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samedi 5 novembre 2016

"Architecture"

La maison en face de chez moi conserve encore son chien assis et ses jolis encadrements de fenêtres.




Accédant à une demande posée en commentaire, et bien que je ne sois pas spécialiste, je vais faire un petit topo sur les maisons traditionnelles et les maisons moches.
Ce qu’on appelle une datcha, c’est une résidence secondaire, une maison de vacances, ce qui va de la cabane à la maison de luxe.
Une isba est une habitation paysanne. Il en est de très grandes, comme celles que j’ai visitées en Carélie.
isba de Carélie

Celles que je vois habituellement par ici sont des « isbas à 5 murs » : 4 murs extérieurs, un mur intérieur qui sépare la pièce à vivre de ce qu’’on appelle les « seni », une sorte d’antichambre où l’on se déshabille, héberge des animaux, range des outils etc. Ces isbas sont prolongées par une grange. Elles sont souvent flanquées d’une ou deux vérandas, pièces occupées seulement l’été. L’hiver on se replie dans la pièce à vivre, pourvue d’un poêle russe en briques, avec des étagères sur lesquelles on peut dormir. Ces places étaient réservées aux vieux, aux malades, aux enfants, ce sont les plus chaudes, les autres dormaient sur des bancs.

intérieur traditionnel d'une isba russe

L’isba traditionnelle est en bois, avec un soubassement en briques pour éviter qu’elle ne prenne du gîte ou ne s’enfonce dans la terre, car ici, c’est un océan de terre, où les constructions flottent. Autrefois, elle avait un toit de chaume, de tuiles de bois, ou de zinc.
Il était d’usage de la décorer de toutes les manières : encadrements de fenêtres sculptés et peints, fresques extérieures ou intérieures, chacun y allait de son imagination personnelle, ce que j’évoque dans l’histoire de la petite vieille dont le mari avait sculpté sur le fronton un coq et une poule les représentant tous les deux. Il existe une célèbre « maisons aux lions » avec des lions peints sur les murs.
décorations extérieures, photo d'Elena Kuznetsova

Décorations intérieures

maison des lions
Il y avait aussi en Russie des maisons en briques, des palais en briques, comme celui de la famille Romanov, qu’on peut voir à Moscou, derrière saint Basile le Bienheureux, avec souvent un étage en bois, et des pièces voûtées au rez-de-chaussée. Un esthète s’en ai fait bâtir un ici, et c’est très réussi. Les maisons de marchands sont bâties aussi sur ce modèle, le rez-de-chaussée en briques, l’étage en bois, et en voit encore à Pereslavl.



