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vendredi 14 août 2020

Costumes de rêve

 J'ai vu passer des costumes de fête traditionnels russes d'une grande beauté, introduits par la remarque que la plupart des gens ne voulaient pas croire qu'ils étaient portés par des paysans. Comme je ne cesse de le dire, la modernité, que ce soit sous sa forme capitaliste ou sa forme communiste qui sont les deux faces d'une même médaille, s'efforce depuis des décennies de démontrer qu'avant elle, c'étaient les ténèbres, et que les paysans vivaient partout en haillons dans des masures, sales, affamés, grossiers et ignares, avant qu'on vînt leur apporter les lumières du progrès. C'est pourquoi à mon avis les idéologues de tous poils s'efforcent tous de faire table rase de tout ce que nos ancêtres ont pu laisser de beauté, pour que personne ne puisse établir de comparaison. Comparaison que les folkloristes ici effectuent naturellement dès qu'ils retrouvent les traditions perdues, car il est difficile de ne pas la faire.

Une correspondante m'écrit: le peintre Korovine a très bien parlé de tout cela dans un de ses récits, quand son collègue Serov voulait peindre un paysan, et celui-ci partit se changer, ce qui "avait tout gâché", comme le dit Valentin Serov. Ce à quoi le paysan vexé répondit: " Mais qu'est-ce que tu veux donc, barine, que les gens pensent à jamais que nous n'avons rien à nous mettre?" 

Очень хорошо об этом писал художник К.Коровин в одном из рассказов, когда художник Серов хотел написать крестьянина, а он пошел переоделся, чем "все испортил", как сказал Валентин Серов. На это обиженный крестьянин сказал: "Что ты, барин, хочешь , чтобы все на века думали, что нам надеть было нечего?"

 Je trouve cette remarque très profonde et très significative. Car dans la conscience générale des classes urbaines cultivées, c'est ainsi que devait apparaître le paysan: fruste, pauvre, inculte et mal vêtu. Tout le mouvement pictural russe des "Ambulants" reposait là dessus. Et je prétends qu'incultes et mal vêtus, nous ne l'avons jamais été davantage qu'aujourd'hui, et pour ce qui est de la pauvreté, tout dépend de ce qu'on entend par là, si vivre dans un clapier avec salle de bains en consacrant toutes ses forces à un travail aliénant, complètement dépourvu de sens, pour gagner de quoi dépenser au supermarché voisin, sans avoir le temps de s'occuper de ses gosses ou de ses parents, nous rend plus riches que de vivre en famille dans une isba ou une ferme, du travail de la terre, avec autour une communauté paysanne, un travail intense et partagé en été, mais le loisir en hiver de faire de l'artisanat pour soi ou pour revendre au marché, des fêtes, chants et danses, une activité créatrice inscrite dans le quotidien, dont nous sommes complètement privés aujourd'hui.

Les filles commençaient à confectionner leur trousseau à cinq ans. A dix ans, elles savaient déjà tout faire. Elles brodaient la chemise de noces de leur fiancé. Et lui fabriquait leur quenouille sculptée et peinte, qu'elles conservaient toute leur vie. Dans les deux cas, les objets étaient ornés de hiéroglyphes traditionnels bénéfiques, destinés à protéger des mauvais esprits ou à favoriser la fécondité. Ces motifs ont joué un grand rôle dans l'invention de l'art abstrait, comme me l'ont souligné le peintre Alexandre Pesterev et sa femme Olga Smolina, spécialiste du musée de Ferapontovo.

C'était hier, les derniers à avoir connu ça dans leur enfance viennent de mourir. Certains vivent peut-être encore.


 

4 commentaires:

  1. Schuon et les costumes indiens :
    Schuon écrit dans Avoir un centre, le message d’un art vestimentaire :

    « Le vêtement indien des Plaines « humanise » la Nature vierge, il transmet quelque chose de l’immensité des prairies, de la profondeur des forêts, de la violence du vent et autres affinités de ce genre. On aurait du reste tort d’objecter - comme aiment à le faire les « démystificateurs » professionnels - que le vêtement indien n’avait qu’une portée sociale et pratique limitée, que tous les individus ne le portaient pas, d’autant que la nudité, pour les Peaux-Rouges, avait elle aussi sa valeur à la fois pratique et symbolique ; mais ce qui importe ici, ce n’est pas le flottement des modalités, c’est le génie ethnique qui, s’il peut s’extérioriser de diverses façons, reste toujours fidèle à lui-même et à son message foncier.

    C’est un fait curieux que beaucoup de gens aiment les Indiens mais n’osent pas l’avouer, ou l’avouent avec des réticences de commande, en se désolidarisant ostentatoirement du « bon sauvage » de Rousseau aussi bien que du « noble sauvage » de Cooper, et surtout de tout « romantisme » et de tout « esthétisme » ; sans oublier le souci de ne pas être pris pour un enfant. »

    Sur la plume d’aigle Schuon rappelle :

    « La plume d’aigle, comme l’aigle lui-même, représente le Grand-Esprit en général et la présence divine en particulier, nous a-t- on expliqué chez les Sioux ; il est donc plausible que les rayons du soleil, lui-même image du Grand-Esprit, soient symbolisés par des plumes. Mais ces plumes très stylisés, qui constituent le soleil à cercles concentriques, représentent également le cocon, symbole de potentialité vitale ; or la vie et le rayonnement solaire coïncident pour d’évidentes raisons.

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    1. J'avais visité avec ma mère, qui avait à la fois un grand sens esthétique, une grande simplicité de coeur et une grande vitalité, un musée consacré à l'art des indiens, à New York, et elle s'était écriée: "Que tout cela est magnifique, comment a-t-on pu détruire un peuple pareil?" Elle avait eu la même réaction devant un musée d'art populaire à Serguiev Posad. Ils ont détruit les indiens, comme la paysannerie russe, parce qu'ils sont le contraire de ma mère, ils aiment le laid, ils adorent la mort, et leur coeur est pervers.

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  2. Le vêtement peut exprimer plus que le corps, et c’est pourquoi, quoiqu’en pensent les andouilles, l’habit fait – faisait car ils n’existent plus pour cette raison précisément – les moines. Frithjof Schuon :



    « Dans ce cas, le vêtement représente à son tour l’âme ou l’esprit, donc l’intérieur, le corps ne signifiant alors que notre existence matérielle et terrestre. »

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  3. La destrucion de la Biélorussie est le premier coup anti-Covid Laurence

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