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mercredi 21 mai 2025

Castors

 


Le soleil paraît à peine, après une journée pluvieuse, que le voisin d’en face, celui qui a massacré la maison d’oncle Kolia et coupé le bouleau qu’il avait planté, sort déjà sa tondeuse, après m’avoir emmerdée avant hier des heures avec la débroussailleuse, il tond jusqu’à la terre, il ne supporte pas de voir quoi que ce soit de vivant dans le prérimètre. C’est un symptôme de la démence contemporaine que de s’acharner sur toute forme de vie autre que les bégonias dans les massifs et parfois les enfants de la famille. 

J’ai vu récemment qu’une mégère avait exigé et obtenu des autorités de je ne sais plus quelle ville l’extermination d’un nid de corbeaux dans le voisinage de l’immeuble où elle habite, et les oisillons sont tombés sur l’aire de jeux devant des gosses horrifiés. C’est l’équivalent des abrutis qui, en France, font combler les mares parce qu’ils ne supportent pas les grenouilles, ou intentent des procès aux propriétaires de poulaillers ou aux éleveurs de vaches. Mais ces délicats supportent très bien le vacarme incessant des engins, des motos, des radios, de la musique abrutissante qui nous persécute en tous lieux.

Cela vient en complément des maltraitances animales de toutes sortes, et de la haine nourrie par de méchants imbéciles à l’égard des chiens et chats errants, des pigeons, et des animaux sauvages dits nuisibles. Au fond, ils détestent inconsciemment tout ce qui leur rappelle leur déchéance et leur culpabilité.


Les élections en Roumanie sont apparemment une fraude, mais en plus des magouilles électorales de bas étage, il m’est apparu, d’après un micro-trottoir de Tocsin, qu’on a fait fonctionner le réflexe du castor qui  vaut aux Français Macron depuis trop longtemps. Seulement là où, en France, on agite le « fascisme » et « l’extrême droite », en Roumanie, c’est le communisme et l’ingérence russe, un communisme fantasmatique disparu depuis trente ans, comme le fascisme en occident, et personne, parmi ces bâtisseurs de barrages ne soupçonne que des deux idéologies, le pire est actuellement concentré en Europe, et dans l’abcès de fixation ukrainien, et aussi au moyen-orient, la fusion entre Trotsky et Hitler pour le plus grand profit du capitalisme voyou apatride. Là dessus je vois l’infect Mathieu Kassowitz proclamer que le Français de souche n’existe plus et qu’il espère qu’on va continuer à se mélanger de façon mondiale, sans doute pour que sa caste de surhommes immaculés puisse régner éternellement sur le pauvre tas de métis hagards et dégénérés qui survivra peut-être à l'issue du processus. La « haine » dont parlait son film, c’est la sienne. Si les gens ne comprennent pas d’où ça vient et où ça conduit, c’est qu’ils méritent le sort qu’on leur fait. J'en ai plus qu'assez des impostures, des manipulations et des tartuferies.
Deux vidéos très intéressantes, et Idriss Aberkane parle un français si magnifique...

Loin des bombardements qui ont supprimé la maison de sa maîtresse, et des cages de l’association Kochkine Dom, Vassia redevient à quinze ans un chaton primesautier. Elle dort beaucoup dans son petit refuge, mais lorsqu’elle se réveille, elle éxécute des entrechats et poursuit une baballe. Bien sûr, elle n'a plus sa maîtresse, mais elle est contente d'être tranquille, de pouvoir aller et venir, et commence même à venir se chauffer au soleil, sur la terrasse.




lundi 19 mai 2025

Factice


spirée sous le poirier

 
Ma voisine Ania a perdu son père et je l'ai accompagnée en voiture à divers endroits. J'ai aussi logé son frère, avec sa femme et sa fillette, un peu à l'improviste, mais il m’a dit que c’était très bien comme cela, avec les chats partout, très chaleureux, vivant. On m’a offert des produits de beauté pour me remercier, c’est gentil, j'étais touchée de l'attention, mais je n’en mets jamais, et je pourrai bientôt ouvrir une boutique avec tout ce qu’on m’apporte dans le genre. J’utilise de la crème pour les talons crevassés, du lait corporel et de la crème de jour. C’est tout. Et j’ai déjà quatre tubes de crème pour les mains, des masques qui ne me rendront pas la jeunesse et dont je ne me servirai pas, car j’ai la flemme ; et toutes sortes de produits ou shampooings qui ne sont absolument pas adaptés à mon type de peau ou de cheveux, tout est pour peaux ou cheveux secs, alors que je les avais gras, et à présent normaux. J’ai aussi un flacon de numéro 5 de Chanel, beaucoup trop entêtant et sophistiqué pour moi. A un moment, j’avais aussi une ribambelle de savons, mais cela s’est un peu calmé !


Ce qu’il y a de bien, avec les Russes, c’est qu’ils ne sont pas compliqués. Ils ne se formalisent pas de grand chose. Je me souviens qu’à Cavillargues, j’avais planifié de laisser ma maison à des retraités en échange de la garde de mes chats, pendant que j’allais chercher un logement en Russie. Outre que le service était payant, le couple pressenti est arrivé avec l’expression amène de madame Alcazar dans Tintin et les Picaros. Il n’y avait pas de télé chez moi, il n’y avait pas de porte à la chambre pour empêcher les chats d’y aller, c’était impardonnable, j’avais dû laisser seuls mes malheureux animaux en les faisant nourrir par une amie.

