Je suis arrivée à la fin de ma traduction des "Aventures posthumes" de Ioulia Voznessenskaïa. Ces aventures avec son ange gardien m'ont tellement captivée, que je traduisais sans pouvoir m'arrêter. C'est bien la première fois qu'une pareille chose m'arrive, depuis ma maîtrise de russe, avec la traduction de trois nouvelles géniales de Zinaïda Guippious. Ioulia Voznessenskaïa m'est extrêmement proche par le tempérament, cette écriture pleine de fantaisie et d'humour qui a quelque chose d'enfantin, et qui est pourtant si profonde, profonde avec simplicité, avec innocence, et qui entraîne, au moyen du conte, le lecteur dans des zones inconnues dont il revient transformé. Je pourrais dire que je ne comprends pas qu'on ne l'ait pas traduite plus tôt, mais en fait si, je comprends très bien. Le propos est religieux, spirituel, l'expression poétique, fantastique, empreinte d'une fraîcheur et d'une simplicité, et aussi d'une humanité qui ne sont pas du tout bien perçues chez le snobinard intello de gauche qui grouille dans les hautes sphères "culturelles" françaises. Enfin françaises… de la France actuelle. Parce que les Français, jusqu'à mai 68, ce n'était pas ça.
D'après Liéna, la fille du père Valentin, qui aime beaucoup Voznessenskaïa, elle n'est pas mieux reçue par les libéraux moscovites. Sans doute parce qu'elle n'entre pas dans les cases, comme Soljénitsyne,et comme Boukovski.
Cette excursion dans l'au-delà m'a été proposée juste au moment où j'ai passé le cap des 70 ans, où le covid m'a donné un pressentiment du grand voyage, où ma vieille Chocha me quitte avec tout un pan de vie, où le monde dont je viens s'écroule dans un enfer déjà actuel. L'enfer de Voznessenskaïa, d'ailleurs, est une sorte de miroir qui réflechit et décuple celui où nous vivons déjà. D'une certaine façon, son livre l'apprivoise et nous ouvre des horizons paradisiaques dont nous avons bien besoin, et qui se manifestent aussi, par instants, dans le monde où nous sommes. Il est bénéfique.
.Je vois s'éloigner ma vie, comme le rivage disparaît depuis le pont d'un bateau qui prend le large vers un horizon inconnu.
Je suis tombée sur deux vidéos qui m'ont paru complémentaires, celle d'Aldo Sterone qui commente avec une verve douloureuse et épouvantée l'effondrement de l'Europe, et un reportage de Vincent Lapierre sur l'assassinat d'encore un adolescent dans un paisible village de la Drôme, par une bande de voyous exotiques montés des quartiers de Romans. Aldo Sterone est un Algérien intelligent et ouvert qui a choisi de vivre autrement et qui voit l'occident qu'il a choisi s'autodétruire. Il prédit un tiers-monde nordique au climat malsain où les gens vont geler et crever de faim, quelque chose comme l'univers de Dickens, comme les bas-fonds de Londres décrits par Jack London qui y avait effectué un reportage, et montre des conditions vie qui peuvent rivaliser, pour la brutalité et l'indignité, avec ce que rapporte Soljénitsyne dans l'Archipel du Goulag. Aldo Sterone attire l'attention sur le fait qu'à la différence du tiers-monde, qui conserve des modèles de société traditionnels et solidaires, les européens ont largement perdu l'habitude de compter les uns sur les autres, et se hâtent souvent de seconder l'Etat dans ses manoeuvres oppressives: ils voient dans leur prochain un enquiquineur ou un contrevenant, qu'il faut dénoncer, car c'est à cause de lui que tout va mal.
Le reportage de Vincent Lapierre m'a fendu le coeur, cette horreur s'est passée dans la Drôme, dont je suis en partie originaire, dans un petit village, et je n'arrive pas à me mettre dans la tête que les malfaiteurs qui ont chez nous confisqué le pouvoir, la culture, la presse et la justice depuis des décennies, ont finalement réussi à transformer un pays béni des dieux en coupe-gorge de plus en plus misérable, dangereux et totalitaire. Je regardais ces gens simples, ces braves gens bouleversés qui témoignaient de l'affaire et de leur désarroi, et je me sentais complètement solidaire. Comment est-ce arrivé, et comment en sortir? Comment c'est arrivé? Peu à peu, en dupant les gens et en les endormant. C'est contre ceux qui font profession de penser que je suis le plus en colère, je pense à leur mépris, à leur prétention, à leur conformisme, à leur total manque de coeur derrière les grands mots affichés. Et lorsqu'arrive cette imbécile qui accuse Lapierre d'être "d'extrême droite", je ne peux pas m'empêcher de regretter qu'elle n'ait pas pris le coup de couteau à la place du gentil petit joueur de rugby de seize ans. Un de plus sur la longue liste des enfants égorgés ou battus à mort.
