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mercredi 30 novembre 2022

Raspiev

 

l'ensemble Raspiev

Le concert pour les 35 ans de l’ensemble Raspiev dirrigé par Sacha et Ira Joukovski m’a attirée à Moscou, je devais y chanter une chanson française, la Belle au jardin des amours, et Sacha réparer ma vielle. C’était un très beau concert, très émouvant, et puis, comme me l’a confirmé Ira plus tard, au cours de ces 35 ans, ils ont ensemencé leur quartier d’Altoufievo, le nombre des amateurs s’est considérablement accru et ce phénomène se produit partout où des folkloristes créent un centre de ce genre. J’ai beaucoup aimé l’ensemble Slavianka, très authentique, et avec quelque chose d’envoûtant. Les enfants, aussi, qui ont chanté ce que nous apprenions aux miens, à la maternelle du lycée français, avec  ces mêmes Sacha et Ira. Mais malheureusement, j'ai perdu la vidéo...



La famille Joukovski habite dans un de ces quartiers de Moscou excentrés avec des immeubles en béton énormes, et des espaces verts inattendus au milieu. Ils ont reçu un grand appartement par l'intermédiaire de Poutine, qui avait convié quelques familles nombreuses au Kremlin, et leur avait fait cette fleur. Autrefois, ils vivaient à sept dans deux pièces minuscules. Le centre social où se passait le concert était flambant neuf et très beau. D'après ce que j'ai compris, il offre diverses activités aux personnes âgées et aux invalides. 



Comme il n’y avait aucune place près de chez mon père Valentin, je suis allée, à mon arrivée, me garer dans le cour de l’église, et comme j’étais dans la cour de l’église, je suis allée aux vêpres. Je n’avais pas dans l’idée de me confesser, mais voyant le père Valentin, j’ai changé d’avis. Les deux femmes derrière le père Mikhaïl, c'est moi, avec le chapeau, et Dany...

J’ai vu aussi un médecin qu'on m'a recommandé, une Française d’origine russe, mariée avec un Russe, et orthodoxe. Il est très important pour moi de la connaître, car je ne savais à qui m’adresser en cas de problèmes. Elle voudrait aider les prêtres de campagne, souvent très isolés qui mouraient du covid faute de soins assez rapides, et m’a ordonné un certain nombre de médicaments à avoir sous la main au cas où, qu’elle me dira de prendre si je tombe malade, mais qui seront déjà chez moi, et c’est ce qu’elle voudrait faire avec les prêtres de campagne, une pharmacie de base et des consultations par internet, tant que c’est possible.

A propos du covid, j’observe qu’on ne nous en parle plus, et les effets secondaires du vaccin Spoutnik ne semblent pas frapper la population de façon exponentielle, comme en occident. En revanche, tout le monde était malade de la grippe saisonnière, à Moscou, et je crains de l’être à mon tour. Mais ça fait presque plaisir de revoir la bonne vieille grippe d'antan!

Chocha vomit souvent, et le processus semble douloureux. Pourtant, je l’ai emmenée récemment chez le vétérinaire qui n’a rien vu d’inquiétant. Je me plains sans cesse de mes chats, et j’ai engueulé cette pauvre Chocha l’an dernier, parce qu’elle pissait n’importe où, ce que j’ai arrêté de faire depuis un moment, car elle est vieille et ne contrôle plus la situation. Mais de voir approcher ma doyenne de sa fin me bouleverse. C’était une si jolie chatte, et elle devient toute miteuse, mais elle me regarde toujours de ses yeux magnifiques pleins d’adoration, et je fais ce que je peux pour la choyer. Cela fera bientôt dix-huit ans que nous sommes ensemble... Grâce au Ciel, elle semble aujourd'hui aller mieux.


Chocha à la datcha en 2009

vendredi 25 novembre 2022

Matière

 Hier, j’avais prévu un repas français pour Katia, son amie Katia et le mari de celle-ci.  Nous nous étions quittés samedi, en étant d’accord là dessus. Katia a commencé par me demander si elle pouvait venir avec deux autres amies et leurs gosses. Puis elle me dit que celles-ci ne viendraient finalement pas. La veille, elle me demande si j’avais invité d’autres personnes qu’elle-même et me dit que le mari de la copine Katia ne peut pas, que la copine elle-même ne viendra qu’à neuf heures moins le quart. Donc nous nous retrouvions toutes deux en tête à tête avec mon boeuf aux carottes et mes oeufs à la neige. « Invitez Silouane Jason, l’Américain », lui dis-je. J’invite de mon côté mes nouveaux voisins, que je n’avais pas conviés à cause des deux copines éventuelles de Katia, et de leurs filles, mais leur aîné est malade, ils ne peuvent se libérer. Finalement, le père reste avec les enfants, mais Macha accourt. Et la copine Katia débarque avec une amie non à neuf heures moins le quart mais en même temps que les autres... quand on veut faire un repas français cuisiné ici, il faut avoir le moral. On ne sait jamais combien seront les invités, ni à quelle heure ils apparaîtront. Le ragoût ça va, le soufflé, impossible. J’ai même eu une fois des convives pour qui j’avais cuisiné et qui avaient déjà mangé...

Cela dit, la soirée a été magnifique, très chaleureuse. J’avais fait relativement une jolie table, et allumé des bougies, j’ai un peu perdu la main pour la cuisine, mais c’était quand même bon, et aucune des personnes présentes n’avait jamais goûté d’oeufs à la neige, ce que tout le monde a trouvé délicieux, en particulier Silouane. Intimidé au début, il nous a demandé pourquoi nous nous débrouillions toujours pour qu’il soit le seul homme parmi je ne sais combien de femmes. « Vous n’avez pas de chance, lui dis-je, deux d’entre nous ont des maris, mais ils n’étaient pas disponibles... »

Silouane fêtait son RVP, son permis de résidence temporaire de trois ans qui ouvre la voie au permis de séjour permanent, et ses trois filles vont enfin pouvoir être scolarisées ici, apprendre le russe et se faire des copains. A bien des égards, il est plus russe que pas mal de Russes, et plus imprégné de leur spiritualité et de leur culture. Indépendamment de cela, j’observe un précipité de personnes spontanées, vraies et profondes qui ont quitté leur pays pour venir ici, et lui-même a rappelé que cela avait été prédit par l’higoumène Boris. Cela m’a fait penser à une idée qui m’avait effleurée à Solan, où l’assemblée du dimanche était très mélangée, Français du cru, Belges, Hollandais, Serbes, Roumains et même Ethiopiens, et tout se passait bien entre nous, selon la parole de sait Paul « il n’y aura plus ni Grec, ni Juif » etc., citée à tort et à travers par tous ceux qui veulent nous imposer des immigrations massives et invasives visant à nous détruire ou à concrétiser leurs idéologies, à satisfaire leurs intérêts ou à assouvir leur haine, ou plutôt tout cela en même temps: en effet, en Christ, l’origine n’a pas une si grande importance, mais précisément en Christ, et pas dans le cadre de politiques implacablement déterminées, de discours hypocrites, de nunucherie hagarde et de fourbes magouilles. 

Il y a un certain nombre d'êtres ici avec lesquels je me sens bien, je me sens en phase, j'en connais plus ici que je n'en ai jamais connu en occident, même si parmi eux, justement il y a des occidentaux, mais ce sont des occidentaux qui sont venus ici.


lumières sur le lac


J'ai trouvé ce commentaire à ma chronique précédente sur Faust:

 Je ne voudrais pas vous défriser , mais je crains que vous n'ayiez pas pris la mesure de la situation dans laquelle nous somme tous : nous sommes dans le temps , dans la finitude , et Dieu est au delà du temps , dans l'Infini . Nous autres , nous vivons dans un système basé sur le temps , l'espace et la matière . Il se trouve que depuis la Création , le "Bigbang , si vous voulez , la matière est frappée d'une malédiction : l'inéluctable croissance de l'entropie , le vieillissement et la mort de tous les êtres vivants en est la conséquence . Quant à la matière "inanimée" , elle évolue , elle aussi inéluctablement vers le plus grand désordre . Il est impossible de renverser la loi d'airain de l'entropie ,comme Josué avait arrêté le soleil ...St Paul parlait du monde qui "gémit " encore ds les douleurs de l'enfantement . C'est pas faux , mais c'est pous disparaître ensuite. Nous ne retrouverons jamais notre jeunesse .Jamais . Mais si nous sommes admis dans l'Eternité (laquelle est longue , "surtout vers la fin " , plaisantait Woody Allen...) , alors nous sortirons du temps. De l'espace et de la matière aussi d'ailleurs . La question de la jeunesse et du vieillissement ne se posera plus .En ce sens , il n'y aura plus de pleurs ni de grincements de dents. C'est pas chouette, ça ?