Depuis deux jours, il fait tiède et un peu pluvieux, les pétales ont remplacé les flocons qui tombaient il n’y a pas si longtemps, et le blanc feu d’artifice de ma spirée japonaise semble se fragmenter jusqu’à l’ourlet des nuages à travers les ramures fleuries du poirier qui la surmonte. Je réfléchis à la façon dont organiser mon jardin pour qu’il devienne plus facile à entretenir, car mes forces déclinent et mon arthrose ne s’arrange pas. La vue depuis ma terrasse reste miraculeusement pittoresque au sein de cette zone industrielle que devient Pereslavl, avec ses maisons qui ressemblent toutes à des hangards, ses clôtures métalliques d’usine, ses terrains vagues défoncés, et ses constructions en blocs de béton qu’on ne prend pas la peine de crépir, sans doute parce que des esprits diminués estiment que cela ressemble à de la pierre, le comble du chic dans un pays qui n’en a pas. Quand j’ai accompagné Ania au ZAGS pour enregistrer le décès de son père, j’ai revu l’horrible installation de ces arbres en plastique aux couleurs vénéneuses, et de ces fleurs de pissenlits factices géantes, cette fois assortie de faux topiaires en forme de cygnes et de terrifiantes sculptures « modernes » en simili métal jaune brillant, c’est tellement épouvantable que, par l’effet d’une curiosité malsaine dont j’aurai à me confesser, j’aimerais bien voir la tête du « paysagiste », et du commanditaire. On a vraiment affaire à une effrayante mutation de l’humanité qui, pour la première fois de son histoire, produit massivement de la laideur fantasmagorique et un tohu-bohu obsédant. Le mutant déteste tout ce qui est vivant, vrai et naturel, comme il déteste le silence. Les animaux, les plantes et bientôt les gens devront être factices, la musique abrutissante, électronique et omniprésente pour avoir le droit d’exister. Je pense souvent à cet oiseau en voie de disparition qui avait perdu son chant faute de transmission, et qui l’a retrouvé en entendant un enregistrement. C’est ce qui s’est passé avec les cosaques, grâce à des gens comme Skountsev. Si nous perdons complètement, comme cet oiseau, nos chants traditionnels, et nos savoir-faire, nous allons dégénérer de façon irrémédiable. Nous dégénérons déjà massivement. Mais cela deviendra irrémédiable. Je n’aimerais pas laisser un enfant dans cet univers hideux, tonitruant et de plus en plus vulgaire, brutal, infâme et stupide.


Cela devient sportif, en France. Manuel pour démasquer les espions russes : les personnes isolées , retirées au fin fond de la campagne, bref, tous ceux qui n’adhèrent pas aux délires malsains de l’Europe unie, ceux qui pensent mal, ceux qui se taisent, incitation à la chasse aux sorcières. Si vous pensiez avoir la paix au fin fond de la Dordogne ou de la Haute Ardèche, vous avez tout faux. Parallèlement, tentative ratée d’arrestation de Pierre Ioanovic en pleine nuit, et Juan Branco, bizarrement empoisonné en Afrique. On peut se faire du souci pour Francis Lalanne venu dire en Russie tout ce qu’il pense de la France et de sa politique infâme. A sa place, je demanderais vite le visa idéologique.

Dans Antipresse, Eric Werner a fait un atricle très complémentaire de ces tristes nouvelles :

De même qu’il faudrait tenir un journal de l’effondrement, il faudrait tenir un journal de la dictature. Les deux choses vont d’ailleurs de pair: ce sont les deux faces d’une seule et même réalité. La dictature apparaît comme un remède à l’effondrement, sauf que, bien souvent, elle contribue à l’accélérer. Ainsi le Parlement suisse a-t-il approuvé en mars dernier un postu lat visant à mettre sous enquête un certain nombre de personnes affichant leur hostilité à l’État, au prétexte qu’elles représenteraient un «danger pour la démocratie». En allemand, ces personnes portent un nom: ce sont des Staatsverweigerer, mot que le journal Le Matin traduit en parlant de «négateurs de l’État»(1). L’incrimination négationniste n’est pas loin. On voit toutes les associations d’idées qu’elle suggère. Sauf que cette traduction est biaisée. Verweigern, en allemand, ne veut pas dire nier, mais refuser. Les Staats verweigerer ne sont pas des gens qui nient l’État, mais des gens qui le refusent, ce qui n’est pas la même chose. Ils savent très bien que l’État existe, mais ils lui dénient toute légi timité. Autant que possible, ils ne veulent pas avoir affaire à lui. 

Le père Alexeï m’a conseillé ce matin de prendre mes distances avec les nouvelles sur les réseaux, à vrai dire, si je ne m’en retranche pas complètement, il y a beaucoup de choses que je ne regarde pas, pour conserver un minimum de paix intérieure. S’il m’arrive de le faire, je suis complètement perturbée par des cruautés inouïes ou bien alors furieuse et indignée par des propos d’une fourberie, d’un cynisme et d’une stupidité hallucinants.


 

 



jeudi 15 mai 2025

Vassia du front

 


Lundi soir, en arrivant à Moscou, je suis allée à un concert, pour faire plaisir à Macha Asmus. Et à la sortie du concert, elle et sa famille cavalaient tellement vite, que j’avais mal partout, et le souffle court, j’ai demandé à Kolia, qui restait plus ou moins à mon niveau, d’appeler un taxi. Je me sens diminuée, et d’autant plus que cela allait très bien, que la dernière fois, j’avais marché sans problème. C’est depuis que j’ai fait le jardin, et encore avec prudence. Mais cela ne semble plus à ma portée, or j’adore m’occuper du jardin, cela m’est moralement très nécessaire. C’est le contact avec la vie et sa beauté...  

