Translate

dimanche 14 mars 2021

Maslenitsa

 


Nous avons hier matin notre flash mob maslenitsa autout du café français, mais je ne peux pas dire que le succès ait été franc et massif. Je pense que si Skountsev avait été à la manoeuvre avec un accordéon, le résultat aurait été un peu meilleur, car il a tellement de présence et de tempérament qu'il ferait réagir une souche. Génia s'est donné beaucoup de mal, cognant sur un tambour et interpellant les passants, mais je pense qu'il aurait fallu, pour mobiliser un peu les gens, jouer avec un effectif plus important des choses entraînantes qu'on entende, la balalaika, c'est trop confidentiel.

Nous sommes ensuite allés prendre un café à l'intérieur. Génia évoqua ce que devait être la maslenitsa ici il y a 200 ans; quand il n'y avait pas de voitures, mais des chevaux, et surtout des gens partout, des gens qui ne demandaient qu'à faire la fête ensemble, à chanter et danser ensemble, pendant que les tsiganes leur faisaient les poches... La disparition du folklore, dans tous les pays, qui se fait de façon insensible, car les élites depuis deux ou trois cents ans, le méprisent, et particulièrement les élites progressistes, qui momifient la culture pour mieux la neutraliser, est la plus grande catastrophe culturelle depuis le début de l'humanité, et la plus irrémédiable. Ce qui disparaît, c'est ce que nous avons mis des millénaires à élaborer, et qui servait de terreau à la seule culture qui avait droit de cité, celle des musées, des bibliothèques et des salles de concert. C'est notre âme et notre intelligence, ce sont ces codes communs qui nous permettaient de nous comprendre et de fonctionner ensemble, qui faisaient danser notre vie. C'est pourquoi notre monde devient si vertigineusement laid, contrefait et désespérant. Il est à l'image de l'humanité, telle qu'elle est devenue en se livrant au diable. Toute cette culture de musée, elle est remplaçable. Mais pas le terreau sur lequel elle poussait.

Je mets ici cet extrait inénarrable du "Barbier de Sibérie" de Nikita Mikhalkov, qui montre bien ce qu'était autrefois la maslenitsa en Russie. Et combien notre vie à tous est devenue terne et moche.



Il faisait un temps de mars, gris, venteux, et j'étais beaucoup plus gelée qu'il y a deux jours, quand je suis allée me promener au lac par moins vingt, avec un soleil qui chauffait déjà, dans un univers d'azur profond et de blancheur éblouissante. Un temps de maslenitsa; car quelle que soit le moment où elle tombe, elle est presque toujours accompagnée d'un temps humide qui glace jusqu'aux os, avec parfois de la gadoue.

De Moscou était venu, avec sa femme Paulina, "Fédia le Noir", un autre balalaiker de grand talent, et puis c'est un intellectuel complètement fou, adepte de René Guénon. Dans l'après-midi, il a joué une de ses compositions avec Génia, sur des balalaikas électriques, c'était complètement hypnotique, et j'aurais voulu qu'il jouât ceci au café, le soir, mais je crois qu'il avait déjà trop forcé sur mon vin de pomme. Cela dit, en faisant jouer au public, à qui on avait distribué des balalaïkas, seulement deux accords, ils ont réussi tous deux à monter une improvisation sensationnelle, tout le monde participait et se prenait au jeu. Les gens qui étaient là auront vu le folklore sous un autre jour, qui n'est pas celui, gnangnan et mensonger, qu'en donnent les médias, les écoles et les mairies. Ils étaient ravis, et peut-être y viendront-ils, pour certains d'entre eux. Il y avait le couple de cosaques, Romane et Olga. Olga m'a confié son bébé pour jouer avec les autres. Cette petite fille était déjà très attentive à ce qui se passait, et confiante, caressante. Olga s'est rendu compte que si elle avait du mal à s'endormir, jouer de la balalaïka résolvait tout de suite le problème; car la balalaïka, elle l'entendait dès le ventre de sa mère, qui s'en sert régulièrement. C'est toute la différence avec la plupart des enfants qui entendent, dès le ventre de la leur, de la musique de merde, fabriquée en série pour décerveler le consommateur, et les bruits mécaniques agressifs de notre environnement, auxquels personne ne peut vraiment se soustraire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire