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mardi 6 décembre 2022

saint Alexandre


C'est aujourd'hui la saint Alexandre Nevski et je suis allée à l'église, qui était bourrée. Il y avait tout le lycée orthodoxe, des gamins endimanchés partout, des cosaques, et tout le clergé local autour de l'évêque Théoctyste. J'ai fait prier pour le métropolite Onuphre, son troupeau persécuté, et pour les soldats qui se battent là bas, exposés à des sévices d'un autre monde, du monde à l'envers qu'on nous fait, s'ils ont le malheur d'être faits prisonniers. Une amie qui s'occupe d'humanitaire auprès des réfugiés et des soldats m'a demandé d'écrire des cartes de bonne année, il paraît que cela leur est très précieux, surtout celle des enfants, mais une vieille Française fera l'affaire aussi.

J'attends une amie orthodoxe qui vient se chercher une maison dans les parages.

Je lis dans le dernier Antipresse, celui des sept ans de cet organe, le bébé de Slobodan, dont je suis fière de figurer dans le trousseau:

 "Sans oublier notre extraordinaire communauté de lecteurs, qui est à la fois une alliée, une interlocutrice et une source d’informations et de belles histoires. Le bon docteur Hubert m’accueillant à ma descente de train à Pékin pour aussitôt m’emmener à travers la ville en vélo. Le mythique appartement-théâtre de Dany et Youri à Moscou. L’isba musicale de Laurence Guillon à Pereslavl, d’où elle nous adresse ses superbes chroniques… Et les framboises de Martin Dabilly dans le Yunnan, et la forge de Jocelyn Lapointe dans le Grand Nord canadien. Et l’irréductible petit royaume musical de Diane Tell dans les Alpes, voisinant presque avec le chalet-refuge du docteur Walter, le «médecin intérieur»… L’Antipresse aura été le trait d’union de toutes ces destinées et de tous ces témoignages humains. Avec le recul, j’identifie un fil rouge entre eux, entre nous. Nous n’étions pas du même monde, mais nous étions de la même famille".

C'est drôle, la musique, j'y suis vraiment venue tard, bien que je l'ai toujours aimée, j'étais plutôt graphiste et écrivain, mais Slobodan, et il n'est pas le seul, m'identifie comme une musicienne. 

Il définit le rôle et la vocation de l'Antipresse, outil d'analyse, de communication entre les anarques de diverses origines et nations, et grain de sable dans la Machine qui entend nous broyer tous. C'est drôle comme finalement, j'ai eu conscience de cette Machine et de ses intentions, depuis pratiquement les bancs de l'école, de façon d'abord instinctive, puis de plus en plus consciente. Je ne voulais pas m'inscrire là dedans, et si je ne suis venue à l'Education Nationale que forcée par la nécessité, c'est que je n'entendais pas non plus contribuer à y inscrire les autres...

Slobodan voit dans l'absence de spiritualité l'origine du manque de discernement actuel:"Une des leçons de ces années de transition, à mes yeux, est que les humains sans ancrage métaphysique — si instruits qu’ils soient — sont disposés à accepter et croire n’importe quoi, moyennant un peu de persuasion. Leurs facultés d’entendement s’arrêtent à la surface des phénomènes, sans capter leur dimension symbolique. Cela donne raison à Chesterton qui brocardait la crédulité des athées et des prétendus  rationalistes. Le spectacle des foules — ignares ou éduquées, civiles ou médicales — se trémoussant au son de la «science» pipée et s’appliquant à apprendre les pas de danse les plus désarticulés au nom de leur «santé», aura à cet égard été assez éclairant. Le recyclage des mêmes contorsions au profit de la «lutte pour le climat» ou de la «défense de l’Ukraine» a fait dériver la pièce vers un comique de répétition en fin de compte assez prévisible. L’an 2020 et ses suites, c’est le Ministère des Démarches loufoques de Monty Python reprenant la gestion des affaires globales".

C'est naturellement évident, et pourtant, je m'interroge au vu du nombre d'orthodoxes occidentaux qui ont marché allègrement dans la combine covid et marchent à fond dans la sombre combine ukrainienne, et depuis longtemps. Pourtant, dit Slobodan:"Pourquoi ce feuilleton russe? Dès le moment où la Russie a gravé dans sa Constitution la définition traditionnelle de la famille (un homme, une femme, des enfants), il est devenu évident que la lutte à mort avec le bloc transhumaniste était inscrite à l’agenda. Il est curieux que personne ne se soit sérieusement interrogé sur la portée de ce truisme, ou plutôt de la nécessité de le protéger juridiquement. Nous sommes entrés dans une drôle d’époque où les concepts les plus arbitraires semblent aller de soi, mais où les évidences de nature doivent être prouvées et défendues"

Il est bien clair pour moi que quels que soient les torts réels ou supposés du gouvernement russe et la corruption de ses fonctionnaires, le simple fait que la Russie aille contre le bloc transhumaniste suffit à la placer dans le bon camp, imparfait, mais bon; car celui d'en face est si mauvais, si antagoniste à tout esprit chrétien qu'on ne peut que le fuir en courant et s'en garder comme de la peste.

Combien d'orthodoxes occidentaux ont, par une détestation irrationnelle des Russes, ou par indifférence, ou conformisme, fermé les yeux sur ce qui se passait en Ukraine depuis huit ans, sur les persécutions envers le métropolite Onuphre et ses fidèles, sur le rôle infâme du patriarche de Constantinople dans cette affaire? On parle de déporter les orthodoxes d'Ukraine en Russie pour les protéger, qui restera-t-il sur le territoire autour des sanctuaires profanés? Les uniatoïdes au front bas du pseudo métropolite Epiphane et de l'infernal pseudo-patriarche Philarète?

J'ai trouvé sur facebook ce post qui m'a paru très juste. J'ai traduit l'ouvrage de Panarine, la Civilisation Orthodoxe, je pense l'avoir mal traduit, il était au dessus de mes compétences, et c'est dommage. 


