Le père Valentin vient d'être opéré, on attend son réveil. Mais quelle force vitale, j'ai vu une photo où, intubé de partout, il communiquait avec ses filles par écrit, avec son sourire habituel, il est solide... physiquement et surtout moralement.
Je lis pour lui la paraclisis à la Mère de Dieu. Une amie me dit qu'il porte ses prières, et en effet, les miennes, en ce début de carême sont portées, elles ont des ailes. elles sont pleines de larmes, mais elles ont des ailes. Pendant le canon de saint André de Crète, il me venait des images de toute ma vie, et surtout les plus anciennes, comme en surimpression, mon enfance, les gens que j'aimais et qui nous ont quittés, ceux que j'ai laissés en France, et puis aussi les offices à Solan, les chemins que je parcourais autour de Cavillargues et qui me semblaient si lointains... C'était comme un défilé de diapositives qui ne m'empêchaient pas de prier. A la fin, dans les ténèbres, sur le fond de l'iconostase, où quelques couleurs et quelques dorures subsistaient alentour des cierges, monseigneur Théoctyste se détachait à contre-jour, élancé et tout en noir, et sa crosse brillait en deux endroits, comme un signal, une sorte de phare atténué, discret. Son sermon terminé, il a commencé à distribuer sa bénédiction aux fidèles qui faisaient la haie et s'arrêtant près de moi, il me dit: "Tiens, ma joie, vous êtes là!" Il m'a demandé des nouvelles du père Valentin, il va prier pour lui. Il y avait tant d'amour, de ferveur autour de lui, dans cette église, j'avais envie de pleurer, je sentais quelque chose de particulier, d'intense, de beau. Le pressentiment de l'aube au tréfonds de la nuit.
Au retour j'ai appris que le père Valentin, libéré de son tube, avait parlé avec Xioucha au téléphone, mais depuis, il est reparti au bloc. Les prières s'étendent autour de lui sur plusieurs pays. Il a dit avoir vécu les pires moments de sa vie, mais fait preuve d'une fermeté admirable.
Parallèlement, les démons se déchainent de toutes parts, mensonges, calomnies, désinformations, c'est un véritable charivari. La Russie a mis le pied dans un vrai nid de frelons. Une amie me dit que l'archiprêtre d'Odessa Victor est tombé aux mains des nationalistes ukrainiens, il a eu le temps de prévenir, de demander nos prières, il ne pense pas en sortir vivant. Prions pour l'archiprêtre Victor, si le père Valentin s'en sort, peut-être s'en sortira-t-il aussi...
J'avoue ne pas avoir envie de me pencher sur ces ténèbres, autrement que de cette manière, en ces jours du début du carême, quand je vois ces lumières qui s'allument, la chaîne d'amour autour du père Valentin, mon évêque, les regards et les sourires des fidèles de la cathédrale, le père Andreï, le père ukrainien Vassili, son fils Vania, sa fille Macha, cette solidarité, et comment dire? En dépit du tragique de la situation, une sorte de soulagement général et de mobilisation intérieure, dépourvue de haine.
Je ne connaissais pas le canon de Saint-André de Crète, je suis restée sans voix. Merci. C'est beau, magnifique et ces adjectifs me semblent bien mièvres pour décrire mes impressions.
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