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dimanche 11 février 2018

Lettre à l'higoumène de saint Cyrille du Lac Blanc

Saint Cyrille du Lac Blanc, photo du site du monastère
Après le canon à l'archange Michel, je découvre la lettre fleuve écrite par Ivan le Terrible à l'higoumène de saint Cyrille du Lac Blanc, Kozma. Dans mon livre, saint Cyrille a un higoumène modèle qui s'appelle Ephrem et pas Kozma, et d'après la lettre du tsar, Kozma aurait des leçons à prendre auprès d'Ephrem. Si le tsar a expédié (selon l'une des versions de sa fin) Feodor Basmanov au lac Blanc, pas sûr qu'il y ait trouvé le réconfort spirituel que je lui donne!
Cette lettre m'intéresse beaucoup, plus que celles que le tsar avait adressées au traître Kourbski, et j'en retire l'impression qu'il devait pouvoir être sympa, oui, je la trouve plaisante, cette lettre, c'était bien un être double, en guerre contre lui-même, et peut-être, ainsi qu'il le pensait, victime du pouvoir.  . Mon intuition que, malgré ses débordements, il avait une nature idéaliste, y trouve sa confirmation. Il m'est revenu ce que disait un psychiatre ami de mes parents, dans mon enfance, à mon propos: "Ce qui est ennuyeux avec les idéalistes, c'est que lorsqu'ils sont déçus, ils basculent dans l'autre sens!" Le tsar basculait dans l'autre sens avec l'ampleur et la générosité du tempérament russe, sans demies mesures.
Il semble que sa religiosité était tout à fait sincère. Il soupirait vraiment après le monachisme, et comme j'en ai eu l'intuition, justement parce que la règle monastique et la clôture lui paraissaient le seul moyen de se mettre à l'abri des passions graves qui le tourmentaient et que le pouvoir ne lui donnait pas d'espoir de refréner. Il plaçait le monachisme et les moines très haut, et c'est avec une douloureuse colère qu'il engueule Kozma au sujet de certains princes et boïars enfermés là bas qui y menaient une vie de sybarites.
Apparemment, il répond à l'higoumène qui lui avait écrit à ce sujet. Autant, semble-t-il, il plaçait haut la gent monastique et exigeait d'elle qu'elle correspondît à ses attentes, autant il méprisait princes et boïars, comme l'antithèse de tout ce qu'il respectait dans la vie. A voir ce qu'il pensait du prince Cheremétiev et de sa famille, on comprend qu'il eût été ensuite furieux contre son fils Ivan, qui avait choisi comme épouse une fille de leur clan.
"La lumière des moines, ce sont les anges, la lumière des laïcs, ce sont les moines. " Ainsi c'est à vous, nos souverains, qu'il convient de nous éclairer, nous autres, égarés dans les ténèbres de l'orgueil, et plongés dans la vanité pécheresse, la gourmandise et la licence. Alors que moi, chien puant, à qui pourrais-je faire la morale, qui enseigner et comment éclairer? Je vis  moi-même constamment dans l'ivrognerie, la luxure, l'adultère, les saletés, les meurtres, les pillages, les enlèvements, la haine, et toutes sortes de méfaits". Voilà qui est dit, au moins, il ne le nie pas!
Cette lettre est extrêmement vivante, presque moderne dans l'expression, malgré un contexte, un vocabulaire et des références médiévaux, elle est naturelle et spontanée, on a l'impression de l'entendre. Il évoque une conversation qu'il avait eue avec des moines dans ce monastère qu'il affectionnait particulièrement:
"Vous vous rappelez bien, pourtant, saints pères, comment il m'arriva un jour de venir dans votre très vertueux monastère de la très pure Mère de Dieu et du thaumaturge Cyrille et comment, par la grâce de Dieu, de la très pure Mère de Dieu et les prières du  thaumaturge Cyrille, j'obtins au sein de mes sombres et sinistres pensées une petite éclaircie, aube de la lumière de Dieu, et ordonnai à l'higoumène d'alors, Cyrille, avec quelques uns d'entre vous, mes frères (il y avait alors avec l'higoumène Josaphat,  l'archimandrite de Kamen Serge Kolytchov, toi, Nicodème, toi, Antoine, et d'autres dont je ne me souviens pas), de vous rassembler en secret dans une des cellules, où je vous rejoignis moi-même, quittant l'agitation et le trouble du monde; et dans une longue conversation, je vous découvris mon désir d'être tonsuré et éprouvais votre sainteté, maudit que je suis, avec mes paroles impuissantes. Vous m'aviez décrit la sévère existence des moines. Et quand j'entendis parler de cette vie divine, mon âme maudite et mon coeur immonde se réjouirent aussitôt, car j'avais trouvé la bride de Dieu pour mater mon incontinence et un asile salvateur. Je vous communiquai avec joie ma décision: si Dieu m'accorde en cette vie d'être tonsuré, je le ferai seulement dans ce très vertueux monastère de la très pure Mère de Dieu et du thaumaturge Cyrille; vous aviez alors prié. Et moi, maudit, j'avais incliné ma tête immonde et j'étais tombé aux pieds de votre higoumène d'alors, Cyrille, qui était aussi le mien, demandant sa bénédiction. Il avait posé sur moi sa main et m'avait béni, comme tout homme qui venait prendre l'habit."
Il me semble que le tsar exprime là une nostalgie tout à fait sincère, un souvenir qui lui tenait chaud et qui ne lui paraît pas compatible avec les minables histoires de Cheremetiev et autres Sobakine, qui ont la chance de pouvoir faire ce dont il rêve, se retirer au monastère, et n'en profitent pas, mais recréent là bas, dans son monastère idéal, un monde qui l'écoeure, lui, le tsar, et au sein duquel sa nature et sa fonction ne lui permettent pas de surmonter ses passions.
C'est là ce que je trouve très émouvant chez ce personnage, sa nostalgie de la pureté, de la sainteté, la conscience qu'il a de ses péchés, auxquels il est livré sans défense, car sa seule possibilité de salut serait dans le retrait du monde et l'obéissance consentie. J'ai eu l'intuition de ce trait psychologique: Il n’avait aucune envie de s’enfermer dans un monastère mais comprenait soudain pourquoi le tsar en rêvait, et ce que voulait dire, pour lui, être délivré par l’obéissance et le renoncement au monde. Il avait cru que le monastère était fait pour des héros de la foi capables de se passer de tout, il était surtout destiné aux êtres pourris de passions, convaincus qu’ils ne leur échapperaient jamais sans la protection d’une communauté, d’une règle, et d’un père spirituel attentif. Le tsar savait cela, lui, depuis longtemps.
Le tsar raconte également: "Et quand, dans notre jeunesse, nous sommes venus la première fois au monastère saint Cyrille, nous avons été une fois en retard pour le dîner, car chez vous, à saint Cyrille, on ne peut distinguer l'été le jour de la nuit, et aussi, à cause des habitudes de la jeunesse. Et à ce moment-là, l'aide de l'économe était Isaïe Nemoï. Et voilà que l'un de ceux qui étaient en charge de ma table demanda des sterlets, et Isaïe, à ce moment-là, n'était pas là, il était chez lui, dans sa cellule, et ils eurent du mal à le faire venir, et le responsable de ma table lui demanda des sterlets ou un autre poisson. Et lui répondit: "Je n'ai pas reçu d'ordre dans ce sens; ce qu'on m'a demandé, je l'ai préparé, et maintenant c'est la nuit, pas possible d'en trouver. Je crains le souverain, mais il faut craindre Dieu davantage." Voilà quelle règle vous aviez dans le temps: "Même devant les rois, il n'avait pas peur de dire la vérité", comme disait le prophète. Au nom de la vérité, il est juste de faire des objections aux tsars, mais pas au sujet d'autre chose. Et maintenant, vous avez Cheremétiev qui trône comme un tsar dans sa cellule, tandis que Khabarov et autres moines viennent le voir pour boire et manger comme dans le monde."
Ce passage me touche, j'imagine ce jeune tsar, piégé par les nuits blanches de juin, sans doute était-il dehors, avec sa suite, à profiter de l'interminable crépuscule, et voilà qu'il se faisait ensuite remoucher par le moine Isaïe, qu'on avait arraché à ses prières. C'est drôle, il me semble que je n'ai pas tort de le plaindre, il me semble dans sa lettre qu'il est tout à fait malheureux et écoeuré de sa vie, et qu'il ne sait comment en sortir, ou plutôt, il sait qu'il n'en sortira pas et que, comme dans mon livre, il se damne à la place des autres, avec au coeur deux taches de soleil: son amour conjugal avec Anastasia et son monastère idéal où il ne trouvera pas refuge.

