Déjà 9 jours que nous avons brutalement quitté l'été, pratiquement sans transition, comme Adam chassé du paradis. Vivre en Russie implique de profiter de l'instant présent, je me souviens avoir indigné ma cousine, en lui disant, dans notre jeune temps que, d'après les moines orthodoxes, nous devions vivre chaque jour comme s'il était le dernier. Ce précepte, je l'ai mis en pratique seulement à la cinquantaine, au départ, pour ne pas me laisser submerger par la souffrance et l'angoisse: à chaque jour suffit sa peine.
Au reste, même chassés du paradis, nous trouvons des joies en cette vallée de larmes, et l'automne a les siennes. Des couchers de soleil somptueux entre deux averses glaciales, la chaleur de la maison après l'humidité du dehors, les ultimes floraisons, les premières dorures de la procession des arbres qui, chaque année mettent l'été en terre avec un faste byzantin.
Comme je déplaçais des flox, j'ai trouvé sous les racines de l'un d'eux un lézard en hibernation, qui ne s'est pas réveillé et que j'ai transplanté avec son abri. Voici donc où ils passent l'hiver, j'espère qu'au printemps, celui-ci survivra à mes chats.
Pour essayer d'installer Nounours, je le prends la nuit. Il pleure un peu, dort sur la descente de lit, le matin, je le lâche, après l'avoir nourri, il file chez sa mère, ou va trouver son frère. Il me fait des fêtes quand il me voit, mais je ne suis pas sûre qu'il ait tellement besoin de moi ni que je sois de taille à l'élever, car tout gentil qu'il soit, il n'en fait qu'à sa tête. La voisine est venue lui installer une chaîne, et je n'ai pas l'intention de l'attacher, sauf peut-être épisodiquement, et dès qu'elle l'a fait, il est devenu fou, hurlant, tirant dans tous les sens, je le sens très très mal! Ania utilise la bouffe pour éduquer César, mais César est un vrai glouton, Nounours aime bien manger, mais on ne le fait pas trop marcher à la friandise, il aime être libre, et en compagnie. Il faut dire que je suis fatiguée, j'ai moins de forces qu'avant, beaucoup de choses à faire, et je suis tout le temps sollicitée.
Je vais être obligée de surseoir à la présentation de mon livre à Moscou, car je risque de manquer d'exemplaires. J'avais commandé une réédition, mon éditeur "n'a pas eu le temps"... Demain, je participe au festival annuel de la datcha du peintre Korovine, et j'en vendrai sans doute quelques uns. C'est la compétition pour m'emmener là bas, soit en voiture, soit en autobus, et je tiens à y aller moi-même, en silence, ce qui permettra aussi de m'en aller si je suis trop fatiguée, sans dépendre de gens qui voudront peut-être encore passer la soirée avec moi. Le 18, je réitère à Moscou la manifestation de Kourmych, Sacha Viguilianskaïa organise dans la paroisse de son père une exposition des oeuvres inspirées par sa chère bourgade, et j'en ai trois qui y figurent, et puis elle veut que je chante, et je vais encore sans doute vendre quelques livres, et voilà, pour la présentation, je vais en manquer. Je suis fatiguée de ne pouvoir compter sur personne ni rien organiser sans problèmes continuels. Si quelqu'un vient me voir, je suis souvent bloquée toute la journée, car peu de gens peuvent me dire précisément à quel moment ils me tomberont dessus. C'est pareil avec les artisans, les livreurs, les inspecteurs du gaz...
Ma mélancolie automnale est accentuée par la situation générale, qui n'est pas riante, et le spectacle d'une connerie débridée qui touche à la maladie mentale et se propage comme une sorte de choléra. Il m'arrive souvent de penser que les USA sont la tumeur cancéreuse d'une Europe devenue complètement dingue sous l'effet de ses métastases. La Russie n'en est d'ailleurs pas exempte, disons qu'elle est moins infectée et que l'opération chirurgicale qui va peut-être retrancher d'elle ce corps malade, dont elle a été si fortement entichée depuis trois cents ans au niveau de ses élites, empêchera ou retardera sa perte. Aucun pays n'en est exempt, malheureusement.
