Les crocus apparaissent. Les jonquilles pointent le nez. Un vent doux souffle aujourd'hui sur le jardin qui semble recouvert de vieilles serpillères jaunâtres et beigeasses, et que surmonte l'énorme langue de glaise du voisin, avec des individus qui circulent ou fument sur la terrasse. J'attends avec impatience que les cosaques me fassent les travaux. Les belles saisons ici sont courtes, et je n'en ai pas une grande réserve encore devant moi. J'aimerais les passer dans la paix et l'harmonie.
J'ai vu la voisine Ania, celle d'en face. Elle aussi a de l'eau partout, et on lui a aussi déversé des tonnes de terre au bout de son lopin. J'ai appris d'elle que Robert, mon dernier chat, appartenait au départ à la famille qui partage l'isba d'oncle Kolia. Ils prennent des animaux et les laissent à l'abandon. Ania nourrit un chat roux qui vient de chez eux. Robert se partageait entre elle et oncle Kolia, jusqu'à ce qu'il réussît à s'installer chez moi. Ania pensait qu'il avait succombé au froid extrême, mais c'est justement à ce moment-là que le voyant maigre, hérissé, les yeux larmoyants par moins 26, je l'avais laissé entrer. J'en ai vraiment ras le bol des tordus qui prennent des animaux pour les refiler aux voisins.
Oncle Kolia a recueilli un jeune chat noir en perdition. Mais il a quatre-vingts ans, sauf mort accidentelle, le chat a de grandes chances de lui survivre...
Je sens que je n’aurai pas le courage d’aller
écouter le canon de saint André de Crète. Je suis trop fatiguée et j’ai un
programme trop chargé. Car tout à coup Génia s’est réveillé pour faire une soirée
concert au café le vendredi de l’acathyste. Olia veut que je m’occupe de son
petit-fils et lui donne demain des cours de français. Skountsev va aussi me donner
un cours demain. Je dois répéter ce soir, et probablement demain soir avec
Génia. Aujourd’hui, dans la journée, une jeune femme, à la suite de l’émission
que m’a consacrée la chaîne SPAS et qui semble m’avoir rendue célèbre, voulait
me rencontrer et me présenter une brave dame qui brûlait de me connaître. Elle m’a présenté également un jeune couple qui s’occupe
avec Boris Akimov, magnat du bio, de restaurer gratuitement ce qu’il nous reste
d’isbas pittoresques, pour amorcer un mouvement salutaire. Ceux-ci veulent que
je vienne chanter dimanche, dans le cadre d’une petite fête à cette occasion. L'idée de se cotiser et de se retrousser les manches pour restaurer des maisons traditionnelles méprisées me paraît excellente. Mais il me faut en plus m’occuper de mon jardin dévasté. Les travaux vont
commencer. Je dois finir la traduction de Yarilo. Il y a les lectures et les
offices du carême, la semaine sainte à l’horizon, je ne sais plus où donner de
la tête.
De retour chez moi après le café, je suis
sortie dans le vent lumineux déambuler avec ma pelle. J’ai trouvé le
coin idéal pour planter des framboisiers désormais trop exposés aux
inondations. Et aussi mes pommiers nains, que j’ai mis dans les bacs ménagés
sous mes fenêtres, au sud. Ils seront surélevés, au soleil et à l’abri du vent. Ma pensionnaire est arrivée, brûlant de m’aider, or je n’ai pas besoin d’elle, j’aurais
besoin de travaux de terrassement qui seraient au dessus de ses forces et des
miennes et elle m’empêche de penser. Elle est totalement incapable d’imaginer
qu’on n’ai pas envie de tout faire en meute, et transpose dans l’orthodoxie
progressiste la mentalité de la komsomole de base. J’ai droit à toutes sortes
de conseils déplacés, car elle ne connaît rien aux plantes ni aux conditions de
mon terrain. Plus des leçons de morale. Si j’évoque la nécessité de cacher
autant que possible les horribles maisons avoisinantes, elle me dit avec un fin
sourire qu’elle regarde au dessus, vers le ciel, et ne voit pas tout cela, dans sa béatitude et son élévation spirituelle. Si j’évoque
le voisin et les dégâts occasionnés, elle me répond en gloussant, comme à un
enfant déraisonnable, qu’on ne le changera pas et qu’il faut faire preuve de
patience et donner le bon exemple. Un bon exemple à donner serait de faire preuve de cette belle patience, assortie d'une angélique humilité, au lieu de toujours prechi-prêcher à l’ourse des cavernes française des
vertus qu’il est facile d’avoir quand on est là de passage et que les problèmes
ne vous touchent pas directement. Comme j’évoquais le projet de faire une
petite entrée terrasse côté invités, elle m’a déclaré que ce serait trop près
de la voiture, et qu’il fallait construire un kiosque un peu plus loin, je n’en
croyais pas mes oreilles. Je n’ai pas eu le bonheur d’être mariée, mais j’ai
néanmoins le malheur d’avoir toujours sur le dos les belle-mères des autres.
Tout mauvais que soit mon caractère, je ne me
suis jamais sentie autorisée à accabler les gens de conseils et de
considérations sur leur vie intérieure et la façon de la mener. Pour une bonne
raison : j’ai trop conscience de mes propres insuffisances.
Je suis allée au café à pied, et en chemin, j'ai vu une maison que j'ai trouvée bien restaurée, à part la barrière doublée de plastique. Elle forme un ensemble avec une petite maison de bois et une autre maison en très mauvais état, qu'il serait souhaitable de restaurer aussi, car on conserverait ainsi un îlot homogène, non loin de l'église de la Protection de la Mère de Dieu. Mais là, il y a du boulot, et il faudrait se dépêcher.
j'aime bien les fenêtres avec les losanges, je verrais bien ça pour ma véranda |
si j'avais plein de fric, je ferais de cette ruine un bijou |
Quelle dommage, la dernière maison semble être a l'abandon...
RépondreSupprimerOui, c'est ce que je dis, et si on la réparait cela ferait un ensemble avec les deux autres.
SupprimerD'autres gens que moi semblent l'avoir repérée.
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