mercredi 24 janvier 2018

Fédia et son royal protecteur ne hantent pas que moi

J’ai trouvé des dessins sur le tsar et Fédia qui semblent issus d’une bande dessinée ou sont peut-être le projet d’une bande dessinée.  J’aimerais assez la lire. Fédia apparaît comme un sale gosse et séduit le tsar par son humour cynique et son extraordinaire impudence. Le tsar n’en manque pas non plus, d’humour,  je suis d'ailleurs persuadée que c’était bien le cas. Fédia, n’ayant pas compris qu’il était devant le souverain, lui fait des tas de considérations insolentes, suggérant que le tsar, plutôt que de se remarier, s’intéresse à quelque chose de plus nouveau, puis demande : « Et comment t’appelles-tu, mon cher ?
- Ivan Vassiliévitch.
- Comme le tsar ?
- Comme le tsar, nous nous ressemblons de façon suspecte.
- J’espère que tu ne lui ressembles pas trop, on dit que c’est un vieux bigot.
- On le flatte… »
Ensuite, un dessin les représente ensemble. Fédia lui dit : « C’est quand même une honte, notre père le tsar, j’ai dansé habillé en femme comme une dévergondée maudite, tous ça c’est la faute de l’hydromel et du Romanée italien…
- Ne te mets pas martel en tête, Fédka, sobre ou non, je t’aurais pris de toute façon, si cela peut te tranquilliser… »

