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mercredi 25 avril 2018

Métastases


J’ai la migraine, c’est le climat russe. En France, cela m’avait pratiquement passé. Mais ici, un jour il fait 17°, le lendemain il neige. Cela me fatigue et j’ai beaucoup de choses à faire, répéter ma journée lecture et chants de dimanche, finir ma traduction, travailler au jardin.
J’ai vu qu’un vétérinaire français avait légalement  assassiné deux jeunes spitz importés de l’étranger parce qu’ils n’étaient pas en règle, cela m’a retourné les tripes. Il y avait la photo de ces deux petites merveilles aux expressions enjouées, intelligentes et sensibles caractéristiques de cette race de chiens.
J’en aurais bien repris un, et en même temps, cela veut dire soins vétérinaires et sans doute mort prématurée. Et surtout, je ne sais pas comment réagirait Rosie, bien qu’un copain lui manque sans doute, la présence d’un spitz me manque aussi. Je n’ai pas de grande complicité avec Rosie, un bonhomme m’a dit un jour : «Ce serait un chien pour moi, pour aller dans la forêt pendant des heures. » Je lui ai sauvé la vie, et elle a la vie heureuse, mais complètement parallèle à la mienne.
Il y aurait la solution de prendre un petit spitz et non pas un spitz nain. Un élevage de Yarosavl précise que les gens se jettent sur les miniatures au détriment des petits, mais que les petits sont beaucoup plus solides. Il y a des spitz magnifique, miniatures ou pas, pour un prix dérisoire, dans le coin.
Avoir un spitz me compliquerait les visites de monastères lointains, et il me faudrait le promener quand je vais à Moscou, par tous les temps. Aller faire un tour avec lui tous les jours, ce qui me ferait plutôt du bien, mais Rosie nous suivrait, ce qui serait dangereux pour elle.
J’avais vu aussi un jeune cocker abandonné par ses maîtres pour cause de déménagement, sur un site. J’aimais beaucoup son expression intelligente et offensée. Il a quatre ans, et ce n’est pas mal, car je serai un peu plus sûre de le mener jusqu’au bout de son existence, je peux espérer vivre encore dix ans. Mais ce n’est pas un spitz. Ce n’est pas un si petit chien que cela, c’est un chien de chasse.
Ce qui me retient, c’est que si la relation que j’avais avec mes petits chiens me manque terriblement, j’ai déjà peu d’affection à donner à mes autres animaux, trop nombreux, qui me vouent tous un amour jaloux. Les regards d’adoration de Chocha, la patte obstinée que pose Georgette sur mon bras quand je travaille pour que je lui fasse une place sur mes genoux, la passion presque amoureuse de Blackos pour ma personne, et même Rom, le dingo, qui se précipite de temps en temps sur moi pour me donner des coups de tête…
J’avais mis sur facebook une lettre ouverte sur le saccage épouvantable des landes magnifiques qui, depuis le moyen âge, depuis saint Alexandre Nevski, entourent le monastère saint Nicétas et les escarpements qui bordent le lac. Un paysage qui apparaît même dans le film d’Eisenstein, un paysage mythique. Ce saccage est en cours, bien que suspendu momentanément, mais les constructions apparaissent partout comme d’affreux champignons, et les palissades métalliques défigurent ces lieux vénérables, où je préfère ne plus aller. Je mets régulièrement un cierge à Alexandre Nevski en lui demandant de sauver sa ville et ses environs, déjà suffisemment ravagés par le mauvais goût et la cupidité.
J’ai été contactée par l’auteur de la lettre, Yevgueni, qui me paraît touchant d’honnêteté, de sensibilité, j’aimerais bien le rencontrer. Il semble habiter un village miraculeusement épargné par les profanations. Il me dit qu’il fait pour le lac, le monastère et ses environs ce qu’il peut, tout en se résignant à tout, sans pour autant perdre espoir, en véritable orthodoxe.
De mon côté, j’ai publié la lettre et lancé des appels vibrants. Les Français sont moins concernés et ne comprennent pas forcément qu’il faut aller sur le lien russe, et là, cliquer sous les photos des gens qui soutiennent l’action, pour s’ajouter à la liste, tout est en russe, même avec ma traduction, c’est intimidant.
Mais tous les Russes à qui j’ai envoyé l’information et la protestation, parfois journalistes orthodoxes ou hommes d’église, n’ont pas trouvé utile de réagir. Moi, Française, je suis bouleversée par ce qu’on fait subir à ce site magique et typiquement russe, un site qui comporte un vénérable monastère, une source sainte, et plus loin, la tombe d’un fou en Christ. Un site qu’ont parcouru Alexandre Nevski et Ivan le Terrible. Une ville que la révolution a déjà suffisamment profanée et qui est à présent la proie de la cupidité de promoteurs moscovites puissants et sans scrupules, et des fonctionnaires locaux qui leur sont acquis, avec même, si j’ai bien compris la rumeur, des complicités au sein de l’Eglise… Et personne ne réagit. Les orthodoxes devraient tous multiplier les processions devant ces affreuses barricades. Il n’en est rien. Cela, les Russes l’auraient fait au XVI° ou au XVII° siècle, ils auraient même pu le faire sous les bolcheviques. Mais plus maintenant, Satan est déchaîné, les orthodoxes se taisent.
Cela n’arriverait pas sous un tsar. Mais le tsar ne reviendra pas, le seul Tsar dont je puisse attendre le retour, c’est le Christ, et j’espère qu’il ne tardera pas. Maudits soient ceux qui achèteront les maisons horribles que construisent tous ces malfaiteurs. Je préfèrerais crever plutôt que d’avoir « la vue sur le lac » à ce prix.
Les constructeurs et les utilisateurs du chancre qui va ronger le beau visage de la Russie éternelle emporteront dans la mort le « trésor » qu’ils se seront préparés, ce sinistre bagage pour l'au delà, leurs baraques mal foutues, submergées par les ordures jetées n'importe où, et les eaux polluées. L’honnête Yevguéni rejoindra la « ville invisible de Kitej » dans la grande Maison du Père, et j’espère qu’on m’y fera une petite place.
En France, les pouvoirs en place s'acharnent sur la nature, coupent les arbres en masse, ordonnent le massacre d'animaux "nuisibles" ou simplement "gênants": des oiseaux qui "font du bruit" par exemple... Les pires éléments de l'espèce humaine prennent le dessus et développent une "civilisation" hideuse et prédatrice qui se présente de plus en plus comme une tumeur maligne en phase terminale.