RÉVOLTE CONTRE LE MONOPOLE OCCIDENTAL DE LA MODERNITÉ 


A la fin des années 1990, le philosophe russe Alexandre Panarine exprime une préoccupation grandissante face à la modernisation faustienne qui se propage sans réserve, et à l’objectivation du monde entier par l’Occident qui considère tout l’espace planétaire comme terrain à conquérir, à convertir et à soumettre à ses propres objectifs. Panarine prévient que le monde ne se pliera pas éternellement à une volonté extérieure d’un seul pôle qui se prend pour le sujet de l’histoire, laissant aux autres la place de ses objets, dont la volonté propre ne compte pas. 

Il écrit : 

Le désenchantement de l'histoire constitue, avec la disparition de la foi religieuse, le deuxième pilier du nihilisme occidental. L’Occident a perdu toute capacité de se projeter dans l’avenir. On n’y rêve plus d’un avenir qui serait très différent du présent, il n’y a plus d'espoir d'améliorer notre existence collective, on a perdu toute boussole de l’action historique. L’histoire ce n’est plus que le présent qui dure.

Mais si les sociétés « totalitaires » ont été, à juste titre, blâmées pour avoir sacrifié les individus sur l’autel du Sens de l’Histoire, cela ne veut pas dire que les grands desseins collectifs sont nécessairement une chimère nuisible. La grande perspective historique n'est pas un attribut des sociétés totalitaires prédémocratiques, elle fait partie intégrante de la culture humaine en tant que telle.

En paraphrasant Dostoïevsky, on peut dire que si la foi en l'avenir n'existe pas, tout est permis. L’absence de grande vision du devenir présage une grande instabilité civilisationnelle et met en cause la viabilité même de la civilisation occidentale. 

Incapable de se projeter en avant, l’Occident fukuyamiste ne peut que se projeter dans l’espace en poursuivant, de manière effrénée, sa conquête du monde.

L’état d’esprit « fukuyamiste » n’est pas minoritaire, il reflète la conscience de masse de l’Occident actuel. Le projet planétaire de la « modernisation » évoqué dans des milliers de publications ne s’inscrit plus dans la grille de temporalité classique : passé-présent-avenir. Il utilise plutôt la dichotomie « moderne vs archaïque ». 

Le « moderne » n’est pas simplement assimilé à ce qui vient de l’Occident, il est complètement monopolisé par l’Occident. A ce « moderne », il n’y a point d’alternative. Tout ce qui n’est pas « moderne » est « archaïque », et doit être modernisé bon gré mal gré.

Cette fixation, cette vision figée de la « modernité », est selon Panarine, contraire à l’esprit européen classique qui a toujours été capable de l'auto-critique, donc d’un renouvellement radical. Aujourd’hui, l’Occident semble avoir perdu les fondements de sa culture y compris la capacité de se réinventer. 

D’où l’hypothèse du penseur russe que l’Occident sera incapable de proposer une véritable alternative à la conquête faustienne du monde, à cette folle aventure moderniste qui a mis en péril la planète. Cette indispensable alternative, cette réforme intérieure profonde de l’humanité ne peut être engagée que par l’Orient.

****

Dans les années 1990-2000, ces paroles ne trouvent pas un grand écho en Russie. L’heure est à l’occidentalisation à marche forcée; de nombreux pays qui ont fraichement accédé à la « modernité » s’en abreuvent, et s’installent, rapidement, dans une dépendance vis-à-vis de nombreux biens qu’elle apporte. Certes, tout le monde n’y a pas accès dans la même mesure, mais le plus important est de convertir les élites. 

Cependant, depuis quelque temps, et surtout depuis le 24.02.22, la réflexion sur le monopole occidental de la modernité et les moyens d’y mettre fin reçoit une impulsion, et est en plein développement. 

La modernité - qui est, d’un côté, un accès aux biens et services du monde interconnecté et interdépendant comme jamais, et de l’autre, toute une superstructure idéologique - est ainsi perçue comme une arme redoutable que l’Occident utilise dans sa lutte pour l’hégémonie planétaire.


Pour l’un des théoriciens contemporains de l’idée du monopole occidental de la modernité, le philosophe Alexeï Tchadaïev, le 24 février 2022 et tout ce qui a suivi ont mis en évidence la véritable nature de la « modernité ».

Il écrit: 

« L'idée de "grandeur impériale" me laisse indifférent,  c’est le moins que l’on puisse dire. C'est une valeur très douteuse, tout comme le nationalisme ethnique, qu'il soit russe, ukrainien ou autre. Mais si la guerre actuelle a une utilité – c’est qu’elle nous a enfin permis de prendre conscience de ce que nous sommes devenus depuis toutes ces années. En outre, elle a révélé la véritable structure néocoloniale de la modernité, dissimulée derrière la formule de la « société de consommation post-perestroïka ». 

Les sanctions, la saisie des comptes, le gel des réserves de devises, la réquisition des biens, le bannissement total des Russes, la fermeture des frontières, le blocus médiatique, et le hatespeech mondial nous ont fait enfin comprendre quelle était la place de la Russie post-soviétique, telle qu'elle s'est construite depuis 1991, dans le monde global, et quelle était sa finalité supposée. En fait, elle était destinée à devenir tôt ou tard une autre "Ukraine" ou plusieurs "Ukraines", avec le "leader" du même acabit que Zelensky, à savoir Navalny, avec une "démocratie" dont la visée principale serait la lutte contre les "ennemis de la démocratie" ; avec une économie oligarchique et rentière, une élite "mondialisée" (ayant la propriété hors sol), une "classe créative" complétement alignée pour diffuser les consignes, et une participation docile au système de la "division mondiale du travail", la place au sein duquel serait décidée par les chefs politiques de Bruxelles et de Davos. 

J'ai enfin compris ce que le slogan de Fukuyama "La fin de l'histoire" signifiait pour nous : l'histoire n'allait certainement pas se terminer pour tout le monde, mais elle devait se terminer pour les Russes, qui n’en seraient plus les sujets actifs. 

