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lundi 19 septembre 2022

Photos

 


Je suis partie à Moscou à reculons, il faisait très beau, et j'éprouve une frustration terrible quand je dois me priver d'air, de soleil, et du spectacle de la nature, dans un pays où l'on est enfermé, chez soi ou dans le scaphandre des vêtements, les trois quarts de l'année. Olia Kalachnikova, passée me donner des plants de flox, a photographié ma maison et Rita. J'ai moi aussi photographié passionnément le jardin, les dorures qui apparaissent dans les feuillages, et les nuages encore fôlatres, les colchiques épanouis sous la danse des derniers papillons. L'année dernière, j'avais passé l'automne à l'hôpital, à regarder par la fenêtre les arbres changer, enfermée loin du vent et du soleil dont j'ai tellement besoin. Le père Valentin m'a dit que pour les gens du sud, l'hiver russe est une chose terrible, il est vrai qu'il est difficile de s'y habituer. 





J'ai participé à l'exposition des tableaux inspirés par Kourmych, et chanté comme promis. Cela se passait dans les dépendances de l'église sainte Tatiana, en plein centre, une église qui ressemble à un temple grec et où officie le père Vladimir Viguilianski, père de Sacha.

J'ai eu des réactions très émouvantes, un monsieur m'a remercié de lui avoir "mis de la lumière dans l'âme", avec ce répertoire oublié, une dame m'a dit que j'avais un regard slave, et que je l'avais bouleversée. Nous avons ensuite pris le thé avec des pirojki, les gens présents étaient très sympathiques, il y avait le baryton Artiom, un géant adorable qui ne peut pas voir un ami sans lui faire un câlin. Il y avait aussi le fidèle Génia, vétéran de l'Afghanistan qui seconde Sacha dans son oeuvre, des artistes exposants, des gens dévoués et purs. 

La fille d'un couple d'amis restait assise avec une figure tragique et harcelait son père pour s'en aller. Elle est anorexique, et pendue à son téléphone, échange avec une amie qui la pousse à maigrir. Dans mon jeune temps, je ne voyais pas d'anorexiques. J'ai l'impression que la folie gagne tout le monde, se glisse dans toutes les familles, et d'autant plus facilement qu'Internet facilite la contagion.

Liéna, la fille du père Valentin, me tient sur la guerre des propos défaitistes, d'après elle, les Russes n'ont absolument pas les moyens de la gagner, pas d'armée, pas d'armes, son père n'est pas d'accord et pense qu'elle écoute de mauvaises sirènes. Moi non plus. Encore que depuis des années que je la sentais arriver, je ne pensais pas que les Russes prendraient l'initiative, car leur pays est encore convalescent et n'avait pas besoin de cela. Cependant, si Poutine y est allé après bien des reculades et des finasseries, c'est sans doute qu'il ne pouvait pas faire autrement. Et pour ce qui est de l'armée, je pense qu'elle reste une bonne armée russe avec des soldats vaillants, et les armes, il s'est justement donné le temps de les moderniser et d'en refaire les stocks. Les gens ici, surtout dans les grandes villes et les milieux intellectuels, se laissent égarer par toutes sortes de commentaires visant à leur faire perdre le moral, l'amour et l'estime de leur propre pays. Comme partout ailleurs, du reste, sous l'effet de la même sinistre internationale. Il m'apparaît de plus en plus que la ligne de front n'est pas tant sur le territoire de l'Ukraine qu'à l'intérieur de toutes les sociétés impliquées. Nous sommes la proie d'un cancer moral qui envoie des métastases partout et si le tissu des uns est plus sain que celui des autres, nous en sommes tous infectés plus ou moins. 

La guerre ne se mène pas seulement dans l'abcès de fixation ukrainien, et ne se caractérise pas par une lutte entre différents peuples, mais à l'intérieur de chaque pays, par la lutte de chaque peuple pour sa survie, contre une secte financière idéologico-mafieuse pour qui tous les coups sont permis. Et dans chaque pays, une proportion plus ou moins grande de gens le comprend, une proportion plus ou moins grande de gens, au contraire, adhère à la corruption générale des moeurs et des esprits et à la tyrannie qui s'annonce. C'est pourquoi les Russes patriotes appellent à la purification du pays, je dis bien purification, et pas épuration... Cela passe par les programmes culturels, les programmes scolaires, les médias, qui doivent être nettoyés de la vulgarité corruptrice et des profanations systématiques, l'exclusion des organismes inernationaux sournois dont les buts sont désormais ouvertement toxiques. Dans cette perspective, l'armée et ses armes jouent bien sûr un rôle, mais pas forcément le plus important, car la Russie a déjà réussi à compromettre gravement l'établissement de l'hégémonie mondiale américanoïde que redoutent tous les gens normaux. Même si les Russes sont peu nombreux, après les saignées du XX° siècle, en face, ils ne sont pas nombreux non plus, et pas du tout disposés à se mobiliser massivement pour servir de chair à canon à l'Etat profond et à ses marionnettes, passer des démonstrations de drapeaux ukrainiens au vrai casse-pipe n'est certainement pas dans la mentalité du bobo ordinaire. L'OTAN enverra ses mercenaires officiels ou non officiels. Il s'agit surtout de ne plus se laisser culpabiliser par les salauds et leurs troupeaux d'imbéciles qui nous pourrissent tous.



1 commentaire:

  1. J’aime beaucoup votre texte, Laurence : la ligne de séparation est clairement dite et la résistance montrée comme possible. Pour chacun de nous. Il faut éloigner la tentation du défaitisme. Le combat est à la fois très concret et absolument spirituel. Merci.

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