Mais comme dans mon livre, cet affreux garnement tient aux enfants qu’il a par la suite et se fait du souci pour eux, à l’idée des conséquences sur leur destin d’une éventuelle disgrâce suivie d’une éventuelle exécution…



J'ai trouvé que l'auteur est une femme qui fait des bandes dessinées, sous le pseudonyme de Phobs. Ses dessins sont très talentueux et vivants, et j’observe que tous les gens qui s’intéressent à cette histoire, sauf sous un aspect décadent tout à fait décalé par rapport à l'époque, en voient les protagonistes plus ou moins de la même manière, avec le même physique, avant d'avoir regardé la BD, je me figurais Vania Basmanov, le fils de Fédia, bouclé mais blond.  Comme s’ils s’imposaient à nous de là où ils sont. Ce qui m’intéresse, c’est que l’auteur des dessins a porté attention comme moi à la vie familiale de Fédia, au fait peu connu qu’il a été marié et qu’il a eu des enfants. Le mien est davantage une victime, mais il se peut que ce soit elle qui ait raison. Encore que non… Peut-être la vérité est-elle à mi chemin entre elle et moi. Mais que Fédia ait aimé ses enfants et que cela lui ait posé de gros problèmes, c’est très probable. Phobs semble aussi, comme moi, envisager dans un de ses dessins, une animosité entre Basmanov père et fils due à une raison inavouable, ce qui jette un autre éclairage sur le destin du garçon et son histoire avec le tsar, et en fait quand même une victime quel que fût son comportement ultérieur. Cette idée nous est venue à toutes les deux, sans que nous ayons jamais eu l'occasion d'en parler!
Je pense personnellement qu’il aimait le tsar, comme celui du film d’Eisenstein, qu’il l’aimait comme un chien de garde. Le mien est peut être plus médiéval, le genre de cynisme qu’il affiche dans la BD est au fond très moderne. Un jeune homme du XVI° siècle plaisanterait-il sur la fortune et le pouvoir du tsar ?
Dans un cas, celui-ci est séduit par l’insolence et la drôlerie cynique du morveux. Dans l’autre, par son adoration  pour sa personne, un mélange de sauvagerie, de dévouement enfantin et de vulnérabilité. Encore que le mien n'est pas dénué non plus d'insolence, en certaines occasions.

Le tsar détourna les yeux pour se donner le loisir de réfléchir à la situation. Il sentait que Basmanov guettait sa réaction, ce qui était bien naturel, pour un père désireux de caser son fils auprès du souverain, mais quelque chose l’alertait, ou l’intriguait, dans l’expression de son fidèle soudard : « Aliocha, lui dit-il, laisse-moi donc parler un peu seul avec le petit… »
Une lueur passa  dans les yeux de Basmanov, qui esquissa un sourire, s’inclina et sortit. Le tsar décrivit deux ou trois voltes autour du jeune homme immobile. Ce gosse avait fait la guerre, manié des armes, il avait le teint hâlé, un poignard à la ceinture, un sabre au côté, c’était un vrai garçon, avec de grosses bottes et de grandes mains; il ferait très bien derrière son trône, avec son uniforme blanc et sa hallebarde, il ne voyait à tout cela aucun problème et il ne comprenait pas son malaise : « Tu veux me servir, Féodor ?
- Oui, souverain.
- C’est ton père qui t’y pousse ?
- Il m’y pousse.
- Et cela te plairait ?
- Tu es mon tsar… »
Le garçon tomba à genoux : « Garde-moi avec toi, souverain, notre père…  Prends-moi chez toi !»
Ses yeux étaient pleins de supplication et de folle espérance. « Chez moi, Fédia ? » Le garçon baissa les yeux, lui saisit et baisa une main d’un geste impulsif. Le tsar plongea l’autre dans ses boucles soyeuses et emmêlées. Il lui inspirait une sorte de tendresse, et depuis la mort de sa femme, sa vie en était complètement dépourvue : « Basmanov te fait la vie dure…
- Oui, souverain.
- Qui aime bien châtie bien… »
Le garçon resserra la pression sur les doigts chargés de bagues qu’il tenait toujours. « Est-ce cela qu’on appelle aimer ? demanda-t-il d’une voix sourde.
- Serait-ce l’affection qui te manque, Fédia, répliqua le tsar avec une ironie amère, est-ce cela que tu viens chercher auprès de moi ?
- Et toi, souverain, n’en as-tu pas besoin toi-même ? »
Stupéfait par l’audace de cette répartie, le tsar resta sans voix, ce qui ne lui était pas habituel. Il tourna vers lui le beau visage penché et en remodela doucement les traits, d’un geste hésitant, fasciné, comme s’il avait douté de sa réalité. Le garçon, qui n’avait pas connu beaucoup de caresses dans sa vie, lui glissa de biais un regard à la fois attendri et farouche. Il défit sans mot dire son caftan et fit glisser sa chemise pour dégager une épaule et exhiber les cicatrices encore perceptibles qu’y avait laissées la cravache de Basmanov. Le tsar les effleura avec une grimace perplexe : « C’est Aliocha qui t’a fait ça ? Il n’y est pas allé de main morte…
- Garde-moi avec toi, souverain, souffla Fédia. Mon père me traite indignement. Il ne voit pas en moi un fils mais… un objet de désir. C’est de cela qu’il me punit. »
Le tsar se rejeta en arrière, et détournant la tête, se signa: « Aliochka… s’exclama-t-il sourdement. Сanaille intrigante et impure !
- Je deviens grand et fort, insista Fédia, j’ai peur d’en venir un jour à le tuer.
- Mon cher enfant, persifla le tsar, en fin de compte, serait-ce vraiment si grave ? »
L’adolescent éclata de rire, et le tsar l’imita. Ils échangèrent un regard complice. Le tsar resserra son étreinte sur ces droites et solides épaules de garçon, une étreinte virile et paternelle, irréprochable. « Alors, dis-moi un peu : ton sinistre père veut t’établir auprès de moi pour que tu le renseignes et pour que tu m’influences, n’est-ce pas ? » Fédia hocha la tête avec un sourire espiègle et des yeux de chat joueur : « Cela se pourrait souverain…
- Mon cher garçon… Je ne dirais pas que c’est Dieu qui t’envoie, car j’en doute un peu, mais je pense que nous serons bons amis. »
Il prit sa pelisse, sur le dossier de son fauteuil, et en enveloppa l’adolescent, qui se redressa fièrement, se drapant dans le magnifique vêtement chamarré et fourré, comme Joseph dans la robe multicolore que lui avait offerte Jacob et que ses frères lui enviaient.