Maison de marchands au rez-de-chaussée en briques et à l'étage en bois



Le paysan russe faisait preuve d’une imagination fabuleuse et donnait à son environnement quelque chose de fantastique. Il se confectionnait des vêtements féériques, il faisait de la musique, savait des centaines de chansons et de vers spirituels ou épopées.
La modernité passant par là, toutes ces créations merveilleuses sont discréditées au profit du kitsch industriel, c’est un phénomène affligeant et universel qui mériterait l’attention des philosophes et même des théologiens. Entrent dans ce réflexe le prestige de la ville, qui méprise la campagne, ce que j’appellerais la culture de prof : n’est valable que ce qui se passe dans les musées, les bibliothèques et les salles de concert. Cette culture de prof était la référence soviétique, beaucoup d’intellectuels en sont pétris et ne s’intéresseraient pour rien au monde à la tradition orale et aux créations populaires. Je me souviens d’un film où une institutrice sanglotait en écoutant Tchaïkovski à la radio mais considérait comme sans intérêt la guitare des gars du village.
Ensuite le prestige de ce qui est exotique et étranger, c’est ce que nous voyons à l’œuvre en France, avec les prénoms américains et les festivals de jazz et de country dans des bleds où l’on préférerait crever plutôt que d’organiser un festival de biniou ou de vielle à roue.
Puis le besoin d’étaler son fric, de « faire riche », que ce soit ou non justifié par une situation financière en rapport. On construit, selon ses moyens, des châteaux américains plus ou moins solides, dans des matériaux plus ou moins chers. Cela va de l’énorme bâtisse à l’isba modifiée par une façade appliquée, façon maison Potemkine : l’isba reste derrière, le décor est devant, avec ses tours et ses murs en plastique.
La substitution du faux au vrai. Pourquoi s’emmerder à repeindre des planches quand on peut mettre du plastique éternel ? C’est pourquoi l’on recourt au « siding », technique canadienne qui consiste à remplacer les lattes de bois par des lattes en plastique teinté, même plus besoin de peindre. La maison a l’air de sortir d’une droguerie où l’on vend des poubelles ou des bassines, ou bien d’une boîte de Lego : elle n’a plus rien de vivant, et en plus, le plastique semble mal vieillir et le bois pourrir dessous, si j’en crois la façade d’un de ces monstres, souillée par des traces noirâtres. On n’a pas les moyens de se payer une grille en or, du plastique doré en jettera bien autant. On aime aussi la fausse pierre, le bois est trop humble, et trop local, en Europe, les gens ont des maisons en pierre, eh bien on fera semblant d’avoir de la pierre, et pour pas cher. On fait de la maison en toc. Et même des encadrements de fenêtre « sculptés » en plastique, pour suppléer à l’inconvénient de leur disparition pour cause de siding.
La flemme, la facilité, le manque d’argent : ça ne coûte pas cher, c’est vite fait, cela n’exige pas d’entretien.
Il est évident que les isbas demandent souvent à être aménagées pour répondre à des normes de confort moderne. Les gens cherchent à les agrandir, et il y a des moyens pour le faire, sans saboter la maison. On peut transformer la grange en partie habitée, dans le prolongement. Aménager les combles. Isoler les vérandas. Et cela dans le respect du style et des matériaux locaux. Certains ajoutent des ailes de chaque côté, c’est le cas de la mienne. Bâtir dans le prolongement me paraît préférable.
isba avec deux vérandas

Les toits traditionnels sont perdus depuis un moment. A l’époque soviétique, on recourait abondamment à la tôle d’éverite, au point que l’un de mes amis folkloristes me disait qu’elle était devenue traditionnelle. L’éverite, ce n’est pas ravissant, mais c’était un moindre mal, car ce matériau modeste se fondait dans le paysage et les nuages. La tôle d’acier reflétait le ciel, devenait parfois bleue foncée. Le zinc est actuellement ce qui irait le mieux, mais c’est cher, et les gens étant fauchés, c’est un détail qui compte.
Tout le monde s’est naturellement rué sur la tuile métallique laquée de couleurs inaltérables et violentes, qui ne se patinent pas, comme le zinc peint. Avec une préférence marquée pour le rouge sang de bœuf, le bleu électrique qui viennent achever le tableau offert par le plastique du siding. La mienne est verte, c’est un moindre mal, je l’aurais souhaitée mate, il paraît que le revêtement mat est moins solide.
Le problème n’étant pas la couleur, la couleur a toujours été largement employée en Russie, mais la nature de cette couleur et du matériau qui en est le support.
Si l’on veut une vraiment grande maison, on pourrait aménager une maison de marchands existante ou bien construire sur le même modèle, de façon à s’intégrer dans ce qui existe déjà, mais ce serait trop simple et n’en jetterait pas assez, il faut absolument qu’il y ait des tours, quatre ou cinq étages, que ce soit gros, boursouflé et que cela écrase toutes les maisons voisines.
Un esthète a cependant construit, dans le village où j’avais ma datcha, une villa sur le modèle des maisons seigneuriales du XIX°siècle, je l’en remercie du fond du cœur, mais le village est néanmoins défiguré par je ne sais combien de cottages pleins de tours aux toits criards.
A noter que les gens du pays appréciaient que j’aie refait mon isba avec discrétion, dans le style russe, et la montraient en exemple à un militaire qui s’était fait construire un gros machin disgracieux.
Il n’est pas exclu de mes représentations idéales de construire du contemporain, quand il se soucie de s’intégrer au reste et de recourir à des matériaux naturels et locaux. Mais cela n’en jette pas assez, même quand c’est cher, cela ne fait pas riche.


isba recouverte de "siding"

On voit ici, à l'arrière, l'isba originelle et le "château", collé devant.


