Je vais hier payer une taxe à la Sberbank pour l'immatriculation de ma voiture, et au moment d'arriver au guichet, mon téléphone se décharge, plus aucun renseignement disponible, il m'a fallu rentrer le recharger puis repartir à la banque.
Il faut dire que j'aurais dû, pour immatriculer la voiture, m'inscrire sur le site internet de la police mais ce site ne reconnaît pas les numéros de passeport étranger, or cela passe uniquement par internet. Tania a obtenu pour moi par téléphone (moi je n'arrivais pas à les joindre) un rendez-vous pour le vendredi soir, soit aujourd'hui.
Revenue à la banque, je paie et reçois la quittance. Puis je vais faire mes courses et voulant m'offrir une écharpe, je m'aperçois que je n'ai plus mon portefeuille, avec mes cartes. La vendeuse consternée prend une part active à mon problème. Je repars chercher dans ma voiture, autour, rien. Curieusement, je n'ai pas tellement paniqué. Il me devenait pourtant impossible d'acheter à manger pour les chats, ni de faire de l'essence, sans parler de tous les emmerdements potentiels. Ma première pensée a été que je n'avais perdu ni mon passeport, ni les papiers de la voiture. J'avais l'impression qu'il ne pouvait m'arriver une chose pareille, et que j'allais le retrouver.
Je suis retournée dans le centre commercial, dans la même boutique, pour savoir si quelqu'un n'avait pas trouvé le portefeuille et la vendeuse m'envoie à l'accueil du supermarché. De loin, je vois la fille de service et le gardien me regarder approcher avec un air plein de sous-entendus: ils avaient mon portefeuille, rapporté par des gamins. J'aurais bine voulu pouvoir les récompenser, j'ai fait une petite prière pour eux.
Puis je suis retournée dans la boutique des écharpes où la vendeuse s'est écriée que c'était un miracle, en se couvrant de signes de croix, en me serrant dans ses bras, et en me faisant un rabais sur l'écharpe. On aurait pu croire que c'était elle qui avait perdu son portefeuille... "Tout de même, me dit-elle, voilà des enfants vraiment bien, quelle honnêteté, comme ils sont bien, nos gamins de Pereslavl!"
Didier m'a déclaré ce matin que j'étais une vraie tête de linotte.
En fin d'après midi, je suis partie pour Petrovskoïé, bourgade sise sur la route de Yaroslavl, un peu avant Rostov. Comme je le prévoyais tout au long de quatre jours de beau temps bien froid, le ciel était couvert, la nuit tombait vite et la neige aussi. J'ai pris un autostoppeur pour me remonter le moral. Il allait à Ivanovskoïe, entre Pereslavl et Petrovskoïe. Question rituelle: "Mais qu'est-ce qui vous a amenée ici?" Les seize ans de lycée français à Moscou, le folklore, les cosaques... Ah alors, tout devient clair et mon bonhomme me parle de la bienveillance des Russes, de leur simplicité, des manoeuvres américaines. C'est un Ukrainien, depuis longtemps ici, sa mère est à Donetsk...
Quand j'arrive à Petrovskoïé, c'est déjà la nuit, une nuit neigeuse. Je prends à droite et m'enfonce dans un paysage sombre et confus, avec des lumières pâles et clairsemées, décomposées par les flocons. Je pense être sur la bonne route, mais quand même, je m'arrête pour demander confirmation dans un magasin. Enfin j'arrive au "GIBDD" et me gare là où cela semble autorisé, la porte d'entrée est de l'autre côté du bâtiment.
J'ai affaire à un inspecteur qui me regarde comme une chose extraordinaire, un peu absurde, un peu déplacée, et me signifie que d'abord, en rédigeant mon assurance, on s'est trompé d'une lettre en transcrivant mes prénoms et qu'il faudra y mettre bon ordre et d'autre part, tout ce parcours du combattant sera à renouveler à mon retour de France, avec mon nouveau visa et mon nouvel enregistrement, puis au moment où j'aurai mon permis de séjour, bref chaque fois que je changerai de statut juridique sur place, il me faudra à nouveau faire immatriculer la voiture, mais quand même, on ne changera pas les numéros. Simplement, je paierai à nouveau la taxe et ferai l'excursion à Petrovskoïé.
Malgré son air rogue, l'inspecteur me pose les plaques, c'est-à-dire qu'il les coince dans leur logement, mais il ne peut les visser, il m'aurait fallu venir avec ma trousse à outils. Il me dit: "Des écrous de six, quatre exemplaires, une clé de dix." Je m'efforce de noter: "Ecrous de quatre, pardon, de six... quatre exemplaires..."
L'inspecteur me tend quatre rondelles: "Les voilà, vos écrous de six, vous n'aurez plus qu'à mettre les vis, bonne chance, ouvrez votre vitre pour faire marche arrière, comme ça vous verrez mieux et vous entendrez le bruit..."
Et je repars dans la nuit noire et tourbillonnante où commencent à se former des congères. Je récupère la grande route, direction Moscou, en face des files de phares, et la neige, l'ombre grouille de flocons, il n'est pas toujours facile de voir où l'on se situe par rapport au bas côté et à la voie d'en face. J'ai une pensée émue pour ma mère, mon oncle Henry et ma tante Mano qui pensait que lorsqu'il y avait de la neige, on ne pouvait plus circuler... Des gens me doublent à grande vitesse en projetant derrière eux de longs rubans zigzagants. Et je circule, je circule, pas question de me mettre en rideau sur le bord de la route!