Ainsi, le combat actuel est le combat pour garder notre place de sujets indépendants. Dans ce sens, cette guerre revêt une dimension de libération nationale, c'est-à-dire d'un soulèvement anticolonial. Et bien que le front des opérations militaires se situe en Ukraine, le combat le plus important se déroule en Russie elle-même. »


samedi 3 décembre 2022

Laboratoire

 Il fait froid, des températures de janvier. J'ai même un peu froid dans la maison, malgré Gazprom. Je m'apprête à suspendre une couverture devant la porte d'entrée, en guise de rideau, c'est ce que j'avais avant les travaux, je vais rétablir. Comme la neige avait fondu, nous avons une vraie patinoire, et j'attends avec impatience que des flocons viennent nous constituer une moquette pratiquable.


J’ai eu un grand moment de jouissance en voyant l’interview du vice-président de la Douma Piotr Tolstoï, descendant de Lev Nikolaievitch, par une meute de chacals médiatiques français aux ordres. Il parle magnifiquement notre langue, et il les a écrabouillés. Pris dans le feu de l’action, il n’a pas pensé à faire remarquer aux auditeurs de ces séides de l’OTAN que les prétendues exactions russes contre les civils relèvent de l’inversion accusatoire, et qu’en France, on ne se fie officiellement qu’aux sources ukrainiennes, en qualifiant toute autre info de « propagande du Kremlin ». Mon bonheur a été décuplé par le soutien enthousiaste de la majorité des commentaires français, avec entremis, des commentaires russes ravis de voir que nous n’étions pas tous devenus complètement gniailles. Une horrible blondasse khazaro-ukrope est venue expliquer à ces mêmes médias qu’il fallait s’attaquer aux citoyens russes partout où ils se trouvent, leur faire la chasse, ils sont intrinsèquement dangereux et mauvais, comme les loups, comme les peaux-rouges. Un commentaire suggère : « Et si on mettait juif à la place de russe que penserait-on de ce discours ? » Mais c’est simple : ce mouvement russophobe étant largement organisé et porté par une certaine mafia sioniste depuis des décennies, je pense aux faux dissidents type Ackermann ou Alexieva, aux vrais russophobes, aux BHL, Glucksmann, Soros et autres malfaiteurs mondialistes, il est évident qu’ils font avec les Russes (ou les Palestiniens) ce qu’ils reprochent au monde entier de leur faire, selon la loi de l’inversion accusatoire, et comme cela, on peut leur mettre sur le dos leurs atrocités de la révolution d’octobre, le holodomor ukrainien qui s’inscrivait dans un génocide de paysans russes orthodoxes non seulement dans leur fief actuel, qu’ils sont en train de ruiner et de plonger dans un enfer total, mais dans toutes les régions de Russie où il y avait des paysans libres et prospères. Soljénitsyne l’a bien démontré et ne s’est pas fait des amis, comme on l’a vu. Toute ma jeunesse, j’ai entendu des trotskystes, vibrants de haine, justifier la dékoulakisation. J'ai du mal à encaisser de les voir à présent pleurnicher sur le holodomor en le collant sur le dos des Russes...



Tout ceci est infiniment dégueulasse, il ne faut pas lâcher la rampe de l’orthodoxie pour le supporter, et justement, le bon Zelenski, qui fait si bon marché d’un peuple qui n’est pas le sien, vient d’interdire l’Eglise Ukrainienne Orthodoxe du métropolite Onuphre, la seule la vraie depuis le baptême de la Russie par saint Vladimir, ouvrant la porte aux persécutions accrues de millions de personnes et au pillage ignoble de leurs lieux saints. Hier, Skountsev me disait : «Comment ce Bartholomée a pu se prêter à cette infamie ?

- Mais parce qu'il est à leur service !

- Oui, ils s’infiltrent partout, pour diviser, pourrir et détruire, même dans l’Eglise, et c’est pourquoi nous resterons toujours vieux-croyants. Avec nous, cela ne prend pas ! »

Et en effet. Je ne peux rien répondre à cela. Le père Valentin me dit qu’il y avait effectivement des erreurs à corriger, au moment où le schisme s’est produit, et qu’il aurait fallu le faire avec tact pour éviter cela, d’ailleurs, je crois que même l’archiprêtre Avvakoum le reconnaissait. Mais parfois, au vu des erreurs nouvelles et des influences auxquelles la réforme a ouvert la porte, je me demande si cela valait le coup. Ivan le Terrible, qui avait convoqué le concile des Cent Chapitres, se méfiait des Grecs, de par leur dépendance politique à l'égard de l'occident et des ottomans.

Skountsev et sa femme sont allés chanter pour des enfants malades, et leur montrer comment faire des instruments et des jouets eux-mêmes, comme autrefois au village. Les enfants étaient complètement fascinés, ce qui prouve à quel point leur âme avait besoin de tout cela, et de quoi les privent les conceptions contemporaines mutilantes et abrutissantes de l’éducation. La fabrication des jouets développait l’aptitude des enfants au tissage, au tressage, à la vannerie, à tout ce dont ils auraient besoin dans leur vie quotidienne, et aussi leur goût et leur esprit. Maintenant, ils restent passifs devant des écrans à pianoter, abrutis dès leur plus jeune âge par une musique de merde omniprésente et des spectacles dégradants. On peut dire qu’il leur faudra beaucoup d’énergie, ou de chance, ou de grâce, pour ne pas devenir idiots.

Parallèlement, la France s’enfonce dans la débine et le chaos, quand je disais, il y a huit ans, que l’Ukraine était le laboratoire de ce qui attendait l’Europe... Cela me serre le coeur. La déclaration de Piotr Tolstoi me donne l’espoir que la Russie s’en sortira, mais Skountsev me disait qu’il avait assisté à une pièce de théâtre sur la famille impériale où on couvrait ces martyrs de sarcasmes, applaudis par la jeunesse du parterre, et qu’écoeuré, il s’était levé avec sa femme et était parti. Comment est-ce possible? Car nous le savons, c'est ainsi qu'on a pourri la France jusqu'au degré où elle est arrivée. «Là bas se battent les meilleurs d’entre nous, me dit Marina, et nous devrions tous observer le jeune pendant tout le temps des opérations militaires, tout le pays devrait jeuner au son des cloches, et cette cinquième colonne devrait être expulsée depuis longtemps ! Or les gens font la fête, ils sont loin de ce qui se passe là bas, ils n'en prennent pas assez conscience.»