 Le concert était donné par les Zaïtsev, un prêtre musicien et ses soeurs, j’ai été épatée par le niveau de la prestation. C’était très beau, j’ai particulièrement aimé des chansons arméniennes mélodieuses et archaïques, enchanteresses et interprétées de façon si juste et cristalline par deux membres de la famille. Et puis des morceaux de Schubert, Rachmaninov, Bach, je songeais qu’en fin de compte, les prêtres étaient souvent de précieux vecteurs en Russie de la culture classique, et parfois aussi populaire, comme le père Nikita, à Donetsk. J’ai fait quelques croquis, et le fils de Macha, Vassia, a voulu lui aussi dessiner, puis sa fille Théa, et je leur ai prêté mon carnet. Vassia est un enfant charmant, très espiègle, mais il faut l’avoir à l’oeil. Elle me l’a laissé cinq minutes, j’ai tout de suite compris qu’il envisageait de rouler la vieille dans la farine et de prendre le large dans la salle. Il m’a demandé si en fin de compte je m’appelais Laurence, Lolo ou bien Lorka ? Je n’étais pas au courant pour Lorka, Macha a répondu qu’on n’était jamais trahi que par ses enfants, et qu’en effet, à mon insu, elle m’appelait quelquefois ainsi. Elle était accompagnée par son amie Ania, avec laquelle elle était allée en France autrefois, et avait passé quelques jours chez ma tante Mano et mon oncle Henry, qui les avaient tellement aimées, qu’ils les évoquaient chaque fois qu’ils me voyaient : des jeunes filles fraîches comme autrefois, comme on en voyait au temps de leur propre jeunesse. Nous avons fait une photo, pour Mano.



J’ai vu aussi Xioucha qui vire communiste, comme sa défunte mère, il faut dire que l’Occident fait tout pour ressusciter l’ennemi soviétique fantasmatique bien utile pour justifier sa politique prédatrice, et c’est de cela que je lui en veux encore le plus, sachant que les propagandistes de tout cela, sont les mêmes que ceux qui, autrefois, après l’avoir inoculé en Russie, nous vendaient le communisme sous tous ses avatars. Je vois venir le moment où, sans aucune vergogne, ils vont nous expliquer qu’en fin de compte, Hitler était le rempart de la civilisation contre les hordes tataro-mongoles auxquelles ils assimilent les Russes. 

J'avais imprimé mes souvenirs d'enfance et de jeunesse pour les envoyer à un éditeur en France, mais le père Valentin s'en est emparé, et il me faudra attendre de prochains voyageurs pour les faire parvenir! Au moins aurai-je son avis... Nous avons parlé, avec lui et avec Liéna, des événements. Il nous vient des bruits révoltants sur le comportement des officiers, Xioucha nous dit que cela a toujours été comme cela. Cela n'en est pas mieux pour autant. 

     Je suis allée, équipée d’une caisse de transport, aller chercher Vassia, la chatte du front. Une petite chatte très ordinaire. Dans le métro, elle était un peu inquiète, et frottait son museau contre mes doigts, à travers la grille. Une fois dans la voiture, elle s’est roulée en boule dans sa caisse, je ne l’ai pas entendue. Arrivée ici, elle s’est installée dans le bureau, et réfugiée dans le compartiment chat IKEA qu’affectionnait Georgette, et elle a dormi encore un bon moment. Elle a un peu peur de Rita qui fait la maline, pour une fois qu’elle impressionne quelqu’un... Les chats ont réagi d’une drôle de manière. Comme si elle avait toujours été là. Ils ont fait part d’un peu d’étonnement, et c’est tout. Je me demande s’ils ne la prennent pas pour Georgette, car c’est un peu le même style de chatte, tricolore, discrète, quoique Georgette avait beaucoup de personnalité, mais elle savait attendre son heure, elle ne faisait jamais de scandale. Dès qu’elle me voit, elle vient se faire caresser, elle semble très contente, elle n’en revient pas. D’un seul coup, après la catastrophe, les bombardements, puis les cages de l’association et d’incompréhensibles transports, la voilà dans une maison paisible, avec de l’espace, la bouffe régulière, des petits coins confortables où se cacher pour faire la sieste. Elle est timide, encore. Ce n’est pas une aventurière. C’est une petite mamie délicate, ravie d’avoir la paix. Son ancienne patronne sera contente de savoir qu’elle est casée et bien casée.



Alors que je m’apprêtais à me reposer de mon équipée, des artisans pressentis pour réparer la maison d’une amie me demandent de leur ouvrir les lieux. Ils ne cessaient de dire que construire une maison neuve était beaucoup moins cher que d’en rénover une vieille, et cela commençait à me taper sur les nerfs.  Je leur ai répondu qu’en effet, mais que les maisons neuves étaient affreuses, que Pereslavl avait été transformé en une espèce de zone industrielle et commerciale, raison pour laquelle les étrangers voulaient tous des isbas. Dans le temps, les maisons en bois n’étant pas éternelles, ce n’était pas un problème d’en faire une neuve, harmonieuse comme la précédente, mais aujourd’hui, on se retrouve avec une merde en plastique sans proportions ni style, sans âme, sans charme. 

le printemps se fraie un chemin...

                                                      
                                                                                                                                                              

