Hier et aujourd’hui, profitant d’un beau temps
d’automne « nuageux, avec des éclaircies », je suis allée dessiner.
J’y suis allée à pied, malgré mes genoux, mais cela ne s’est pas mal passé.
Hier, j’ai dessiné près de l’église des Quarante Martyrs, résultat décevant,
j’étais trop près, il faut trouver un endroit accessible avec une vue convenable.
Ensuite, je suis allée laisser une ardoise au café français, parce que j’avais
oublié mon porte-monnaie…
Rita était très contente, et quand elle était
fatiguée ou qu’il y avait des voitures, je la portais dans mon sac-à-dos, ce
qui nous a valu un franc succès auprès des passants.
Pratiquement toutes les maisons neuves sur la
berge de la rivière sont absolument affreuses.
Aujourd’hui, comme il y avait de beaux nuages, je
suis partie du côté du marécage et du lac. Les prés brûlent de l’éclat de ces
grandes fleurs jaunes que je voyais aussi au bord du Rhône ou à la Surelle, et
j’en ai aussi chez moi. Elles bousculent en grande quantité leurs flammèches
ondoyantes le long du chemin, sous les saules et les peupliers, au flanc des
escarpements. Dès que je me suis mise à dessiner, je me suis fait attaquer par
des moustiques. J’ai décidé d’aller plus loin, là où il y avait du vent, dans
l’espoir que cela allait les décourager. La vue était magnifique, mais les
moustiques se débrouillaient pour piquer au ras du sol, il faut venir avec des
bottes. J’ai donc dû faire un dessin rapide, car Rita, qui avait eu droit,
déjà, à ce que mon beau-père appelait des gratteculs et que les Russes nomment
« la joie du chien », des saloperies très difficiles à extraire de sa
fourrure, était elle aussi la proie des insectes piqueurs. Elle a sauté dans le
sac sans hésiter, trop contente de leur échapper.
Peut-être que ce n’était pas plus mal, car
dessiner vite m’oblige à des innovations, et je peux retravailler ensuite chez
moi, mais le faut-il ? C’est la question que je me pose. Poursuivre ou
laisser tel quel. Et puis j’ai fait une belle promenade, je me suis lavée la
tête et l’âme de tout ce qui m’inquiète et m’horrifie dans les nouvelles de
notre monde en plein effondrement apocalyptique. Je reviens volontiers aux
aquarelles, car elles me mettent en contact avec la beauté du monde, avec le
cosmos et son Créateur, et elles me délivrent des mots.
Marcher a l’avantage de me faire mincir, cela
surmène mon genou, mais d’un autre côté, moins de poids dessus, alors je vais
doucement, mais je vais… Cette vie russe, à bien des égards, me convient
tellement que j’ai peur de ne plus vouloir mourir le jour où il le faudra.
Je fais sécher les dernières poires, j’ai eu du
mal à faire face à la productivité soudaine de mes deux poiriers, même le petit
pommier a donné quelque chose, cette année. J’ai fait des confitures en grande
quantité, et la machine pour sécher fruits et légumes, qui n’avait jamais
servi, fonctionne en permanence.
Le journaliste venu m’interviewer l’autre jour m’a
envoyé son article, mais il m’a fallu pas mal recadrer, il transforme
énormément ce qu’on lui raconte, et comme il parlait, entre autres, du fait que
j’avais écrit un roman sur Ivan le Terrible, je n’avais pas envie de le laisser
dire n’importe quoi… Je suis aussi toujours gênée quand on me présente comme
une super musicienne et une immense folkloriste, car ce n’est vraiment pas le
cas ! Ses photos ne me conviennent pas toutes non plus, il y en a qui
soulignent un peu trop les outrages du temps, ce qui n’est jamais très
agréable, même quand on s’en accommode.
A Vologda, Yana, du village de Davydovo, m’a
offert un enregistrement de vers spirituels de la région de Iaroslavl, la
nôtre, recueillis par le starets Pavel Grouzdiev, de bienheureuse mémoire, que
je regrette bien de ne pas avoir connu, et j’aurais pu, car il était encore en
vie, quand je suis arrivée en Russie. C’était un vrai starets russe, très anticonformiste,
plein d’humour, d’amour et d’humilité. Cet enregistrement est très beau, et je
commence à apprendre ce matériel, qui me convient parfaitement, et qu’on peut
accompagner à la vielle. Ce que je
regrette avec notre Liéna de Rostov, c’est qu’elle nous donne toujours à
apprendre du folklore des régions méridionales, dont elle est elle-même issue,
et je suis d’accord avec Yana, il nous faut chanter le folklore local, celui
que les gens qui nous entourent ont tendance à oublier, le folklore du sud a d’ailleurs
déjà toutes sortes d’étoiles pour le chanter et le propager. Parallèlement, j’apprends
aussi des chansons françaises, car mon déménagement m’a permis de remettre la
main sur toute une série d’enregistrements faits dans toutes les provinces de France.
L'aquarelle aux moustiques |
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