Et de fait, la blondasse dont je parle plus haut exigeait la fermeture du centre culturel russe à Paris, pourquoi le gouvernement russe ne ferme-t-il pas l’infect centre Eltsine de Ekaterinbourg ? Finalement, prenez vos boucs, récupérons nos brebis, mais il restera encore trop de brebis coincées avec les boucs. 

vendredi 2 décembre 2022

Réédition.

 A la suite de la traduction de Yarilo, qui m'a amenée à le corriger, j'ai fait une réédition au Net. Je l'aurais voulu moins cher, mais étant donné le nombre de pages, j'ai dû rester dans le format précédent. Cependant, je l'ai publié, cette fois, également en version électronique. Je ne m'attends évidemment pas à faire un best-seller dans ces conditions, la plupart des gens en France étant convaincus que si l'on s'autoédite, c'est qu'on écrit de la merde, et en plus, je ne suis plus sur place, et n'ai aucune relation ni chez les éditeurs, ni chez les journalistes, ni chez les libraires. D'ailleurs ceux que je connais quand même, parmi les journalistes et les littérateurs, partent visiblement aussi du principe que l'auto édition est infamante, et ne se donnent pas la peine de le lire, comme les gens qui sont persuadés qu'il n'est d'info crédible que dans les médias accrédités. Or si je m'auto édite, c'est parce que j'ai la flemme d'envoyer des manuscrits à des milliers d'éditeurs, qui très probablement ne les liront pas, qui sont très loin de moi par la mentalité et l'idéologie, même quand ils sont "de droite". Je n'ai pas confiance en eux. Je n'ai pas le temps. Je n'ai pas envie de bloquer les droits de mon livre qui ne sera peut-être pas mieux diffusé. Je n'écris pas de la merde, j'ai eu un prix quand on m'a publié au Mercure de France, mon passage dans cette édition m'a guérie de toutes les autres, j'en garde jusqu'à présent un souvenir épouvantable. Je n'écris pas de la merde et je m'autoédite, pour rendre mes livres disponibles à ceux qui auront la curiosité de les lire. 

A ceux qui auront cette curiosité et à ceux qui l'ont eue, et qui ne l'ont généralement pas regretté, je demande de me faire l'amitié de déposer leur avis sur la fiche du livre à ce lien: 

https://www.leseditionsdunet.com/livre/yarilo-0

Ce qui est fâcheux, c'est qu'il faut prendre une inscription sur le site pour le faire, mais après, je suppose qu'on peut la supprimer. 

Récemment, une dame m'a demandé où se procurer Yarilo, dont j'affiche toutes les données depuis quatre ans sur la colonne gauche de mon blog... Outre Yarilo, j'ai publié sa suite, Parthène le Fou, dont on achève ici la traduction. J'ai aussi publié Epitaphe, sur la France et la Russie actuelles. Aux éditions du Net. Et Lueurs à la dérive aux éditions Rod.


Les Éditions du Net vous présentent Yarilo 

De Laurence Guillon 

Résumé de l’ouvrage 

Deux enfants martyrs se rencontrent, le tsar Ivan le Terrible, veuf inconsolable cruel, fascinant et blessé, et le tout jeune guerrier Fédia Basmanov, dont l’âme instinctive et païenne fut saccagée par son père. Compagnons de débauche nostalgiques de la pureté, ils deviennent les proies d’un égrégore politique fatal, dans lequel l’un s’enfonce sans retour, tandis que l’autre, marié de force à une jeune fille touchante et simple, amorce une difficile et dangereuse rédemption. 

Fiche auteur 

Laurence Guillon est née en 1952. Après des études de russe et d’arts plastiques, elle publie en 1985 une première version de Yarilo sous le nom le tsar Hérode au Mercure de France (prix Félix Fénéon), qu’elle réécrit complètement lors de son déménagement définitif en Russie en 2016, pour l’harmoniser avec sa suite, « Parthène le fou », et en relations avec sa meilleure connaissance de l’histoire et de la tradition russes. Aquarelliste et pastelliste, passionnée de folklore russe ethnographique, elle écrit aussi le roman « Lueurs à la Dérive » publié aux éditions Rod, des nouvelles et des albums pour enfants, des recueils de poésie, et tient un blog, les « chroniques de Pereslavl ». 

Descriptif technique Format : 150 x 230 cm 

Pagination : 546 pages

 ISBN : 978-2-312-12974-7 

Publié le 02-12-2022 par Les Éditions du Net GENCOD : 3019000006902 

Prix de vente public : 30 € TTC 

Pour commander Auprès de l’éditeur : www.leseditionsdunet.com Sur les sites Internet : Amazon.fr, Chapitre.com, Fnac.com, etc. Auprès de votre libraire habituel

Version électronique 6 euros

Je commence ici à rassembler les réactions que j'ai eues et que je n'ai pas encore perdues..