Un journaliste pourri de BFM TV a fait une émission infâme sur les occidentaux partis en Russie et les blogueurs qui racontent leur expérience, glissant le soupçon qu'ils sont des "agents de Poutine". Je ne fais pas partie du lot, car cela concerne surtout les youtubeurs, les vidéos ayant beaucoup plus d’audience que les blogs littéraires. J’ai regardé la réponse d’Alexandre le Frussien, percutante et expéditive. Puis j’ai vu la jeune Gabrielle, qui prend la peine de disséquer tous les procédés pervers et la fourberie de l’individu, dont le seul souci est de jeter l’opprobre sur le pays et les gens qui ont choisi d’y vivre, en donnant toutes sortes de connotations négatives à ses questions et aux commentaires qu’il fait des réponses. Un triste petit salopard, et ils sont tous comme cela, et depuis longtemps. Gabrielle dit, à un moment, qu’on lui reporche de ne pas être objective, alors que tout en aimant la Russie, il lui arrive d’être critique, et c’est aussi mon cas. Mais il faudrait être non pas critique, lorsque cela a lieu d’être, mais systématiquement malveillant pour trouver grâce aux yeux de la secte qu’est devenue la classe politico-médiatique européenne. On lui reproche également de ne pas être restée pour « sauver la France », et elle répond que la France ne lui paraît pas sauvable, car elle n’a pas envie d’être sauvée, et que d’ailleurs, elle avait eu l’impression d’être poussée dehors. C’est aussi ce que j’ai ressenti, et depuis ma jeunesse, car lorsqu’on pense mal, on n’a pas sa place dans la société française, les gens normaux vont se planquer en Dordogne ou ne quittent pas Saint-Marcel-d’Ardèche, comme Gustave Thibon. Ce qui n’empêche pas les trolls de parler de la dictature russe et de la répression des opposants, avec des trémolos dans la voix, les voici même patriotes, tout d’un coup, patriotes de quoi ? D’un pays qu'ils ont contribué à détruire, qui n’a plus ni foi, ni lois normales, ni culture, un espace à conquérir où se ruent les damnés de la Terre, avec la bénédiction d’une caste financière apatride et mafieuse qui nous intoxique et nous déteste ? Des gay prides à plumes dans le cul ? De la laïcité intolérante, de la vulgarité souveraine, de la vilenie, de la perversion érigée en dogme, de la presse manipulatrice, de la fourberie, de la mauvaise foi, des incantations hallucinées et stupides, du mensonge permanent, des persécutions administratives vicieuses, de la justice inexistante et partiale? La France que nous aimons ou avons aimée n’est même pas défendue par ceux dont c’est théoriquement la fonction politique officielle. Elle devient complètement résiduelle, calomniée et muette, tandis que l’essentiel de la population dégénère à vue d’oeil. Dany me disait qu'en faisant disparaître la paysannerie et l'artisanat, nous avions assassiné la France, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Leur France, n'est pas la nôtre, leur France n'a de France que le nom. 


                                                 

                                                  

  
                                                                          

samedi 10 mai 2025

9 mai

 


J’ai dû remettre mon opération à plus tard : comment faire face aux conséquences de mes travaux si je ne peux me pencher pour faire le ménage ? Et puis, la poussière, tout ça...  De plus, arrive à Moscou demain ma chatte du front, la vieille Vassilina, et il va me falloir aller la chercher. Une grand-mère ne voulait pas quitter la zone de combat, pour rester avec ses animaux, et puis sa maison a été volatilisée, l'association Kochkin Dom a récupéré sa ménagerie et les soldats ont évacué la vieille qui supplie de caser ses pensionnaires, Vassilina a quinze ans, l'âge qu'aurait Georgette à présent, et elle est tricolore, comme le drapeau...

Des amis suisses venus acheter une maison ici m’ont offert du matériel de dessin, et m’ont pris toute une série de pastels. La demande est telle, soudain, que, comme aurait dit maman,  je ne fais que tordre et mettre au bleu. Ce qui en soit est très bien, car lorsque je dessine, j’écoute de la belle musique, ou bien le vent et les oiseaux, si la radio voisine et les motos le permettent, et j’échappe à la fascination de l’abîme, qui, ainsi que l’a observé Nietszche, regarde en nous, lorsque nous regardons en lui.   

Hier, c’était la fête du 9 mai, et Katia m’avait invitée à venir le fêter avec elle et son Fédia au village de Filimonovo. Anna Panikhina, qui mobilise les gens pour restaurer les vieilles maisons de Pereslavl, avait décidé de s’occuper du monument aux morts et elle envisage aussi de ressusciter la maison de la culture voisine, qui est en bois.





Nous sommes arrivés au moment où, parmi les drapeaux rouges à symbolique communiste et les drapeaux russes tricolores, le prêtre du coin célébrait une pannychide à la mémoire des gars de Filimonovo tombés au champ d’honneur. Leur nombre était impressionnant, parfois cinq ou six dans une même famille. Pendant ce temps, le mari d’Anna chauffait le samovar pour offrir du thé à l’assistance. Un type a chanté le répertoire de la guerre patriotique devant des grands-mères attendries. Il faisait un froid polaire, un vent humide qui nous transperçait jusqu’aux os, avec de brusques échappées de soleil tiède. Je pouvais sentir l’angoisse muette de Fédia qui enlaçait Katia à distance, et j’avais envie de pleurer, alors je priais pour lui. 

Ensuite, nous sommes allés chez moi boire le thé, parce que Fédia voulait me faire un cadeau, un livre ancien sur Lermontov, et voir mes chats, monsieur Robert, monsieur Moustachon... La veille, avec Katia, ils avaient regardé Quand passent les cigognes . « C’était pour vous remonter le moral ? » leur ai-je demandé. Ils ont éclaté de rire. J’ai dit à Fédia que beaucoup de monde priait pour lui, jusqu’en France, que nous le tenions au bout de nos coeurs, je les ai embrassés tous les deux.

Katia, Fédia et monsieur Robert


Le soir,  je suis allée chez Gilles, avec les Suisses. Il faisait un barbecue dans son jardin. Mais le froid était tel que la partie féminine de l’assistance est rentrée se mettre au chaud, après les amuse-gueules, le problème, c’est que les mecs, débarrassés des bonnes femmes, s’entendaient si bien qu’on ne voyait pas venir la suite. Quand ils sont enfin arrivés, nous avons ricané sur ce fait, et eux aussi, puis nous avons discuté du lycée français où Sébastien, présent avec sa femme Xioucha, a mis ses enfants, et puis aussi de la désinformation française et du tempérament russe. Gilles disait que les Russes étaient extrémistes, je dirais plutôt maximalistes, c’est le mot qu’ils emploient eux-mêmes, ou peut-être idéalistes. Enfin le propos était que s’ils sont puissemment motivés par Dieu, le tsar, Joseph Staline, l’amour de la patrie, ils font des prodiges, et que s’ils ne le sont pas, ils n’ont rien à foutre du boulot. Alors que le Français classique a une sorte de respect du travail: quelqu’il soit, le travail, c’est sacré. Moi, je serais plutôt comme les Russes, bien que pour me montrer à la hauteur de ma mère, j’ai essayé de faire le taf avec conscience.