Le site "parlons d'orthodoxie" publie un article sur le refus du patriarche Cyrille et du métropolite Tikhon de la loi sur les violences conjuguales, article accompagné d'une photo éloquente, une pauvre femme menacée par un poing en premier plan. https://parlonsorthodoxie.wordpress.com/2022/09/08/la-loi-sur-la-violence-domestique-a-ete-bloquee-par-le-patriarche-cyrille-et-le-metropolite-tikhon/?fbclid=IwAR3qWRRxbCeSoUSq-s_oterwoOcrfiRnlHVsu2a6pMbytcvJKGiKMvlMOPM
Découragée, j'ai laissé un commentaire au second degré, je ne suis pas sûre qu'il ait d'ailleurs été perçu comme tel: "Oui, présenté comme ça... C'est vrai que le patriarche Cyrille et le métropolite Tikhon adorent que de grosses brutasses russes ratatouillent leurs épouses et leurs petits enfants, d'ailleurs eux-mêmes circulent en mercedes dorées, avec un knout pour flageller les hérétiques. C'est bien simple, je n'ose plus sortir de chez moi, et comme me l'a dit une lectrice de facebook, je suis forcée d'écrire mon blogue, un tchékiste armé de chaque côté de mon ordinateur".
Il me paraît complètement évident que ni le patriarche Cyrille ni le métropolite Tikhon ne préconisent les violences conjuguales, en dépit des défauts de l'un et de l'autre, et aussi de la caricature qu'on en fait, ils ont toujours tenu des discours humains à leurs ouailles, si l'on excepte le prêche de Tikhon au moment du covid. Je suivais les émissions du patriarche quand j'avais la télé et qu'il était encore métropolite de Smolensk, et les libéraux le trouvaient alors tout à fait intelligent et fréquentable. C'est à lui que je dois notre excellent évêque de Pereslavl, car il s'efforce de nommer des hiérarques jeunes, intelligents, ouverts et proches des gens. En revanche, je pense que l'un et l'autre discernent ce qui se cache désormais derrière ce genre de lois: l'intrusion toujours plus grande de l'Etat et de certaines idéologies mues par certains bandits internationaux dans la vie privée des gens et dans la structure de la famille. Il me semble suffisant que la loi réprime la violence quelle qu'elle soit. En principe, si une femme est battue par son mari, cela doit être condamné de la même façon que si elle l'est dans la rue par un inconnu qui veut lui voler son sac, pourquoi établir sans arrêt des catégories de victimes, plus victimes que les autres, méritant une vigilance accrue, une intrusion permanente dans la vie de leurs proches? On a vu ce que donnaient toutes les lois sociétales précédentes en France et en Europe, toutes présentées avec un emballage de merveilleux sentiments qui en empêchaient la contestation, sous peine de passer pour une brute fasciste rétrograde. L'avortement? Un moindre mal, vous voulez que les petites filles violées par leur propre père mettent au monde le fruit de la violence patriarcale intolérable? Que des adolescentes sans ressources crèvent sur la table des avorteuses? Non, bien sûr! Mais déchiqueter dans le ventre de leur mère des foetus de 3, 4, 6 mois et programmer les avortements en vue de la récolte des organes, vous le voulez? Eliminer les nouveaux-nés gênants, vous le voulez? Or c'est à cela qu'on en arrive maintenant, et en justifiant ces horreurs de la même manière. Même chose avec les homosexuels, ils ont bien le droit de vivre comme ils veulent, ces gens-là; et s'ils vivent ensemble, de se laisser l'un à l'autre un héritage, pacsons-les. C'est très raisonnable, rien à dire. Moi-même, je n'ai absolument rien contre eux et souvent, je les trouve charmants. Mais voilà qu'il faut aussi les marier, et même à l'église, leur confier des orphelins exotiques, pratiquer pour eux la GPA dans des usines à bébés en Ukraine ou aux Indes, ou faire porter leurs rejetons éprouvettes par leur propre mère. Et puis, si on les marie, pourquoi ne pas marier aussi les couples à trois, cinq ou six? Et comment encore supporter les survivances hétérosexuelles qui sont une insulte au progrès et à l'ouverture d'esprit? J'étais un garçon manqué, aujourd'hui, on pourrait me retirer à ma mère pour me couper les seins et me faire pousser la barbe. Je me souviens d'un homosexuel, dans les années 70 où tout était en germe, qui voulait absolument me convaincre que je l'étais aussi, car "tout le monde l'était", et seuls des pionniers dans son genre avaient le courage de le reconnaître. J'ai fini par lui demander: "Mais toi, tu coucherais avec une femme?
