Comme chaque année, la datcha du peintre Korovine, grand ami de Chaliapine, accueillait son festival à Okhotino, avec des peintres qui s'égayaient dans la nature, diverses prestations d'ensembles musicaux, de lectures de vers, un film, des ateliers, des gens qui vendaient leurs oeuvres ou des spécialités culinaires. J'y ai rencontré le père Alexandre, de Rostov, qui jouait Chaliapine dans une saynète. On m'avait invitée à chanter, ce que j'ai fait. J'étais venue avec ma voisine Ania, et des exemplaires de Yarilo et de mes chroniques. J'ai été très surprise, on peut même dire ébahie, par le succès que j'ai remporté.Une jeune femme en larmes m'est tombée dans les bras en me disant qu'en plus d'avoir du talent, j'étais tellement belle et tellement sincère, qu'elle voudrait bien être comme moi à mon âge, et merci, merci d'exister; j'étais extrêmement émue, un peu dépassée par l'ampleur des réactions. La télé de Yaroslavl va venir me prendre une interview, sa présentatrice vedette m'a fait toutes sortes de réfléxions goguenardes sur le vilain caractère de "la camarade Rita", qui, en effet, vieillit mal, elle ne supporte plus les mondanités et grogne sur tous ceux qui m'approchent! Enfin pour ce qui est de me reposer, cela ne s'annonce pas vraiment comme cela, car je vais être encore invitée à toutes sortes de manifestations.
Un charmant monsieur nommé Arthur m'a dit: "Vous avez une voix remarquable et surtout, on voit que vous ne chantez pas pour vous acquitter d'un travail, mais avec toute votre âme, vous nous emmenez au tréfond du temps! Et puis vous êtes très naturelle, avec un humour très fin qui me va droit au coeur!"
avec Arthur (Morgenstern) |
J'étais accompagnée de mon ange gardien, ma voisine Ania, qui me faisait tellement de pub, que j'ai vendu pas mal de livres, et que j'aurai du monde à mon exposition du mois de novembre. On me propose une présentation de livres à la bibliothèque de Yaroslavl. Bref, la gloire locale!
"Vous deviez avoir tant d'amoureux, avec ces yeux et ces boucles", m'a dit une dame. Si elle savait... J'en avais même le coeur serré. Mais bon, comme dit ma tante Mano, ma copie est rendue.
J'ai rencontré une dame qui venait d'Elizarovo, le fief d'Alexei Basmanov, père de mon héros Fédia, et j'ai même un chapitre qui se déroule à cet endroit-là, c'est là que Fédia trouve une sage-femme un peu sorcière sur les bords pour sa jeune épouse enceinte. Elle m'a demandé comment j'en étais venue à écrire sur un tel personnage, j'ai essayé d'expliquer cela brièvement. "Vous comprenez, me dit-elle, nous autres, à Elizarovo, nous ne pensons pas qu'il était aussi mauvais que dans le roman d'Alexeï Tolstoï, ma fille en est sûre, et si elle trouve le financement, elle aimerait tourner un film là dessus.
- C'est bien possible, la vision d'Alexeï Tolstoï est très caricaturale, et puis j'ai été si possédée par cette histoire, il me semble qu'il aimait vraiment le tsar, qu'il lui était vraiment dévoué, et il était probablement très jeune."
Elle connaissait la version de sa fin au monastère de saint-Cyrille-du-Lac-Blanc et a évoqué les remords du tsar à son égard; j'espère la revoir, car j'aimerais en savoir plus long. Mais ce ne sera pas difficile, je connais une autre personne impliquée dans le musée d'Elizarovo.
Au retour, Ania m'a expliqué que depuis quelques temps, elle s'était mise à chanter, que cela lui permettait d'exorciser sa tristesse, tristesse causée par la crainte de perdre ceux qu'elle aime, et qui sont tous âgés, à part ses enfants, par la nécessité de travailler qui la prive de la contemplation de la nature, dont elle a tellement besoin. "Mais c'est pour cela que les gens chantaient, lui ai-je répondu, pour transfigurer leur tristesse ou leur joie." Son mari l'encourage, et lui dit qu'il l'accompagnera à l'accordéon. Ania est une personne fine, modeste et intériorisée, très sensible et délicate.
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