Bonjour Laurence,

J'ai terminé vos deux livres. J'ai pu constater que vous savez aussi bien faire un billet d'actualité pour votre blog qu'un roman historique (même si vos billets d'actualité se rattachent souvent à l'histoire). Yarilo est un très bon roman pagano-chrétien. Il m'a fait penser à un commentaire sur Tarass Boulba qui serait un roman tragique et triste s'il n'y avait cette fureur de vivre qui le traverse et porte les personnages. J'ai trouvé dans les passages sur le "méchant" Ivan des ressemblances avec les portraits de Staline. Je sais que vous n'aimez pas la comparaison mais vous l'avez subie, ça se sent, peut-être au travers du film soviétique, je ne l'ai pas encore vu. Par contre, je ne crois que Staline ait eu des moments de grâce comme le "bon" Ivan. J'ai particulièrement apprécié les scènes de repentir de Fédia. Je ne sais pas si c'est universel ou si les femmes réagissent différemment mais vous avez très bien retranscrit ce qu'un homme pense, englué dans le péché, en face de Dieu miséricordieux. L'angoisse, l'auto-accusation, l'absurdité de penser qu'on mérite le pardon ou qu'on mérite quoique ce soit d'autre que la damnation, ... Ces passages sont vraiment émouvants et ont un écho au moins chez tous les hommes qui vous liront et qui ne sont pas imperméables à la transcendance. 
Alors que Yarilo était un hymne à la vie, Parthène m'a semblé une sorte de bûchers des vanités et m'a laissé une impression étrange. Peut-être l'avez-vous voulu ainsi ? Il est aussi bien écrit mais la tension de la vie entre le péché et le repentir de Yarilo y est remplacée par la fin de toutes choses ou par un poids qui fait chuter toute chose. Une sorte de prologue de l'Ecclésiaste presque. Je suppose que la clef de lecture est la nuit d'agonie du tsar Ivan réunifié parce que c'est la partie lumineuse de cette suite. J'ai particulièrement apprécié la scène où Féodor ramène sa femme dans la chambre du tsar dont elle vient de s'enfuir afin que celui-ci ne refuse pas le pardon de Dieu devant le dernier spectacle de ses péchés.
Mais vous l'avez bien présenté comme un épilogue donc je pense que mes impressions sont cohérentes.

In Christo.
Philip 
dimanche, 03 mars 2019
Yarilo
J’ai eu la chance de lire Yarilo alors qu’il n’était qu’un manuscrit. Je dis la chance, car Laurence Guillon est un grand écrivain dans cette époque maudite, qui en recèle si peu. Un grand écrivain français...
Je ne m’étendrais pas sur l’intrigue, qui nous transporte dans la cour Yvan le Terrible, dans une Russie médiévale au réalisme onirique terriblement efficace. Je ne m’étendrais par non plus sur les personnages du roman, qui se rencontrent, s’aiment et s’affrontent dans un contexte à la fois tyrannique et amoureux, politique et guerrier, historique et religieux. Personnages dont la densité poétique, l’épaisseur dramatique et le pouvoir émotionnel qu’ils manifestent prennent à rebours la culture du narcissisme et le pseudo intellectualisme qui ont décimé la production littéraire française depuis quarante ans, avec ces producteurs d'autofiction ou de romans à thèse sur la société post-moderne commandités par le marketing éditorial hexagonal. Laurence Guillon, exilée bien loin de ces rives, est d’une toute autre trempe.
Car à mon sens, ce n’est ni l’intrigue ni les personnages qui font « le grand roman » – même s’il en faut évidemment ; non, un grand roman, c’est avant tout un rapport fusionnel entre une voix et un univers : Si Yarilo en est un, c’est que la voix qui nous plonge dans l’univers de cette Sainte Russie médiévale et dans l’âme de ces personnages, si éloignés de nous en apparence, est passée par la France et s’est nourrie de sa tradition littéraire. Yarilo est un très grand roman français parce que s’il nous offre à la fois une confrontation avec le péché, une quête spirituelle toujours exigeante et une forme de récit historique, il le fait dans un phrasé à la fois si généreux et si maîtrisé que la lointaine aventure devient aussi accessible qu’un souvenir d’enfance ; dès les premières lignes, nous nous sentons, comme le boïar Féodor Stépanovitch Kolytchov soudain personnellement concernés, et nous le restons jusqu’à la dernière.
Écoutons pour finir ce qu’en dit la romancière elle-même :

"L’itinéraire initiatique d’un « ange déchu » entraîné par les circonstances, un certain opportunisme et une affection éblouie pour un souverain dangereux et fascinant, dans le péché et le crime, et qui cherche peu à peu à se dégager de l’égrégore maléfique auquel il est soumis, grâce à sa famille et au métropolite martyr Philippe, qui pourrait être le saint patron des victimes de répressions politiques. Enfin la Russie, l’âme russe. Cette âme russe si difficile à comprendre qui est peut-être simplement archaïque, mystique et magique comme l’était notre âme à tous, notre âme profonde. Un artiste anglais égaré auprès de la première ambassade qu’ouvrit son pays à Moscou, et pris en affection par le monarque et son favori, en devient l’observateur bienveillant, dérouté, effaré et peu à peu absorbé sans retour. C’est un roman historique atypique, peut-être plutôt un conte. L’itinéraire initiatique du héros est aussi le mien, je l’ai fait pour mon propre compte, mais aussi pour mon lecteur, car un livre est toujours un partage et un don."
Laurence Guillon
http://solko.hautetfort.com/archive/2019/03/03/yarilo-6132922.html

mercredi 30 novembre 2022

Raspiev

 

l'ensemble Raspiev

Le concert pour les 35 ans de l’ensemble Raspiev dirrigé par Sacha et Ira Joukovski m’a attirée à Moscou, je devais y chanter une chanson française, la Belle au jardin des amours, et Sacha réparer ma vielle. C’était un très beau concert, très émouvant, et puis, comme me l’a confirmé Ira plus tard, au cours de ces 35 ans, ils ont ensemencé leur quartier d’Altoufievo, le nombre des amateurs s’est considérablement accru et ce phénomène se produit partout où des folkloristes créent un centre de ce genre. J’ai beaucoup aimé l’ensemble Slavianka, très authentique, et avec quelque chose d’envoûtant. Les enfants, aussi, qui ont chanté ce que nous apprenions aux miens, à la maternelle du lycée français, avec  ces mêmes Sacha et Ira. Mais malheureusement, j'ai perdu la vidéo...



