Mes Français n’ayant pas fait
de traductions assermentées de leurs papiers, nous avons perdu des jours
précieux, et nous n’avons plus le temps de faire établir leur passeport
intérieur. Nous avons visité la maison de
Falelieievo, c’est un endroit si beau et si paisible, et pas plus loin du
centre de Pereslavl que ne l’était ma datcha de Krasnoié. De plus, en été, on a
le voisinage de Marina et de sa charmante mère, les expositions, les concerts
et les rencontres qu’elles organisent pour rénover l’église. Mais en fin de
compte, la maison n’est pas disponible de sitôt, à cause de problèmes
d’héritage inextricables. Nous avons vu une autre maison, que l’agent
immobilier Alexandra ne voulait envisager pour personne, je ne sais pas
pourquoi, et que la femme du père Vassili me vantait depuis longtemps. Elle
n’est pas chère, et c’est à Pereslavl, dans un coin encore merveilleux, à la
limite, elle aurait même bien fait pour moi. Elle est plus grande que je ne le
pensais, avec un grenier aménageable, le chauffage central électrique, et le
terrain est grand, la maison bien séparée des voisins, au fond d’une impasse,
avec alentour des champs et des bois. Nous aurons bientôt toute une famille nombreuse de Français à Pereslavl.
Après cette visite, et la séance matinale à l’immigration,
j’avais une rencontre avec des gens que m’envoyait l’institut Philarète, des Sibériens
très gentils. Ils voulaient savoir
où en était la France du point de vue spirituel et pourquoi nous avions décidé
de partir. Je suis remontée à Vatican II et mai 68. Je leur ai parlé du
démolissage de la culture, de l’agriculture, de la classe moyenne, et des
compromissions de l’Eglise romaine avec la modernité. Marie en a rajouté une
dose. Ces gens étaient des tatars qui avaient choisi l’orthodoxie.
Quand j’entends et vois
Macron, je comprends comment on peut en arriver au meurtre politique, Charlotte
Corday, Fanny Kaplan... Ce type est un tel concentré de saloperie, de fausseté, de bassesse, on comprend qu’il ait été promu par des gens comme Attali et
BHL : c’est un golem très réussi. L’entendre pontifier des absurdités et
des mensonges énormes, et savoir que nombre de pauvres décérébrés qu’il mène à
l’abattoir reprennent tout cela en choeur me donne le vertige et la nausée tout
à la fois. Et j'en ai d'autant plus de colère et de chagrin que d'écrire mes souvenirs me fait revivre dans la France d'alors, où tout était bien sûr déjà en germe, mais où tant de choses subsistaient de notre honnête et douce façon de vivre.
Et parmi les nombreuses
victimes françaises de cette nullité sadique, plus personne ne se révolte vraiment. Sous la dictée de l’angoissante
Ursula, avec ses yeux de veau en gelée et son sourure d'automate, il envoie au massacre des milliers de
malheureuses bêtes, naufrageant définitivement les derniers éleveurs qui ne
réagissent plus. Il me semble que mon défunt beau-père aurait enterré déjà
plusieurs sbires de ce fourbe au fond de son parterre. A voir ce scandale, je
pense à la dékoulakisation des années trente, en plus faux-cul. J’en ai le
coeur soulevé, j’aimerais pouvoir pendre un préfet avec les tripes d’un
gendarme sur le bûcher d’un député. Ce qui est une figure de style, car je suis fondamentalement incapable de faire de mal à une mouche, contrairement à eux, qui ont tout le sang de la guerre d'Ukraine sur les mains.
Mais ces crimes contre la vie,
contre la nature, nous allons les payer. Nous allons les payer, tous :
ceux qui les ordonnent, ceux qui les exécutent, ceux qui ne s’y opposent pas.
Et en premier lieu, le sinistre petit bellâtre en costar, avec sa voix d’acteur raté qui se parodie lui-même,
j’espère qu’il prendra particulièrement cher. Quand je pense qu’à cause de
lui, de ses parrains, de ses prédécesseurs et de ses comparses, la guerre a
fini par advenir, entre la Russie et l’Ukraine manipulée, et qu’elle se
poursuit, au prix de milliers de morts, à la grande joie de ce pervers et de
toute sa clique d’intrigants et de mafieux ! Et c’est lui qui vient nous
dire que « Poutine ne respecte jamais ses engagements » ou que « Poutine
est un ogre et un prédateur », tremblez pauvres connards de service, qui
sucez votre tototte devant les hypnotiseurs de la télé ! Car ce n’est pas
le marchand de sable qui va passer mais la faucheuse à grands coups d’ailes. Et
jusqu’en enfer, vous continuerez à têter et bêler sans rien comprendre.
Hier soir, nous avons dîné
chez Gilles, barbecue dans le jardin, il faisait un froid de canard, nous avons
eu trois semaines d’été étouffant et orageux plein de moustiques, entre un
printemps glacial et un automne précoce. J’étais fatiguée, migraineuse,
les conversations me saoulaient. Mais les Français et Gilles s'entendaient bien, c'est le principal. La situation en Russie que décrivait Gilles me rappelait Ivan le Terrible et les traîtres boyards, mais Poutine est beaucoup plus cool et patient que le tsar.
Ce matin, j’avais une autre
rencontre au café. Une Russe et ce que je croyais être un Français, mais non,
c’était un vieil intellectuel russe qui a vécu en France avec une femme
française, un homme charmant et intelligent, qui a aussi un blog. Il me propose
son aide pour obtenir la nationalité russe. Un de ses amis fait des listes
de Français méritants qu’il communique à Lavrov. Je pense souvent avec
attendrissement à un imbécile qui me mettait continuellement au défi de « prendre la
nationalité russe », comme quoi d’après lui, je n’avais pas la moelle,
alors que contrairement à la légende, non seulement je ne touche rien de
Poutine, mais que recevoir la nationalité présente pour moi toutes sortes de
difficultés, car je n’entre dans aucune case administrative... en somme, je suis arrivée trop tôt.
Cet homme, Mikhaïl Alexandrovitch, a des amis en commun avec moi, et notemment ma chère et regrettée mère Alexandra, qu'il connaissait quand elle allait encore au monastère de Bussy.
Je m’active pour nettoyer la
maison, ce qui est toujours un exploit, à cause des chats, et puis aussi de la
poussière, de la boue, des insectes... Surtout les chats. Félix, l’intrus noir
et blanc, est en plus malade, il a un oeil purulent, comme beaucoup de chats
dans la débine.Robert avait le même
problème, lui mettre quelque chose dans l’oeil, c’était mission impossible,
mais il est si glouton qu’il avalait les antibiotiques avec sa bouffe. Félix
est impudent, mais trouillard, je ne sais pas comment le soigner ; et à
vrai dire, je donnerais tout pour ne plus le voir. Il me surveille en miaulant à
fendre l’âme, avec son air con. Je me suis retenue je ne sais combien de fois
d’adopter des chattes en détresse qui étaientsi sympathiques, sur les photos des sites spécialisés...
Alors que les animaux tournoyaient comme des chacals autour de moi, dans la cuisine, j’ai commencé à chanter en slavon : « Seigneur
Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur » et ils ont arrêté
de miauler, ils m’ont fichu la paix, c’est étonnant. Quand je prie, le matin,
l’affreux Blackos arrive aussitôt ; il se tient devant moi, me regardant
avec des yeux de merlan mort d’amour.
On abat délibérément, sous un
prétexte fallacieux, les bêtes des éleveurs français, et de voir partir ces
vaches confiantes et leurs veaux, vers l’angoisse et la mort, tandis que leurs
propriétaires poussent des clameurs révoltées me retourne les tripes. Jamais je
n’aurais cru, dans les années soixante, soixante-dix, que je verrais un jour
cette horreur. Ce sont les politiciens, leurs préfets et leurs gendarmes, qu'il faudrait euthanasier.