Si, si, je sais tout cela, mais néanmoins, j'ai quelques questions; j'en ai plein qui me taraudent depuis moni enfance et auxquelles je ne trouve pas vraiment de réponses... Si la matière est frappée de malédiction depuis la Création, où se situe la chute, et quel est le sens de cette Création? Et comment ne retrouverions-nous pas une jeunesse que j'ai l'impression de ne pas avoir perdue? Car en fait, oui, la matière dont je suis faite vieillit et se dégrade, mais mon âme ne change pas. J'espère que ma mère ne ressuscitera pas au dernier stade de la démence à corps de Léwy. J'ai peint sainte Matrona avec les yeux ouverts, car il est évident pour moi qu'elle ne sera pas aveugle dans la Jérusalem céleste. Ici, en Russie, j'ai entendu plusieurs fois la thèse selon laquelle nous aurons tous trente-trois ans, l'âge du Christ, à la Résurrection. Et cette Résurrection est bien la Résurrection de notre matière, même si elle est transfigurée, car autrement, quel en serait le sens? Pourquoi ne resterions-nous pas de purs esprits; pourquoi nous faudrait-il ressusciter si c'est pour sortir de l'espace et de la matière?  Qu'est-ce que la matière? C'est la combinaison de ses particules qui vieillit et se défait, mais ses particules elles-mêmes? Je suis nulle en physique, mais ce que je vois ça et là m'intrigue, et par exemple, il paraît qu'à des années lumières, des particules qui ont été proches gardent le souvenir les unes des autres, je ne connais rien en physique et en mathématique, mais la matière me semble une chose infiniment mystérieuse, et tous les éléments de l'univers et de la vie se situent pour moi dans une espèce de continuité, de relation mutuelle, qui change dans la perennité. Même le temps et l'éternité me paraissent reliés, et ne sont peut-être que les deux faces d'un même phénomène, l'un passant dans l'autre, comme le passé qui se nourrit perpétuellement du présent, et le présent qui n'existe pas sans le passé; il n'y a que pour l'imbécile progressiste moderne que le passé est mort, et la matière inerte. Un passé mort et une matière inerte sont incompatibles avec une conception sacrée de la vie et du monde, avec Dieu et l'expérience spirituelle. 

De même dernièrement, j'ai entendu dans une vidéo un prêtre dire que nous étions destinés à devenir des anges. Il y a en nous de l'animal, mais nous sommes appelés à devenir des anges. Mais non, je ne suis pas d'accord, car Dieu avait tous les anges qu'il voulait quand il a créé ce monde plein d'animaux et qu'il y a mis l'homme, alors pourquoi l'a-t-il fait? Et pourquoi le Christ s'est-il incarné? Est-il sorti de la matière, alors que, ressuscité, il invite Thomas à le toucher pour s'en assurer? Que sa matière ait muté en quelque chose d'autre, peut-être bien, mais que nous devions sortir de la matière ou devenir des anges, je voudrais comprendre pourquoi. Enfin, quand je dis que je voudrais comprendre... il y a des choses que je n'essaie plus de comprendre par la raison, mais par la poésie et l"intuition, ou la contemplation. Rilke parlait de "l'au delà des choses". Disons que même dans le cadre de la religion, il y a des manifestations de cette pensée systématique qui me détourne des idéologies.

dimanche 20 novembre 2022

Faust





Nous avons déjà beaucoup de neige, je suis allée me promener, le ciel avait une couleur étrange, un gris rosé qui est devenu très sombre, si sombre que le soleil ne semblait plus exister, derrière ces nuages, bien qu’il ne fît pas encore nuit. En escaladant la berge abrupte, je voyais un lac immobile, gelé, un horizon noir, Pereslavl aux toits blancs avec ses poignées de lumière, et de livides fantômes de fleurs qui grouillaient à l’assaut de buissons squelettiques et d’arbres décharnés, dans les ténèbres de notre hiver polaire.

Hier, le bar du café français montrait Faust de Murnau, que je n’avais jamais vu, avec l’accompagnement de deux auteurs de musique contemporaine qui improvisaient à moitié et jouaient sur toutes sortes de bruitages. J’ai été éblouie par la poésie et la beauté fantastiques de ce film, et par le jeu hallucinant des acteurs. Méphisto arrive à exprimer tant de passions abominables qu’on le dirait absolument possédé, son jeu est fascinant. Et la jeune Gretchen, pour une fois, n’a pas la mièvrerie des jeunes premières de l’époque, elle est pure, intense, très émouvante. J’étais subjuguée par les éclairages, les décors oniriques, l’ambiance envoûtante, mais c’est le genre d’esthétique auquel je suis très sensible, et on la trouve encore dans Ivan le Terrible, je suis moi-même expressionniste. Il m'est venu à l'idée que si Faust s'éprenait de Marguerite, la rejoignait  sur le bûcher et conservait par delà la mort la jeunesse que le diable lui avait rendue, c'est qu'il ne l'avait au fond jamais perdue. J'ai moi-même le sentiment que ma vieillesse est une erreur, ou une maladie mortelle à évolution lente, et que dans l'éternité, je retrouverai ma jeunesse, la jeunesse est l'état éternel du monde, dit Fédia dans mon livre.

La musique était originale et inspirée, mais la sono si forte, dans la cave, que j’étais un peu assourdie et ma pauvre chienne encore plus. La femme de Génia Kolesov m’a dit qu’il organisait des concerts tellement intéressants et que si peu de gens venaient. A voir la dégaine des maisons de Pereslavl, on comprend que leurs habitants n’ont pas forcément de goût pour la grande culture, mais nous avons aussi de plus en plus de moscovites, pas forcément cultivés non plus, il est vrai... Il me semble que beaucoup de gens ne sont même pas au courant de ce qui se passe dans notre cave du café.

