Le semaine lumineuse s'est achevée pour moi à l'église du père Valentin, avec une procession au son des cloches, par un temps radieux. Valérie, qui avait mis 17 heures à franchir la frontière Lituanienne, en raison d'un afflux d'Ukrainiens passés au peigne fin un par un, a logé chez le père Valentin et a fait connaissance avec lui et avec sa famille. Lioudmila, elle, est partie seule en avant-garde pour retrouver mes chats qui lui manquent. Valérie m'a rapporté que si un ou deux Ukrainiens ont protesté qu'ils étaient victimes de discrimination, les autres estimaient que la vigilance des douaniers était tout à fait justifiée. Puis j'ai ramené mon amie à Pereslavl, avec traversée d'un bouchon du samedi. Les cloches, en cette période de Pâques, nous accompagnent partout. Elles résonnent au dessus de mon jardin, en ville, Valérie et Lioudmila s'en émerveillent. Au marché du dimanche, elles ont fait des tas d'emplettes, avec un certain sentiment d'euphorie.
Il fait doux, avec une brise printanière légère et recueillie, des chants d'oiseaux, une lumière mystique, seulement le type qui avait déjà déversé des camions de glaise chaque jour pendant un mois au milieu du marécage en a remis une dose, décidé cette fois à construire ce qui risque d'être, au vu de ce qu'il fait déjà, un château américain de trois étages que j'aurai bien du mal à cacher, et qui me dérobera les saules et les roseaux de l'espace sauvage conservé par miracle. En attendant, ses camions puants, bruyants et poussiéreux nous gâchent la vie et la suppriment sur tout l'espace de son terrain. Les plantes, les animaux, les terriers, les nids, tout est brutalement enseveli pour édifier un mausolée et faire un jardin sinistre, avec la pelouse tondue et les espèces exotiques autour de petits massifs stupides. Il a déjà fait disparaître un ruisseau, qui remonte chez les voisins, et envoyé ceux-ci, qui protestaient, se faire voir chez les Grecs. Certaines personnes, fort nombreuses d'ailleurs de nos jours, ont la délicatesse d'un gros derrière qui se fraie un siège au mépris de tout ce qui existait auparavant sans lui. J'ai vu comme cela une maison dont la véranda est entièrement obturée par le mur en parpaing de la bâtisse d'un type qui s'est installé sans tenir aucun compte de ce qui pouvait se trouver autour.
Mes amis Soutiaguine ont peut-être trouvé leur datcha ici, une petite maison très mignonne, avec une véranda, et plein de voisins de tous les côtés, mais comme ils n'ont pas beaucoup d'argent et ne veulent pas aller dans un village... En réalité, par les temps qui courent, il conviendrait peut-être de s'installer à plusieurs dans un de ces villages qui meurent dans la campagne, afin de s'éviter les catastrophes écologiques et les constructions indiscrètes et hideuses, encore faut-il avoir le courage de déménager. Toujours est-il que si les Soutiaguine s'installent ici pour leurs vacances, j'en serai bien contente. Je les vois trop rarement, et avec eux, c'est une partie de mon ex paroisse de Moscou qui viendra me rejoindre périodiquement ici.