 
Une vue du monastère qui n'existe déjà plus.
Fédia, à l’étape de Pereslavl, au retour de Rostov, réussit à fausser compagnie au convoi pour revenir au village. Alors que tout le monde était couché au monastère Nikitski, il annonça au détachement cosaque son intention d’aller se baigner nuitamment dans la source de saint Nicétas le stylite, ce qui déclencha toutes sortes de commentaires grivois auxquels il fit semblant de ne rien comprendre. Il se fit ouvrir la porte et s’esquiva discrètement à cheval.  La lune inondait la surface du lac, et des nuages y miraient leur troupe évanescente, aux draperies blêmes et métalliques.  Il longeait ses vastes berges escarpées et désertes, couvertes de graminées et de fleurs sauvages que balayait un vent doux.  Avec exaltation, il revit la plage où il avait incarné Yarilo et dansé jusqu’à l’extase. Il mit pied à terre, s’agenouilla sur le sable humide,  baigna ses joues d’eau fraîche, laissa son cheval boire et marcher tout seul. Le monastère, posé sur la colline, se désintégrait dans la pénombre brumeuse et lunaire, ses coupoles allumaient des étoiles sourdes au dessus de l’eau argentée qui se plissait en chuchotant.

aquarelle que j'avais faite du monastère qui surgissait des prés comme une vision

2 commentaires:

  1. Z'avez pas le moral , chère Laurence . mais nous , en cette pauvre France , c'est l'invasion mahométane , toujours plus forte , et toujours protégée par les salopards qui nous gouvernent , clercs ktos compris , c'est cela qui nous anéantit . Pourquoi donc Dieu permet-il cela ? Notre apostasie ? Bon , et après ? 'Y aura cette saloperie d'islam , ça sera pas mieux . La haine que j'éprouve pour ces traîtres me ronge au point que j'ai préféré revenir dans l'agnosticisme . Un agnosticisme orthodoxisant , juste parce que l'orthodoxie" est belle . A condition que le chœur soit bon . Chose rarement obtenue en France , pays vocalement sinistré (à la mesure de son américanisation) . Gardez votre courage . Je suis comme vous : encore 10 à tirer ...

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  2. Cher barde, non, je n'ai pas si mauvais moral, mais cette histoire me blesse beaucoup. En dépit de cela, je ne regrette pas d'avoir ma distance de sécurité russe, car l'invasion en question me rend aussi malade que les ravages de la cupidité sur les reliques de la sainte Russie. Je ressens moi aussi par moments de vraies pulsions de haine ou disons de colère et de douleur. Ce n'est pas Dieu qui permet cela, c'est notre apostasie, justement. Et même ici, si les orthodoxes sortaient avec icônes et bannières défendre ces lieux saints contre les mafias de promoteurs moscovites, peut-être reculeraient-elles. J'ai une amie orthodoxe qui a fait reculer des requins décidés à exproprier son immeuble. Si la France était encore sacrée pour les Français, ils ne la donneraient pas à des traîtres qui la livrent à toute l'Afrique pour la réalisation de leurs plans pervers. Néanmoins, je vous conseille l'orthodoxie, c'est la seule chose qui m'empêche de péter complètement les plombs!

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