Il faut dire que j'aurais dû, pour immatriculer la voiture, m'inscrire sur le site internet de la police mais ce site ne reconnaît pas les numéros de passeport étranger, or cela passe uniquement par internet. Tania a obtenu pour moi par téléphone (moi je n'arrivais pas à les joindre) un rendez-vous pour le vendredi soir, soit aujourd'hui.
Revenue à la banque, je paie et reçois la quittance. Puis je vais faire mes courses et voulant m'offrir une écharpe, je m'aperçois que je n'ai plus mon portefeuille, avec mes cartes. La vendeuse consternée prend une part active à mon problème. Je repars chercher dans ma voiture, autour, rien. Curieusement, je n'ai pas tellement paniqué. Il me devenait pourtant impossible d'acheter à manger pour les chats, ni de faire de l'essence, sans parler de tous les emmerdements potentiels. Ma première pensée a été que je n'avais perdu ni mon passeport, ni les papiers de la voiture. J'avais l'impression qu'il ne pouvait m'arriver une chose pareille, et que j'allais le retrouver.
Je suis retournée dans le centre commercial, dans la même boutique, pour savoir si quelqu'un n'avait pas trouvé le portefeuille et la vendeuse m'envoie à l'accueil du supermarché. De loin, je vois la fille de service et le gardien me regarder approcher avec un air plein de sous-entendus: ils avaient mon portefeuille, rapporté par des gamins. J'aurais bine voulu pouvoir les récompenser, j'ai fait une petite prière pour eux.
Puis je suis retournée dans la boutique des écharpes où la vendeuse s'est écriée que c'était un miracle, en se couvrant de signes de croix, en me serrant dans ses bras, et en me faisant un rabais sur l'écharpe. On aurait pu croire que c'était elle qui avait perdu son portefeuille... "Tout de même, me dit-elle, voilà des enfants vraiment bien, quelle honnêteté, comme ils sont bien, nos gamins de Pereslavl!"
Didier m'a déclaré ce matin que j'étais une vraie tête de linotte.
En fin d'après midi, je suis partie pour Petrovskoïé, bourgade sise sur la route de Yaroslavl, un peu avant Rostov. Comme je le prévoyais tout au long de quatre jours de beau temps bien froid, le ciel était couvert, la nuit tombait vite et la neige aussi. J'ai pris un autostoppeur pour me remonter le moral. Il allait à Ivanovskoïe, entre Pereslavl et Petrovskoïe. Question rituelle: "Mais qu'est-ce qui vous a amenée ici?" Les seize ans de lycée français à Moscou, le folklore, les cosaques... Ah alors, tout devient clair et mon bonhomme me parle de la bienveillance des Russes, de leur simplicité, des manoeuvres américaines. C'est un Ukrainien, depuis longtemps ici, sa mère est à Donetsk...
Quand j'arrive à Petrovskoïé, c'est déjà la nuit, une nuit neigeuse. Je prends à droite et m'enfonce dans un paysage sombre et confus, avec des lumières pâles et clairsemées, décomposées par les flocons. Je pense être sur la bonne route, mais quand même, je m'arrête pour demander confirmation dans un magasin. Enfin j'arrive au "GIBDD" et me gare là où cela semble autorisé, la porte d'entrée est de l'autre côté du bâtiment.
J'ai affaire à un inspecteur qui me regarde comme une chose extraordinaire, un peu absurde, un peu déplacée, et me signifie que d'abord, en rédigeant mon assurance, on s'est trompé d'une lettre en transcrivant mes prénoms et qu'il faudra y mettre bon ordre et d'autre part, tout ce parcours du combattant sera à renouveler à mon retour de France, avec mon nouveau visa et mon nouvel enregistrement, puis au moment où j'aurai mon permis de séjour, bref chaque fois que je changerai de statut juridique sur place, il me faudra à nouveau faire immatriculer la voiture, mais quand même, on ne changera pas les numéros. Simplement, je paierai à nouveau la taxe et ferai l'excursion à Petrovskoïé.
Malgré son air rogue, l'inspecteur me pose les plaques, c'est-à-dire qu'il les coince dans leur logement, mais il ne peut les visser, il m'aurait fallu venir avec ma trousse à outils. Il me dit: "Des écrous de six, quatre exemplaires, une clé de dix." Je m'efforce de noter: "Ecrous de quatre, pardon, de six... quatre exemplaires..."
L'inspecteur me tend quatre rondelles: "Les voilà, vos écrous de six, vous n'aurez plus qu'à mettre les vis, bonne chance, ouvrez votre vitre pour faire marche arrière, comme ça vous verrez mieux et vous entendrez le bruit..."
Et je repars dans la nuit noire et tourbillonnante où commencent à se former des congères. Je récupère la grande route, direction Moscou, en face des files de phares, et la neige, l'ombre grouille de flocons, il n'est pas toujours facile de voir où l'on se situe par rapport au bas côté et à la voie d'en face. J'ai une pensée émue pour ma mère, mon oncle Henry et ma tante Mano qui pensait que lorsqu'il y avait de la neige, on ne pouvait plus circuler... Des gens me doublent à grande vitesse en projetant derrière eux de longs rubans zigzagants. Et je circule, je circule, pas question de me mettre en rideau sur le bord de la route!
Sviridov: route d'hiver, extrait de "la tempête de neige"!