Ici, on a bâti un palais du XVI° siècle très crédible. 
 "Château "tout en façade, siding de rigueur, le devant de la toiture en tôle métallique, l'arrière
en éverite. Et à côté, façade de fausses pierres en plastoc.

Un lien: https://fr.sputniknews.com/photos/201611101028623250-traditions-architecture-russe/



vendredi 4 novembre 2016

Unité nationale



Au loin, le lac gelé
Aujourd’hui, c’est la fête de l’icône de la Mère de Dieu de Kazan, et c’est aussi celle de l’unité nationale russe, car on célèbre la milice populaire qui, sous la direction du prince Pojarski et du marchand Minine, a repris Moscou et la Russie aux Polonais. Ceux-ci l’occupaient grâce à un imposteur, le faux tsarévitch Dmitri, qu’ils avaient utilisé pour leurs propres fins. Cet imposteur s’était fait passer pour le dernier fils d’Ivan le Terrible, Dmitri, mort à huit ans, et dont on attribue l’assassinat à Boris Godounov. Cette insurrection mit sur le trône le premier tsar de la dynastie des Romanov. L’homme politique Iavlinski évoque cet épisode comme la naissance de la société civile russe, qui fut capable de renverser un pouvoir injuste, mais il se garde bien de préciser que c’était un pouvoir étranger d’occupation, occidental et polonais, installé à la faveur de la trahison locale et dégagé par la belle unanimité du peuple russe orthodoxe.
Toutes les cloches de Pereslavl sonnaient ce soir quand je suis allée promener mon petit chien le long de l’escarpement qui domine le lac. Il neigeait dru, et le soir tombait vite. J’ai réussi à monter assez haut pour voir le lac, d’un gris de plomb, impressionnant, lugubre. Des lumières s’allumaient sur le clapotis des toits blancs de Pereslavl, comme des signaux de barques perdues au large. Les herbes s’ornaient de simulacres de fleurs, déposées par la neige sur leurs squelettes vacillants et jaunis. Le paysage avait quelque chose d’exaltant, d’immense, de mystérieux et de désolé à la fois. Je pensais que depuis mille ans, la neige recouvrait comme à présent les berges du lac et la ville de Pereslavl. Voici pointer le dernier hiver en date. Alexandre Nevski, puis Ivan le Terrible, ont pu comme moi traverser ces rideaux froids et livides tirés sur des abîmes sombres, paisibles et silencieux. Une prière à l’un, une prière pour l’autre.
J’apercevais ma maison, même dans le soir d’hiver, elle brille de toute sa couleur verte. Les carillons russes, lointains, accompagnaient les soupirs d’outre-tombe que poussaient les herbes sèches, ces carillons qui ne se contentent pas d’un balancement mécanique, mais dérivent dans l’espace en dansant et ouvrent des arrières-plans infinis..

Chez moi, la maison est si bien isolée que je ne les entends pas.
La maléfique berce du Caucase semble à nouveau fleurir

Petit chien dans la neige


jeudi 3 novembre 2016

Mon bébé

Ma maison sous la neige. On est en train de faire les encadrements de fenêtres.
Je suis allée avec Kostia chez un encadreur. Comme pas mal de Russes, il sait mieux que moi ce qu’il faut faire, et j’ai dû lutter pied à pied pour ne pas me laisser refiler des cadres kitsch plein de dorures.
La neige a tout recouvert, et j’aime bien cela, mon chien aussi, tout est propre et lumineux, les disgrâces nappées de blanc, cependant, cela ne va pas durer, un réchauffement est annoncé, ce qui signifie gadoue et paysage sombre
Une annonce qui m'a beaucoup amusée:
(d'un type qui répare des ordinateurs)
MON BEBE
Je vaux mieux qu'un chien
JE NE T'ABANDONNERAI JAMAIS
Je travaille pour manger
Je t'aiderai toujours
Appelle-moi, simplement