En commentaire du dernier éditorial de Slobodan, quelqu'un refuse de considérer la victoire russe comme légitime, car il s'agissait de l'affrontement de deux totalitarismes. J'ai donné la réponse suivante:

Oui, je suis fondamentalement d'accord avec vous. Nous avions en présence deux totalitarismes entre lesquels il était difficile de se déterminer. Le révisionnisme soviétique m'agace et me consterne, et ce que j'ai aimé et choisi, c'est la sainte Russie. La nostalgie communiste s'explique par de nombreux facteurs, autour desquels je tourne sans arrêt, il faudrait tout un article et même plusieurs pour en parler. D'abord, l'impossibilité de remettre en cause les immenses sacrifices de la guerre et le discours épique et héroïque qui l'accompagne depuis des décennies. La guerre a donné cinquante ans de survie au communisme, et elle l'a également russifié, puisqu'à cette occasion, Staline a remis à l'ordre du jour l'histoire russe, les héros russes du passé, même si c'était sous un jour tendancieux, afin de mieux mobiliser la population, et il avait relâché la pression sur l'Eglise. Et cela a marché, car communistes ou pas, les gens se sont profondément mobilisés pour rejeter l'envahisseur, qui commettait chez eux toutes sortes d'exactions, il ne faut pas l'oublier non plus. A présent, communistes ou pas, les gens ont l'impression d'avoir sauvé le monde. Et ils ont effectivement déployé des trésors d'héroïsme et subi des pertes énormes. C'est ce qu'aujourd'hui je respecte, et l'Europe, qui nous a emmerdés des décennies avec l'affreux nazisme, l'horrible shoah et les vilains fachos devrait s'en souvenir au lieu de mettre un président juif mafieux à la tête d'une Ukraine néonazie bête et méchante au delà du possible, et d'essayer de recréer un ennemi soviétique qui n'existe plus, en en faisant le bouc émissaire de ses propres crimes. Ce faisant, d'ailleurs, elle justifie Staline aux yeux des gens à qui la chute du communisme a laissé un goût amer, car dans les années 90, ce que nous appellerons pudiquement le capitalisme transnational détruisait la Russie comme il détruit maintenant l'Europe et son proxy ukrainien, j'avais même pressenti à l'époque qu'il allait le faire. D'autre part, les Russes aimaient la simplicité de leur modeste vie, la gratuité des études, de la médecine etc... Ils ne voyaient pas les privilèges de leurs apparatchiks, et ils regrettent tout cela, d'autant plus que le consumérisme et la dissolution des moeurs en révolte une bonne partie. Pour moi, il est clair depuis longtemps que communisme et nazisme sont les deux têtes d'un même serpent qui a nom capitalisme apatride progressiste, matérialiste, né de la dérive occidentale amorcée à la renaissance. Nous assistons à la fusion, en Europe, des pires côtés des deux épiphénomènes. Ce qu'il reste de communisme en Russie m'inquiète beaucoup moins, d'abord parce que s'il subsiste des communistes très cons, c'est quand même dilué dans toutes sortes d'autres manifestations, vous avez des gens qui adorent la famille impériale, détestent Lénine et Trotsky, mais adorent Staline, par exemple. C'est curieux mais c'est comme ça. Vous avez des anticommunistes qui concèdent à Staline, à tort selon moi, la victoire sur les Allemands. D'autres qui lui rendent grâce de les avoir débarrassés de Trotsky et des bolcheviques des années vingt. Pour moi, je me sens solidaire des Russes, qui actuellement, se conduisent mieux que tous les autres. En fait, l'Ukraine offre le spectacle navrant de ce que deviennent des Russes lorsqu'ils renient leur russité sous l'effet de virus sociaux venus d'occident, qu'ils soient bruns ou rouges, et qui continuent à être en Europe, toujours très actifs, sous des formes nouvelles, sous des formes aberrantes de plus en plus maladives et révoltantes. Et tout cela se poursuivra tant que nous n'aurons pas massivement regardé en face la racine de ce mal, et envisagé un repentir commun, en arrêtant de ne voir dans les uns et les autres que de blanches victimes ou des bourreaux très noirs, sans permettre de critiquer ni de remettre en question ni d'envisager les causes profondes.

                                                                                                                                                                                                                                       



lundi 5 mai 2025

Femmes myrrophores

 


Dimanche, prise d’une impulsion, je suis allée pour l’office à l’église Znamenié. Les vieilles présentes me faisaient toutes de grands sourires et me proposaient de m’asseoir, on eût dit qu’elles m’attendaient. Et à la fin de l'office, le prêtre a distribué des roses rouges aux femmes, parce que c'était le dimanche des Femmes myrrophores, que l'Eglise orthodoxe substitue au 8 mars, pour féliciter les mères, les épouses, les grands-mères...  Au moment de la communion, j’ai vu une personne en face de moi, que j’ai mis un instant à reconnaître et qui ne me voyait pas, c’était Katia. A ma vue, elle s’est éclairée d’un sourire, mais elle n’avait pas bonne mine. Son Fédia est en congé, mais il ne supporte plus la vie civile, dans la mesure où il sait qu’il doit repartir dans son enfer. Depuis, il s'est poussé à aller à l'église, et il a été délivré de son désespoir, comme quoi, il est vraiment important d'y aller, le problème est que là où il a été affecté, il n'y a pas d'aumônier, la seule fois où il en est venu un, il était en mission et il ne l'a pas vu. Moi-même, je vais à l'église contre ma pesante inertie, et cependant, j'en reviens toujours réconfortée, et si je n'y vais pas, je tombe dans la déprime. J'imagine ce que cela doit donner d'être au front sans voir un prêtre ni une église pendant des mois.