Une amie m'a dit qu'entre eux, c'était une vraie rencontre, au sens où leurs caractères et leurs passés respectifs d'enfants martyrs, qui en avaient déjà beaucoup trop vu à un âge tendre, établissent entre eux de profondes correspondances, donnent à l'un un grand pouvoir sur l'autre, plus fort que celui de vie et de mort sur ses sujets, un terrible ascendant. Mais malgré tout, quelque chose échappe au tsar dans le jeune homme alors même que ce dernier a l'impression de ne pas pouvoir lui échapper. Et en effet, il ne le peut pas, mais il ne peut pas lui appartenir complètement non plus. Ils ne peuvent se sauver ensemble ni se sauver l'un l'autre. Ils sont l'un pour l'autre une sorte de drogue. Chacun d'eux conserve quelque chose de moins irrémédiablement perdu que les damnés de leur entourage, cela les unit, les réconforte, mais l'égrégore que constitue l'Opritchnina est trop implacable, c'est une entité ténébreuse plus puissante que chacun des personnages dont elle est issue. J'aimerais qu'on en vînt comme moi à les aimer et à les plaindre, Fédia étant au fond une hypothèse de moi-même, disons qu'entre eux et moi aussi, il s'est produit une vraie rencontre: celle de ces deux âmes perdues avec une intense petite adolescente de seize ans qu'elles n'ont plus jamais lâchée. Ils ne m'ont pas séduite à ce point par hasard... Pourquoi ai-je moi-même tant aimé le tsar, avec Fédia, à travers Fédia? Quelqu'un me reconnaissait dans les femmes de mon livre, mais non, les femmes de mon livre ressemblent plutôt à ma mère, il est vrai que ma mère était le modèle pour moi de la femme idéale auquel je rêvais de correspondre, mais la petite adolescente d'alors se retrouvait plutôt dans le jeune Fédia, compagnon de débauche et confident d'un impressionnant génie politique et mystique esseulé qui conciliait un idéalisme exigeant, une réelle conscience de sa responsabilité de souverain, un authentique besoin d'affection, de pureté et de bonté, avec une anxiété suspicieuse, des colères déchaînées et d'incontrôlables instincts de bête féroce. J'aurais connu cet homme de son vivant qu'il m'aurait filé une trouille bleue mais Fédia avait grandi avec la brutalité et le danger, il avait grandi un sabre à la main, c'est ce que j'essaie de montrer. Encore que le mien soit aussi terrifié que fasciné par son protecteur...Pourquoi les ai-je aimés? Peut-être parce qu'il fallait bien que quelqu'un le fît et allât au delà de la fascination passionnelle qu'ils éveillent et qui, je l'ai observé sur les pages du net, ne touche pas seulement ma personne. Jusqu'à leur trouver plus de réalité et de présence qu'à pas mal de contemporains en vie sur cette terre, jusqu'à prier pour eux, ou à leur place...
Au fond de tout cela, je sais aussi que Fédia est un Peter Pan sombre. Celui dont j'attendais enfant qu'il vînt me prendre par la main. Et qui reste tétanisé avec moi devant le capitaine Crochet...
Mais nous l'aimons, notre capitaine Crochet, il a de la gueule, il est si fascinant... Il est terriblement malheureux et seul. Il a besoin de nous. Nous nous sauverons ensemble, mon tsar, ton jeune serviteur, toi et moi...
Enfin je l'espère, enfin, si Dieu le veut...
Avant que les jeux soient faits, avant la fin des temps.