Le visage d’une des actrices m’était familier, je me demandais où je l’avais vu : sur les tableaux de Toulouse-Lautrec, c’était Yvette Guilbert. Le temps qui s’allonge derrière moi s’est tout à coup rétréci. Ce film a près de cent ans, mais il n’était pas si loin de moi quand j’étais enfant, et Yvette Guilbert non plus. Pourtant, cela me semble à présent antédiluvien, parce que ma vie et l’époque actuelle ont opéré de profondes fractures avec cet univers et celui où je suis née, qui en était encore imprégné. C’est une drôle de chose que le temps, on s’en rend compte quand un certain nombre de décennies nous en donne le recul.






Faust



vendredi 18 novembre 2022

Un Américain


Pour faire plaisir à Katia, j'ai participé à une réunion du club des dames de Pereslavl qui avait lieu chez elle. Je ne suis pas trop fana des réunions de dames, disons que ce n'est pas trop mon style, bien qu'elles soient toutes fort gentilles et même mignonnes. Cela parle et rit beaucoup, cela verse même parfois une larme, on est dans l'émotif. 

Au milieu de toutes ces dames, j'ai vu notre orthodoxe américain, Jason Silouane. D'après ce qu'il nous a dit ensuite, il était aussi venu pour faire plaisir à Katia, paralysé de terreur à l'idée de se retrouver au milieu d'un club de dames, tel Gussie Fink Nottle contraint de faire un discours à la distribution des prix de l'école de Blandings Castle... C'est un homme très timide, très profond et très touchant, il adore la Russie, la Russie orthodoxe, et même celle des fols-en-Christ auxquels il s'identifie peut-être un peu. Il a consenti à jouer de la guitare et même à chanter une chanson de son cru quand notre assemblée s'est réduite à deux ou trois personnes: "Pourquoi suis-je si timide? Et puis je n'aime que les chansons tristes et je chante mal!

- Moi aussi j'aime les chansons tristes et je suis sûre que vous ne chantez pas si mal que ça!" me suis-je exclamée. 

Et en effet, il ne chante pas mal, et sa chanson triste était fort jolie. C'est amusant, parce que cet amoureux fou de la Russie chante dans le style country de son pays natal, de même que mes propres chansons, malgré mon amour du folklore russe, respirent la France.

Il n'est pas étonnant que l'angélique petite Sérafima soit issue d'un homme pareil.

Silouane nous a dit que son père l'avait renié. Nous devions toutes, et lui aussi, nous présenter aux autres, et il a fait un discours fervent digne d'un roman de Dostoievski sur la Russie, sur l'orthodoxie, sur le père Séraphim Rose, ce que personnellement je n'avais pas osé faire, sachant que bon nombre des petites dames étaient dans la mouvance yoga new age et peut-être libérale, au moins pour quelques unes. "En Amérique, a-t-il conclu, la société est complètement atomisée, chacun est terriblement seul et ne pense qu'à soi. Dans une société normale et vivante, les gens sont tous reliés, la rupture des liens entre les individus, les générations et le monde environnant est d'ordre complètement satanique, je veux donner à mes filles la chance de grandir dans un monde encore vivable, en ésperant qu'il n'adviendra pas de la Russie ce qu'il est advenu de nous".  

Je crois qu'il a fait sensation. Un peu plus tard, il a évoqué le fait que beaucoup de fols-en-Christ vénérés en Russie étaient des étrangers, ce qui est exact. Il a parlé aussi du mouvement d'exode en Russie des étrangers orthodoxes qui devient de plus en plus important. Il connait à Pereslavl une autre famille d'Américains, avec cinq enfants, et la communauté du père Gleason à Rostov a un équivalent au sud de Moscou. J'en ai discuté de cela le soir avec Katia, et cela nous paraît à la fois mystérieux et encourageant, comme un tri qui s'opère à l'insu de tous, selon certaines prédictions, cependant.


L'hiver s'installe pour de bon, j'ai fait mes dernières photos de fleurs, les oktiabrines, sous la neige. J'ai appris avec consternation que la moitié de maison de l'oncle Kolia avait été vendue, et je crains que les nouveaux propriétaires ne s'empressent de la plastifier et de massacrer les deux jolies fenêtres. Je voulais même aider mon tadjik à l'acquérir contre promesse de ne pas l'abîmer, mais trop tard. Je rêvais même de l'acheter, la réparer et la louer ou la revendre, mais pour cela, il m'aurait fallu plus de marge. Je n'ai pas beaucoup de possibilités de la masquer derrière des arbres, l'été les pruniers la cachent, mais en automne ou en hiver...




mercredi 16 novembre 2022

Nouveaux voisins

 


Mes nouveaux voisins, qui ont acheté une maison bizarre à cent mètres de chez moi, sont un jeune couple moscovite, Macha et Vitia, et leurs deux enfants Micha et Kolia. Ces enfants sont ravissants et tellement typés russes, qu'on les croirait sortis d'une illustration de Bilibine. Micha pourrrait jouer le rôle de Vania Basmanov, fils de mon héros Fédia dans Yarilo. Et d'après sa mère, c'est un contemplatif et un poète. 