Parallèlement, on déclare que
les logements des Français sont trop grands, et ceux qui disposent de plus de
vingt mètres carrés devront payer une taxe sur l’excédent. C’est de la
spoliation pure et simple. Chaque fois que j’apprends ce genre de choses, que
je pense à mon enfance, à ma famille, et à ce qu’il en reste, j’ai la larme à
l’oeil, et la colère au coeur. On assassine la France. Que soient maudits les
êtres qui ont ourdi tout cela. Ils n’ont plus d’âme depuis longtemps. Ce sont
des cellules cancéreuses, le chancre mortel de l’Europe.
En somme, c'est le cocopitalisme, le communisme pour nous, le capitalisme pour eux, et pour les animaux et la nature, l'enfer.
J’ai vu une jeune femme russe
qui planifie son retour au pays, depuis la France, à cause de l’atmosphère
étouffante, de la russophobie délirante, des réflexions hostiles adressées à son fils aîné à
l’école. Juste après notre entrevue, j’ai reçu un couple de Français qui
émigre, accompagnés de leur petite-fille, dont les parents songent aussi à suivre leur exemple. Une lointaine origine russe leur a permis de recevoir la nationalité.
En revanche moi qui fut une des premières hirondelles, je n’entre dans aucune
catégorie administrative, même pas la plus exacte, l’émigration pour des
raisons de conviction idéologiques, car l’ukase du président est apparu longtemps après mon arrivée en Russie.
Ces Français modestes ne
sont pas d’accord avec les orientations qu’a pris la France dans tous les
domaines, et considèrent qu’on leur pique l'essentiel de ce qu’ils gagnent, c’est ce que
tout le monde me dit. Je les ai emmenés voir une maison au village de Falieïevo, qui a l'air au bout du monde, mais n'est qu'à 15 mn du centre de Pereslavl. Puis nous avons fait la rituelle visite à l'église des Quarante Martyrs, après une pause au café français. D'impressionnants nuages noirs se crispaient au-dessus des eaux sombres et brillantes où passaient de petits bateaux colorés, et des canards.
J’ai vu aussi au café un
général des forces spéciales d’intervention, avec sa famille. Il voulait me
rencontrer, car c’est un ami du père Basile, de Gilles et du père Nikita
Panassiouk ! C’est une sorte de grand ogre très cordial, dont le nom de guerre est Khan, ce qui lui va très bien. Il est en ce
moment au Donbass. Son fils y a combattu six mois, il est affecté ailleurs, et
il vient de se marier. Quand je lui ai raconté mon épopée avec Katia, il m’a
pris les mains avec enthousiasme.
A la caisse du supermarché,
avec mes Français, je voyais un type qui nous surveillait, dévoré de curiosité. Il
nous a poursuivis jusqu’à la voiture : « D’où venez-vous, les
gars ?
- De France. »
Il nous a fait un large
sourire, les pouces levés.
Nous avons entre deux coups de
pluie des journées douces et tièdes, et je passe mon temps à ramasser et
conditionner des poires, et aussi des prunes, il y en a moins que d’habitude,
mais quand même. Les guêpes me voltigent autour avec reconnaissance, elles ne
me piquent jamais.
Tania est repartie ce matin,
la mort dans l’âme : « Ici, j’ai l’impression d’avoir trouvé une
famille et je repars chez les zombies. » Mais elle a mis beaucoup de
choses en place pour son retour définitif.
Je suis allée, avant de
prendre congé d’elle, à la liturgie du petit matin. Il faisait frais et humide.
Le père Andreï, comme je lui parlais de mon indignation devant les fake news
françaises et les commentaires idiots qu’elles suscitent, m’a dit :
« Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » J’aurais pu lui
répondre que selon Dostoievski, la bêtise pouvait parfois devenir un crime. Mais
ce n’était pas le lieu d’entamer un tel débat.
J’en ai sur Telegram, avec un jeune prêtre catholique, de très intéressants. Nous avons parlé de la chute,
de la place de la Création dans le salut, des animaux. Il me dit que le Christ,
en s’incarnant, avait récapitulé en Lui, toute la Création, et qu’en effet,
comme le pensent les orthodoxes, elle est transfigurée avec les saints. Mais il
réfute les idées de certains écologistes qui mettent l’animal au dessus de
l’homme, et souhaitent sa disparition. Moi aussi, car si les animaux et les
hommes ont beaucoup de choses en commun, nous différons sur des points
évidents : les animaux sont incapables de notre épouvantable et perverse
cruauté. Ils n’ont pas de création artistique. Je veux dire qu’ils peuvent
secréter de la beauté, dans ce qu’ils confectionnent, mais il n’ont pas
d’intention créatrice. Ils peuvent prendre du plaisir à chanter, et même à
danser. Mais pas composer une symphonie, ni écrire un roman, un poème. Enfin,
s’ils participent certainement à leur manière de la Divinité, ils ne la
conçoivent pas, et ne communiquent pas avec elle. Mais c’est peut-être une
question de niveau d’évolution, car je pense que la Vie existe pour produire
des créatures conscientes qui en adorent le Créateur et s’unissent à Lui en la
transfigurant.
Pour en revenir à la désinformation, c’est ahurissant. La presse française fait dans l’inversion accusatoire et la
calomnie systématique. On peut dire que tout ce dont elle accuse les
Russes, ce sont les Ukrainiens et leurs parrains qui le commettent. C’est ce
que j’ai souligné dans un commentaire sur Facebook. Un parfait inconnu me répond alors élégamment : « Retourne dans ton EPHAD, morue. »
Vraiment, le troll pro ukrainien, c’est la classe... Pire encore: un autre, sous la vidéo de Douguine, place une photo de poulet grillé avec la légende: "Salutations à Douguine de sa fille Daria", et une ribambelle de smileys ricanants. J’ai pensé aux années
vingt en Russie, ou à Soljénitsyne conseillant aux intellectuels
distingués persécutés par les droits communs au Goulag de jurer de façon ordurière pour
avoir la paix. Je peux proférer des jurons orduriers, mais quand ça vient de
trop bas, je n’ai même pas envie. Simplement, lorsqu’on en arrive là, c’est que
le totalitarisme est déjà bien installé. Pas d’arguments, des insultes, et bientôt
des lynchages. L’arrogance des cancrelats qui, dans les époques normales, sont
si vite remis en place par la communauté qu’ils restent plus ou moins tapis
dans leurs ténèbres, attendant, pour se manifester, qu’arrive une guerre ou une
révolution.
Slobodan décrit dans son
Antipresse le désinformation infâme dont la Serbie a été victime, pour
permettre l’intervention de l’OTAN en la justifiant auprès des imbéciles.
Comment toute la population des Serbes de la Krajina a dû choisir entre la
valise et le cercueil, tandis que les Européens considéraient que c’était bien
fait pour leur gueule, puisqu'on avait réussi à faire passer un peuple de
résistants comme les Serbes pour des fascistes, alors que ceux qui l’avaient
toujours été dans l’affaire, c’étaient les Croates, exactement comme en
Ukraine, et Slobodan développe ce parallèle intéressant. Avec à la clé toujours
les mêmes malfaiteurs, les mêmes manipulateurs, les mêmes menteurs éhontés. J’avais
alors compris que tôt ou tard, l’OTAN déclencherait une guerre avec la Russie,
selon le même scénario. Et en effet.