Est-ce qu'on décide du livre qu'on écrit ou est-ce lui qui décide de nous?

samedi 4 novembre 2017

Petits spitz et grand tsar...

Ce matin, je vois derrière la vitre du coiffeur un magnifique petit spitz celui qu'il a acquis il y a quelques mois. La féerique petite créature fondait de tendresse devant mon enthousiasme, et tandis que je parlais, m'écoutais avec une attention soutenue et méditative, comme Doggie, et comme Jules... Ces petits chiens sont une des choses les plus belles que j'ai connues de ma vie, une source permanente de joie, d'émerveillement. J'étais à ce point devenue une femme à spitz que je me sens mutilée. Je ne peux regarder le fond du jardin sans penser à Doggie, qui y repose et qui me manque. En dehors d'Ivan le Terrible, les disparus qui m'obsèdent le plus sont ma mère et mes petits chiens...

Je dois quand même m'avouer que mon livre n'est pas terminé. A chaque nouvelle correction, je pense que ça y est, mais non. Le tsar et son favori ne me laissent pas tranquille, à présent surtout le tsar, d'ailleurs. Sans doute Fédia avait-il moins de comptes à régler ou plus de circonstances atténuantes et j'ai beaucoup atténué ses circonstances, peut-être trop, d'ailleurs. Quoiqu'en fin de compte, que sait-on de ce dévoyé couvert d'opprobre par l'histoire? Je vois des gamines entraînées par des islamistes dans l'aventure de Daesh, elles ont parfois seize ou dix-sept ans, elles en avaient peut-être quatorze au moment où elles se sont laissées embarquer, les joyeux guerriers les violaient sans doute à tour de rôle, elles faisaient des enfants en série, comment sortir du guêpier où elles se sont mises à un âge où l'on n'a pas beaucoup de raison? Et des gens les insultent à longueur de commentaires en leur souhaitant les pires outrages et les pires tortures. Admettons que Fédia Basmanov ait eu un père affreux, et qu'il ait été offert par lui au tsar, quel âge avait-il, comment avait-il été élevé, et ensuite, dans l'Opritchnina, entre son père et son impérial protecteur, quelle issue?
Mais le tsar lui-même continue à me tyranniser, ce qui est bien dans sa nature. Tantôt je crains de le noircir, tantôt je crains de trop le justifier. Dernier scrupule: bon, il était moins sanguinaire que le dit la légende, mais était-il moins luxurieux? Pour l'instant, j'ai lu deux articles de plus sur la question, deux articles russes, d'où il ressort que oui, le bougre était luxurieux, et comment! Et que même, Fédia n'était pas le seul jeune homme a avoir "connu" le souverain, en plus des mille vierges qu'il se vantait d'avoir déflorées dans sa vie. Je pense qu'il l'était. Mais je me méfie quand même de ce qu'on raconte. Qui parle de ses travers d'enfant et d'adolescent vicieux en évoquant la possibilité que les boïars qui le maltraitaient étaient seulement des tuteurs pleins de bienveillance dépassés par les défauts de l'affreux garnement? Toujours le prince Kourbski, qui non seulement s'était barré chez les Polonais mais se battait à leurs côtés contre son ancien pays... On aurait pu lui demander pourquoi, à un certain moment, il avait été si proche d'un souverain aussi lamentable.
Le premier article me semble dans la veine de la légende noire, le second me paraît plus nuancé et comporte des détails sur l'époque, le témoignage du premier Anglais à être arrivé à Moscou, profondément impressionné par sa première vision du tsar, qu'il décrit comme une sorte d'idole étincelante sur son trône d'ivoire. Ivan n'avait alors pas trente ans. L'auteur rapporte que pendant sa folle adolescence, le tsar, encore seulement grand-prince, et ses compagnons pratiquaient le jeu du défunt qui parodiait les rites funéraires: l'un d'eux gisait la bouche ouverte garnie de graines de courge en guise de dents et les yeux fermés sur un banc, comme un mort dans son cercueil à qui l'on devait rendre l'hommage d'un dernier baiser, et l'on forçait à cela une jeune fille quand on en avait attrapé une. L'auteur ne croit pas trop à la profondeur du sentiment qui liait Ivan à sa première femme Anastassia: "c'était l'attelage de l'étalon fougueux et de la biche aux abois, et quel étalon!" Eh bien moi, j'y crois, je ne suis d'ailleurs pas la seule. Je crois que cette force de la nature avait besoin de tendresse et de soutien, et gardait la nostalgie de sa mère, de sa nourrice, de sa petite enfance, avant les horreurs qui l'avaient suivie. Qui plus est, on nous dit qu'Anastassia était sage, bonne et pieuse, cela n'implique pas qu'elle fût une tremblante et timide biche aux abois. Elle avait peut-être beaucoup de caractère, elle était sûrement très intelligente, et du reste, elle gênait assez une certaine quantité de gens pour s'être attirée l'inimitié, réciproque d'ailleurs, du confesseur du tsar, et son empoisonnement final, avéré par l'analyse de ses restes.