Nous nous sommes rencontrés à la cathédrale, dont ils sont paroissiens, mais nous avons des amis communs, Katia, et puis le père Vladimir Viguilianski et sa famille.

Cette famille, la semaine dernière, a trouvé dans le container des ordures des chiots pratiquement nouveaux nés qu'on y avait jetés dans un sac en plastique. J'ai plus de respect pour ceux qui les tuent à la naissance, comme on faisait dans les campagnes, que pour ceux qui les balancent n'importe où, les livrant aux angoisses et aux souffrances d'une mort lente. A les voir, je dirais que leur père est le simili husky de mon voisin catastrophe. Je ne sais quelle famille du quartier a commis cela. Si tout le monde alentour stérilisait ses chiens qui ne sont pas de race, nous verrions moins d'horreurs de ce genre. Mais sériliser les chiennes coûte cher et même les maîtres les plus durs avec leurs animaux sont malades à l'idée de castrer les mâles comme si c'étaient les leurs qu'on allait couper: c'est barbare. Et jeter des chiots nouveaux nés à la poubelle, c'est tellement plus humain, n'est-ce pas?



Je suis allée jusqu'au lac, à la plage municipale, avec Macha et le petit Kolia, Micha était à l'école. Il n'y avait pas un souffle de vent, le lac était déjà gelé, cette quiétude étrange et ces couleurs laiteuses semblaient d'un autre monde.

Le père de Macha est comme moi bouleversé par la laideur de ces constructions nouvelles qui défigurent complètement les villes anciennes, et ne peut s'empêcher de râler à ce spectacle. "Les gens qui ont mauvais goût ont le droit de vivre", lui réplique-t-elle. Certes, mais nous aussi, nous avons le droit de garder un environnement harmonieux et intact et une vue normale sans qu'aucun gros con ne vienne y poser une baraque semblable à lui par son indiscrétion et sa prétention!

C'est pourquoi, bien que la plage municipale reste pittoresque, je préfère, lorsque je suis seule, aller me promener dans le marécage, les tumeurs en plastique de la modernité n'y sont pas encore trop visibles, mais les ordures y abondent, malheureusement. Enfin, en été, la verdure les recouvre et en hiver, c'est la neige, et nous l'attendons avec impatience, pour cacher les disgrâces et éclairer les ténèbres...

Dans ce festival de baraques horribles, subsistent quelques isbas de plus en plus isolées, et l'on voit aussi quelques exemples de maisons restaurées ou contemporaines qui pourraient inspirer les autres, s'ils étaient encore capables de comprendre le problème.

La maison de mes jeunes amis est bizarre, très grande, mais elle est agréable à vivre, elle peut être aménagée. Ils ont une grande pièce vitrée au sommet, une petite chapelle privée installée par le précédent propriétaire, et dans le jardin, une espèce de pergola qui donne directement sur l'étang voisin, ce doit être sympa en été. De chez eux, on voit la mienne. Avec l'isba d'oncle Kolia et celle d'Ania, c'est la seule à être jolie dans le périmètre. 

Macha me dit qu'une de ses voisines s'est déjà jetée sur elle pour l'accabler de conseils qu'elle ne demandait pas, je connais ça également!!! 


Cette maison a été bien arrangée, et elle garde un joli porche
en briques et une palissade de bois. Merci à ses propriétaires...




la maison de droite, contemporaine et simple, proportionnée,
s'inscrit bien dans le reste et ne nuit pas à la maison traditionnelle d'à
côté, le problème est que les maisons traditionnelles ont presque disparu. Bon et puis l'horrible barrière métallique et le tuyau de gaz....



 Le dernier numéro de l'Antipresse est toujours aussi profond dans son analyse de notre cauchemar de science-fiction. A propos de l'intervention russe, dont le succès déterminera la couleur de notre avenir, Slobodan rapporte l'avis d'un mystérieux Veilleur: "«La victoire en Ukraine ne sera pas la fin de la guerre, mais seulement le début de la prochaine, ou plutôt de la vraie guerre. Et une armée forte sera alors encore plus nécessaire, plus qu’elle ne l’est maintenant. Brûler l’armée russe, l’épuiser dans la guerre en Ukraine, tel est l’objectif de l’Occident. (…) Si nous prenions la plus grande partie de l’Ukraine d’un coup, ou pire, toute l’Ukraine, nous aurions une énorme bride autour du cou, une zone arrière déloyale de milliers de kilomètres carrés, des partisans et des guérillas clandestines, des millions d’individus affamés et décérébrés. En poussant la guerre vers l’ouest de l’Ukraine, plus près des frontières européennes, nous aurions une ligne de front éloignée de nos bases. Il nous faudrait donc déployer notre logistique sur des milliers de kilomètres de terre déloyale infestée de saboteurs.» 

