Ce matin, il faisait bon, un vent tiède, du soleil,
l’été indien dont rêve Dany depuis deux mois, alors qu’en principe, nous
aurions dû avoir l’été tout court ? Mais à présent, septembre approche,
les arbres rougissent, jaunissent, si l’été indien vient au mois d’août, nous
aurons la neige le 1° novembre ?
Comme on ne sait jamais, ici, je suis allée à
Koupanskoïé, à la plage des moscovites, nager.
Il n’y avait personne, sauf un prêtre à grande barbe et sa femme, qui
faisaient trempette. J’ai fait de même. L’eau était très fraîche, mais j’aime
bien, au bout d’un moment, c’était absolument délicieux, un peu d’été volé à
cet automne venu beaucoup trop tôt. J’ai
croisé deux canards. Au dessus de moi, je voyais un grand pin à moitié
déraciné, et songeais que j’étais pareille à lui, un pied dans la tombe, mais
droite et toujours pleine de vie, néanmoins, si attachée à la vie que je
devrais même avoir honte de ne pas songer davantage à la vie éternelle et tout
ça, mais je n’arrive pas à dissocier les deux, c’est cela mon problème, je n’arrive
pas à appréhender Dieu autrement que par l’extase de la vie, il me semble qu’il
est la source et l’au-delà de cette extase, et c’est pourquoi je n’ai vraiment
pas de goût pour l’ascèse, je ne suis pas ascète, je suis poète.
Le soleil, pendant que je nageais, disparaissais
derrière de menaçantes et sombres nuées que le vent chassait par-dessus les
pins noirs. Je suis sortie de l’eau à regret, complètement revigorée, et j’ai fait une aquarelle, mais la pluie s’annonçant
de plus en plus, j’ai dû rentrer à Pereslavl, me battre avec mes tonnes de
poires.
Je suis allée en donner au père d’Aliocha, qu’intéressait
surtout l’accordéon du Vietnam. Je le
lui ai apporté, il a commencé à l’examiner, le toucher, l’essayer. «Je joue à l’oreille,
me dit-il, je ne connais pas les notes…
- Très bien ! Moi non plus ! C’est cela,
le folklore.
- Bon, je vais me remettre à tout cela, et montrer
à Aliocha…
- Bien sûr ! C’est très important, vous lui
transmettrez là quelque chose de très précieux ! »
Pendant que je pelais mes poires, sur le perron, un vent froid s'est levé, adieu l'été indien? Pas sûr. Ici, le temps est si capricieux, parfois je pense à la "Montagne magique" de Thomas Mann, avec ses averses de neige en plein été. J'essaierai d'aller encore voler quelques baignades, et quelques aquarelles
...
Qu'elle est courte et fragile, notre existence... Le père Luc Duloisy vient de mourir, si brusquement, et j'ai même des remords de n'avoir pas réalisé à quel point c'était imminent, quand sa femme m'a parlé de son état grave, j'étais à Vologda, l'esprit sollicité par le voyage, les visites, les conversations avec Katia, la conduite...
Je regrette de ne jamais l'avoir rencontré ailleurs que sur facebook. C'était un homme très profond, et très cultivé, qui donnait à lire de beaux textes, religieux, philosophiques, poétiques. Il publiait régulièrement des poèmes de moi, signe qu'il allait les lire, ce qui me touchait et m'encourageait.
Il était à la fois très orthodoxe et très enraciné dans la terre de France, un peu comme Henri Barthas. Et moi, le suis-je? Je pense que oui. Mais surtout dans le temps, je suis enracinée dans le temps.
Je suis à un âge où l'on ne devrait plus faire de projet, où l'on peut partir du jour au lendemain. Mais Dieu nous laisse les délais qu'il faut, et nous prend à notre heure...
Bon, c'est vraiment pas les gorges de l'Ardèche... |
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