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mercredi 6 septembre 2023

Harmonie

 Après les confitures, je passe à la gnôle, enfin plutôt au "vin" de poires, selon la recette du "salut à Gorbatchev", des poires, du sucre, de l'eau dans un bocal, et quand le gant qui ferme le couvercle nous fait coucou, c'est que la fermentation se déroule... Le problème est que j'en bois très peu, il me faudra le distribuer... 


Ce tableau poignant est une oeuvre du père Gueorgui Parfionov, grand pastelliste. Ce champ de pissenlits représente le champ d'honneur et ses jeunes âmes. Son fils aîné, Vania, est mort à la guerre, comme je l'ai déjà dit, et c'était visiblement un jeune homme plein de qualités, intelligent et pur, très proche de son père, qui reste inconsolable. Maintenant, c'est son fils Maxime qui vient d'être grièvement blessé au combat... 

Il avait fait le portrait de Vania, qui m'avait frappée il y a déjà pas mal d'années, par son intensité, et la gravité du petit garçon.



J'ai regardé un documentaire sur l'eau que j'ai aussitôt relié aux travaux d'un savant japonais, sur cette question, et à ceux du professeur Montagner, qui suscitaient les sarcasmes des créatures des ténèbres et leur servaient de prétexte pour le traiter de gâteux. J'ai aussi songé à un ami russe médecin que fascinait la structure mathématiques des plantes, et qui me disait: "La nature déteste tout ce qui est rectiligne, la ligne droite, c'est la mort, tout ce qu'on met d'aplomb au cordeau tent à reprendre la forme d'une courbe, tu n'as qu'à regarder le plan du métro, c'est rectiligne au centre, mais après, les lignes s'infléchissent. Tous ces quadrilatères dans lesquels nous vivons sont contraires à la nature, à notre nature." Eh bien, l'eau comme le reste de la nature, dont elle est la principale composante, abhorre également la ligne droite, et nous la violentons de toutes les manières, avec nos tuyaux et nos berges bétonnées, je conseille de regarder cela attentivement et d'ouvrir son esprit aux réflexions que cela suscite, c'est la clé de la malédiction de notre civilisation et donc de sa perte inéluctable si elle ne touve pas le moyen de s'infléchir. L'eau,  ce n'est pas seulement un élément physique caractérisé pour les cerveaux fossilisés par la formule H2O, c'est un fluide vital sacré et mystérieux. C'est sans doute pour cela que je me régénère dans la mer, ou dans la petite rivière, avant que les "cottages" de Pereslavl ne la polluent chimiquement et esthétiquement en aval. On reconnaît une âme malade à la violence permanente qu'elle exerce sur le vivant, avec une brutalité obsessionnelle, et à sa propension à tout ramener à des formules et à des graphiques, même la conception des espaces verts municipaux. En apprenant la chanson des cosaques du Terek qui remonte à Ivan le Terrible, j'échange beaucoup avec Skountsev. Ma grande difficulté, dans cette chanson, c'est d'en saisir le rythme, c'est ma difficulté avec toutes les chansons traditionnelles russes, car il faut que tout corresponde, la mélodie, le rythme et les paroles, c'est un tout, comme dans une icône la construction, les lignes et la couleur. Skountsev décompose tout cela en mesures, mais si je commence à compter les mesures, je n'arrive plus à chanter, et lui-même me dit, d'ailleurs, qu'aucun chanteur ou musicien populaire ne s'occupait de la mesure, car elle lui était innée, organique. Je sais une chanson, quand tout cela me devient organique, de même que la fleur ne sait pas que sa structure répond à un patron géométrique complexe, de même que le paysan n'avait aucune idée du nombre d'or, qui présidait à l'édification de son isba, mais ce nombre étant celui de l'harmonie, son âme harmonieuse construisait selon cette formule innée. Les mathématiques sont sans doute le patron de la vie, son chiffre intérieur, mais dès lors qu'il n'est plus incarné, il devient une spéculation vide. Enfant, je détestais les mathématiques, et je n'y ai d'ailleurs jamais rien compris, mais un ou deux profs avaient su me faire entrevoir leur caractère mystérieux et sacré, dès lors qu'ils m'en présentaient la traduction naturelle. 
Si tout ce que l'on construit autour de moi est si laid, c'est qu'il n'y a plus aucune harmonie dans les âmes, et que l'humanité entière est coupée de la vie, qui est une totalité fluide. Elle échafaude dans le néant un château des ténèbres qui n'a même pas la sombre poésie de celui de Dracula. Se réinscrire dans cette harmonie, est un geste de résistance et de thérapie non seulement de son âme, mais de tout ce qui nous entoure. Et c'est peut-être, plus que la réflexion politique ou les révoltes armées, la première chose à faire pour échapper au totalitarisme, qui naît de la laideur et produit de la laideur, et de ses corollaires qui sont la stupidité et la méchanceté. 
Sur le plan de l'harmonie, intérieure et extérieure, nous n'avons fait aucun progrès, et même, nous avons terriblement régréssé, nous sommes devenus plus infâmes et nuisibles et plus digraciés, que n'importe quelle créature qui obéit au moins à sa nécessité organique au sein du tout.
Je ne veux naturellement pas du transhumanisme ni de toutes les versions soft ou hard de la société numérique, parce qu'elles sont mortelles pour l'âme et le corps, et avilissantes, mais il m'apparaît que la solution est essentiellement spirituelle, et passe par la capacité de créer, de rêver, de prier et d'aimer, tout cela allant ensemble dans une âme normale. Il est certain que si, dès l'enfance, les gens sont profondément mutilés de ce qui leur permet de le faire, on engendrera des sociétés de cloportes, du haut en bas de l'échelle, avec ou sans technologie ou intelligence artificielle. Aujourd'hui, même ceux qui se prennent pour le haut du panier intellectuel en élaborant des plans d'une fourberie sophistiquée pour asservir ou anéantir les imbéciles inutiles ne sont jamais que des gnomes contrefaits qui ne savent pas où ils se trouvent, ni ce qu'ils font, et finiront dans "les ténèbres extérieures". En fait, ils y sont déjà, et cherchent à y entraîner tous les autres.
C'est là que je fais le lien avec le débat d'Ariane Bilheran sur le totalitarisme. Et avec les prédictions et les analyses de Pasolini sur le même thème. Je m'étonne d'ailleurs que Pasolini, si lucide sur notre effroyable autodestruction capialiste, se soit illusionné sur une idéologie qui n'est jamais que l'autre façe de la même médaille funeste, j'en vois tous les jours ici des traces, dans la profonde mutilation intérieure des Russes, dont un certain nombre restent soviétiques, c'est-à-dire rééduqués dans le culte de tout ce qui nous détruit tous et devrait nous hérisser par sa laideur, sa brutalité et sa vulgarité dégradantes. La thérapie, la seule, c'est la Terre, c'est le retour à la terre, à la tradition qui en est l'émanation, à la foi qui en est la direction. A l'harmonie du cosmos qui est l'icône de l'autre monde

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4 commentaires:

  1. Merci pour ces mots,Laurence...C est comme la petite voix d une source claire,au fond d un frais vallon,bonne soirée

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  2. Bonjour Laurence et merci pour ce très beau texte qui exprime tout ce que je ressens bien mieux que je ne saurais le dire !
    Fred de Tahiti

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  3. Ce que vous dites avec tant d'élégance me touche infiniment.

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