L'auteur de l'article semble ne pas avoir d'affinités avec l'époque médiévale, et c'est un mauvais point pour lui à mes yeux. Là aussi, il y a deux écoles, complètement contradictoires, mais ce que j'ai pu lire par ailleurs, voir dans les musées, entendre aux dernières conférences d'Alexandrov me persuadent que c'est comme chez nous, si l'on est progressiste, on noircit le moyen âge, le christianisme, les traditions, la paysannerie et tout ce qui s'ensuit. Le tsar Ivan tombe aussi sous le coup de cet amalgame.
Quelqu'une de mes amies trouvait impossible d'admettre que cet affreux tsar ait pu être sincèrement et profondément croyant. En effet, bien que cela ne soit pas incompatible à des degrés divers, dans notre nature humaine. De mon côté, j'en viens à me demander si ce tsar cultivé et intelligent, qui avait réformé le code pénal, convoqué le concile des Cent Chapitres, instauré un impôt dégressif pour faire payer davantage les riches que les pauvres, consacrait une partie de son trésor à faire rechercher et racheter les Russes enlevés par le Tatars et vendus comme esclaves; qui était un fin connaisseur de l'iconographie, vénérait Andreï Roubliov et Théophane le Grec et avait à cœur de conserver leurs oeuvres et d'en transmettre l'esprit, dont le premier réflexe à la découverte miraculeuse de l'icône de notre Dame de Kazan fut d'en admirer la facture et d'en faire exécuter une copie; qui aimait la musique et composait des hymnes religieux austères; qui aimait les livres et fut le premier à en faire imprimer, pouvait vraiment être sans nuances la brute sanguinaire, le bouffon tyrannique et le prédateur sexuel présenté par une partie des historiens ou des intellectuels.
L'article donne un détail qui m'a paru vrai et me l'a un peu restitué. C'était, comme tout noble de son époque, un chasseur invétéré, et il avait toutes sortes de chiens barzoï, de faucons et d'éperviers, et un prince mongol lui avait écrit pour lui demander de lui faire porter quelques rapaces. Il lui avait répondu: "Je n'en ai plus, car il y a longtemps que je ne chasse plus, j'ai trop d'ennuis pour cela."
Je relis ses lettres à Kourbski, pour essayer de m'en faire une idée, et j'aimerais trouver l'ensemble de sa correspondance. A un certain moment, il dit à Kourbski: "quel souverain dans son bon sens ferait un massacre de ses propres sujets?" sous-entendant que son sort était lié au leur, ce qui en effet était le cas. Mais il utilise toutes sortes d'arguments bibliques pour justifier sa sévérité envers les traîtres, et va jusqu'à dire que Kourbski, coupable ou innocent, n'avait pas à craindre de mourir, puisque, dans le deuxième cas, il aurait hérité de la couronne des martyrs, alors qu'en trahissant pour sauver sa peau, il s'assurait la damnation éternelle. Du reste, quelle importance pouvait avoir le fait de vivre un an de plus ou de moins dans cette vallée de larmes?
Mais s'il n'a pas fait de cadeaux aux boïars et aux princes, et si l'Opritchnina était une organisation impitoyable, rien n'indique qu'il ait fait effectivement "un grand massacre de ses propres sujets". On n'en trouve pas de traces écrites irréfutables, et pas de trace dans le folklore, qui au contraire le célèbre, alors que Pierre I fut représenté à sa mort comme le chat enterré par les souris...
L'auteur du second article le compare à Louis XI. Louis XI était probablement plus pragmatique. Il fut également calomnié, d'ailleurs.
Je tourne donc toujours autour de cette énigme royale!
Un autre mystère pour moi est la place qu'il aura tenu dans ma vie, la fascination qu'il aura exercée sur moi, et consciemment ou non, je suis allée m'échouer dans son voisinage historique et probablement spirituel. Je m'en suis affranchie trente ans, mais depuis qu'il est ressorti de sa boîte, il ne me lâche plus, et l'idée me vient que pour m'en délivrer, il faudra aller plus loin que l'achèvement de mes deux livres, les quarantaines et les pannychides commandées au monastère, il faudra le délivrer en me délivrant, prier, accomplir des choses dont je ne connais pas encore la nature...

