J’espérais qu’Ilya m’accompagnerait au service
d’immigration maudit, mais il me laisse me débrouiller, il ne viendra que si je
l’appelle. Or je suis persuadée que cela va encore foirer. Hier, je suis
retournée à la banque deux fois. Car j’avais demandé un état des opérations sur
ma carte depuis janvier 19 et il fallait le faire depuis la date d’attribution
de mon RVP, et quand je l’ai fait, la juriste m’a reprochée de ne pas l’avoir
établi depuis janvier 19. De plus, elle estime que je n’ai pas assez fait
d’opérations sur ce compte. Oui, bien sûr, j’essaie de dépenser le moins possible
mes réserves d’argent sur place, je tire de l’argent sur ma carte française, et
sur ma retraite, mais ils ne reconnaissent pas mon avis d’imposition traduit,
où se trouve noir sur blanc la somme de revenus annuels dont je dispose entre
la retraite et le loyer de maman…. Cependant, depuis mai dernier, j’ai
certainement dépensé sur cette carte leur somme minimum de 120 000
roubles, car j’ai fait des travaux, j’ai acheté des meubles IKEA. j’ai même viré de
l’argent en France pour compenser un découvert.… Mais il n’y pas de dépenses
régulières. A l’avenir, je vais
systématiquement déposer 15 000 roubles par mois sur mon compte russe, comme cela l’année prochaine, je pourrai
produire un « revenu » de 150 000 par an. On en arrive à des
absurdités incroyables. Je ne retrouve
pas cet avis d’imposition, j’espère qu’il est resté chez eux avec mon dossier,
car je soupçonne qu’il pourra quand même servir.
Tout cela m’épuise, j’ai toujours eu la phobie
administrative, mais avec l'âge, cela ne fait que croître et embellir. Je suis persuadée
qu’il nous faudra, avec Ilya, solliciter un rendez-vous auprès du grand-chef à
Iaroslavl, et que jusqu’à ce moment, on me fera sans arrêt courir après des
papiers qui ne font jamais l’affaire.
Dire que je croyais naïvement, avec le RVP, avoir
fait le plus dur… Je crois que si j’avais occupé la maison que m’avait retenue
Martine d’acheter, à Saint-Laurent-la-Vernède, avec son adorable petit jardin, son
puits, son ciel dégagé, sa terrasse et
sa glycine, et si on m’avait tracé le tableau complet de ce qui m’attendait
comme emmerdes et comme dépenses, je ne serais sans doute pas partie. J’adorais
cette magnifique région d’Uzès, je ne peux penser sans nostalgie à cette beauté
encore intacte, et au monastère de Solan, à ma chère mère Hypandia. Pourtant,
je ne peux pas dire non plus que je regrette d’être partie, c'est mon combat, mon destin, c'est sans doute ma rédemption et mon accomplissement. Merci, clairvoyant père Placide.
Mes deux pensionnaires me collent parfois quelque peu le cafard. Elles
respirent la vieillesse et la déprime, tout va mal (c’est vrai, mais il y a la
manière d’y réagir), tout est hostile, tout est foutu. Cependant l'une d'elles me sort tout à coup, l'oeil humide: « Je
suis peut être naïve, mais mon seul espoir, c’est l’amour ».
Quel amour? Je crois en l’amour rédempteur, je crois en l’amour de Dieu, je
crois à la mystérieuse osmose des âmes, mais je vois bien que ce n’est pas à
cela qu'elle fait référence.
L’amour rédempteur peut tout, dans la mesure où
les gens le reçoivent. Allez parler d’amour à Soros ou BHL. A un commissaire du
peuple. Aux assassins du tsar et de sa famille. A ceux qui affament le Yemen et
détruisent le Donbass. A ceux qui violent et sacrifient des enfants, dans les
hautes sphères qui nous gouvernent.
Et même l'amour familial, l'amitié, tous ces excellents sentiments qui nous réchauffent et qui doivent être accueillis avec reconnaissance comme des bénédictions, cultivés, respectés, ont leurs limites. La mort les détruit en un instant, et ils ne tiennent pas toujours l'épreuve de l'adversité, je l'ai vu avec maman, que j'aimais plus que tout au monde, et qu'au contact quotidien de son affreuse maladie, je finissais par engueuler parce que mes nerfs lâchaient lamentablement.
Je crois à l'amour de l'ancien Porphyre, de saint Séraphim de Sarov, mais pas à celui de la larme à l'oeil et du repli sur soi.
"Et même l'amour familial, l'amitié, tous ces excellents sentiments qui nous réchauffent et qui doivent être accueillis avec reconnaissance comme des bénédictions, cultivés, respectés, ont leurs limites. La mort les détruit en un instant, et ils ne tiennent pas toujours l'épreuve de l'adversité, je l'ai vu avec maman, que j'aimais plus que tout au monde, et qu'au contact quotidien de son affreuse maladie, je finissais par engueuler parce que mes nerfs lâchaient lamentablement. Je crois à l'amour de l'ancien Porphyre, de saint Séraphim de Sarov, mais pas à celui de la larme à l'oeil et du repli sur soi."
RépondreSupprimerTellement vrai.