Les gens croient n’importe
quoi, et sont dans une confusion extrême. Je défends les paysans, mais ceux-ci
sont souvent allés avec enthousiasme à la rencontre de ceux qui ont causé leur
perte, ils se sont jetés sur le remembrement, les pesticides, les machines
coûteuses, et continuent à penser que la nature est destinée à être exploitée à
mort, en éradiquant toute espèce jugée nuisible, dès lors qu’elle diminue le
rendement et les recettes. On a voulu en faire ici, en Russie, des prolétaires,
en Europe, des agriculteurs. Tout ce qu’on veut, mais pas des paysans, des
paysans enracinés qui connaissent et respectent leur environnement, au lieu de
le violer en permanence.
Je ne peux plus regarder les
reportages sur les abattages de troupeaux entiers, sous le prétexte fallacieux
d’une maladie bénigne, cela me rappelle le Covid, et les analogies entre la
façon dont on traite les animaux, et dont la caste traite les gens sont si
évidentes que cela me fait peur. La méchante stupidité de ces créatures des
ténèbres ressemble beaucoup, en plus faux-cul, à celle des bolcheviques de la
collectivisation, qui enfermaient, selon Alexandre Panarine, les troupeaux derrière des barbelés, en
interdisant aux paysans qui en avaient été les propriétaires de venir les
nourrir, ou de s’en nourrir, . Il s’agit de la
destruction systématique d’un mode de vie, et des êtres qui le constituent,
soit les éleveurs d’un côté, les bêtes de l’autre. D’un mépris satanique pour
les uns et les autres. D’une cruauté glaciale et calculatrice. Et il se trouve
des éleveurs pour mettre les loups en cause, mais ce sont les préfets, les
députés et les technocrates qu’il faut éradiquer. Le loup fait partie de la
nature, il y a sa place, il a lui aussi le droit de bouffer, et une fonction à
remplir dans l’ordre divin, et puis il est noble, à l'inverse de ceux qui le traquent.
Je ne peux plus regarder les
reportages sur les incendies gigantesques à répétition, et rien ne m’ôtera de
l’idée qu’ils participent du même processus. J’ai lu qu’un projet de panneaux
solaires était en cours, quoi de mieux, avant de vitrifier toute une région,
que de l’incendier à mort pour faire place nette ? Comme cela se produit
au moment des deuils, mon cerveau se refuse à assimiler ce qui se produit, la
France mise à feu, et on peut le dire, au vu des agressions incessantes, à sang.
Et au pillage. De tous côtés, ce ne sont que destructions affreuses et
spectacles dégradants, discours affolants de haine et de stupidité, mensonges
et calomnies fabtasmagoriques. Des gens cultivés et théoriquement intelligents qui sombrent
dans le délire paranoïaque le plus absurde. Des gens incultes au delà du
possible qui éructent des insultes et des accusations aberrantes. Et tout cela
s’agite au milieu du désastre, crie, hurle, gesticule, grimace, glapit, exhibe son cul
et ses répugnants petits vices, en accusant la terre entière de sa propre nullité.
Olga Filatova nous parlait
d’un analyste russe, selon lequel l’abrutissement des masses était un programme
d’ingénierie sociale délibéré, ce dont je ne doute plus, et ce n’est pas
nouveau pour moi. Mais il observe que les manipulateurs responsables, ceux qui
ont initié tout cela et se croient d’une autre essence, deviennent eux-mêmes de
plus en plus stupides, ce qui est évident, quand on regarde le personnel
politique français, par exemple. Et les soi-disant intellectuels à son service. Mais c'est justement peut-être parce qu'ils s'auto sélectionnent et font barrage à tous les autres.
Il m’est très difficile de
garder de la charité chrétienne pour les dégénérés et les pervers qui se
multiplient et font tant de mal, et de ne pas éprouver de colère lorsque
j’entends leurs discours ou que je lis leurs commentaires.
A ce sujet, j’ai vu une
émission très intéressante de Pierre-Yves Rougeron, au sujet du burn out, et
des personnalités toxiques qui font du travail un enfer. J’ai connu cela, et je
pense que le travail est presque toujours un enfer. A cause des personnalités
médiocres, intrigantes et perverses qui prennent le dessus, et placent aux
commandes des gens comme eux, et chez les indépendants, à cause de l’Etat et de
l’administration, où de telles personnes sont de plus en plus dominantes et ne
laissent pas arriver les autres, qui persécutent artisans, commerçants et
agriculteurs, avec la méchanceté et la persévérance typiques des minables et
des parasites. L’émission faisait justement l’analyse du processus qui dépasse
largement aujourd’hui le cadre de l’entreprise, de la fonction publique, et
atteint le pays entier. Les pervers narcissiques sont aux manettes partout,
toute l’Europe est devenue la proie de ses pervers et de ses médiocres qui la
précipitent dans le chaos car ils ne savent pas faire autre chose et haïssent
la vie, la vérité, le talent, le courage et la pureté. L’invité de PYR parlait
du recours systématique des pervers de bureaux à l’inversion accusatoire pour
déstabiliser leur victime et lui faire perdre la raison, eh bien c’est ce qui
est pratiqué depuis des décennies par une certaine caste, contre les opposants
en France, contre tous ceux qui dépassent le niveau de la merde, et en ce
moment, contre la Russie. Et il est inutile d’apporter des contre arguments,
car on ne vous laisse pas parler, vous avez tort par définition , « retourne
dans ton Ephad, morue ! » On ment encore et toujours, avec aplomb,
jusqu’à ce que la personne sensée doute de son jugement, tandis que les fous et
les imbéciles, qui ont depuis longtemps perdu le leur, répètent les incantations
de ceux qui leur volent leur pays, les précipitent dans la misère, la violence,
la folie et font Dieu sait quoi de leurs enfants. C’est l’histoire de Tartufe,
si actuelle, ce bourgeois qui préfère se laisser ruiner et spolier par un
louche et odieux personnage plutôt que de renoncer à l’image illusoire de saint
inspiré que celui-ci avait pris à ses yeux. La différence avec aujourd’hui, c’est
qu’alors, le bourgeois était le seul à ne pas voir à quel coquin il avait
affaire, alors que maintenant, toute la famille partage son délire sectaire.
En rentrant de l’église, j’ai
été assiégée par les chats, que j’avais pourtant nourris, mais qui demandent
systématiquement, dès que je m’active dans la cuisine. Je n’en ai qu’un seul qui
me foute la paix, c’est Moustachon, et le pauvre est devenu complètement obèse
depuis que je l’ai fait castrer, si c’était à refaire, je m’abstiendrais,
malgré la nécessité de ne pas contribuer à de nouvelles naissances de chatons
généralement victimes de l’irresponsabilité ou de la cruauté générales. Même
Vassia du Donbass quémande sans arrêt. En plus, un intrus essaie de se glisser
parmi nous, un chat noir et blanc affreux, mais comme tout le monde, il a faim
et il veut vivre. Je vois parfois des appels à l’adoption de chats
bouleversants, avec des regards intelligents et innocents, et celui-ci a l’air
d’un emmerdeur fini, très con, et plein de vitalité, comme tous les cons.
Cependant, le voir tituber sous la pluie glaciale, comme au début de notre drôle
d’été, me serrait le coeur.
Xioucha m’a prêté un roman que
je traduirais volontiers si un éditeur voulait l’éditer et financer
l’opération, mais dans la France actuelle, il ne faut même pas y songer. Ce
roman décrit l’itinéraire d’un jeune programmiste libéral, parti se planquer en
Israël au moment de l’intervention russe en Ukraine, et dont la femme est
massacrée avec leur chat au cours du fameux concert du 7 octobre. Sa
grand-mère le récupère complètement traumatisé, et lui fait rencontrer un
ancien soupirant qui l’embarque au Donbass. C'est
criant de vérité, plein de vie, cela correspond entièrement à ce que je vois
de ces milieux libéraux ici, de leur façon de vivre et de s’exprimer, et ce qui
se passe au Donbass est également très bien dépeint, d’après ce que j’ai
entrevu, et d’après tout ce que j’ai lu et entendu.
