Translate

mardi 4 mars 2025

Le chemin du ciel

 

le chemin du ciel

Je suis entrée dans le carême sans grand enthousiasme, comme d'habitude, mais hier, j’ai prié avec recueillement, et j’ai repris mes icônes en souffrance. Je ne voulais pas manger jusqu’au soir, mais vers trois heures, j’ai cédé et grignoté des noisettes avec du thé. En partant à l’église, je me le reprochai : «Tu vois, tu es nulle, tu n’as pas tenu le coup. Si tu l’avais fait, maintenant, tu serais fière de toi. » Et aussitôt, j’ai ri : « Mais justement, s’il y a une chose qu’il ne faut pas être le premier jour de la lecture du grand Canon, c’est fier de soi ! »

J’avais emporté le triode en français, et j’ai suivi la lecture sans problèmes. La voix de notre évêque est si inspirée et si douce... La vieille Antonina m’a souhaité un bon carême et les forces pour le faire. « Oui, c’est bien de cela que nous avons besoin, à notre âge ! »

Tout-à-coup, j’ai senti un afflux de joie et de confiance, j’ai pensé à ce qui venait de m’arriver, juste avant de partir. La mère Hypandia pensait que j’avais mon chemin spirituel particulier. Et il m’apparaissait que, si en plus d’être l’étoile de Pereslavl que l’on vient filmer et que l'on invite inexplicablement à chanter ou à raconter sa vie, j’étais aussi un parangon de vertu chrétienne et une ascète de premier ordre, je deviendrais complètement insupportable, comme tous ces histrions et ces intellectuels de broussaille qui la ramènent, et passent leur temps à défendre n'importe quelle mauvaise cause pourvu que leur ego surdimensionné y trouve matière à se pavaner. Mais Dieu a pris soin de ne pas me donner de succès trop tôt, d’une part, et m’a faite faiblarde, gourmande, lâche et indisciplinée d’autre part, de sorte que je pourrais difficilement avoir la grosse tête à un point trop gênant. Il m’apparaissait aussi qu’en dehors de mon témoignage littéraire, j’avais une petite mission à remplir, une petite mission à ma mesure, unir mes efforts à ceux de mon père pour sauver notre famille, qui ne prie pas, malheureusement.

Monseigneur m’a dit, en me donnant sa bénédiction : «Ah ! Vous lisez le texte en français !

- Eh bien oui, car en slavon, je ne comprends pas grand chose !

- Mais nous non plus ! Si nous comprenions tout, nous vivrions déjà tout autrement ! »

Son sermon a porté sur quelque chose comme la responsabilité collective de Dostoievski. C'est-à-dire que nous nous repentons non pas seulement de ce que nous sommes mais de toute l'humanité depuis les origines, car si incrompréhensiblement atroces que nous paraissent certaines personnes, nous sommes tous dans le même autobus...

L’actualité devient une véritable danse macabre, un sabbat de sorcières. Les eurocrates font de leur répugnant démon de Kiev un héros, ils mentent dans des proportions mirifiques, avec un aplomb extraordinaire, je crois qu'ils comptent sur leurs parrains plus ou moins occultes, or si puissants que soient ceux-ci, ils sont sérieusement attaqués par Trump et son équipe, nous assistons à un combat de tyranosaures, auprès desquels s'agitent d'affreux petits charognards glapissants, ce n'est pas un spectacle pour les personnes sensibles. Peu leur importe de sacrifier des millions de gens, pour eux, nous ne sommes que du bétail, l'important est de noyer dans le sang les traces de leurs crimes et de maintenir les foules dans l'hébétude en répétant toujours les mêmes incantations. Et de fait, les bobos gogos continuent à se détourner, « le regard vitreux », comme dit Ariane Walter, lorsqu’on leur donne les preuves de leurs méprises, que ce soit à propos du covid ou à propos de l’Ukraine. Ces révélations pourraient leur faire exploser la cervelle, si profondément programmée qu’elle ne sait plus fonctionner seule depuis bien longtemps. J'ai parfois l'impression d'avoir des hallucinations quand je lis certains commentaires des "abonnés du Monde" sur la Russie et l'Ukraine. Tant d'ignorance délibérée et tant de prétention... Dostoievski avait bien raison de dire que la bêtise peut quelquefois devenir un crime.

Heureusement que je suis ici, et pas là-bas, pour les gens lucides, cet esprit de secte est totalement insupportable. Je pense sans cesse à Tartufe, la pièce de Molière. Au bourgeois envoûté par le faux dévôt qui, à toutes les preuves qu’on lui donne de la vilenie de son gourou répond invariablement « le pauvre homme » et n’ouvre les yeux que le jour où celui-ci lui signfie qu’il lui a pris tous ses biens et le mettrait à la rue, sans l’intervention providentielle du roi. Mais la France n’a plus de roi, et se retrouvera dehors de chez elle. 

Cependant, l’orientation de mon carême sera de prendre mes distances par rapport à cet abominable cirque, de confier à Dieu notre sort, et aussi celui de la malheureuse Europe. 

J’ai vu que les arbres, qui communiquent entre eux, ont probablement une forme de pensée, ils réagissent à la musique. Les éléphants ont conscience de la mort, ils rendent hommage aux restes des leurs, et les identifient comme tels. Et que faisons-nous des arbres, et de tout le reste, de toute cette merveilleuse création, de cet organisme dont nous sommes une partie consciente et théoriquement capable de vie spirituelle ? Trop souvent même les croyants ne prêtent aucune attention aux autres formes de vie, alors que je me sens si profondément reliées à elles, et si profondément responsables de mon existence devant les leurs; si coupable et impuissante devant ce que nous leur faisons subir. Je parlais du salut de ma famille, mais je prie aussi pour tout ce qui existe, pour les animaux malheureux et ceux qui s'en occupent, et se font insulter et moquer, et même pour les arbres, pour que Dieu veuille bien mettre un terme au saccage et aux cruautés qui s'exercent sans fin sur sa splendide création et ses innocentes créatures. Elles attendent de nous tout autre chose que ce que nous faisons d'elle. Elles nous aiment, elles nous font confiance.


4 commentaires:

  1. Merci Laurence!!!Tout à fait en phase a vec toi...

    RépondreSupprimer
  2. Bravo pour votre interprétation de la lamentation d'Adam.
    A propos de slavon, connaissez-vous la musique d'Arvo Pärt ?
    Son Kanon Pokajanen est un sommet de la musique sacrée contemporaine et témoigne du profond attachement de Pärt à la foi et à la tradition liturgique orthodoxe.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, je l'adore, il nous fait passer dans l'autre monde

      Supprimer
  3. Quel beau texte Lolo Il m a fait aussi bien rire que réfléchir et nourrie
    C est du Guillon , premier crû
    Je t embrasse

    RépondreSupprimer