Volodia et Mariana m’ont emmenée au monastère Borissoglebsk, que j’avais déjà vu. J’étais dans la voiture de leurs amis Dima et Svetlana, de Rybinsk. Ils m’invitent à venir me produire là bas, chanter, discuter, vendre mes livres et mes tableaux. Volodia veut m’y accompagner, le problème, c’est qu’il va me promener de tous les côtés, me montrer tout ce qu’il a fait en lien avec l’amiral Ouchakov, pour lequel il a une grande vénération, et cela m’épuise d’avance. Dima et Svetlana constatent la montée du mondialisme, les manoeuvres sournoises pour nous détruire, mais pensent que Poutine y est impliqué. Ils me disent qu’il emprisonne plus de gens que Staline, et là, outre que le mondialisme a pris un coup dans l'aile, c’est du délire complet. Avec ce que je raconte, sous Staline, j’aurais déjà été fusillée, et pas seulement moi. Et puis, j’ai vu comment se déroulaient les manifs de libéraux à Moscou, c’était loin d'etre aussi brutal que la répression des gilets jaunes par Macron. Ils ont la nostalgie de l'URSS, quand les gens vivaient modestement et sans soucis et avaient des principes moraux. Oui, pour cela, je comprends. D'ailleurs, je pense comme Panarine qu'il eût mieux valu, une fois apaisé l'anticléricalisme imbécile, ne pas toucher au truc, mais ce n'était pas le but recherché par les apparatchiks désireux de devenir oligarques et de ramasser le butin de 1917...


Le monastère est si beau, l’architecture russe ancienne est vraiment féerique, et si originale, je donne tout Pétersbourg pour ce genre de choses, ou les églises en bois du nord, mais les bâtiments demandent des réparations urgentes, en dépit de l’activité et des efforts de l’higoumène. Quand on pense à l’argent qu’engloutit Moscou pour faire de la troisième Rome une capitale mondialisée futuriste... Je n’aime vraiment pas ce que devient le monde.

Les moines ont malheureusement commencé à faire des petits massifs avec des thuyas serrés comme des sardines dans une boîte. Mais le territoire reste largement sauvage, avec des tilleuls et des sapins immenses, qui ont du connaître la Russie quand elle était encore normale. Le temps maussade et venteux donnait une sorte de magie nostalgique à cette atmosphère poétique et envoûtante. L’higoumène, très sympathique, s’implique dans toutes sortes d’activités pour la jeunesse. Il nous a donné, comme la première fois que je l’ai vu, un plein sac de livres et de tisane du monastère. Il se souvenait de moi et connaît le père Basile, qui est passé le voir. J’ai suscité son hilarité en lui disant : « Oui, je suis amie avec le père Basile, il est français et moi aussi ». 

En réalité, je suis loin de nouer des amitiés avec tous les Français que je rencontre ! Il y en a de vraiment infréquentables. Par exemple l'actrice connue dont m'a parlé Dany, et qui met la photo de Zelenski sur son profil. 

L'higoumène m'a fait, comme la première fois, la réclame de la procession de saint Irinarque, et je pourrais essayer, mais tout cela se passe au pas de charge sur soixante kilomètres...


Quand je me sens trop triste, je monte regarder mon grenier, ma tour d’ivoire. J’aurai vraiment de la lumière et de l’espace, à l’abri de l’extérieur. Cette pièce va me changer la vie. C’est-à-dire que ce qui me la changerait vraiment serait une maison en pleine campagne avec une vue merveilleuse, mais comme je ne l’aurai jamais, eh bien, ce sera la tour d’ivoire avec du ciel, des nuages, et je pense que je vais me remettre vraiment à peindre, et sortir des petits formats, car j’aurai la place pour cela. J’en ai tellement assez de tout ce qui se passe, que j’écoute sans arrêt de la musique balkanique, je suis une fan de Goran Bregovic, et même je danse. J’étais quelqu’un de dyonisiaque, et j’ai toujours vécu en sous-régime, l'époque, paradoxalement, ne se prêtant guère à l'extase de la vie. Je n’ai pu donner libre cours à ma nature, et maintenant, je crée, au bord de la tombe. Mais à chaque jour suffit sa peine, je suis en vie.




vendredi 2 mai 2025

Premier Mai

 


Au réveil, le premier mai, j’ouvre les rideaux : tempête de neige... J’ai poussé littéralement un cri d’horreur. Je pressens un printemps et un été de merde. C’est vrai que l’aménagement des combles me coûte un peu cher, mais au moins, là haut, c’est clair, je m’y ferai une tour d’ivoire pour oublier le climat, les mobylettes, la guerre et les animaux maltraités ; je ferai un espace joli et agréable, avec des coins pour les chats, mes objets, des tableaux, les plantes qui dépérissent dans les ténèbres et qui là haut, pourront peut-être se rétablir, car lorsque je les mets sur le bord des fenêtres, le chauffage les déssèche, et ailleurs, comme moi, elles manquent de lumière.J'ai appelé ma soeur pour son anniversaire, elle faisait son jogging dans la plaine de Pierrelatte, du côté de la ferme de mon beau-père, et il me rayonnait dessus, par le petit écran oblong, un ciel bleu profond et une vive lumière, dont le souvenir m'étourdissait.