Avec Tania, hier soir, nous
étions invitées chez Camille et Irina, un couple ami de Gilles et Lika. Ils ont
une maison à cinquante mètres de celle que Tania a acquise. Une vieille maison de marchands, en briques, qu’ils ont restaurée. Et la maison voisine, qui leur appartenait,
ils l’ont vendue à un architecte, qui a très bien aménagé une isba au bord de
la rivière et ne voulait pas avoir juste à côté une horreur boursouflée en
plastique. De sorte que tout ce petit coin sera épargné par la laideur ambiante.
Ils ont plein de meubles
anciens, qu’ils ont en partie rapportés d’Allemagne, et cela donne un peu
l’impression d’un musée ou d’un entrepôt d’antiquaire. A côté de leur maison, ils
ont construit un bain de vapeur, qui est, comme souvent ici, une seconde
maison, plus petite. Et tout ceci est pris dans un système de verrières qui
débouchent sur le jardin, une sorte de grande véranda, ou plutôt de serre, car
il y pousse toutes sortes de plantes, arrosées par un goutte à goutte, de la
vigne vierge, des clématites, des pétunias, des géraniums, et cela forme deux
salles à manger d’été, une petite et une grande. Le jardin lui-même n’a pas de
pelouse, comme cela semble être la tendance en Russie, dans un certain milieu,
mais des passages de bois qui déterminent des zones de végétation luxuriante.
Camille voulait savoir
pourquoi Tania souhaitait venir vivre en Russie, bien qu’il fût persuadé lui-même
que c’était une sage décision. Il est convaincu que le pays est à la veille
d’ungrand essor. Il a beaucoup voyagé,
vécu dans divers pays, c’est un scientifique, comme le père d’Ania, Grigori
Borissovitch. Comme lui très intelligent, très agréable, et complètement
matérialiste.
Le nettoyage ethnique de la Krajina
a si bien été «blanchi» que l’UE/OTAN
a pu désigner sans vergogne un fier
participant à l’opération «Tempête»
du nom de Tonino Picula comme
rapporteur sur l’intégration (éven
tuelle) de la Serbie(3). L’énormité de
la manipulation qui a réussi à faire
passer les victimes pour les bour
reaux et vice-versa, et faire croire
que le «Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie» de La Haye
était une authentique institution de
justice et non une massue otanienne
coiffée d’une perruque, a profondé
ment marqué ma vie, et pas seule
ment parce que je suis originaire de
cette province tragique, où naquit
aussi Nikola Tesla. Un quart de siècle
avant l’enfumage du Covid, la Yougos
lavie était un test — test que les élites
académiques, politiques et média
tiques de l’Occident ont lamentable
ment raté, comme elles rateraient le
test pandémique. Ceci alors même
que les gens du peuple, souvent,
saisissaient la vérité par l’intuition de
leur cœur.
Au début, j’avais envie d’attraper
les gens par le collet: «Ne voyez-vous
pas à quel point on vous manipule?
C’est pourtant tellement gros!» Puis
je me suis résigné à la nécessité de
vivre entouré de crétins de fonction
à la stupidité apprise. Journalistes?
Jobards opportunistes pilotant leur
carrière avec l’arrière-train comme
on pilote un ULM. Politiques euro
péistes? Complices de crimes de
guerre. Grands juristes? Greffiers
de l’absurdité normalisée. Grands
universitaires? Blanchisseurs
de récits politiquement orientés.
Honneur aux exceptions, bien entendu,
et je les ai saluées sans relâche. Ma
seule réponse possible face à ce mur
de déshumanité a été une parabole,
Le Miel. Cela peut paraître dérisoire,
mais cela a au moins ouvert quelques
yeux et quelques cœurs. Je n’ai trouvé
la sérénité nécessaire pour l’écrire
que vingt ans, ou presque, après les
faits
J'ai dû partir à Moscou, pour les soixante-quinze ans du père Valentin. J'ai fait la moitié du trajet sous une pluie battante, par une épouvantable chaleur moite, et comme je n'y voyais plus rien, j'ai été obligée de m'arrêter. Depuis, la pluie n'a cessé qu'une journée; mais maintenant, il fait seulement seize degrés, c'est l'automne.
L'anniversaire du père Valentin se fêtait dans un restaurant de Moscou, il y avait la famille, les amis, les prêtres de la paroisse, des gens que je connais depuis déjà vingt ou trente ans, leurs enfants, leurs petits enfants , j'étais placée à côté des Soutiaguine. Chacun y allait de son toast ou de son numéro musical, on lui a chanté en choeur "Dieu sauve le tsar" que tout le monde a écouté debout, et un choral allemand, préparé en famille car son fils, le père Mikhaïl et sa fille Liéna sont tous deux chefs de choeur. Entre les toasts, un petit orchestre classique de jeunes filles et une cantatrice remarquable qui chante au choeur de l'église interprétaient Mozart, Debussy ou Schubert. Je songeais que mon jubilé aurait déjà lieu dans deux ans, mais que je ne pourrais plus le fêter à Moscou: trop difficile et trop cher. Je le ferai à Pereslavl, viendront ceux qui pourront. Malheureusement, je suis née en plein hiver, ce qui complique un peu les choses...
Le moment venu de lever mon verre, j'ai évoqué ma rencontre avec le père Valentin, en quatre-vingt-dix sept: "Je suis la fille spirituelle française du père Valentin. Je me suis intéressée à la Russie encore adolescente, et je me suis alors convertie à l'orthodoxie. En 1994, je suis venue travailler au lycée français de Moscou, mais j'avais du mal à trouver une paroisse qui me convînt. Quelqu'un m'avait traînée dans celle d'un prêtre connu, mais la confession prenait tellement de temps que j'y suis passée seulement à dix ou onze heures du soir, le temps de rentrer, il était minuit, et l'office du lendemain a duré trois heures, le lundi, au travail, j'avais l'impression d'avoir subi une anesthésie générale. Un jour d'épuisement et de tristesse, j'ai donné de l'argent à une mendiante, et celle-ci m'a dit: "Tu as l'air triste, il te faut aller vénérer l'icône de la Mère de Dieu "Apaise mes chagrins". Puis, devant partir en France pour Noël, j'ai prêté mon appartement et mon chat à une étuidante française qui était amie avec Macha Asmus. De sorte qu'à mon retour, j'ai fait connaissance avec celle-ci qui s'est écriée: "Vous êtes orthodoxe? Vous devez rencontrer mon père!" Et le lendemain, j'arrivai dans le fameux appartement stalinien des Trois Gares, devant l'impressionnant père Valentin, avec sa grande barbe et sa voix grave. Pendant que nous discutions dans son bureau, toutes les cinq minutes arrivait l'un ou l'autre de ses neuf enfants sous toutes sortes de prétextes, jusqu'au moment où j'ai vu passer par l'entrebaillement de la porte le petit nez de le matouchka, puis toute son imposante personne, qui nous déclara: "Bon, alors vous vous décidez à venir boire le thé, oui ou non?" De sorte qu'en trouvant un père spirituel ici, j'ai aussi hérité d'une famille russe! Le dimanche suivant, en me rendant dans sa paroisse d'alors, j'ai vu que le principal objet sacré en était une grande icône miraculeuse de la Mère de Dieu "Apaise mes chagrins" et je me suis souvenue de ce que m'avait dit la mendiante, en pensant que ce genre de choses n'arrivait qu'en Russie."