Kostia ne comprend pas ma répugnance à manger de la viande, il me dit que c’est un péché, que Dieu nous a créés comme cela, que c’est de la sensiblerie. Mais il admet que dans le contexte moderne des élevages monstrueux et des abattoirs atroces on en arrive à des horreurs qui me coupent l’appétit. « Il ne faut pas y penser, » me dit-il. En effet, c’est plus facile.
Je lui ai rétorqué qu’Adam et Eve, bien que Dieu les eût « créés comme cela », différents et complémentaires, n’étaient pas censés faire l’amour au paradis terrestre.
Il y aurait beaucoup à dire sur la question mais elle n’est pas de celles qu’il est facile d’aborder. Or c’est précisément une de celles qui me préoccupent le plus…
Kostia  veut me donner un coffre paysan ancien, et une paroissienne fauchée en vendrait un. On en trouvait autrefois pour 1500 roubles au « musée du fer à repasser », ils y sont vendus maintenant 25 000 roubles et ils sont loin d’être aussi beaux.
J’avais donné le mien à mon jeune copain Sérioja quand j’avais quitté la Russie, car on n’a pas le droit d’exporter des antiquités, et puis un coffre russe est à sa place en Russie.
Je me sens prise dans tout un réseau de gens qui me donnent des tuyaux, me rendent des services, et je commence à être repérée, avec mon petit chien.
Au café français, une dame m’entendant m’adresser à celui-ci en français : «Mon petit chien », m’a désigné ses enfants en me disant : « Voici petite (en français dans le texte) Marguerite et petit (en français dans le texte) Nikita ! »


Maison à vendre

                                                   


mercredi 2 novembre 2016

Zone technique

La rivière Troubej à l'état solide

J'ai trouvé la rivière gelée, en allant au café français. Il ne faisait que moins trois, mais il suffit qu'il ait fait plus froid la nuit... Le froid donne de la lumière au paysage, les nuages prennent un aspect chatoyant, et de gros flocons dérivent comme des plumes.
Quand j'ai rapporté à Kostia les propos d'Olga sur mon idéalisme, il m'a demandé: "Est-ce qu'elle va à l'église?
- Elle a l'air plutôt croyante mais je ne suis pas sûre qu'elle y aille...
- Si elle y allait, elle verrait plein d'idéalistes, les églises en sont bourrées!"
Il se préoccupe beaucoup de mon installation ici, de mon permis de séjour, il trouve que la Russie aurait intérêt à laisser venir plus facilement des Français, des gens qui s’intégreraient bien, et apporteraient de la culture, des savoir-faire, éventuellement des investissements. Il en parle à tout le monde autour de lui. Et tout le monde semble prendre la chose à cœur.
Le plombier n'a demandé que 9000 roubles pour son travail, le reste, c'est le matériel. Je trouve que ce n'est  pas beaucoup, c'est un idéaliste, lui aussi.
Nous avons fait une découverte intéressante: le tas de sciure et d'ordures diverses qui traverse mon jardin au nord est destiné à protéger du froid l'évacuation des eaux qui n'a pas été enterrée dans une tranchée! Le plombier dit que cela ne risque pas de geler, Dieu l'entende. Mais il faudra remédier à cela au printemps... Le précédent propriétaire avait bricolé ça et s'en accommodait, les planches, les vieux tapis, la sciure, les bouteilles pêle-mêle... Les bouteilles sont paraît-il un bon isolant. Kostia m'a dit que tout cela était au nord, du côté où je garerai ma voiture et qu'il fallait proclamer cet endroit du terrain "zone technique"!
Je viens de faire connaissance avec une charmante jeune femme. Nous sommes assises l'une en face de l'autre, avec nos ordinateurs respectifs, et elle m'envoie de la musique accompagnée de cette note: "Ravie de faire votre connaissance. Olessia."