J'ai vu, pour des amis, une petite maison qui vaut 6 millions de roubles, sans grands travaux, elle est habitable immédiatement, la déco est épouvantable, mais il suffit de la refaire, et ce ne sera ni cher, ni difficile. Changer la cuisine intégrée, restaurer les murs de rondins équarris, mettre un parquet flottant à la place du lino horrible. Mais tout est propre et en bon état, le toit refait, chauffage gazprom. J’y ai vu entrer, devant nous, une petite chatte, j’ai demandé à la propriétaire si elle l’emmenait avec elle. «Non, c’est elle qui entre ici, mais je ne lui ai rien demandé, c’est une chatte des rues.

- Il n’y a pas de chattes des rues, ai-je rétorqué, il n’y a que des chattes qui ont perdu leur maison ou qui en cherchent une. Celles qu’on laisse entrer, il faut les garder ».

Pour moi, cela revient à remettre dehors un enfant qui aurait cru trouver un asile. C'est ce qui était arrivé à ma chatte Georgette, hébergée toute petite par une vacancière qui l'avait ensuite laissée sur place quand elle était rentrée à Moscou. Et j'avais vu arriver, par un week-end pluvieux et glacial, cette adolescente tricolore réfugiée dans mon grenier que j'ai fini par adopter, parce que de l'avoir laissé dormir sur mon épaule et manger dans la gamelle de mes autres animaux lui avait donné un espoir que je ne pouvais pas décevoir. 

Panne d’électricité géante en Espagne, panique totale, Ravages de Barjavel. Dany évoque notre dépendance à l’électricité et à la technologie. Ca fait longtemps que je le pense, et j’aurais trente ans que j’irais m’installer dans une communauté perdue, il est évident que retrouver son autonomie alimentaire et énergétique devrait être une priorité pour toute personne consciente. Actuellement, il n’en est plus question pour moi, hier, en faisant le jardin, j’étais au bord de l’évanouissement.  Alors je prie pour avoir le temps de vieillir et de mourir sans que cela tourne au cauchemar total, en comptant sur gazprom et mossenergo. La planète devient invivable, à cause de nous, et je souffre avec elle, je souffre avec tout ce qui vit.

Le Monde raconte toutes sortes d’histoires de brigands sur la Russie, les traitements barbares infligés aux prisonniers ukrainiens, alors que c’est exactement le contraire qui se produit. A la limite, je me demande si on ne traite pas mieux les prisonniers ukrainiens que les soldats, dans l’armée russe. Les prisonniers russes ont été massacrés, battus, torturés, mutilés par les Ukrainiens, et je ne parle pas des civils, soumis à des exactions infâmes. Je me demande comment les journalistes qui mentent sans cesse depuis le maïdan et même avant, si l’on pense à la Yougoslavie, peuvent se regarder dans la glace. Ce n’est plus du mépris que j’éprouve pour eux, c’est un profond dégoût, et je l’éprouve également pour les imbéciles qui les écoutent. Je n’ai même plus envie d’intervenir et de lancer un scud, car il me rejaillit dessus des fontaines de merde. Au moins ici, j’ai de la neige au mois de mai, mais je me sens solidaire des gens, c'est du reste en grande partie ce qui avait motivé mon départ. 

A vrai dire, le malheur est que je me sens solidaire des Français quand même ; du moins de ceux qui comprennent et, impuissants, exclus de la vie sociale, ne peuvent rien faire, tandis qu’on détruit leur pays et le déshonore.

 Par ce temps immonde, je suis partie chez Volodia Bourlakov et sa femme, c’était l’anniversaire du premier. La route était horrible, la boue glissait autant que la glace et la neige en plein hiver.

La soirée, très chaleureuse, me rappela celles du temps de l’URSS ou de la perestroïka, grandes discussions philosophiques, guitare et chansons, toasts enthousiastes portés aux uns et aux autres, y compris celui, suscité par les gens que nous connaissons au front, à la victoire. Il y avait des Tcherkesses, le père, avec un bourrelet susorbital prononcé et une carrure impressionnante, et le fils, même modèle en version gracile, tous deux fervents orthodoxes. Un couple de Rybinsk, Victor le Blogueur, et un vieil évêque à la retraite, qui officie dans un village du coin, monseigneur Anatoli. Ce dernier pétillait d’intelligence et de malice et rayonnait de bonté. Il a transformé le dîner en conversation sur des thèmes religieux, d’autant plus qu’il avait beaucoup de questions du côté des deux Tcherkesses. Dany m’a dit ce matin que les Russes avaient quelque chose de pur. Au cours d’une interview, j’avais surpris la journaliste qui m’avait demandé ce qui me paraissait leur principale qualité, en lui répondant la même chose. Et en effet, à part des esprits forts qui ressemblent beaucoup trop à l’occidental boboïde, les Russes ont une espèce de fraîcheur, de gravité, de pureté qui me frappait déjà dans leur littérature, et aussi dans les films soviétiques. C’est ce que nous aimons chez eux.

L’évêque Anatoli a une façon très intéressante de commenter les saintes Ecritures, une approche spirituelle et poétique, symbolique, à laquelle je suis très sensible, alors que beaucoup de discours religieux m’ennuient profondément. Et il fait le lien entre elles et tous les évenements et les gestes de la liturgie, c'est précisément ce qui m'avait attirée dans l'Orthodoxie, cette permanente symphonie en Dieu de tout ce qui est et qui fut, et probablement sera qui se manifeste dans l'iconographie et dans le rituel, moins dans le chant religieux, contaminé par les fioritures occidentales. Il aime les animaux, qu'il considère comme les serviteurs de la Terre qui entretiennent la vie.