Aujourd'hui, j'ai vu Katia, nous nous sommes rencontrées au café, avec Tania, qui repart bientôt, après avoir organisé toutes choses en vue de son retour définitif. Nous avons parlé du Donbass, de l'aide humanitaire, et de Fédia. Il y a quelques temps, le père Basile Pasquiet me disait que tous les soldats pour lesquels on priait chez lui à l'église étaient toujours en vie. Et Fédia lui-même est un miraculé à répétition. Merci à ceux qui prient pour lui. Katia m'a appris que le cosaque Dmitri avait été réformé; à la suite de ses blessures, il est resté sourd d'une oreille, mais il a retrouvé sa famille, et on peut dire qu'il s'en tire bien. D'après elle, Fédia a pris de l'assurance, à la guerre, il a grandi. Les épreuves qui ne nous brisent pas nous élèvent...
Amaury est arrivé à Pereslavl avec les pèlerins tradis qui ont fait escale chez le père Basile. Il a mis chez moi une dame dont j'admire le courage, car elle est plus âgée que moi, et le voyage n'a pas été facile pour elle. De plus, c'est quelqu'un d'intelligent, de sensible et qui comprend bien la situation générale. Comme je lui parlais de Solan, du père Placide, elle m'a demandé pourquoi j'avais finalement décidé de repartir en Russie, et j'ai fini par lui rapporter la conversation décisive au cours de laquelle le père Placide m'avait déclaré: "Partez, nous sommes foutus". Elle est restée muette, comme si quelque chose lui était tombé dessus, qu'elle avait besoin de digérer.
Nous avons passé deux soirées avec toute l'équipe, qui nous a donné des chapelets et des médailles de Notre-Dame de Lorette, comme elle l'a fait aux Russes tout au long de son voyage, parfois bien accueillie, parfois moins. En dehors de cette dame, il y avait deux messieurs, deux messieurs français cultivés, traditionnels, très agréables, ils ont chanté des chansons d'autrefois, et moi la blanche Biche, qui tirait des larmes à Amaury, tout le monde a déclaré que chanter ce répertoire ici avait quelque chose de surréaliste. En effet, et malgré toute ma sympathie pour ces personnes, c'est leur démarche en elle-même qui me paraît le plus surréaliste de toute l'histoire. Car elle a quelque chose de missionnaire, mais tout ce qu'ils apportent est typiquement français, et encore, peut-être actuellement d'un certain milieu français, ce n'est même pas caractéristique du catholicisme actuel, car celui-ci, officiellement, désavoue les réfractaires à Vatican II. Personnellement, je souscris à tout ce qu'a pu dire le père Basile, qui, on ne peut plus traditionnel, a finalement choisi l'orthodoxie, comme du reste le père Placide, comprenant au moment de Vatican II, qu'il ne lui restait plus qu'à partir au mont Athos. Et donc, un certain milieu catholique traditionnel estime que la Russie a besoin d 'être convertie, au catholicisme qui s'est finalement renié, et au sacré coeur de la Vierge Marie de Fatima, pour sauver le monde et la chrétienté, car la Russie devrait se repentir de ses erreurs, cause de tous nos malheurs. Mais la Russie est chrétienne depuis mille ans, au moment de l'assassinat de Nicolas II, elle a été remise par l'Eglise orthodoxe russe au commandement de la Mère de Dieu, c'est elle qui en est la Tsarine céleste, en quelque sorte, depuis que nous n'avons malheureusement plus de tsar ici. Est-ce qu'on a fait de la Mère de Dieu, la reine de France, après le sacrifice de Louis XVI sur l'autel du Progrès exponentiel? Le communisme a été inoculé à la Russie depuis l'occident, c'est en Angleterre d'abord, et en France ensuite, qu'on a décapité le roi légitime et chrétien, puis persécuté les croyants, avant que cela se produisit ici par contagion, alors avant de demander le repentir à la Russie, il faudrait s'occuper de sa propre poutre. Enfin, même si les Russes peuvent avoir de la sympathie pour des Français venus à leur rencontre, ils ont quand même une certaine prévention envers les tentatives de conversion occidentales, qui, depuis les ambassades auprès d'Alexandre Nevsky et les agressions des chevaliers teutons, en passant par l'uniatisme polonais, ont ici très mauvaise presse. Le père Basile s'était d'ailleurs fait jeter de sa première affectation en Russie, parce que les gens du cru pensaient que c'était, malgré sa conversion, un "catholique franc-maçon"!
Cela dit, les réflexions suscitées par l'événement et dont je fais part ici n'ont pas été évoquées au cours de nos deux soirées, elles me sont venues après, sur le fond de méditations antérieures sur ce thème.
L'exploit des marcheurs français catholiques me semblait quelque peu étrange, dans un pays où ce qui demeure chrétien est massivement orthodoxe, au moment où le catholicisme officiel sombre dans un n'importe quoi qui consterne beaucoup de ses fidèles, à commencer, depuis déjà longtemps, par les catholiques tradis eux-mêmes. Je me disais que pour pas mal de gens, ma propre démarche est difficile à comprendre, mais elle m'apparaissait tout-à-coup on ne peut plus justifiée, peut-être une intuition qui dépassait largement ma compréhension d'adolescente, quand je l'amorçai, à dix-huit ans, dans l'église de la sainte-Trinité, à Vanves. Car si je reste française par bien des côtés, ma langue et ma culture, mon héritage génétique, si parfois des vidéos sur de magnifiques églises romanes encore revêtues de leurs fresques et accompagnées de chants vieux romains des origines touchent en moi une corde très profonde, je suis absolument convaincue que le salut de la chrétienté ne réside pas dans la conversion au catholicisme traditionnel périphérique de la Russie restée orthodoxe malgré des persécutions inouïes. Et quand je vais à l'église ici, je me sens chez moi, hier, c'était l'anniversaire de notre évêque, et j'étais heureuse de m'associer à cet événement, de le féliciter, de partager la communion avec tous ces gens qui constituent à mes yeux une sorte de famille spirituelle, cette fameuse sobornost' orthodoxe, dont les effets me sont très sensibles. Au fond, quand j'ai quitté l'Eglise romaine, je n'avais jamais ressenti cela, et je ne le ressens pas devant ce qu'il en subsiste aujourd'hui, parallèlement au désastre de Vatican II qui poursuit son chemin. Ce qui ne signifie pas que je n'ai pas de respect, individuellement, ni d'amour, pour des catholiques, simples fidèles ou même prêtres et moines, après tout, saint Silouane disait qu'on ne pouvait damner des millions de gens parce qu'ils n'étaient pas nés dans un pays de tradition orthodoxe, et mon père Valentin pense que toute personne morte au nom de Christ le rejoindra quelle que soit sa confession.
De me sentir chez moi dans l'Eglise orthodoxe fait que je me sens chez moi en Russie, même si j'ai la nostalgie de la France, de ses paysages, de mon enfance, et si je conserve de l'attachement à sa culture. J'entendais Amaury dire qu'à Nijni-Novgorod, le maire était prêt à construire une église catholique pour attirer des émigrés européens au savoir-faire intéressants dans toutes sortes de domaines. C'est-à-dire que des catholiques viendront dans la même perspective que les colons allemands sous Catherine II, qui restèrent protestants et allemands dans leurs villages spécifiques pendant plusieurs générations, même si certains d'entre eux s'assimilèrent plus vite, naturellement. Bon, grand bien leur fasse. En fin de compte, la Russie est grande. Mais il y a quelque chose pour moi de poignant dans cette attitude crispée sur ce qui n'est plus et dans un exil qui voudrait, au fond, changer le pays d'accueil, qu'on dit aimer, mais qu'on voudrait autre qu'il n'est historiquement et spirituellement. Dans un sens, moi aussi, je le voudrais autre qu'il n'est actuellement, je le voudrais tel qu'il est fondamentalement, tel que je l'ai aimé à travers sa culture, je voudrais qu'il redevînt pleinement lui-même, mais ce n'est pas la mode. Même ici. L'amie russe d'Amaury nous disait que, comme en occident, les jeunes se mettaient ici à mépriser et détester les vieux, et évidemment, tout ce qui était national; cependant, ce n'est pas encore un phénomène irréversible et prédominant, car je trouve suffisemment d'écho pour qu'on vienne m'interviewer et me filmer régulièrement, et je me fais aussi aborder par des jeunes. De plus, elle vit à Moscou, et ne connaît pas les milieux des folkloristes, par exemple.