mardi 17 octobre 2017

Toujours le tsar

Epuisée par mon week-end moscovite, j'ai loupé la première journée de conférences sur l'époque d'Ivan le Terrible, chez lui, à Alexandrov. Aujourd'hui, notre pâtissier ne venant pas au boulot, j'ai commandé un taxi pour aller m'instruire comme il convient.
Le taxi était charmant et nous avons eu de longues discussions, sur Ivan le Terrible, les méfaits du pouvoir, Staline, le communisme, la Russie, la situation mondiale actuelle, la crise des migrants. C'était un communiste modéré, qui regrettait les crimes du pouvoir soviétique, avait parfaitement conscience que ce pouvoir était majoritairement composé de non-russes antirusses, mais il pensait comme j'en viens à le faire, qu'au point où l'on en était, mieux aurait valu ne rien toucher et que tout ce qui était d'intérêt national devrait être nationalisé pour ne pas devenir la proie d'un capitalisme mondialiste libéral déchaîné. Il m'a dit: "les communistes persécutaient l'Eglise, parce qu'elle avait freiné le progrès et protégeait la terre, et ceux qui en tiraient leur subsistance, or l'humain sans Dieu se comporte comme un virus qui détruit la terre et tout ce qui vit dessus."
Il m'avait proposé de me reprendre le soir et de me ramener à Pereslavl, et il a finalement assisté en partie aux conférences qui l'ont intéressé autant que moi.
A mon arrivée, j'étais attendue par le bel Edouard, qui m'a pris une interview pour la gazette locale. Les fondues françaises capables de faire l'aller et retour de Pereslavl en taxi pour Ivan le Terrible ne sont en effet pas légion...
Pour me souhaiter la bienvenue, un pâle soleil a fait son apparition, illuminant les architectures du XVI° siècle, et les arbres vêtus d'or, comme autant de grands boyards penchés sur elles et sur moi qui les contemplait. Je me sens chez moi, chez Ivan le Terrible. A la limite, je le verrais venir à ma rencontre avec sa suite que je ne serais même pas étonnée. Je ressens chez lui une paix lumineuse, quelque chose d'extraordinairement bénéfique, ce qui est quand même surprenant, quand on y pense... Oui, je le verrais m’accueillir et me faire faire la visite en me tenant par l'épaule que cela me paraîtrait presque normal.
Les conférences se succédaient à peu près tous les quarts d'heure, c'était un peu rapide, car certains conférenciers parlaient à toute vitesse, et je n'ai rien compris à celle sur la paysannerie, j'ai vaguement saisi qu'elle n'était pas aussi misérable qu'on le disait pendant son règne, et qu'elle avait souffert plus de la peste, des guerres ou de famines que des exactions du tsar. Ce fut confirmé plus tard par deux autres conférenciers: pas trace incontestable de ses exactions à Tver et Torjok, sur la route de Novgorod. Il y a eu des exécutions, mais de nobles, et pas d'extermination systématique des populations, on n'en trouve pas de témoignages irréfutables, et pas de reflet non plus dans le folklore qui donne du tsar une image positive. Or dans les biographies que j'avais lues, celle de Troyat en particulier, la marche de l'Opritchnina sur Novgorod avait été un véritable film d'horreur, un déferlement fantasmagorique d'assassins, de tortionnaires et de violeurs qui massacraient tout sur leur passage. Eh bien apparemment, non. En tous cas, on n'en a pas de preuve. Les descriptions atroces proviennent essentiellement de Kourbski, qui avait trahi, et d'étrangers.
Cela dit à Novgorod, il s'en est passé quand même de belles, mais on n'en a pas parlé.
Il y a eu d'intéressantes interventions sur les icônes, dont le tsar était un fin connaisseur, il avait créé un atelier d'iconographie, et cherchait à sauver les oeuvres et à propager la tradition d'Andreï Roubliov et de Théophane le Grec. Il favorisait également le développement de l'imprimerie, et la diffusion des livres. J'ai appris à cette occasion l'existence d'un boyard lettré, Boris Ivanovitch Morozov, qui avait une grande bibliothèque comportant des livres étrangers, notamment des traités de médecine, et des ouvrages luthériens.
Une spécialiste de Moscou a parlé d'un modèle d'icône que je ne connaissais pas, le Sauveur de Smolensk, personnification du pouvoir impérial. Le Christ Pantocrator est représenté en pied, avec prosternés de chaque côté de lui saint Serge de Radonej et saint Varlaam Kroutinski, représentés beaucoup plus petits. L'icône a une forme de porte, et un exemplaire de ce modèle surmontait l'un des portails du Kremlin, car le Christ est la porte du Royaume. Ce modèle procèderait d'un camée et d'une icône en relief apportés par la grand-mère du tsar, Sophie Paléologue, nièce du dernier empereur de Constantinople. Les vêtements du Christ, dont le mouvement est dirigé vers le bas, envoient les énergies divines sur l'assemblée des fidèles. Sa main qui bénit prend la forme d'une barque.
L'icône qui surmontait le portail du Kremlin, perdue au moment de la révolution, a été retrouvée récemment.
Les spécialistes décortiquaient le psautier d'Alexandrovskaïa Sloboda récemment acquis, le comparant avec d'autres versions, et venant à la conclusion, de par les différences légères entre plusieurs variantes d'une même illustration, que les imprimeurs avaient plusieurs planches pour le même livre afin de ne jamais être en panne. Car les conditions climatiques étant rudes et le chauffage capricieux, le bois pouvait jouer ou craquer.
Ils ont ensuite analysé une série de miniatures d'époque et trouvé des correspondances entre les représentations architecturales qui laissent à penser que ces éléments existaient dans la Sloboda de l'époque, car ils reviennent avec constance, et ce sont les seuls éléments qui permettent de se la représenter.
D'autres ont expliqué comment au moyen de représentations en 3D, lire des inscriptions devenues invisibles, sur des pierres tombales, par exemple, ce qui est plein d'enseignement, ils ont ainsi retrouvé l'ancêtre du docteur Motovilov qui a vu saint Séraphim de Sarov se transfigurer devant lui.
Il fut question aussi de la thématique de l'archange Michel, "conducteur des armées redoutables" et vainqueur de Satan, qui apparaît conduisant Ivan le Terrible et ses troupes vers la ville de Kazan. Le tsar avait pour l'archange Michel une vénération particulière et lui avait écrit un canon sous le pseudonyme de Parthène le Fou, titre du deuxième roman que j'écris sur la question. Une moniale nous a parlé de cela, et de la musique liturgique qu'il composait, et qu'il devait très certainement chanter lui-même de son vivant.
J'ai vu un peu plus tard ces spécialistes scruter les murs, ce doit être devenu chez eux un réflexe.
Cette icône de l'Archange Michel est restée typique des vieux-croyants. Du reste Ivan le Terrible est resté comme un défenseur de la foi orthodoxe. Et c'est le premier souverain russe qui a pris une importance européenne, avec lequel il a fallu compter et nouer des relations.
J'ai pris de l'intérêt aussi à la conférence sur l'image d'Ivan le Terrible à travers les cartes postales du XIX° et du XX° siècle.
Bref, je n'ai pas perdu ma journée et les 3000 roubles du taxi. Somme toute, Ivan le Redoutable a été plus redoutable que terrible et plutôt pour les nobles que pour le petit peuple. Il a construit des églises, des monastères, fondé des villes, dompté les tatars, favorisé la culture et l'iconographie, protégé la foi orthodoxe et laissé un bon souvenir aux petites gens. Il avait certes des côtés sadiques et luxurieux mais on a beaucoup exagéré ses exactions. Et d'une manière générale, il y a peu de sources fiables à son sujet. Etant donné la vive opposition du métropolite Philippe qui s'est achevée par son martyr, je pense que ce n'était quand même pas un enfant de chœur, mais pas pire que d'autres souverains de l'époque tels qu'Henry VIII ou son successeur Pierre le Grand.