La famille Joukovski habite dans un de ces quartiers de Moscou excentrés avec des immeubles en béton énormes, et des espaces verts inattendus au milieu. Ils ont reçu un grand appartement par l'intermédiaire de Poutine, qui avait convié quelques familles nombreuses au Kremlin, et leur avait fait cette fleur. Autrefois, ils vivaient à sept dans deux pièces minuscules. Le centre social où se passait le concert était flambant neuf et très beau. D'après ce que j'ai compris, il offre diverses activités aux personnes âgées et aux invalides. 



Comme il n’y avait aucune place près de chez mon père Valentin, je suis allée, à mon arrivée, me garer dans le cour de l’église, et comme j’étais dans la cour de l’église, je suis allée aux vêpres. Je n’avais pas dans l’idée de me confesser, mais voyant le père Valentin, j’ai changé d’avis. Les deux femmes derrière le père Mikhaïl, c'est moi, avec le chapeau, et Dany...

J’ai vu aussi un médecin qu'on m'a recommandé, une Française d’origine russe, mariée avec un Russe, et orthodoxe. Il est très important pour moi de la connaître, car je ne savais à qui m’adresser en cas de problèmes. Elle voudrait aider les prêtres de campagne, souvent très isolés qui mouraient du covid faute de soins assez rapides, et m’a ordonné un certain nombre de médicaments à avoir sous la main au cas où, qu’elle me dira de prendre si je tombe malade, mais qui seront déjà chez moi, et c’est ce qu’elle voudrait faire avec les prêtres de campagne, une pharmacie de base et des consultations par internet, tant que c’est possible.

A propos du covid, j’observe qu’on ne nous en parle plus, et les effets secondaires du vaccin Spoutnik ne semblent pas frapper la population de façon exponentielle, comme en occident. En revanche, tout le monde était malade de la grippe saisonnière, à Moscou, et je crains de l’être à mon tour. Mais ça fait presque plaisir de revoir la bonne vieille grippe d'antan!

Chocha vomit souvent, et le processus semble douloureux. Pourtant, je l’ai emmenée récemment chez le vétérinaire qui n’a rien vu d’inquiétant. Je me plains sans cesse de mes chats, et j’ai engueulé cette pauvre Chocha l’an dernier, parce qu’elle pissait n’importe où, ce que j’ai arrêté de faire depuis un moment, car elle est vieille et ne contrôle plus la situation. Mais de voir approcher ma doyenne de sa fin me bouleverse. C’était une si jolie chatte, et elle devient toute miteuse, mais elle me regarde toujours de ses yeux magnifiques pleins d’adoration, et je fais ce que je peux pour la choyer. Cela fera bientôt dix-huit ans que nous sommes ensemble... Grâce au Ciel, elle semble aujourd'hui aller mieux.


Chocha à la datcha en 2009

vendredi 25 novembre 2022

Matière

 Hier, j’avais prévu un repas français pour Katia, son amie Katia et le mari de celle-ci.  Nous nous étions quittés samedi, en étant d’accord là dessus. Katia a commencé par me demander si elle pouvait venir avec deux autres amies et leurs gosses. Puis elle me dit que celles-ci ne viendraient finalement pas. La veille, elle me demande si j’avais invité d’autres personnes qu’elle-même et me dit que le mari de la copine Katia ne peut pas, que la copine elle-même ne viendra qu’à neuf heures moins le quart. Donc nous nous retrouvions toutes deux en tête à tête avec mon boeuf aux carottes et mes oeufs à la neige. « Invitez Silouane Jason, l’Américain », lui dis-je. J’invite de mon côté mes nouveaux voisins, que je n’avais pas conviés à cause des deux copines éventuelles de Katia, et de leurs filles, mais leur aîné est malade, ils ne peuvent se libérer. Finalement, le père reste avec les enfants, mais Macha accourt. Et la copine Katia débarque avec une amie non à neuf heures moins le quart mais en même temps que les autres... quand on veut faire un repas français cuisiné ici, il faut avoir le moral. On ne sait jamais combien seront les invités, ni à quelle heure ils apparaîtront. Le ragoût ça va, le soufflé, impossible. J’ai même eu une fois des convives pour qui j’avais cuisiné et qui avaient déjà mangé...

Cela dit, la soirée a été magnifique, très chaleureuse. J’avais fait relativement une jolie table, et allumé des bougies, j’ai un peu perdu la main pour la cuisine, mais c’était quand même bon, et aucune des personnes présentes n’avait jamais goûté d’oeufs à la neige, ce que tout le monde a trouvé délicieux, en particulier Silouane. Intimidé au début, il nous a demandé pourquoi nous nous débrouillions toujours pour qu’il soit le seul homme parmi je ne sais combien de femmes. « Vous n’avez pas de chance, lui dis-je, deux d’entre nous ont des maris, mais ils n’étaient pas disponibles... »

Silouane fêtait son RVP, son permis de résidence temporaire de trois ans qui ouvre la voie au permis de séjour permanent, et ses trois filles vont enfin pouvoir être scolarisées ici, apprendre le russe et se faire des copains. A bien des égards, il est plus russe que pas mal de Russes, et plus imprégné de leur spiritualité et de leur culture. Indépendamment de cela, j’observe un précipité de personnes spontanées, vraies et profondes qui ont quitté leur pays pour venir ici, et lui-même a rappelé que cela avait été prédit par l’higoumène Boris. Cela m’a fait penser à une idée qui m’avait effleurée à Solan, où l’assemblée du dimanche était très mélangée, Français du cru, Belges, Hollandais, Serbes, Roumains et même Ethiopiens, et tout se passait bien entre nous, selon la parole de sait Paul « il n’y aura plus ni Grec, ni Juif » etc., citée à tort et à travers par tous ceux qui veulent nous imposer des immigrations massives et invasives visant à nous détruire ou à concrétiser leurs idéologies, à satisfaire leurs intérêts ou à assouvir leur haine, ou plutôt tout cela en même temps: en effet, en Christ, l’origine n’a pas une si grande importance, mais précisément en Christ, et pas dans le cadre de politiques implacablement déterminées, de discours hypocrites, de nunucherie hagarde et de fourbes magouilles. 