D’où la nécessité de ménager ses propres forces tout en forçant l’adversaire à exposer les siennes. «Maintenant, nous n’avons libéré que les régions qui nous étaient loyales, avec une bonne industrie, une bonne agriculture et un bon approvisionnement énergétique. Redresser ces régions est aisé. Les populations pauvres et démentes avec leur économie assassinée pendent au cou de l’Occident. La ligne de front nous est proche, notre ligne logistique est courte et se déploie sur notre territoire. La logistique de l’ennemi doit traverser des milliers de kilomètres carrés où elle constitue une cible légitime sur toute la ligne. Les défenses aériennes ennemies, confinées à leur territoire souverain, sont inopérantes. Nous nous trouvons en position de défense stratégique et “grillons tranquillement leurs chars“, abattons leurs avions au-dessus de leur territoire, détruisons leurs forces militaires à distance."

J'ajouterai à cette anlayse celles du Saker, à propos des élections américaines:"Et si le président était un organo-servo-robot, une marionnette sénile, secondé par un vice-président spécialement choisi pour être encore plus faible d’esprit ? Il s’agit d’un excellent stratagème pour mettre au pouvoir un groupe extrémiste qui n’a qu’un lien indirect avec les lobbies commerciaux habituels qui déterminent ce qui se fait à Washington. Ne pensez pas à un « État profond » vaste et amorphe : l’exécution d’un tel coup de force nécessite une coordination étroite, une certaine dose de secret ou, au moins, de discrétion et, bien sûr, d’énormes sommes d’argent. Pensez plutôt à un oligarque maléfique singulièrement bien doté et à ses multiples serviteurs qu’il a soigneusement préparés et insérés dans des positions de pouvoir.

L’objectif global d’un tel groupe extrémiste pourrait bien aller bien au-delà des intérêts habituels des lobbies commerciaux, tels que la préservation des capitaux propres, une plus grande place à l’auge des subventions fédérales, l’élimination des barrières transnationales au commerce et à la circulation des capitaux, la réduction des impôts sur les entreprises, etc. Ces fanatiques pourraient bien avoir à l’esprit une vision tout à fait différente de l’avenir, dans laquelle un groupe minuscule d’ultra-riches possède tout, tandis que le reste d’entre nous ne possède rien, mais, rendus dociles par toutes sortes de manipulations médicales et techniques, nous nous sentons heureux de cet état de fait… comme autant d’animaux dans une ménagerie… pas trop d’animaux, remarquez : une réduction drastique de la population est probablement un de leurs objectifs clés." https://lesakerfrancophone.fr/la-presidence-cheval-de-troie

Et enfin le récit de Karine Bechert Golovko sur les exactions subies par ceux qui, à Kherson, n'ont pas voulu ou pas pu être évacués comme le reste de la population par les Russes: Russie politics: Ce régime d'occupation dans Kherson "libérée"

L'OTAN des droits de l'homme.

