Pour Chocha ma décision d'hier n'a pas dû changer grand chose mais pour moi, ce n'était certainement pas la meilleure, elle commençait à s'étouffer, à ne pouvoir ni uriner ni manger, mais cela aurait peut-être pu attendre encore un peu et c’est comme si j’avais interrompu trop tôt quelque chose de mystérieux qui se passait entre nous.
Le père Antoni, à qui je me suis confiée, m’a écrit que
pas du tout, que j’avais bien accompagné ma petite chatte.
C’est drôle, elle passait derrière Picasso, de son vivant, et même derrière Georgette, qui avaient tendance à prendre toute la place. Ce qui me compliquait les relations, c’est qu’elle n’aimait pas qu’on la prît dans les bras ou sur les genoux. Mais pendant ces mois où elle a décliné et où je l’ai parfois engueulée tellement j’en avais assez d’éponger des pisses, j’ai développé avec elle ces liens particuliers dont elle avait toujours rêvé, et c’est cela que j’ai cherché à prolonger et non sa pauvre vie qui ne battait plus que pour moi. C’est pour cette raison que je n’allais pas chez le vétérinaire, et puis hier, j’ai paniqué. Peut-être au fond, parce qu’il était temps, que cela allait devenir affreux... mais j’ai un doute et j’aurais voulu ne pas en avoir.
Je n’ai pas dormi de la nuit. Dès qu'il a fait jour, un jour gris, triste, froid et pluvieux, j’ai pris le
panier rose de Chocha. Moustachon, qui était dehors, est venu le renifler, il
était intrigué, je pense qu’il a reconnu son odeur et se demandait ce qu’il se
passait. C’est un chat très intelligent, et débonnaire, bien qu’impudent. Ma
pauvre princesse était raide, mais comme je l'avais gardée à l'intérieur, elle n'était pas froide, roulée en boule dans mon
tee-shirt rose, je l’ai tenue longtemps contre mon coeur, et j’avais
l’impression que quelque chose d’elle rayonnait directement dans ma poitrine,
au son des gouttes de pluie et des petites notes clairsemées des mésanges. Je lui ai dit
que je l’emmenais dans mon coeur, que son corps était dans le jardin et sa petite âme avec
moi. J’ai posé deux grosses pierres sur sa tombe, il est difficile d’en
trouver, ici, mais les anciens propriétaires avaient dû en apporter de
Mourmansk. La neige ne va pas tarder à recouvrir tout cela. Et le temps...
Je m’en vais droit devant moi,
La pluie tombe sur mes pas.
Qu’il fait gris dans le grand nord
Qui sera mon dernier port...
Qu’il fait gris dans le grand âge,
Où le soleil ne luit plus
Sur tous les enfants perdus,
Dans les bois des ans sauvages...
Qu’il est lointain le jardin
Du printemps bref et doré,
Sa douceur et sa clarté,
Et ses rêves toujours vains.
C’est demain que je t’enterre,
Ma petite amie fidèle,
Que t’emporte à tire d’aile,
L’ange gardien qui m’éclaire.
Au grand jardin bleu des cieux
Où s’en vont fleurir les coeurs
Qui versèrent trop de pleurs,
Attends-moi près du bon Dieu.
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