Il y a un certain nombre d'êtres ici avec lesquels je me sens bien, je me sens en phase, j'en connais plus ici que je n'en ai jamais connu en occident, même si parmi eux, justement il y a des occidentaux, mais ce sont des occidentaux qui sont venus ici.


lumières sur le lac


J'ai trouvé ce commentaire à ma chronique précédente sur Faust:

 Je ne voudrais pas vous défriser , mais je crains que vous n'ayiez pas pris la mesure de la situation dans laquelle nous somme tous : nous sommes dans le temps , dans la finitude , et Dieu est au delà du temps , dans l'Infini . Nous autres , nous vivons dans un système basé sur le temps , l'espace et la matière . Il se trouve que depuis la Création , le "Bigbang , si vous voulez , la matière est frappée d'une malédiction : l'inéluctable croissance de l'entropie , le vieillissement et la mort de tous les êtres vivants en est la conséquence . Quant à la matière "inanimée" , elle évolue , elle aussi inéluctablement vers le plus grand désordre . Il est impossible de renverser la loi d'airain de l'entropie ,comme Josué avait arrêté le soleil ...St Paul parlait du monde qui "gémit " encore ds les douleurs de l'enfantement . C'est pas faux , mais c'est pous disparaître ensuite. Nous ne retrouverons jamais notre jeunesse .Jamais . Mais si nous sommes admis dans l'Eternité (laquelle est longue , "surtout vers la fin " , plaisantait Woody Allen...) , alors nous sortirons du temps. De l'espace et de la matière aussi d'ailleurs . La question de la jeunesse et du vieillissement ne se posera plus .En ce sens , il n'y aura plus de pleurs ni de grincements de dents. C'est pas chouette, ça ?

Si, si, je sais tout cela, mais néanmoins, j'ai quelques questions; j'en ai plein qui me taraudent depuis moni enfance et auxquelles je ne trouve pas vraiment de réponses... Si la matière est frappée de malédiction depuis la Création, où se situe la chute, et quel est le sens de cette Création? Et comment ne retrouverions-nous pas une jeunesse que j'ai l'impression de ne pas avoir perdue? Car en fait, oui, la matière dont je suis faite vieillit et se dégrade, mais mon âme ne change pas. J'espère que ma mère ne ressuscitera pas au dernier stade de la démence à corps de Léwy. J'ai peint sainte Matrona avec les yeux ouverts, car il est évident pour moi qu'elle ne sera pas aveugle dans la Jérusalem céleste. Ici, en Russie, j'ai entendu plusieurs fois la thèse selon laquelle nous aurons tous trente-trois ans, l'âge du Christ, à la Résurrection. Et cette Résurrection est bien la Résurrection de notre matière, même si elle est transfigurée, car autrement, quel en serait le sens? Pourquoi ne resterions-nous pas de purs esprits; pourquoi nous faudrait-il ressusciter si c'est pour sortir de l'espace et de la matière?  Qu'est-ce que la matière? C'est la combinaison de ses particules qui vieillit et se défait, mais ses particules elles-mêmes? Je suis nulle en physique, mais ce que je vois ça et là m'intrigue, et par exemple, il paraît qu'à des années lumières, des particules qui ont été proches gardent le souvenir les unes des autres, je ne connais rien en physique et en mathématique, mais la matière me semble une chose infiniment mystérieuse, et tous les éléments de l'univers et de la vie se situent pour moi dans une espèce de continuité, de relation mutuelle, qui change dans la perennité. Même le temps et l'éternité me paraissent reliés, et ne sont peut-être que les deux faces d'un même phénomène, l'un passant dans l'autre, comme le passé qui se nourrit perpétuellement du présent, et le présent qui n'existe pas sans le passé; il n'y a que pour l'imbécile progressiste moderne que le passé est mort, et la matière inerte. Un passé mort et une matière inerte sont incompatibles avec une conception sacrée de la vie et du monde, avec Dieu et l'expérience spirituelle. 

De même dernièrement, j'ai entendu dans une vidéo un prêtre dire que nous étions destinés à devenir des anges. Il y a en nous de l'animal, mais nous sommes appelés à devenir des anges. Mais non, je ne suis pas d'accord, car Dieu avait tous les anges qu'il voulait quand il a créé ce monde plein d'animaux et qu'il y a mis l'homme, alors pourquoi l'a-t-il fait? Et pourquoi le Christ s'est-il incarné? Est-il sorti de la matière, alors que, ressuscité, il invite Thomas à le toucher pour s'en assurer? Que sa matière ait muté en quelque chose d'autre, peut-être bien, mais que nous devions sortir de la matière ou devenir des anges, je voudrais comprendre pourquoi. Enfin, quand je dis que je voudrais comprendre... il y a des choses que je n'essaie plus de comprendre par la raison, mais par la poésie et l"intuition, ou la contemplation. Rilke parlait de "l'au delà des choses". Disons que même dans le cadre de la religion, il y a des manifestations de cette pensée systématique qui me détourne des idéologies.

dimanche 20 novembre 2022

Faust





Nous avons déjà beaucoup de neige, je suis allée me promener, le ciel avait une couleur étrange, un gris rosé qui est devenu très sombre, si sombre que le soleil ne semblait plus exister, derrière ces nuages, bien qu’il ne fît pas encore nuit. En escaladant la berge abrupte, je voyais un lac immobile, gelé, un horizon noir, Pereslavl aux toits blancs avec ses poignées de lumière, et de livides fantômes de fleurs qui grouillaient à l’assaut de buissons squelettiques et d’arbres décharnés, dans les ténèbres de notre hiver polaire.