Vladimir Bourlakov






lundi 28 avril 2025

Froid

 


Retour de froid polaire, il gèle la nuit et le jour, il souffle un vent glacial. J'avais le projet d'aller à Moscou, mais je me suis arrêtée à Serguiev Possad, où j'avais rendez-vous à la clinique des yeux pour commander un cristallin. J'ai passé la nuit chez la matouchka Alexandra, c'est-à-dire maintenant, chez sa fille Hélène. Cela m'a fait un drôle d'effet de ne pas la voir dans cette maison où elle tenait tant de place. Je devais continuer ma route le lendemain, mais j'ai compris que je n'étais pas assez habillée et que je risquais d'attraper la mort, j'ai tout remis au week-end prochain et j'ai fait demi-tour. Le lendemain, je suis allée à l’église du père Ioann. La liturgie commence très tard, il faut sortir de la ville, prendre la grand route encombrée. Le père Ioann ne demande qu’à parler. Je lui ai dit que tout me blessait, des nouvelles affreuses me sautent  aux yeux et me poursuivent ensuite toute la journée. il m’a recommandé de bénir tout ce que je pouvais, la journée qui commence, ce que je vois de bien, les gens que je croise, y compris ceux qui m’énervent. Pendant le reste des confessions, je suis sortie regarder l'espace, avec dans mon dos le fracas de la route, et devant, un énorme nuage qui déversait de la lumière dans le vide, où était le silence. 

Au retour, j'ai été prise dans une tourmente de grésil qui effaçait tout sur son passage. Je suis allée au café, avec ma petite Rita qui tousse, car pour elle, c'est la fête, plus encore que pour moi. J’ai vu Gilles, Lika et Maxime, c’est le petit club français. Puis j’ai jardiné, mais j’ai de plus en plus de mal à faire face, j’ai mal partout et beaucoup moins de forces. Ceux qui posent d’affreuses barrières métalliques d’usine autour de leur maison font généralement des portails qui ferment mal et claquent sinistrement quand le vent souffle, ce qui est très éprouvant pour les nerfs. Du mutant moderne ne proviennent que de la laideur et du bruit. Pourtant, des passants se sont extasiés sur mes fenêtres en losange, qui améliorent beaucoup ma façade et donnent plus de lumière à la mansarde. Je les aurais souhaitées un peu plus petites, mais on n'a pas trouvé.





Katia est passée me voir, nous sommes allées au « Hérisson repu ». Son Fédia n’a pas le moral et elle non plus.  « Nous tenons par nos seules prières, c’est nos prières qui le gardent en vie », me dit-elle. Mais au fond, elle avoue être optimiste, en ce qui concerne Fédia et en ce qui concerne la guerre, car « si nous la perdons, ce sera si affreux que je ne peux même pas l’imaginer ». Et en effet, moi non plus. « Notre guerre est sainte, me dit-elle, car ce qu’ils visent et détestent, c’est notre Eglise, c’est notre foi, c’est ce que nous sommes. Mais au communisme a succédé le consumérisme : tout ce que vous voulez, si vous me payez. L’argent justifie tout. C’est comme s’il y avait ici deux populations différentes. Un petit troupeau russe, et tout le reste.

- Oui, la différence c’est la foi. Sans la foi, beaucoup s'avilissent et se dégradent, sans la foi, je serais devenue folle.

- C’est aussi ce que disait saint Païssios. »

Nous avons bien consciencequ'il s'agit d'un combat métaphysique entre le bien et le mal, et nous croyons à la victoire de la Russie, qui ne sera pas celle de ses généraux, ni de ses fonctionnaires, mais celle de ses soldats harassés, et de tous ceux qui les soutiennent et qui prient, et celle de Dieu qui ne peut pas laisser de sinistres mafias détruire complètement l’humanité. Et je revoyais, en discutant avec elle, le regard épuisé et douloureux de Dmitri le cosaque, levant son poing serré : « Nous vaincrons, parce que Dieu est avec nous ».

En sortant du restau, nous sommes tombées dans les bras l’une de l'autre.                                                 Elle ne voit pas de fin à cette guerre avec l’Ukraine, qui, si elle ne capitule pas complètement, ne nous laissera jamais en paix. Mais j’ai depuis un moment l’intuition que Trump et ceux qui le soutiennent voudraient se débarrasser du problème pour se concentrer sur le moyen-orient. J’ai vu une vidéo qui va tout-à-fait dans ce sens. Je suis convaincue que si Macron et Zelenski font les caques avec tant d’arrogance, c’est qu’ils ont de gros parrains qui les y poussent, en espérant se débarrasser de Trump, et Slobodan a raison de considérer l’Europe comme la position de repli de l’état profond. Il y a certainement des divergences dans la mafia, ceux qui se cramponnent à l’Ukraine et ne veulent pas renoncer à démembrer la Russie, et ceux qui, plus pragmatiques, se rabattent sur le grand Israël et les ressources du moyen-orient, le gaz et le pétrole.

Il y a quelques jours, Kostia m'a emmenée voir les terrains sur lesquels il voudrait construire un lotissement pour les étrangers, enfin pas seulement pour eux, d'ailleurs. La route est très bonne, et il y aura le gaz, car une huile locale a son domaine dans le coin. Le paysage est magnifique, cela me serre même le coeur de penser qu'on y bâtira des maisons, et lesquelles? Kostia a cependant la bonne idée de garder un parc au milieu de son lotissement, où les gens pourront se promener et qui aboutira à la rivière et à une plage. C'est quand même à 26 km de Pereslavl; mais, dit-il, il y a une gare à 7 km. Il paraît qu'on pourrait y pratiquer l'agriculture. 

Près de cet endroit, se dresse une église que j'ai visitée il y a longtemps, et j'en connais le prêtre, le père Andreï, en revanche, je ne connaissais pas sa femme qui m'a paru une véritable fontaine d'amour et de modestie. C'était un vrai bonheur que de se trouver dans le périmètre de sa radieuse personne. Kostia nous a fait une photo.