mardi 15 novembre 2022

Revenant

Depuis quelques temps, je songeais souvent à un vieil ami en me disant qu'il me fallait le recontacter, et je suis tombée sur sa fille, qui vient de temps en temps à Pereslavl Zalesski. Mon vieil ami est cinéaste et historien, je l'avais rencontré à Paris quand j'avais 19 ans. Je venais d'épouser la foi orthodoxe,j'étais étudiante aux Langues O. Un de nos professeurs, Olga Sergueievna, qui était si distraite qu'il lui arrivait de fumer sa craie et d'écrire avec sa cigarette, nous avait tous invités au restaurant avec deux "soviétiques", des Russes de là bas, de la contrée interdite labellisée CCCP, Slava et Génia, le cinéaste et l'opérateur, venus tourner un film sur la Commune. J'étais placée très loin d'eux à table et j'en étais très contrariée. Au dessert, j'avais pris mon courage à deux mains, j'étais allée les trouver et leur avais demandé, en guise d'introduction: "Que pensez-vous d'Ivan le Terrible?"
Ils avaient éclaté de rire, et ne m'avaient plus lâchée. Comme ils travaillaient le jour, ils visitaient la nuit, à pied, nous errions des heures, ils me tenaient par le bras, me récitaient des vers, Slava adorait parler de l'histoire russe, et avec un tel public, il s'en donnait à coeur joie, d'une façon extrêmement vivante. Au bout de quatre jours de ce régime, je ne tenais plus debout. Je savais qu'ils partaient le lendemain, et j'étais si triste qu'ils m'avaient donné rendez-vous pour un dernier adieu avant leur départ, près de je ne sais plus quel métro, mais je ne m'étais pas réveillée, j'étais trop épuisée. J'avais pleuré toute la journée, persuadée jusqu'au fond du coeur que je ne trouverais jamais un homme comme eux, qui étaient d'ailleurs mariés, et beaucoup plus âgés que moi, et en effet, je n'ai pas trouvé! 
Voici que tout à coup, j'ai entendu au téléphone la voix de Slava, qui a 86 ans, maintenant, et me parle toujours de Souvorov ou de Catherine II, comme s'il les avait connus personnellement. Lors de notre première rencontre, et bien qu'il fût membre du Parti Communiste, il avait manifesté le désir de lire la Bible, car "deux mille ans de notre histoire et de notre culture reposent sur ce livre", et je lui en avais procuré une, en russe. J'appris lors d'une visite ultérieure en Russie qu'il s'était fait baptiser.
Je n'ai pas cessé de prier pour lui, mais je l'avais perdu de vue, et alors que je me demandais comment renouer, c'est sa fille qui me contacte...
Les mésanges savent dans quel pièce je me trouve, si j'oublie de leur donner à manger, elles viennent voleter près des fenêtres, pour attirer mon attention, et même cogner du bec. J'en ai sauvé une, que ma saloperie de chat avait attrapée. Elle avait confiance, et restait tranquille dans ma main, elle s'est envolée à proximité du prunier. J'ai déplacé la mangeoire en un lieu plus sûr.
J'ai fait passer mon vélo d'appartement de la salle de bains dans mon bureau, et quand je m'en sers, je vois ces mêmes mésanges passer entre les branches du poirier et s'amuser du spectacle de la vieille tutélaire en train de se livrer à une occupation mystérieuse dans son aquarium.
J'ai décidé de changer la disposition des pièces au printemps, et je suis toujours plus ou moins dans les travaux, le bricolage et le rangement. Et qui me dit que cette maison ne va pas brûler demain, prendre une bombe ou que je ne vais pas succomber brusquement à une crise cardiaque? Mais j'ai besoin d'être entourée de beauté, de souvenirs, et d'avoir un environnement qui me simplifie la vie... J'espère que cela ne compte pas comme richesse dont il convient de se détacher. 
En réalité, rien de luxueux dans cet aménagement, des meubles IKEA ou de récupération, du lino, des rideaux achetés au magasin GIFI de Bollène, nous ne sommes pas dans la déco de haut vol, mais c'est pour moi plus intéressant de faire avec ce que j'ai et ce que je peux, et d'obtenir quelque chose d'harmonieux, où je me sente bien, parfois, des vieux trucs malmenés n'en ont que plus d'âme.


J'ai vu deux vidéos qui valent vraiment le coup d'être regardée. Celle d'Eric Veraeghe, qui analyse avec humour et réalisme la situation où la caste a mis l'Europe, et un reportage sur les enfants du Donbass, un témoignage terrible, qui ne m'apprend rien de nouveau depuis huit ans que je suis au courant, mais pourrait ouvrir certains yeux résolument fermés, il est vrai que lorsqu'on les ferme depuis si longtemps avec acharnement, les paupières finissent sans doute par se souder.





Facebook m'est toujours inaccessible, cela m'ennuie pour les proches et les amis que j'y ai, il leur faudra s'abonner à mon blog ou s'adresser à ceux de mes amis qui sont à la fois sur Vkontakte et sur Facebook.

dimanche 13 novembre 2022

Le dos au mur

 

Les travaux sont terminés, enfin pour l'instant. Je retrouve un peu de calme, pour ranger tout ce qu'on m'a mis sens dessus dessous, et reprendre mes habitudes de création et de prière.

Nous avons eu un étrange réchauffement, avec une tempête pluvieuse, de retour du bar, je voyais une demie lune énorme, et des nuages affolés et rapides, des étoiles brillantes qui paraissaient fuir dans tous les sens. Nous avions un concert Monteverdi Purcell, avec notre luthiste Oleg Botko et deux jeunes chanteuses. L’une d’elle avait une robe lie de vin semée de paillettes et j’étais fascinée par la lumière qui courait sur elle et rebondissait sur ses boucles d’oreilles. L’autre avait une coiffure bizarre, des dread locks en partie rouges, des emplacements rasés, je pensais à l’univers de Monteverdi qui n’est pas si loin de nous, en fait, et pourtant, c’est une véritable Atlantide engloutie. Un peintre local est venu nous dire qu’il descendait d’Eugène de Beauharnais. Il pense que les Russes vont perdre la guerre car « ils sont les agresseurs ». Je lui ai dit que ce n’était pas mon avis, que depuis des années, ils avaient tenté d’éviter la guerre qu’on les acculait à faire, et que j’espérais bien qu’ils allaient gagner, car sinon, l’existence de l’humanité deviendrait un tel cauchemar qu’on serait content de mourir. 

Le lendemain dimanche, j'en ai parlé en confession au père Andreï. "Mais non, nous n'allons pas perdre, me dit-il, avec une assurance bonhomme et indulgente. Nous ne pouvons absolument pas nous le permettre, nous sommes le dos au mur, si nous perdons, nous serons mis en pièces, il ne restera plus rien de nous ni de notre pays. Nous avons contre nous des satanistes enragés, c'est une guerre pour la sainte Russie!

