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dimanche 2 mars 2025

Lamentation d'Adam

 

Monastère de la Trinité-Saint-Daniel

En France, les vieilles demeures, les châteaux, les fermes, commencent à tomber en ruines, à cause de la spoliation sournoise des impôts sur l’héritage : on ne peut plus transmettre des bâtiments déjà en soi difficiles à entretenir, et les tribus de barbares viennent y tracer leurs immondes tags triomphants. On plante partout des éoliennes qui hachent les oiseaux, stérilisent la terre, détruisent les plus beaux sites... au nom de l’écologie. Ils font aussi d’énormes fermes de panneaux solaires qui transforment des hectares en désert de verre brûlant. Au nom de l’écologie. J’ai vu une photo de ce que cela donne en Inde, il y a de quoi hurler de désespoir. J’ai vu aussi un éléphant charger un engin qui détruisait sa forêt. Maudite espèce que nous sommes, j’ai honte d’en faire partie et d’être parfois inconsciemment complice de ceux qui nous font un monde pareil. J’en viens à ne plus tellement réagir, je m’attache aux vidéos concernant ce que j’aime en France, les gens simples honnêtes, inventifs, créatifs, qui font de beaux métiers ou trouvent des solutions aux problèmes que posent les autres à tout ce qui vit. Et en Russie, aux folkloristes, aux soldats, aux prêtres et moines qui ne font pas trop dans le prêchi-prêcha. A tous ceux qui restaurent, sauvent et conservent, qui aident et découvrent. Et ce ne sont certainement pas les histrions gogos et les intellectuels de broussailles qui s’agitent comme des asticots sur le cadavre de notre civilisation qu’ils détestent et déshonorent.

Je suis allée avec Katia fêter la Maslenitsa au village de Davydovo, entre Rostov et Ouglitch. Il faisait un soleil radieux de mois d’avril. Davydovo est une communauté, avec une ferme, et aussi un centre pour les autistes et autres handicapés. Le folklore y fait partie de la vie, il est pratiqué régulièrement, il accompagne les fêtes tout au long de l’année. Les enfants grandissent avec. Katia me disait que les garçons d’une de ses amies n’allaient pas à l’école, on les instruit à la maison. Pas de télé, pas de smartphones, pas d’ordinateurs. Elle les trouve sauvages, mal socialisés. Alors qu’à Davydovo, même si la communauté vit à l’écart, les enfants sont nombreux et ont l’habitude de fonctionner ensemble. En effet. Personnellement, je pense que l’école est en soi une aberration, une violence exercée sur les enfants, j’en garde un souvenir épouvantable. Cependant, quand j’étais institutrice, je professais que dans le monde où nous vivons, il fallait y aller pour en prendre l’habitude, en connaître les codes. Maintenant, l’école est devenu une telle machine à fabriquer des abrutis et des névrosés que je préconiserais l’instruction à la maison. Mais le problème se pose ensuite de l’adaptation relative, au moins pour avoir la paix, à ce monde de dégénérés. Si on veut vivre à l’écart de ce cirque, mieux vaut se constituer en communautés. Mais tenir compte aussi de ce qui se passe à l’extérieur.

En tant que vieille sans enfants, mon souci est à présent de maintenir tout autour de moi tant que je vis un microcosme harmonieux et relativement à l’abri de la stupidité, de la laideur, de la brutalité et de la cacophonie que le diable fait proliférer partout. De transmettre, de témoigner. D’analyser. Pour ce qui concerne l’analyse, d’ailleurs, c’est peut-être plus le boulot de Slobodan Despot... Je pense qu’il faut essayer de monter vers les cieux, sur les ailes de la prière et de la poésie, tant que cela reste possible.

Katia craint que le gouvernement russe ne soit infiltré par la caste, comme tous les autres, c’est la thèse de Nicolas Bonnal, sinon au service direct, du moins contraint de s'aligner sur les orientations générales. Je le crains également, en tous cas, l'ennemi n'est pas seulement à Bruxelles ou à Kiev. Ce décret qui autorise le saccage du patrimoine est un très mauvais signe, le premier ministre qui l'a signé aussi, intrinsèquement, et quand je l’avais vu apparaître, au moment du covid, quand Poutine prenait l’air d’un mannequin figé pour nous annoncer notre soumission aux mesures de l’OMS, j’avais éprouvé pour la première fois de sérieux doutes sur l’indépendance du pays. 

Néanmoins, Katia et moi sommes d’accord pour considérer que la guerre qui se mène « au nom du monde russe et des valeurs russes » dont le premier ministre semble se foutre outrageusement, est effectivement une guerre nécessaire et sainte, que la Russie, telle qu’elle est, est le dernier bastion du christianisme, et que si elle est défaite, elle deviendra une immense Ukraine, en proie à toutes les horreurs possibles, à toutes les persécutions, et au pillage organisé de tous nos « amis » occidentaux.

Rien ne m’exaspère plus que de voir Zelenski qualifié d’Ukrainien et de patriote, alors qu’il est ukrainien comme moi je suis bantoue, et participe à un génocide de slaves concerté et planifié, en tant qu'homme de main qui s'en fout plein les poches et partira demain se dorer la lune en Israël, si quelque justicier ne lui fait pas la peau d'ici-là. 

