Je suis allée faire un tour à Moscou, et j'ai vu mon père Valentin, à l'hôpital. Il était certes pâlot, mais vif et gaillard. Il a demandé combien de gens avaient communié le matin dans sa paroisse, puis ce qui se passait en Ukraine, et s'est lancé dans des commentaires avec son fils, le père Mikhaïl, et son gendre Aliocha, sur la désinformation monstrueuse, qui est l'arme fatale de l'occident en chute libre. Il a beaucoup aimé la définition qu'a donné Xavier Moreau de l'armée russe: une technique hyper moderne, une mentalité de guerriers médiévaux. D'après lui, son ami le Baron voit dans ce qui se passe en ce moment peut-être la seule opportunité d'échapper à la tyrannie ploutocratique universelle, bien qu'il n'ait jamais été partisan de Poutine. Le père Mikhaïl était venu lui porter l'eucharistie. J'étais profondément émue par la sollicitude de son second fils Kolia, qui s'occupait de lui avec un dévouement enjoué, et par la ferveur des prières générales à son chevet. Il est vraiment extrêmement aimé. C'est sans doute ce qui l'a gardé en vie.
Le matin, à l'église, j'avais eu la même impression de prière intense, quelque chose comme une attente lumineuse et nostalgique. On collectait de l'argent pour les réfugiés ukrainiens, la consigne du patriarche était de lire la paraclisis à la Mère de Dieu tous les jours pour hâter l'issue du conflit.
La veille, j'étais allée acheter du matériel de dessin dans le joli quartier de Tchistye Proudi. Cela sentait le printemps, c'est-à-dire qu'il ne faisait pas plus de 5°, mais la lumière prenait quelque chose de radieux, de mystérieux qui transfigurait toutes les architectures. Je voyais déambuler paisiblement, près des boutiques chic, des restaurants et des cafés, des jeunes gens élancés, aux vêtements stylés, avec de beaux visages slaves. Dès qu'on passe au dessus de zéro, et qu'il y a du soleil, tout le monde est dehors, on sort les manteaux pastels, les bottines élégantes. Dany trouve les moscovites moins euphoriques qu'ils ne le sont d'habitude au début du printemps, Moscou ne fête pas le renouveau, comme mes cosaques se sont abstenus des réjouissances de la maslennitsa. Je suis allée la rejoindre dans son appartement. Nous avions acheté un poulet pour Iouri, à condition qu'il donne de petits morceaux à Rita, qui, dans le caddie des courses, défaillait de convoitise, car elle l'avait sous le nez. Il a dit en rigolant que bien sûr, et que même, il pourrait aussi le manger sous la table avec elle, puisque, de l'avis des Européens, c'était la place des Russes! Bien que l'attitude occidentale nous fasse honte, nous en avons plaisanté avec lui, mieux vaut en rire qu'en pleurer, et nous avons bien ri. J'ai retrouvé la même ironie chez le père Mikhaïl et Aliocha, évoquant les "journaux civilisés", leurs contes et légendes, et aussi ceux de leurs amis qui sont "contre la guerre" mais déplorent surtout de ne plus pouvoir aller en Turquie ou en Thaïlande, porter des Nike ou s'offrir des smartphones.Cette épithète de "civilisé", abondemment utilisée par les libéraux pour différencier ce qui est fréquentable de ce qui est russe, est désormais accompagnée d'un gloussement goguenard.
A propos des réactions de l'Eglise Ukrainienne, celle du métropolite Luc de Donetsk me paraît parfaitement compréhensible, respectable et adaptée:
METROPOLITE LUC DE ZAPOROJIE ET MELITOPOL: NOUS SOMMES TOUJOURS AVEC NOTRE PEUPLE
L'Eglise Orthodoxe célèbre aujourd'hui le jour de la découverte des reliques de saint Luc de Crimée. La vie de ce saint est un exemple frappant de l'attitude de l'Eglise du Christ envers son peuple. Lorsque la guerre éclata en 1941, saint Luc Voïno-Iassenetski fut emprisonné uniquement parce qu'il restait fidèle à son Eglise. au même moment, sur l'autre ligne de front, lui provenaient des appels du clergé émigré à l'ouest, selon lesquels les troupes allemandes étaient venues libérer nos terres de l'oppression communiste et rendre au peuple sa liberté spirituelle. On pourrait trouver logique que saint Luc eût été sinon de façon déclarée, au moins intérieurement d'accord avec ces messages. Mais non, monseigneur Luc est resté fidèle à son peuple, et a demandé par écrit à être envoyé sur le front, en tant que chirurgien praticien, en promettant de pugrer le reste de sa peine après la guerre. C'est un exemple de fidélité à l'Eglise et à son peuple.
C'est la même chose aujourd'hui. Peu importent les persécutions contre l'EOU pendant les années précédentes, peu importent les calmonies à son égard. Bien que même maintenant, on continue à confisquer nos églises et à les bombarder, et que ne cesse pas le flux de haine et de mensonges à notre égard de la part de personnes intoxiquées par une propagande satanique, nous soutenons le peuple ukrainien dans ses ennuis et ses peines. Les ennemis de l'Eglise, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, ont du mal à le comprendre, mais pour nous, c'est clair.
Les églises orthodoxes sont remplies de paroissiens de notre patrie. Leurs épreuves sont les nôtres. Leurs joies sont les nôtres. La véritable Eglise du Christ est une mère pour son peuple. Elle en s'intéresse pas aux claculs politiques de ceux qui sont au pouvoir et finiron un jour par s'entendre. Dieu ne nous a pas dotés d'une autorité spirituelle pour que allions nous engager dans la politique. Notre tâche est de rester proches de ceux que nous avons baptisés, mariés, pour lesquels nous prions, qui viennent se confesser auprès de nous et communier au Corps et au Sang du Christ, nous le faisons dans leur demander leurs opinions politiques. En outre, nous n'avons pas le droit d'aggraver le mal en nous mêmes et en les autres.
Nous ne faisons d'un avec le peuple ukrainien et continuerons toujours, quoiqu'il arrive!
Perchi Kozatski