- Oui, c'est ce que je me dis, et c'est ce que je répète à mon entourage, mais si vous saviez ce que je ressens quand je vois des orthodoxes soutenir ceux d'en face!

- Et alors? Cela s'est déjà produit! Combien de métropolites et de Russes blancs ont suivi Hitler?

- Ah oui, mais ce n'était pas pareil, à l'époque, entre Hitler et Staline, le choix était quand même difficile... 

- Oh vous savez, derrière les idéologies, les choix fondamentaux sont les mêmes. On nous voulait déjà la peau."

J'étais venue communier, j'avais même assisté aux vêpres la veille, avant le concert de musique baroque...

Il faisait déjà beaucoup plus froid, le vent avait viré au nord, une énorme banquise de nuage montait sous le pâle vaisseau lunaire, et s'ornait d"un débris d'arc-en-ciel, dont je ne verrai sans doute plus de manifestations jusqu'au printemps prochain...


Un correspondant facebook m’a envoyé des tas de petits cadeaux, des edelweiss de son jardin, des dessins, un vieux billet de banque.... C'est très touchant, un peu comme une bouteille à la mer.  Facebook est maintenant complètement bloqué en Russie, cela m’ennuie, car je ne peux appeler ma tante, mon dernier espoir est qu'on réussisse à lui installer Whattsapp. Sinon, au moins, je ne lis pas les commentaires imbéciles de tous les gogos de la Secte.

Au café, j'ai rencontré le cuisinier du futur restaurant français de la salle voisine, Laurent. Nous avons beaucoup discuté, de la Secte, justement, de la façon dont son état d'esprit s'est installé, de l'impossibilité où nous sommes de faire entendre raison à des gens de plus en plus butés et agressifs qui sortent des énormités, et estiment que nos témoignages ne sont pas valables car, certes, nous avons vécu en Russie et eux, la plupart du temps, non, mais ils savent quand même mieux que nous, car notre longue familiarité avec le pays nous rend partiaux. Sans doute sommes-nous masos de nous obstiner à y vivre... Cela dit, il y a des tas de gens qui ont vécu ici, des slavistes, ou même des Russes, qui disent également n'importe quoi car ils se sont bâtis une espèce d'hallucination dont ils préfèreraient crever plutôt que de s'éveiller, c'est justement là un des traits de la Secte depuis que je la vois à l'oeuvre, soit 1968. Ce qu'il y a de bien avec Laurent, c'est qu'il est croyant, catholique, il a donc une dimension supplémentaire qui lui permet de mettre les choses en perspective. D'après lui, les gens reviennent à l'église, en France, enfin ceux qui ne deviennent pas musulmans. Car les fameuses "valeurs" de la Secte sont tellement anti humaines, anti naturelles, qu'elles ne peuvent certainement pas donner un sens à la vie des personnes restées un tant soit peu normales...

J'attire à ce sujet l'attention sur deux vidéos capitales, celle d'Idriss Aberkane, dont je partage l'analyse du consentement hagard de mes contemporains à n'importe quelles manipulations. Et celle de Jean-Dominique Michel, anthropologue. 

Dans le discours de ce dernier sur tous les mécanismes à l'oeuvre pour le covid comme pour l'Ukraine, j'ai noté une réflexion intéressante sur la robotisation du travail. Il dit que nous ne pouvons pas travailler constemment, que cela nous est impossible, que nous avons besoin de ne rien faire, à l'intérieur de notre temps de service. Cela nous permet de penser. Toute nature créative et contemplative le sait bien, et jusqu'à l'invention du capitalisme du profit et de ses divers épiphénomènes politiques, c'était le cas de la plupart des gens, le monde moderne n'est jamais qu'une énorme caserne, et cela depuis au moins deux cents ans. Mais les horribles mutants engendrés par la quête du profit ne peuvent envisager une chose pareille, c'est comme cela qu'on en arrive à empêcher les caissières d'aller pisser. Quand j'étais instit, je ménageais des temps de pause dans ma matinée, pour moi et les enfants, et notre hiérarchie estimait que nous devions en permanence être à l'affût de ces pauvres gosses, que chaque minute de notre temps devait entrer sans répit dans notre démarche pédagogique, or ma démarche pédagogique était de nous laisser vivre, rêver, souffler, échanger, penser. Il y avait des moments où je lâchais les gosses, et où je réflechissais, en prenant un café. Et puis en les regardant, et en regardant ce qu'ils avaient fait, des idées me venaient. Parfois j'en parlais avec mon assistante maternelle, elle me donnait son avis. Parfois j'en arrivais à changer complètement ma démarche ultérieure. La hiérarchie avait toujours peur que nous ne volions l'argent de notre salaire, mais enfin, quand on prend un moment pour réfléchir, avec un café, dans le bruit d'une classe et le cadre d'un horaire, on n'est pas peinard chez soi à faire ce qu'on veut...