La Sloboda en automne


J'ai photographié l'écran de projection et cela ne rend pas grand chose
mais on voit la composition du Sauveur de Smolensk, qui figure aussi
sur une croix offerte à saint Philippe quand il était higoumène des Solovki

J'ai enfin pu photographier correctement le magnifique portail italien. Le trône est une copie de celui du tsar

Ceci est la coupole de la chapelle privée du tsar, extrêmement privée car il était le seul à y entrer. Elle est ornée d'un défilé de saints russes. On a du mal à comprendre l'extrême piété de cet expert en iconographie, de ce compositeur d'hymnes liturgiques qui pouvait être en même temps un tortionnaire, se livrer à des orgies avec l'Opritchnina et avoir une relation très probablement homosexuelle avec le jeune Basmanov.  Il semble qu'il ait un peu pété les plombs au moment de l'Opritchnina, puisqu'après sa dissolution, il ne voulait même pas que l'on prononce ce mot devant lui. Je ne doute pas une minute de la sincérité de sa piété, l'higoumène du monastère de Solan non plus. J'avais lu une nouvelle de Leskov où un respectable marchand vieux-croyant menait toute l'année une vie pieuse, sévère et irréprochable mais convoquait les tsiganes pour le jour de l'an et faisait une bringue monstrueuse avant de repartir pour un an d'existence austère... Nous sommes tous pécheurs. Le différence entre le tsar et un homme politique moderne est peut-être que lui, il en était conscient et cherchait à expier les crimes dans lesquels le pouvoir l'entraînait...