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dimanche 1 avril 2018

Dimanche des Rameaux

Seraphima Blonskaïa Vigiles des Rameaux

Aujourd’hui, dimanche des Rameaux, hier, samedi de la résurrection de Lazare, la semaine sainte est à l’horizon. Comme d’habitude, j’ai tendance à penser : que cette coupe passe loin de mes lèvres. Mais j’y entre, mon bouquet de rameaux à la main, rameaux de saule où les chatons sont à peine ouverts, cette année. Et puis le saule de mon jardin n’est pas de l’espèce qui fait de jolis rameaux rouges.
Je suis retournée à saint Théodore, car j’avais un cadeau de Solan pour les sœurs, un cadeau très lourd d’ailleurs, des bocaux d’olives et des pâtes de fruits. Joie des sœurs de saint Théodore. Je ne rencontre plus que sourires ravis, et je n’entends que des remerciements, ce qui va sans doute se traduire par un autre échange de cadeaux.  Et une carte qu’il me revient de traduire.
La sœur Larissa m’a appris que notre fête à toutes deux (la sainte Larissa) tombait le jour de Pâques, ce qui était lourd de sens. Elle m’a proposé de me prendre rendez-vous avec l’évêque Théodore qui, malgré son air ascétique, est un grand amateur des pâtisseries du café la Forêt, et ce qui moi, m’intéresse particulièrement, un soutien convaincu de la renaissance du folklore.
Pour finir cette pieuse matinée, après le repas au réfectoire, j’ai ramené chez lui le servant d’autel. Puis, moins pieusement, j’ai fait un saut au café français, où j’ai eu une longue discussion avec le fromager Alexandre. Il s’est lancé, à la retraite, dans la fabrication de fromages « français » et y arrive très bien, au feeling, sans avoir fait d’apprentissage sur place, ni invité de fromagers français. Et c’est même rentable. « J’ai une mauvaise santé, m’a-t-il dit, mais si je ne sais combien de temps il me reste à vivre, je veux vivre pleinement. »
Oui, c’est aussi ma philosophie actuelle. Cela fait même quinze ans que je vis ainsi, dans un présent plein de passé dont je me refuse à trop prévoir le lendemain.
Alexandre, comme moi, déteste Pierre le Grand, il le trouve profondément antirusse. Ivan le Terrible lui semble beaucoup plus soucieux du bien-être populaire, même si, à un certain moment, il a pété les plombs, et il n’a jamais combattu sa propre civilisation, au contraire, il l’a défendue. Sa violence s’est éxercée surtout à l’égard des boyards, même s’il y eut des «dégâts collatéraux ». Néanmoins, on se scandalise si on élève des monuments à Ivan, et ceux de Pierre paraissent normaux.
Alexandre accuse même Pierre d’avoir brûlé la fameuse bibliothèque d’Ivan le Terrible, qui est aux Russes ce qu’est pour les Français le trésor des Templiers.
Pour ce qui est de la Russie actuelle, il me dit que l’argent de l’état a été presque entièrement confisqué, au temps d’Eltsine,  par les oligarques qui l’ont placé à l’étranger, raison pour laquelle Poutine marche sur des œufs et ne peut pas se permettre d’être plus offensif dans la récupération de l’indépendance du pays. Mais il croit que le peuple russe a une grande capacité de résistance et ne se laissera pas faire sans se défendre. Il me dit que l’avenir du pays se jouera dans les deux ans qui viennent.
« Nous sommes la dernière génération, m’a-t-il dit, à avoir connu un monde à peu près normal et une certaine tradition. »
Cependant, il croit que les Russes ont la mémoire génétique de ce qu'ils ont été, et de leur passé paysan. Qui plus est, il pense que les divers peuples de Russie ont acquis cette mémoire, comme les Russes ont acquis la leur, et que leurs liens réciproques sont profonds.

Dans l'ancienne Russie (avant Pierre le Grand), le tsar, pour les Rameaux, conduisait en procession le patriarche, qui incarnait le Christ, monté sur un cheval (en guise d'âne, car il n'y en avait pas en Russie) depuis l'église saint Basile jusqu''à la porte du Sauveur.



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