A ce sujet, je suis tombée sur le post suivant, sur le fil de Facebook:
Près de Lvov, en Ukraine occidentale, 70 arbres ont été abattus devant l’hôtel de ville. Non pas parce qu’ils étaient malades, dangereux ou inutiles, mais parce qu’ils étaient jugés « soviétiques ». C’est ce qu’a expliqué, sans sourciller, le maire local, affirmant qu’ils n’avaient donc « aucune valeur » et devaient disparaître. À leur place : 120 arbustes ornementaux, un ruisseau artificiel et quelques bancs sans âme, le tout cofinancé par la Pologne et l’Union européenne à hauteur de 60 %.
Cette scène pourrait prêter à sourire si elle ne révélait pas, dans toute sa crudité, la profondeur du racisme idéologique anti-russe qui s’est emparé de certaines élites ukrainiennes, et que Bruxelles subventionne sans sourciller. Jusqu’aux arbres, on traque tout ce qui pourrait rappeler un passé commun, fût-il végétal. On déracine l’Histoire, au sens propre.
Et ce réflexe n’est pas si éloigné de celui qu’on observe dans nombre de mairies de gauche ou écologistes en France : on sacrifie les vieux arbres, on bétonne les parcs, on remplace l’organique par du plastique, du marketing « durable », de l’aseptisé. La verdure naturelle est perçue comme suspecte, comme une survivance incontrôlable — alors on la remplace par des gadgets urbains subventionnés.
C’est une esthétique du déracinement : le beau devient réactionnaire, le vivant devient politique, le stable devient menaçant. On ne plante plus, on installe. On ne préserve plus, on met en scène. C’est l’anti-nature élevée au rang d’urbanisme européen.
Et pour parachever le symbole : dans cette même ville de Lvov, où l’on coupe aujourd’hui les arbres « soviétiques », les massacres de milliers de Juifs, perpétrés par des collaborateurs locaux durant la Seconde Guerre mondiale, n’ont jamais été jugés. Voilà donc l’Europe que l’on nous vend : amnésique, revancharde, et fière de ses refoulements.
Je remarque que ces
observations très justes sont hélas applicables à la Russie elle-même. Dans la
version communiste de l’idéologie du Progrès matérialiste, le slogan numéro 1,
c’était : du passé faisons table rase. Les églises, les monuments anciens,
tout ce qui pouvait rappeler l’ancienne beauté, l’ancienne ferveur, le désir de
transcendance. Et bien sûr la nature, qui devait être asservie, violée et exploitée à
merci. C’est même étonnant de voir la concordance entre les comportements nazis
ukrainiens et les comportements bolcheviques qu’ils contestent. Sans compter
que ces réflexes sont aussi en place dans la France républicaine. Ici, on
déteste souvent tout ce qui peut rappeler la Russie antérieure à 17 et surtout
la paysannerie. On déteste les espèces végétales locales et la « mise en
valeur » de la berge de notre rivière, ici, à Pereslavl, s’accompagne d’une table rase au bulldozer qui n’a laissé aucun arbre indigène
debout, pour faire certainement place à des espèces exotiques du genre thuya, ou pire, à des
topiaires et des arbres en plastique aux fleurs fluorescentes inaltérables que
l’on retrouve jusque dans l’enceinte féérique et typiquement russe du kremlin
de Rostov. En moins ouvertement idéologique, c’est exactement ce qui se produit
à Lvov, disons qu'ici, cela procède d'un mauvais goût qui lui même procède de l'éradication du sens de la beauté, de l'authenticité pratiquée par l'idéologie. A Lvov, on détruit des arbres soviétiques, ici on détruit des arbres
russes, parce que la Russie n’est pas chic, elle est attardée, on veut partout
instaurer l’esthétique, si l’on peut employer ce mot, du centre commercial
européen, avec les petits réverbères et les massifs bétonnés, ou même de la
zone industrielle: que du béton, que du métal, que du plastique. Ca fait propre. La vie, c'est sale.
A propos des réflexions que je me faisais dans la chronique précédente, j'ai trouvé cette citation sur la page Orthodoxy and animals:
"God is Intellect and transcends the creatures that in His Wisdom He has created; yet He also changelessly begets the Logos as their dwelling-place, and, as Scripture says (cf. John 14:26), sends the Holy Spirit to endow them with power. He is thus both outside everything and within everything. " - St Nikitas Stithatos
Tania est venue me dire qu'un bel oiseau gisait près de mon portail, un gros oiseau, je suis allée voir, c'était une mouette, et j'aime particulièrement ces créatures du vent et de l'eau, couleur des nuages, leur cri mélancolique. L'orage avait dû la faire tomber dans les broussailles, et son aile s'était emmêlée dans les cordes des liserons. Nous l'avons dégagée, elle était un peu ankylosée et choquée, mais au bout d'un moment, elle a réussi à partir. J'étais heureuse d'avoir pu la délivrer.
Retour à l’église, après avoir
manqué la liturgie de dimanche dernier, et cela m’a fait du bien, je ne sais
pas comment cela marche, mais ça marche... Les gens qui prient, leur gentillesse, les cierges,
l’encens, les rites, cet espace immémorial, cohérent, éternel au sein de ce chaos absurde où nous devons tous vivre. L'Eucharistie me donne toujours une impression de paix, de joie recueillie. Je me demandais si j’étais vraiment si chrétienne que cela, car au fond, je ne peux pas comprendre comment un principe
uniquement masculin peut engendrer un Fils et créer un univers dont la moitié
féminine et la moitié masculine se cherchent sans arrêt, se ruent l’une vers l’autre,
recréant, projetant infiniment la Création ou l’accomplissant dans l'exultation et la terreur. De plus, tout ce que je
ressens et découvre m’indique que le monde où nous sommes est fait, sur notre
planète même, d’univers parallèles, que tout y est sacré, que tout participe du
sacré, sauf l’Homme contemporain qui le profane à chaque pas et y commet des
iniquités impardonnables, insupportables, piétinant tout, et se croyant tous les droits, dans une arrogance de plus en plus stupide et néfaste. Les dauphins et les orques ont un
système de communication très élaboré, et ils sont innocents, ils sont purs. Il
en est de même des éléphants, qui ont la notion de la mort, des loups nobles et monogames. Les arbres aussi communiquent, et ils
ont besoin des chants d’oiseaux pour pousser. L’interpénétration, l’osmose, est
immense, entre le Créé et le Créateur. En même temps, je crois que le Christ
est Dieu incarné, et que l’Homme a un destin spirituel qui est peut-être de
dépasser, de transfigurer la loi naturelle et que cela sera l’accomplissement
suprême du phénomène de l’Existence et sa libération de cette perpétuation
infinie du meurtre et de l’entredévoration qui nous cause tant de souffrances,
même en faisant abstraction de la perversité et de la prédation humaines.