- Certainement pas!
- Eh bien moi non plus."
Alors je suis peut-être rétrograde, mais je suis très satisfaite que tout cela n'ait pas cours en Russie, et je propose à tous les rétrogrades de mépriser superbement les glapissements et les calomnies dont ils sont forcément l'objet dès qu'ils s'expriment, qu'ils y mettent ou non des formes, ils seront calomniés, ils seront vilipendés, leurs paroles seront travesties, leurs intentions mal interprétées, ils seront les vilains méchants, comme Douguine et sa fille qu'un intellectuel distingué est venu insulter sur ma page avec une magnifique suffisance.
Au delà de ces considérations, je discerne aussi dans ces publications et ces réactions, une espèce de fossilisation sur tous les clichés qui ont pu circuler sur la Russie depuis Custine et Gustave Doré. La Russie perçue comme une anti Europe, elle qui en a rêvé depuis Pierre le Grand, et jusqu'à nos jours, avec une grande et fatale naïveté. La Russie conservait une espèce de christianisme des cavernes, ou des catacombes, avec des ascètes, des fols-en-Christ, des moines errants et un décorum médiéval que n'avaient pas touché les Lumières artificielles qui avaient aveuglé tous les autres. Elle avait triomphé de la Pologne catholique et "européenne", dont on était forcément solidaire, ce qui amenait à noircir le vainqueur et à l'assimiler aux Tatars asiatiques dont il avait également triomphé, en les intégrant à son empire sans grande violence et en leur laissant leur religion et leurs coutumes. Il est vrai que si les Russes sont des Européens, et sans doute plus aryens que les autres, ils constituent un civilisation à part, disons que l'Europe est divisée en deux moitiés, la civilisation catholique et la civilisation orthodoxe, auxquelles il faut ajouter depuis la Renaissance la civilisation protestante qui nous a engendré la tuméur américaine... Mais la seule "civilisation " reconnue, c'est la civilisation catholique, qui meurt sous nos yeux de sa maladie protestante humaniste et progressiste. La Russie, en survivant au traitement de choc du communisme, est devenue une sorte d'insulte à ces pays mourant de leur propre enflure. Alors depuis que ce processus se poursuit, la Russie cristallise l'aborrhation des bien pensants.
Ces perversions du discours se manifestent dans tous les domaines. Dans les années 70, si l'on n'était pas de gauche, cela signifiait qu'on était absolument insensible à la misère humaine, complètement soumis à la mentalité capitaliste, sauf que ma mère de droite était un ange de miséricorde, que bien des bourgeoises de gauche étaient sordides avec leur personnel et leur entourage, et que le socialisme a plus fait pour nous asservir complètement au capital mondialiste mafieux que la "droite", dont on se demande bien d'ailleurs où elle se situe dans la réalité. Mais tout débat était impossible, car ces gens, qui ricanaient de tout et surtout des "sentiments petits-bourgeois", savaient très bien jouer de la culpabilisation moralisante et de la pleurniche. Nous en sommes arrivés au point où toute discussion est impossible et toute dissidence pénalisable. Une espèce de maison de fous qui s'enferme sur elle-même pour conserver son ascendant sur ses pensionnaires, pareille en cela à toutes les dictatures délirantes que nous avons pu voir émerger et qui sont essentiellement de la même nature. Ces gens discutent de la dictature de Poutine, qui est un régime peut-être autoritaire, encore que... mais un régime qui nous fout la paix dans la vie quotidienne et ne nous empêche ni de penser, ni de parler, ni de nous réunir, ni de pratiquer notre religion, ni d'élever nos enfants à notre gré, sans voir où ils en sont eux-mêmes et comment ils vivent depuis quelques temps, infantilisés, terrorisés et endoctrinés, au lendemain de leur hystérie covidienne scrupuleusement répressive, avec des dissidents persécutés, vilipendés, réduits au silence et à l'indigence. Il est vrai qu'on leur a sans doute définitivement grillé les neurones avec le masque religieusement porté, dont on sait l'effet qu'il a sur le cerveau en le privant de la dose nécessaire d'oxygène...
