Hier, Ania la voisine est arrivée avec un chat noir dans les bras : « Qu’est-ce que c’est que cela, Ania ? Vous ne m’apportez pas un nouveau chat, j’espère ?
- Je viens vous demander que nous le
nourrissions ensemble. Oncle Kolia est mort, son jeune chat cherche à entrer
chez nous, il est seul, perdu, il a
besoin d’affection... »
J’étais absolument horrifiée. Je redoutais
depuis longtemps la mort d’oncle Kolia, depuis qu’il avait recueilli le chat, d’ailleurs.
Lui-même a eu la fin idéale, il a dû mourir chez lui dans son sommeil, comme sa
femme il y a deux ans. Mais la mort d’oncle Kolia porte en germe toutes sortes
d’affreuses conséquences, le chat noir, et puis il est fort possible que la
petite maison qui me réjouissait la vue soit à présent esquintée, pourvue d’un
étage supplémentaire ou plastifiée à mort.
«Ania, me
suis-je écriée, je veux bien vous aider financièrement à assumer le chat, mais
vous en avez quatre, et moi j’en ai six, et même presque sept, car j’ai un
vieux qui vient épisodiquement. Le chat d'oncle Kolia a besoin d’affection, mais moi, je n’en ai
plus à donner, elle manque à ceux que j’ai déjà et qui sont incapables de s’en
donner les uns aux autres. Qui plus est, s’il n’est jamais venu chez moi, c’est
qu’il a peur des miens. J’ai déjà les incessantes querelles de Rom et de Robert,
et je ne sais par quel miracle Chocha s’est arrêtée de pisser et de chier dans
la cuisine, mais enfin vous avez vu ce que cela donnait... Je suis moi aussi
une vieille, et la dépendance de tous ces chats à mon égard m’angoisse de plus
en plus. Je prendrais plus facilement un chien, pour décourager de venir les
chats ultérieurs. »
Ania s’excusait frénétiquement, je comprends
bien son problème, je vais essayer de parler de ce chat aux bénévoles de
Pereslavl, mais moi je ne peux plus...
Or les voisins immédiats d’oncle Kolia ont
laissé mourir leur chien de faim. Leurs chats ont déménagé l’un chez Ania, l’autre
chez moi. La voisine Violetta aurait peu de chats et beaucoup de place, mais
son génial fils lui a offert un chien de type Rosie, complètement dingue, que
contrairement à ce qu’auraient pu laisser présager les nombreuses leçons que
Violetta me donnait, elle ne contrôle pas du tout, et qui pourrit la vie de la
paire de chats qu’elle avait déjà...
Le sort fait aux animaux me révolte
complètement. Je n’en peux plus des miens, mais j’ai quelquefois l’impression
de racheter un peu tout le mal qu’on leur cause. D’un autre côté, il faut aussi
préserver ceux dont on s’est chargé, il faut pouvoir assumer, j’assume de moins en
moins.
Pourquoi défendre des carnivores, souvent cruels du reste, qui se nourrissent en conserves, et non de gentils petits herbivores ?
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