Un moine disait que les animaux étaient tous des serviteurs de la Création de Dieu, les animaux et les plantes, chacun a sa fonction indispensable et complémentaire, et les traiter comme nous les traitons, de façon mercantile, consommatrice, brutale et cruelle, c'est cracher à travers la Création, sur le Créateur qui souffre avec elle et avec nous.
Le père Basile m’a raconté au
téléphone qu’il avait vu arriver, avec un Français de ma connaissance, une
équipe de pèlerins cathos tradis venus à pied convainсre les Russes de se
« convertir », comme s’ils ne l’étaient pas déja depuis plus de mille
ans. Le père Basile leur a dit qu’ils seraient toujours très bien accueillis
par les Russes, qui sont très gentils, mais que sur le plan de la théologie,
ils allaient rencontrer pas mal de résistance, que lui-même, vendéen, avait
compris que le traditionnalisme le plus radical, c’était tout simplement
l’orthodoxie. Malgré toute l’estime que lui inspirait leur
« exploit », il pense, comme moi, que tous les adeptes de la
conversion fatimiste sont dans une telle ignorance de la Russie, de sa
mentalité et de sa spiritualité qu’il est difficile de discuter avec eux. Commencer à voir la Russie et son histoire comme elles sont serait remettre en cause pas mal d'illusions.
Il est, comme Dany, et comme
Fédia, le fiancé de Katia, choqué par les fêtes estivales débridées qui sont
peu acceptables dans le contexte d’une guerre meurtrière et périlleuse. Il
m’a dit que tous les soldats pour lesquels on prie au monastère restent pour
l’instant en vie, et Fédia lui-même attribue à la prière des gens qui le
soutiennent le fait qu’il soit encore de ce monde lui-même.
J’avais rendez-vous à dix
heures, dimanche, pour un tournage, dans le cadre d’un intéressant documentaire. Au
monastère Danilov. J’y étais en avance et en évidence, mais je ne voyais rien
arriver. Le cinéaste m’a écrit qu’il cherchait Aurélie la Belge, qui devait
sonner les cloches et participer au film. Le retard était si grand que j’ai
fini par appeler, malgré les brouillages internet, parce qu’il était impossible
qu’on ne me trouvât pas là où j’étais. Et Aurélie, qui m’a répondu, m’a dit que
je m’étais trompée de monastère, ce n’était pas au Danilov de Pereslavl qu’on
m’attendait, mais à celui de Moscou!
Un type à qui j’avais répondu
que s’il avait lu l’Evangile, il aurait vu que Jésus envisage d’ouvrir le
Royaume aux gentils, m’a mise au défi de lui citer des passages qui le
prouvent. Sur le moment, j’ai pensé que j’aurais mieux fait de ne pas faire de
commentaire, car je n’avais absolument pas le temps de faire toute une
recherche. J’y suis plus ou moins arrivée, mais maintenant, je ne retrouve plus
notre échange, et puis à vrai dire, les exemples trouvés ne lui paraîtront pas
convaincants. Il s’agit du Centurion, de la Cananéenne, la parabole du
vigneron, celle aussi, à mon avis, du festin auquel se dérobent les invités, et
puis le passage «Allez, baptisez toutes les nations ». Il y a aussi, me
semble-t-t-il, le passage du bon Pasteur, mais tout cela demande à être vérifié.
Pour moi, il est évident que le message du Christ s’adresse aussi aux gentils, et d'autant plus que les pharisiens ne le recevaient pas, mais
sur un type qui cherche à prouver que ce n’est qu’un juif suprémaciste de plus,
cela n’aura pas grand effet. Il en est de lui comme des pèlerins fatimistes, son système n'enregistre pas certaines données.
Chaleur lourde et orageuse, taons déchaînés, nouvelles affreuses et inquiétantes. De toutes parts. Mon amie Sophie m'écrit: "L'état profond, c'est satan, il est libre et ira jusqu'au bout, puisqu'il ne sait rien faire d'autre que détruire le beau, donc tant que Christ ne sera pas revenu, on est inexorablement sur un toboggan, seules nos prières ralentissent la chute".
C'est ce que me disait déjà le père Barsanuphe en 1970. D'après lui, le monde reposait en permanence sur les prières de sept saints et le jour où ceux-là viendraient à manquer, il s'effondrerait. Beaucoup de prédicateurs ici soutiennent la même chose: la guerre en cours est spirituelle avant tout, chaque prière, chaque belle et bonne action, chaque moment de lucidité et de recueillement contribuent à la victoire. Sophie ajoute: "Les moines, les prêtres, les fidèles, leurs prières, les églises, les pensées sont les filets du Christ pour ralentir le temps du jugement et sauver le plus d'âmes possible."
Mano est effarée par ce qui se passe en France et dans le
monde, et il y a de quoi, elle est même loin, à mon avis, de réaliser à quel
point c’est grave, car elle n’est pas aussi informée que moi, elle préfère
inconsciemment ne pas l’être trop, d’ailleurs. La France est en train de
mourir, minée par la caste, et submergée par les
populations inassimilables et aggressives qu’on a encouragées à venir
déferler sur nous. Je ne vois pas sans un serrement de coeur de vieux documents
sur les années cinquante, soixante, soixante-dix et même quatre-vingt.
Pourtant, le ver était déjà dans le fruit, mais on pouvait encore imaginer
vivre normalement, alors que maintenant, les gens sont inquiets, désespérés,
ils ont peur pour leurs enfants, débauchés et abrutis par l’école, violés et
attaqués au couteau ou à la machette dans la rue. Paris est une sorte de cour
des miracles où l’on voit tout ce que l’on veut mais très peu de ce qu'on appelait un Français, et
quand je relis mes souvenirs, je réalise que tout cela, qui, dans les années
2000 me semblait encore plus ou moins dans la continuité de ma jeunesse, a
disparu sans retour, comme le Moyen-âge ou la Rome antique.
Le
gouvernement est un ramassis de minables, de salauds, de bandits, d'imbéciles et de
traîtres, qui n’ont aucun souci de leurs administrés, on a l’impression qu’ils remplissent un contrat mafieux, consistant à nous
éliminer, en tenant, comme des gourous de secte, des discours vides de sens et impudemment mensongers. Au delà de
ce qui arrive à l’Europe, on peut dire que le monde entier est malade, que
partout gagne la lèpre de la laideur hallucinante, de la vulgarité, de la
confusion, de la bêtise et de la violence aveugle et vile. Tout est perverti,
tout est transformé en cauchemar, les meilleurs sentiments et les meilleures
intentions sont retournées pour nuire, comme dans le cas de l’écologie, où des
pollueurs internationaux sans conscience et sans aucun respect de la vie, utilisent
un discours idéologique creux pour asservir les gens et les faire marcher dans
n’importe quoi : les éoliennes affreuses qui hachent les oiseaux et stérilisent
la terre, les panneaux solaires qui transforment des régions entières en désert
vitré; ou encore la santé, comme dans le cas du covid, ou bien des épidémies
animales permettant de massacrer des troupeaux entiers. Je pourrais pleurer devant les témoignages de paysans qui doivent sacrifier leurs vaches pour une épidémie
bénigne et limitée, parce que les nuisibles au pouvoir cherchent à les
ruiner. Cela me rappelle en plus feutré, plus sournois, les horreurs de la
collectivisation en Russie, d’ailleurs les malfaiteurs au travail sont de la
même espèce et obéissent, au fond, au même motif : une haine sans limite
et sans pitié pour toute espèce de société traditionnelle enracinée, surtout chrétienne. On
dirait qu’un diable ricanant nous attend à tous les tournants, quel que soit le chemin emprunté. J’ai parfois le
vertige, quand je songe que ce que je redoutais depuis plus de vingt ans, cette
guerre entre la Russie et l’Ukraine, remake de la guerre civile des années
vingt qui, au fond, n’a jamais pris fin, a tout de même eu lieu, et même si la
Russie la gagne techniquement, nous sommes tous profondément perdants, plus
encore que ceux qui ont réussi à nous l’organiser avec des ficelles grosses
comme des câbles. Ils seront peut-être détruits au passage, mais ils nous
auront jetés les uns sur les autres, ils auront déversé ici toute l’Afrique, et
là toute l’Asie Centrale, créant une situation irréversible en se moquant de
nous. Ils nous auront privés de notre culture, de notre dignité, de notre âme
et de toute espèce d’espoir, en tous cas, pour ce qui concerne l’Europe, car la
Russie est peut-être encore assez vivante pour surmonter, et même jouer le rôle
de Constantinople, de la troisième Rome, si les gargouilles et les gnomes ne la
mangent pas...
Je disais au
père Valentin que néanmoins, mon voyage au Donbass m’avait apporté une sorte de
sérénité, m’avait donné une direction de vie. Mon champ d’action s’est rétréci
au père Nikita, et à son entourage, à Fédia et ses camarades là-bas, et ici aux
villages miraculés où les jeunes femmes de ma connaissance soufflent sur les
braises de la Tradition. Et puis aux gens qui veulent venir ici et que je
peux aider, aux animaux, devant lesquels nous sommes si terriblement coupables, quand cela n’est pas trop au dessus de mes
forces. Je n’ai aucun pouvoir sur le reste.
Je n’ai pas
non plus beaucoup d’élan pour les prières et offices interminables. Ni pour les
jeûnes. Il me semble que lorsqu’on a mal partout et que l’on supporte un climat
affreux qui vous rend malade, c’est en soi suffisant, comme ascèse. Quand je lis
que je ne devrais pas faire de différences entre les gens et les aimer tous du
même amour, eh bien c’est raté, je n’y arrive pas du tout. Je suis plus
indulgente à mes contemporains, mais je suis loin de tous les aimer comme
moi-même, ou simplement, comme mes proches. C’est à cela que je constate que je
ne suis pas une sainte: je n’ai pas l’amour universel. A vrai dire, j’objecte
souvent aux athées primitifs que ce n’est pas Dieu qui est responsable des
horreurs fantasmagoriques de l’humanité, mais tout de même, je finis par
trouver qu’Il devrait bien quelque peu intervenir. Ce qu’on a fait de l’Ukraine
est tellement immonde, je sais bien qu’une partie de la population a versé dans une haine antirusse délirante et stupide, et cela se paie, au plan de la justice
divine comme de la justice immanente, mais quand même... Plus de 500 000 morts,
ces cimetières à perte de vue, ces hommes enlevés en pleine rue, arrachés à
leurs femmes, à leurs enfants, au landau du nouveau-né qui reste seul sur le
trottoir, au chien qu’ils promènent ; et aussi les pertes russes de
garçons qui ne demandaient qu’à vivre, et qui reviennent affreusement mutilés, tout
cela méthodiquement préparé pendant des années, dans l'indifférence générale, par une poignée de salauds,
tandis qu’une poignée de gens lucides criaient dans le désert...
Invitée par la chaîne orthodoxe SPAS, j'ai fait un petit tour à
Moscou. J’ai dormi chez Xioucha, car Liéna a installé quelqu'un chez son père, et celui-ci n’a pas pensé à me proposer le divan du salon,
à défaut du réduit que j’occupe d’habitude, derrière la cuisine. Du coup, il
est venu me voir à huit heures du matin le jour de mon départ, mais comme je m’étais
réveillée à cinq heures moins le quart et qu’il faisait grand jour, j’ai décidé
de m’en aller pour voyager tranquille et à la fraîche. J’étais à peine arrivée
que Xioucha m’appelait : « Lolo, vous êtes où ?
- A
Pereslavl....
- Papa vous
cherche partout dans l’appartement ! »
J’étais consternée,
si j’avais su, je l’aurais attendu...
J’ai dû
faire un minimum de ménage, à cause des affreux chats, et puis tondre le
jardin, et ceuillir les framboises, et dégager les fleurs des liserons qui les
envahissent. En réalité, je n’ai presque pas arrêté. J’ai juste fait une
sieste dans le hamac pour profiter de la vue sur mon jardin, mais les astilbes
se fanent, et je ne les ai pas vraiment vu fleurir. Les floxs commencent déjà,
et les boules jaunes... Nous aurons sans doute un mois d’août tiède et
ensoleillé, mais cela sent déjà l’automne.
Je cours à
nouveau comme un lapin. J’ai marché à Moscou sans problèmes, dans le joli
quartier de Zamoskvorietchié, je suis allée voir Dany et Iouri, puis un taxi
est venu me prendre pour m’emmener rue Sergueï Eisenstein pour l’émission à
laquelle j’étais invitée par la chaîne SPAS. La journaliste était très gentille,
une jeune femme qui a épousé un Espagnol, Angelika. L’interview n’a pas duré
plus de dix minutes, elle le regrettait, et envisage une autre émission. Une de
ses collaboratrices est venue me dire : «Vous êtes belle... Quels yeux
vous avez, et puis votre allure, vos cheveux argentés, je n’en reviens
pas ! »
Moi non
plus, parce que ce n’est pas ainsi que je me perçois mais ça fait plaisir.
En
traversant, à cinq heures du matin, le passage à côté de chez Xioucha, j’ai
croisé un parfait inconnu qui m’a aimablement dit bonjour, ce qui est inattendu
et agréable dans une grande ville. Plus loin, j’ai vu, au feu rouge du
carrefour, une bande de jeunes sur des trottinettes, bruyants, et visiblement
bourrés, sinon pire. Et marchant à leur rencontre, j’étais légèrement sur mes
gardes, or voici que l’un d’eux m’arrête, et me tend une ombelle de carotte,
ramassée le long du trottoir : «Tenez, c’est pour vous, » me dit-il ,
souriant, la casquette de travers.
Il m’a
semblé que toute ma journée était bénie par ces deux rencontres, que j’ai
bénies à mon tour. Comme si la Russie me rendait mon amour, souvent exaspéré,
mais jamais découragé.
Crépuscule
Souffles
éparpillés de la lumière bruissante
Au gouffre
bleu ténèbre d’une journée torride,
Où la brise
ébahie murmure et s’extasie,
Dansant d’un
pied sur l’autre au travers des corolles...
Que la beauté
s’arrête un instant de courir,
Loin du criard
désastre de notre fin minable
Qui craque et
se fracasse en milliers d’oiseaux noirs,
Et nous laisse
la trace de ses pas adorables,
Au sein gris
du brouillard où virent les couleurs,
Où hurlent,
bigarrées, d’indistinctes horreurs
Où rampent
entêtantes d’infernales odeurs.
Quand monte
douce la lune
Au velours
gris du soir
Et que s’étend
léger le chant du rossignol
Vrombissent
menaçants les démons surchauffés
Et les anges
les fuient dans les couloirs du vent,
Gagnant à tire
d’ailes les astres préservés.
Les lentes
rêveries et les feux sur les rives
Des fleuves
noirs glissant sous l’oeil rouge des nuits,
Les
tournoyantes voix qui s’enlacent et s’érigent
Au gré
s’élargissant du silence ébahi...
La barque
tourne et dérive et brasse les étoiles
Où vont à
petits pas des âmes égarées,
Les voilà qui
filent et s’envolent, effrayées,
Les voilà qui
fusent et s’étirent, éveillées,
Et de
colossaux archanges
Les avalent
dans leur énorme lumière.
A l’horizon
pousse l’arbre et ses fruits stellaires,