L'Europe se transforme en maison de fous, nous explique Aldo Sterone. Sa vidéo est brillante, très drôle, enfin drôle... il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Ce sont souvent les gens venus de pays encore traditionnels qui ont les anticorps nécessaires pour discerner que le roi est nu. C'est pour cela que les musulmans et les orthodoxes trouvent un terrain d'entente.
La reine d'Angleterre vient de mourir et, en dehors de toute considération, j'observe que je suis née l'année où elle a accédé au pouvoir et que ces trois quarts de siècle ont vu l'effondrement de son pays, et du mien, qui meurent avec elle. Thomas, le gendre français du père Valentin, écrit en guise d'épitaphe: "Crever en voyant Liz Truss accéder au pouvoir, quel monde de merde".
"Oui, présenté comme ça... C'est vrai que le patriarche Cyrille et le métropolite Tikhon adorent que de grosses brutasses russes ratatouillent leurs épouses et leurs petits enfants, d'ailleurs eux-mêmes circulent en mercedes dorées, avec un knout pour flageller les hérétiques. C'est bien simple, je n'ose plus sortir de chez moi, et comme me l'a dit une lectrice de facebook, je suis forcée d'écrire mon blogue, un tchékiste armé de chaque côté de mon ordinateur".
RépondreSupprimerBonjour Laurence, bravo, j'ai tellement ri!...
Je suis contente de vous avoir fait rire, nous en avons bien besoin!
SupprimerSi je puis me permettre , chère Laurence , vous parlez de l'Eglise catholique , en pensant église romaine . Toute l'Eglise est "catholique" , et elle est censée porter la foi orthodoxe explicitée au Concile de Nicée .Au premier millénaire , l'eglise de Rome , en occident , était orthodoxe . Les choses se sont gâtées au X iéme siècle avec l'affaire Photius, qui a initié un déchirement terrible entre l'Eglise de Byzance (orthodoxe) et l'Eglise de Rome (orthodoxe aussi . Cela s'est mal résolu à la tentative de conciliation de 1054 .Je vous conseille de lire l'excellent livre de l'épiscope "Kallistos Ware" , "l'Eglise des sept conciles" , et aussi le non moins excellent (mais plus court) , livre "Histoire des conciles" de Francis Dvornik , un historien d'origine tchèque . Vous avez le vécu et la culture suffisante pour comprendrer le contenu de ces livres , mais le kto de base , autant que l'ortho de base , absolument pas , et cela par la faute des clercs , aussi bien les romains , conciliaires ou tridentins , que les zorthos , qui continuent et de colporter des mensonges historiques et théologiques . Ce qui interdit tout rapprochement entre "les deux poumons" de l'Eglise .
RépondreSupprimerGardez votre courage , et considérez la chance immense que vous avez de vivre en Russie ..même si tout n'est pas satisfaisant .
Je vous embrasse .
Nicodème
En effet, vous avez tout à fait raison!
SupprimerOui cette Reine est la reine de l'effondrement ; c'est pourquoi on l'acclame de partout. Pédophilie, mondialisme et grand remplacement - sans oublier les Beatles et la Diana.
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