lundi 31 octobre 2016

Une idéaliste




le séchoir à pommes, champignons et autres récoltes, fabriqué en Sibérie
Olga Kalashnikova m’a emmenée partout. Demander la pose d’un système internet correct à la seule firme sérieuse du coin, et elle a tenu à m’offrir l’abonnement, à la prière de son mari ; acheter un lit, et je l’ai trouvé, comme d’habitude, la seule variante possible, un lit de bois, tout simple, et il ne me sera pas livré dans un mois, mais samedi prochain. Acheter le must de la ménagère russe, un séchoir pour les pommes, les champignons, les baies, ce qui permet de conserver tout cela pour l’hiver. Pour l'instant, je n'ai à vrai dire pas grand chose à conserver, mais cela peut venir...
Au retour, elle m’a dit : « Vous savez, on parle souvent des idéalistes comme de gens qui ne prennent pas en considération la réalité de la vie, et moi j’ai toujours considéré qu’un idéaliste était quelqu’un qui conformait sa vie à son idéal. Or cet idéaliste, je le vois enfin incarné en votre personne, qui me donne l’assurance qu’une telle chose est possible, que ce n’est pas une vue de l’esprit. En cela, vous avez le grand mérite de nous montrer l’exemple, d’être un témoignage. J’en ai même eu les larmes aux yeux de penser à vous, venant toute seule ici, et je crois absolument indispensable que vous ayez une liaison internet digne de ce nom, pour continuer votre œuvre et rester en contact avec les vôtres. »
Cela m’a beaucoup touchée, bien que je trouve cela exagéré, car je suis une orthodoxe bien loin de la perfection, et même, je trouve qu’en accomplissant mon « témoignage », j’ai plutôt régressé, je fais ma flemmarde, je me laisse aller sur bien des plans.
Mais je constate que tout le monde vient à ma rencontre, et que les gens font tout pour me faciliter la vie. Personne ne semble se demander : «Qu’est-ce qu’il lui a pris, à cette vieille folle ? » Au contraire, on fond d’attendrissement, et l’on m’aide de toutes les manières.
Pour remédier à l’inconvénient du « siding » dont on recouvre les maisons, et qui fait disparaître les jolies décorations et les fenêtres sculptées, une firme barbare a trouvé la parade : des encadrements de fenêtre ornementés en plastique garantis laideur éternelle.

Ma chatte Chocha, Russe rapatriée, avec ma vielle à roue tout juste réparée par son fabricant, Sacha Joukovski, et le pastel du père Parfionov que je viens d'acquérir.

dimanche 30 octobre 2016

Sacha et le métropolite


J'inclus cet article d'Alexandrina, car cette histoire qu'elle m'a racontée de vive voix a été un des éléments qui m'ont convaincue de revenir dans ce pays. Cette histoire d'amour mystique entre cette petite fille et ce moine devenu métropolite, une histoire au delà de tout aspect charnel, une histoire de communion dans une autre dimension qui n'arriverait pas chez nous et qui n'y serait pas prise au sérieux.

MON METROPOLITE PERSONNEL
Je ne me vante pas. Je témoigne de la grande miséricorde de Dieu et du miracle de sa Providence.
Il m'est arrivé une histoire incroyable. Elle a a débuté il y a longtemps, mais n'est toujours pas terminée et se poursuit encore maintenant!
Quand j'avais six ans, nous vivions avec mes parents au village de Rakitnoïe, dans lequel affluait un grand nombre de gens, sur la tombe du starets Serpahin Tiapotchkine. Parmi les pèlerins se trouvait le jeune hiéromoine Zinovi, avec lequel j'ai tout de suite noué des liens d'amitiés, si profonds que nous avons décidé de prier l'un pour l'autre. Toujours, toute notre vie, chaque jour. Moi, la petite fille de six ans, et lui, le hiéromoine de Donetsk.
J'ai tout de suite appris à écrire des dyptiques "pour la santé de..." Mais les années passèrent et avec le temps, j'avais oublié mon vœu d'enfant et notre amitié. J'en ai honte, vraiment.
J'avais oublié, mais pas lui!
Presque trente ans (!!!) plus tard, il m'a recherchée par l'intermédiaire de mon papa (l'archiprêtre Vladimir) et m'a invité à sa chirotonie épiscopale dans l'église du Christ Sauveur, à la liturgie patriarcale. Après l'office divin, je me frayai un chemin jusqu'à lui à travers la foule, et nous ne nous sommes plus séparés.
"Je me suis toujours souvenu de toi, me dit monseigneur Zinovi, et j'ai prié pour toi chaque jour que Dieu fait, comme nous en étions tombés d'accord!" J'ai naturellement fondu en larmes de honte et de saisissement...
Maintenant, il est métropolite de Saransk et de Mordovie, je vis dans sa maison, au monastère saint Jean le Théologien, je l'accompagne en voiturei à l'office et à ses obligations de métropolite, il me montre les églises de Saransk, toutes les portes s 'ouvrent devant nous, des carillons nous accueillent... Une telle chose est-elle possible???
J'ai offert à monseigneur une icône d'Alexis de Bortsourman, mon grand-père, comme je l'appelle maintenant. Hier, pendant la liturgie du concile de Kazan, l'icône était sur l'autel, sur le trône, à côté de l'Evangile. Monseigneur priait, et je me tenais dans cette église magnifique et ne pouvais croire que tout cela était avec moi, de façon gratuite et imméritée, selon une grâce supérieure et mystérieuse...
"Je suis maintenant TON monseigneur. Sache-le, je suis ton métropolite personnel!" m'a-t-il dit, pour me faire fondre complètement.
Mon métropolite! A moi!
C'est cela, l'Amour.



