prouver que le peuple russe est incapable de se gouverner normalement, et ceux qui voudraient le canoniser, ce qui est bien sûr, contestable.
Cependant, comparer Ivan le Terrible à Staline me paraît abusif, car l'époque était différente, le tsar un monarque légitime, et Staline un dictateur qui a d'ailleurs fait beaucoup plus de victimes qu'Ivan le Terrible, et dans toutes les couches de la population. Mais comparer Poutine à Ivan le Terrible, ou à Staline, puisqu'il paraît que c'est la même chose, est absolument grotesque.
Pour juger Poutine, vous vous appuyez, ainsi que beaucoup d'intellectuels censés être équipés pour penser, et plus grave encore, d'orthodoxes qui devraient avoir du discernement et de la prudence, uniquement sur la propagande unilatérale, cynique et grossière de gens profondément antirusses et antichrétiens qui ont fait et continuent à faire, le malheur des pays qu'ils parasitent, et poursuivent la Russie, qu'ils n'ont pas pu encore achever, d'une haine infatigable.
Vous me ramenez sainte Politkovskaïa et autres personnages dont cette propagande s'est emparés et qui ne représentaient pas grand chose, qui ne mobilisaient pas grand monde, et ne valaient pas la peine d'un assassinat, qu'on n'a jamais prouvé. C'est la raison pour laquelle, personnellement, je n'y crois pas, d'autant plus que le paysage audiovisuel russe, jusqu'à une date récente, grouillait de journalistes entièrement dévoués à votre cause, à croire qu'ils étaient payés par les mêmes ou mus par les mêmes sentiments haineux et les mêmes intérêts, peut-être tout cela à la fois. Ils diffusaient librement sur les ondes exactement les mêmes mensonges que dans les contrées européennes, et jusqu'à de faux reportages, comme le journaliste Ganapovski, et personne ne les assassinés, ni même arrêtés, dans le pire des cas, ils sont partis. Alors pourquoi Politkovskaïa plutôt qu'eux, et pourquoi Nemtsov, personnage discrédité, dont la mort n'était utile qu'à faire marcher les gens comme vous? Quand aux Skripal, c'était tellement cousu de fil blanc que je ne comprends même pas comment une personne dotée d'un cerveau peut prêter le moindre crédit à cette histoire.
En revanche, vous vous foutez complètement des nombreux journalistes assassinés ou arrêtés en Ukraine, de ceux qui se sont exilés, des journalistes occidentaux persécutés par leurs gouvernements respectifs pour avoir dit la vérité sur le Donbass, ainsi que des opposants molestés et intimidés dans le charmant bastion otanesque dont vous prenez si ardemment la défense. Dès 2015, j'avais traduit un appel d'une député unkrainienne, Elena Bondarenko, qui essayait d'attirer l'attention des pays "démocratiques" sur les dérives totalitaires du sien, appel que personne ne voulait publier, évidemment, et qui est passé inapperçu, de même que toutes les horreurs commises pendant les huit ans qu'il a fallu à la Russie pour réagir, tenter d'y mettre fin, et d'éviter une contamination qui aurait fini par menacer sa propre existence. Je me répète, bien sûr, mais je vous invite une fois de plus à regarder l'intervention de l'avocate ukrainienne Tetyana Montian au conseil de sécurité de l'ONU, dont votre presse n'a bien sûr pas parlé. J'ajouterai que pour ce qui est des menaces, dont vous pensez être l'objet de la part d'amies civilisées, les gens qui se sont penchés sur le trou noir mafieux et ses péripéties en reçoivent de réelles, et les consignent à toutes fins utiles.
Vous me reprochez de mélanger la politique et la religion. Ah bon, et pas vous? Et pourquoi les bonnes âmes de l'orthodoxie libérale, intelligente et occidentale, ont-elles justifié la pagaille créée en Ukraine par le patriarche Bartholomée? De sa part, ce n'était pas de la politique? Comment a-t-on pu soutenir cette entreprise infâme commanditée par la CIA? Cela vous va bien, à tous, de baver sur le patriarche Cyrille, quand vous avez épousé cette mauvaise cause et ignoré les persécutions contre l'Eglise ukrainienne traditionnelle comme vous avez ignoré les bombardements de civils au Donbass. Que doit faire Cyrille, pour vous plaire? Bénir l'entreprise visant à nettoyer le Donbass de sa population pour faire place nette aux mafias d'outre Atlantique? Puis le démembrement de la Russie? L'imposition de toutes les "valeurs européennes" ignobles et délirantes que fuient en Russie une partie des orthodoxes européens et américains?
La réalité c'est que non seulement votre gouvernement censure et déforme tout avec une rare fourberie et le secours d'une presse unilatérale, mais vous vous censurez les uns les autres, et cela fait des décennies que cela dure et que les "intellectuels" s'auto-sélectionnent entre eux. De sorte que la société occidentale entière a complètement perdu tout bon sens et tout sens critique. Vous croyez systématiquement la pire propagande parce qu'on vous a persuadés que les Russes sont par essence, par nature, capables de tout. Hypnotisés sur la révolution d'octobre, dont on met complaisemment les affreuses conséquences sur le dos des seuls Russes, alors que toutes les régions de l'empire y ont participé, et que ses cadres étaient majoritairement non russes et russophobes, vous êtes incapables de voir ce qui se commet aujourd'hui, sous l'impulsion de malfaiteurs supranationaux, autrement dangereux et atroces que Poutine. Comme disait déjà Céline, Staline a le dos large. Les Russes aussi.
Pourquoi croyez-vous que je vis ici, au pays du vilain méchant Poutine, par masochisme? J'écris sous la dictée d'un tchékiste qui me braque un revolver sur la tempe? Ou bien je suis soudoyée peut-être?
J'ai horreur de la politique, et n'en parlerais jamais, si je n'avais les yeux grand ouverts sur des infamies que je ne peux cautionner, et depuis longtemps. C'est d'ailleurs pour cela que je suis monarchiste, la monarchie nous délivrait de la politique. Vous préférez prendre les vessies pour des lanternes, grand bien vous fasse. Je comprends que mon blog vous chagrine, mais que voulez-vous, sans renier du tout la France, mes ancêtres et ma culture, comme tous les étrangers qui s'obstinent ici, je suis patriote de la Russie, et cela d'autant plus, qu'on fait de l'occident un asile de fous où même les orthodoxes deviennent absurdes. Non seulement, Politkovskaïa ou pas, je préfère Poutine à Macron, Biden et autres fantoches des banksters du nouvel ordre mondial, mais je leur préfère aussi Bachar El Assad et même le défunt Saddam Hussein. Je leur préfèrerais aussi bien un crocodile, d'ailleurs.