Hier, le bar du café français montrait Faust de Murnau, que je n’avais jamais vu, avec l’accompagnement de deux auteurs de musique contemporaine qui improvisaient à moitié et jouaient sur toutes sortes de bruitages. J’ai été éblouie par la poésie et la beauté fantastiques de ce film, et par le jeu hallucinant des acteurs. Méphisto arrive à exprimer tant de passions abominables qu’on le dirait absolument possédé, son jeu est fascinant. Et la jeune Gretchen, pour une fois, n’a pas la mièvrerie des jeunes premières de l’époque, elle est pure, intense, très émouvante. J’étais subjuguée par les éclairages, les décors oniriques, l’ambiance envoûtante, mais c’est le genre d’esthétique auquel je suis très sensible, et on la trouve encore dans Ivan le Terrible, je suis moi-même expressionniste. Il m'est venu à l'idée que si Faust s'éprenait de Marguerite, la rejoignait  sur le bûcher et conservait par delà la mort la jeunesse que le diable lui avait rendue, c'est qu'il ne l'avait au fond jamais perdue. J'ai moi-même le sentiment que ma vieillesse est une erreur, ou une maladie mortelle à évolution lente, et que dans l'éternité, je retrouverai ma jeunesse, la jeunesse est l'état éternel du monde, dit Fédia dans mon livre.

La musique était originale et inspirée, mais la sono si forte, dans la cave, que j’étais un peu assourdie et ma pauvre chienne encore plus. La femme de Génia Kolesov m’a dit qu’il organisait des concerts tellement intéressants et que si peu de gens venaient. A voir la dégaine des maisons de Pereslavl, on comprend que leurs habitants n’ont pas forcément de goût pour la grande culture, mais nous avons aussi de plus en plus de moscovites, pas forcément cultivés non plus, il est vrai... Il me semble que beaucoup de gens ne sont même pas au courant de ce qui se passe dans notre cave du café.

Le visage d’une des actrices m’était familier, je me demandais où je l’avais vu : sur les tableaux de Toulouse-Lautrec, c’était Yvette Guilbert. Le temps qui s’allonge derrière moi s’est tout à coup rétréci. Ce film a près de cent ans, mais il n’était pas si loin de moi quand j’étais enfant, et Yvette Guilbert non plus. Pourtant, cela me semble à présent antédiluvien, parce que ma vie et l’époque actuelle ont opéré de profondes fractures avec cet univers et celui où je suis née, qui en était encore imprégné. C’est une drôle de chose que le temps, on s’en rend compte quand un certain nombre de décennies nous en donne le recul.






Faust



vendredi 18 novembre 2022

Un Américain


Pour faire plaisir à Katia, j'ai participé à une réunion du club des dames de Pereslavl qui avait lieu chez elle. Je ne suis pas trop fana des réunions de dames, disons que ce n'est pas trop mon style, bien qu'elles soient toutes fort gentilles et même mignonnes. Cela parle et rit beaucoup, cela verse même parfois une larme, on est dans l'émotif. 

Au milieu de toutes ces dames, j'ai vu notre orthodoxe américain, Jason Silouane. D'après ce qu'il nous a dit ensuite, il était aussi venu pour faire plaisir à Katia, paralysé de terreur à l'idée de se retrouver au milieu d'un club de dames, tel Gussie Fink Nottle contraint de faire un discours à la distribution des prix de l'école de Blandings Castle... C'est un homme très timide, très profond et très touchant, il adore la Russie, la Russie orthodoxe, et même celle des fols-en-Christ auxquels il s'identifie peut-être un peu. Il a consenti à jouer de la guitare et même à chanter une chanson de son cru quand notre assemblée s'est réduite à deux ou trois personnes: "Pourquoi suis-je si timide? Et puis je n'aime que les chansons tristes et je chante mal!

- Moi aussi j'aime les chansons tristes et je suis sûre que vous ne chantez pas si mal que ça!" me suis-je exclamée. 

Et en effet, il ne chante pas mal, et sa chanson triste était fort jolie. C'est amusant, parce que cet amoureux fou de la Russie chante dans le style country de son pays natal, de même que mes propres chansons, malgré mon amour du folklore russe, respirent la France.

Il n'est pas étonnant que l'angélique petite Sérafima soit issue d'un homme pareil.

Silouane nous a dit que son père l'avait renié. Nous devions toutes, et lui aussi, nous présenter aux autres, et il a fait un discours fervent digne d'un roman de Dostoievski sur la Russie, sur l'orthodoxie, sur le père Séraphim Rose, ce que personnellement je n'avais pas osé faire, sachant que bon nombre des petites dames étaient dans la mouvance yoga new age et peut-être libérale, au moins pour quelques unes. "En Amérique, a-t-il conclu, la société est complètement atomisée, chacun est terriblement seul et ne pense qu'à soi. Dans une société normale et vivante, les gens sont tous reliés, la rupture des liens entre les individus, les générations et le monde environnant est d'ordre complètement satanique, je veux donner à mes filles la chance de grandir dans un monde encore vivable, en ésperant qu'il n'adviendra pas de la Russie ce qu'il est advenu de nous".  

Je crois qu'il a fait sensation. Un peu plus tard, il a évoqué le fait que beaucoup de fols-en-Christ vénérés en Russie étaient des étrangers, ce qui est exact. Il a parlé aussi du mouvement d'exode en Russie des étrangers orthodoxes qui devient de plus en plus important. Il connait à Pereslavl une autre famille d'Américains, avec cinq enfants, et la communauté du père Gleason à Rostov a un équivalent au sud de Moscou. J'en ai discuté de cela le soir avec Katia, et cela nous paraît à la fois mystérieux et encourageant, comme un tri qui s'opère à l'insu de tous, selon certaines prédictions, cependant.


L'hiver s'installe pour de bon, j'ai fait mes dernières photos de fleurs, les oktiabrines, sous la neige. J'ai appris avec consternation que la moitié de maison de l'oncle Kolia avait été vendue, et je crains que les nouveaux propriétaires ne s'empressent de la plastifier et de massacrer les deux jolies fenêtres. Je voulais même aider mon tadjik à l'acquérir contre promesse de ne pas l'abîmer, mais trop tard. Je rêvais même de l'acheter, la réparer et la louer ou la revendre, mais pour cela, il m'aurait fallu plus de marge. Je n'ai pas beaucoup de possibilités de la masquer derrière des arbres, l'été les pruniers la cachent, mais en automne ou en hiver...