Saint Syméon le Stylite

Saint Syméon le Stylite


La neige tient, et il fait froid, mais je m’attends à un réchauffement, c’est encore tôt. Cependant, il paraît qu’il fait nettement plus froid ici qu’à Moscou, d’abord parce que nous sommes 130 km plus au nord et ensuite parce que la grande ville est en surchauffe permanente et que cela crée un microclimat. Mon chien fait plaisir à voir, il se roule dans la neige avec bonheur. Je suis allée à l’église, celle de Syméon le Stylite, le père Dmitri m’a si bien accueillie… Mais la liturgie dure trois heures, chez lui, à Solan, paroisse monastique, elle ne dure qu’une heure et demie. Il nous a fait un long sermon sur toutes les occasions que notre vie crée aux graines de la bonne parole de ne pas pousser, y compris les gens qui observent strictement toutes les règles, mais servent la lettre de la loi au lieu d’être dans l’Esprit de Dieu, c’est vrai, j’en connais, moi, je serais plutôt le genre contraire, la je-m’en-foutiste flemmarde qui attend l’inspiration. Ensuite, deuxième sermon, sur Halloween la fête maudite, qu’est-ce que c’est que cela, d’où ça sort, et pourquoi ? Et l’assistance de se signer largement pour témoigner de son peu d’enthousiasme pour ces réjouissances importées et suspectes.
Beaucoup d’enfants de tous les côtés, l’orthodoxe repeuple la Russie, c’est clair. Le père Dmitri lui-même vient de baptiser son septième exemplaire.
Me voyant arriver, il semble tout content et m’invite à nouveau au repas en commun. Suivi de la catéchèse pour les adultes, ce qu’à Solan on appelait la synaxe quand c’était le père Placide qui venait nous la faire. Le père Dmitri explique à ses ouailles la transcendance et l’immanence, l’apophatique et le cataphatique, les différentes hérésies et les conciles correspondants, la lumière incréée, l’essence inconnaissable de Dieu et ses énergies. Je rencontre le Suisse orthodoxe, l’apiculteur, Benjamin. C’est un type immense, deux mètres, un grand Suisse barbu et bouclé, un cœur à prendre, mesdames, si vous êtes orthodoxe ou si vous avez l’intention de le devenir. Sa femme russe a préféré rester en Suisse, je ne suis pas sûre qu’elle ait fait le bon calcul.
Sur les pots de miel de Benjamin, très bien présentés, on voit une petite croix suisse. Il m’a dit qu’il ne rentrerait pour rien au monde, qu’il se sentait ici chez lui, comme s’il y avait toujours vécu.

Tout le monde est adorable avec moi, dans cette paroisse, et j’ai revu Olga et sa délicieuse mère qui m’invitent à profiter de leur bain de vapeur quand je le souhaite.

L'intérieur de l'église à la fin de l'office, pendant, je n'ose pas photographier. Elle ressemble à une enluminure. Mais je demanderai la bénédiction du père Dmitri, car elle a de belles icônes.