Une brave Russe m’a envoyé une citation de saint Jean de Cronstadt qui m’a fait froid dans le dos, en cette veille de carême. Tout est péché, l’amour des jolies choses, des tableaux, des meubles, des fleurs, des vêtements, et aussi sans doute de son conjoint, de ses enfants et de ses chats. Quand je lis ce genre de choses, je me demande comment j’ai fait pour épouser le christianisme et la foi orthodoxe. C’est que je n’avais pas cette impression, à la lecture de Dostoiveski, ni au vu des icônes, des églises brillantes et décorées, pleines de fleurs, de lampes, de cierges et de vapeurs d’encens. Je pense que naturellement, il ne faut pas placer l’amour des choses créées au dessus de celui qu’on doit porter au Créateur, mais cracher sur ses créatures et faire fi de la conformation qu’il nous a donnée, est-ce bien souhaitable ? J’aime mes fleurs, j’aime m’entourer de beauté, la laideur me désespère et m’accable, la beauté m’exalte et m’inspire, j’aime les chats, les chiens, mes proches, si j’avais eu des enfants, je les aurais aimés aussi, et je leur aurais fait des câlins sans avoir l’impression d’offenser Dieu. Quand je lis ce genre de citations, j’ai l’impression que la vie est en soi un péché dans toutes ses manifestations, et si cela m'était tombé sous les yeux au moment où je suis devenue orthodoxe, peut-être serais-je partie au grand galop. Je pense souvent au film le festin de Babette, où de bons protestants scandinaves charitables mais rigoureux, terrifiés par le péché, connaissent la joie des plaisirs de la table partagés dans l'amitié, grâce à une cuisinière française qu’ils avaient recueillie et qui leur offre un repas somptueux pour les remercier.

Le monde où nous vivons, tel qu’il devient, conviendrait sans doute à ce saint homme : tout y est si moche, si désespérant qu’en effet, nous n’aurons bientôt plus envie de vivre, et devrons trouver la beauté en nous, tout le monde n’est pas capable de le faire, d’autant plus quand on n’en a même pas idée. Lui qui vivait dans un monde d’une beauté féerique, je me demande ce qu’il dirait en découvrant l’enfer où nous nous enfonçons?

C'est aujourd'hui le dimanche du pardon, celui de la lamentation d'Adam, cahssé du paradis. J’entre dans le carême à reculons, et dans la tristesse. Hier soir, au lieu d’aller aux vigiles, j'ai assisté au concert de musique ancienne au bar du café. Et en plein milieu du concert, saignement de nez. Heureusement, cela s’est vite arrêté, mais j’étais tachée de sang, coup de bol, j'avais une écharpe rouge.

J’écoutais cette musique et revoyais des châteaux de France, celui de Grignan, celui de Suze-la-Rousse, des villages fleuris de roses trémières et de géraniums, tout le raffinement et la douceur de vivre de notre pays en train de sombrer dans la folie, cravaché à sa perte par les démons de l’eurocratie, dont Nécron est sans doute le plus ignoble, avec sa tête de bellâtre faux-jeton et ses discours impudemment et délibérément mensongers et perfides. 

Après quoi, je suis allée aux « Boyards » avec Katia, elle avait faim. Moi pas, j’avais mangé au café, mais j’ai pris un thé et un dessert pour lui tenir compagnie. Elle m’a dit que le Chat n’avait pas toujours bon moral, et ses parents, dont il est le fils unique, non plus. Il n'y a pas d'aumônier, là où il se trouve, cela lui manque. Elle a pris l’habitude de dire ses prières avec lui sur Telegram, pour l’accompagner dans son épreuve. Dieu fasse qu’il revienne en vie, que saint Michel le protège.



Nous avons évoqué la folie des eurocrates, leur mensonges impudents, les gens qui, là-bas, les croient encore, de peur d’ouvrir les yeux; là-bas et ici, malheureusement. Ces gens qui ne sont plus ni français ni russes, mais du diable, de ce mal qui ne cesse de couler de l’abcès ukrainien comme du pus, qu’ils y participent activement, ou qu’ils en soient les complices hagards, indépendamment de leur niveau intellectuel. D’ailleurs, ce sont souvent les intellectuels les pires. Comme en 1917.

Au matin, c’était la liturgie épiscopale, j’ai eu le temps de me confesser auprès du père Alexeï, qui, en dépit de ses raideurs militaires occasionnelles, est profondément gentil. Je lui ai dit, entre autres, que je me faisais une petite crise d’acédie, de lassitude morale. Il a hoché la tête avec compréhension. L’évêque a observé qu’il ne me voyait pas souvent. Pourtant, je suis tous les dimanches à l’église, je manque trop souvent les vigiles, et parfois, je suis dans une autre église. Il m’a vue d’ailleurs chez le père Serge, quand j’ai présenté Tania. Un de mes objectifs de carême est d’aller assidument aux offices, car pour ce qui est du jeûne, je ne pourrai pas le faire comme une jeune fille pleine de zèle, j’observerai les préceptes du médecin.

Il y a, à l’église, une petite femme qui respire la joie et la bonté, à un point qui me sidère, comme une petite lampe allumée en permanence, et elle me salue chaleureusement, comme si elle me connaissait bien, elle me connait sans doute par le coeur. La communion m’a apaisée, je m’en suis remise à Dieu pour tout. 




Assis devant le paradis

Pleurait Adam et chantait :

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis !

C’est pour moi que tu fus créé,

C’est par Eve que tu me fus fermé. 


 Je ne vois déjà plus

 Les nourritures paradisiaques,

Je n’entends déjà plus, 

Les voix archangéliques


 J’ai péché, Seigneur, j’ai péché, 

Dieu miséricordieux,

 Pardonne à celui qui déchut !

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis... 



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