Le plus désolant, c'est que lorsque des personnes d'origine arabe se solidarisent avec nos victimes contre leurs bourreaux, ils se font néanmoins traiter par certains de tous les noms. Quelqu'un m'a expliqué que gentils ou pas gentils, c'étaient des envahisseurs et qu'on ne voulait pas en entendre parler, ni avoir des relations avec eux. Malgré toute mon horreur de l'invasion, et ma tristesse, et ma colère, je n'arrive pas à raisonner de cette manière. Les gens qui se veulent français, qui choisissent notre camp, je ne peux pas les insulter ou les molester.
Les Français que je préfère, à l'exception de quelques rares intellectuels qui nous font encore honneur par leur intelligence et leur courage, ce sont justement les gens que l'on voit sur cette vidéo, des gens simples et honnêtes qui ne comprennent pas qu'on les ait mis dans une situation pareille.
Comment en sortir? Je ne cesse de dire aux Russes de revenir à leur russité, à leur culture spécifique, à leur culture paysanne, à leur folklore et à leur foi orthodoxe, tant qu'ils peuvent encore le faire. A tout ce qui les unissait. Mais je me demande ce qu'il reste en France de culture spécifique, de culture paysanne, et surtout de foi, quand je vois le curé de cette église de Rouen profanée et saccagée affirmer qu'il "ne s'agit pas d'un acte antichrétien", ou quand je vois cette vidéo d'Eric Veraeghe où l'on explique comment le pape François entend modifier les conditions d'élections du conclave pour barrer le chemin à un successeur plus conservateur qui pourrait réparer tout le mal qu'il fait. En réalité, si j'ai de l'estime ou de l'affection pour certains catholiques, vivants ou morts, j'ai la certitude que l'Eglise de Rome s'est profondément fourvoyée, et que c'est la raison première de la dérive qui nous a amenés, en quelques siècles, là où nous en sommes. Cette dérive peut fort bien nous entraîner nous aussi, je veux dire nous, les orthodoxes. Certains s'emploient à nous miner de l'intérieur, tandis qu'ils persécutent l'Eglise d'Ukraine et cherchent à l'anéantir pour lui substituer le machin de Bartholomée. La Russie, depuis que Pierre le Grand l'a mise à la périphérie de l'Europe, se trouve aussi à la périphérie du maelström.
Le journaliste ukrainien Igor Drouz publie justement un article sur les dérives arc-en-ciel et woke de la secte Doumenko, et je ne doute pas qu'en Russie aussi, nous ayons de fervents adeptes de ce genre de fantaisies: c'est occidental, c'est libéral, c'est cool, c'est ouvert, c'est tolérant, c'est in.
Aldo Sterone je l’écoutais un peu il y a longtemps. Il n’est pas idiot mais ça part dans tous les sens et le mec n’est pas conséquent, et au fond pas franc. Il crache en Occident dans la soupe au lieu de vivre son tiers-mondisme. Et puis la tiers-mondisation de l’Occident c’est d’abord parce que nos élites xenolatres ont importé le Tiers-Monde ici ; et ça je ne crois pas qu’il en ait parlé.
RépondreSupprimerDriss Ghali est beaucoup plus intéressant et surtout plus franc que l’Algérien "Sterone".
Le Courrier des Stratèges j’ai été abonné un an, et puis leur anti-occidentalisme borné, quasi mécanique, et pseudo savant, m’est devenu tout à fait insupportable, alors même que l’Islam humilie, viole, assassine chaque semaine nos femmes, nos enfants, et même nos professeurs maintenant.
Crépol ça n’était pas un attentat sous faux drapeau, le genre de spéculation qui fait bander Verhaeghe, qui ne s’intéresse pas à Crépol, ou Dublin. Il est tellement plus malin que ça ! Je l’ai mouché sous une vidéo où il est sorti, comme la plupart du temps, de son domaine de compétence. Il se piquait d’Histoire en évoquant la figure historique de Stilicon, l’étranger qui, sous-entendait Verhaeghe, aurait sauvé l’Empire romain de lui-même si les Romains décadents ne l’avaient pas assassiné. Le sous-texte : en 2023 les étrangers bien intégrés en France peuvent nous sauver de nous mêmes, nous qui sommes devenus décadents. Ben voyons. Ne parlons pas d’Arras, de Crépol, de ce pathos, des raids meurtriers des petits Mahometans. Tout cela c’est l’écume des choses pour nos grands géopoliticons, nos Stratèges en pot de chambre.. Il détourne le regard en fait Verhaeghe. Je crois qu'Il se ment à lui-même et qu'il adore faire son intéressant impertinent.
J’ai démoli sa leçon d’Histoire appliquée à notre temps en l’informant que l’Empire romain d’Orient avait survécu un millénaire à l’assassinat d’Aspar, l’équivalent à l’Est de ce qu’avait été Stilicon à l’Ouest. Ça l’a vexé comme un pou et ce grand esprit m’a répondu en message privé par des insultes et des menaces.