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lundi 26 mars 2018

Une douce douleur et de dures conclusions

Le père Andreï Tkatchov  photo Tsargrad


L’archiprêtre Andreï Tkatchov à propos de la tragédie de Kemerovo. Une interview de la chaîne  Tsargrad
Ce jour où toute la Russie suit avec épouvante et douleur la tragédie qui a emporté des dizaines de vies enfantines, « Tsargrad » a discuté de l’attitude chrétienne devant ce malheur avec  notre auteur permanent, le pasteur et prêcheur orthodoxe bien connu, clerc de l’église saint Basile le Grand à Zaïtsevo, l’archiprêtre Andreï Tkatchov.
Tsargrad : Aujourd’hui, des millions de gens dans notre pays et au-delà se posent les questions : comment une tragédie d’une telle ampleur, dans laquelle a péri une énorme quantité d’enfants, a-t-elle pu se produire ? Pour quoi le Seigneur permet-il ou, comme disent les croyants, laisse advenir des événements aussi terribles ?
L’archiprêtre Andreï Tkatchov : Depuis l’époque du meurtre d’Abel par Caïn, il ne convient plus de s’étonner de la mort en tant que telle. Sans conteste, elle effraie les gens, elle met nos sentiments moraux à l’épreuve. Mais si nous réflechissons plus profondément à la question, nous comprendrons qu’envers la mort elle-même nous nous trouvons dans l’illusion. Elle s’accomplit constemment, mais ce sont seulement ce genre de tragédies massives qui éveillent la conscience sociale. Prêtez attention aux statistiques des accidents de voiture aux issues fatales, à celles des accients du travail ou des règlements de compte criminels. Tout cela nous montre le « royaume de la mort » sous un aspect dévoilé. Et cela sans parler des hospices, des hôpitaux, des réanimations, des maladies, des opérations et ainsi de suite.
Ts : Mais tout cela ne nous épouvante pas autant qu’une mort d’enfants aussi massive et aussi terrible. Comment le comprendre d’une façon chrétienne ?
A.T. Bien sûr, il faut ici frémir et se rappeler que l’homme n’est pas seulement mortel, il peut l’être subitement, et c’est précisément là le plus terrible. Ce qui ajoute de la peur, c’est que l’endroit de la catastrophe était un endroit de repos et de réjouissances.  De telles choses se produisent quand coule un bateau de croisière, où les gens s’étaient réunis pour s’amuser, danser, regarder depuis la mer ou la rivière des couchers ou levers de soleil, et il faut tout à coup aller par le fond avec le bateau. Ou bien quand un parc d’attractions passe de lieu de rires d’enfants à un lieu de cris, de sang, et de cheveux blancs pour les parents.  Et là, on ne peut en tirer qu’une conclusion : il ne faut jamais abandonenr la prière nulle part, même là où l’on est venu s’amuser. Il n’y a aucun endroit sur la terre, où l’on puisse se laisser aller jusqu’à se sentir en sécurité, où que l’on soit. Et je ne parle même pas du terrorisme, mais juste de cette civilisation qui nous entoure.  La quantité  de dangers pour l’homme s’est augmenté en proportion égale à celle du confort. L’électricité éclaire magnifiquement notre maison, mais elle nous électrocute ou crée des courts-circuits. Et tous ces plastiques contemporains brûlent plus vite et sont plus dangereux que le bois. Et tout ce qui nous entoure par ailleurs : l’énergie atomique, la production de voitures, et beaucoup d’autres choses prévues pour notre confort qui nous frappent, comme un esclave qui échappe à notre contrôle. Et tout cela réclame une prise de conscience de la faiblesse de l’homme et du danger d’uen civilisation conçue pour certains buts, mais apporte autre chose de secondaire. C’est dans l’ensemble tout le problème du monde contemporain.
Ts . Et comment expliquer cela aux parents qui en l’espace d’une heure ont perdu leurs enfants ? Quels mots trouver pour eux ?
Dans la période de douleur aiguë de la personne en état de choc qui a perdu ses proches, il ne faut rien expliquer. Il faut permettre au temps de faire son travail thérapeutique. On peut l’expliquer seulement à ceux qui posent cette question de manière philosophique et qui n’ont perdu personne. A celui qu’inquiète le tableau d’ensemble du monde : la compréhension de Dieu et de la place de la souffrance dans notre monde. Mais aux parents et aux proches de ceux qui ont péri, il ne faut rien expliquer. Il faut se taire. Et même plus, une conversation superflue peut seulement aggraver leur traumatisme. C’est pourquoi ici, il faut le tact que n’avaient pas, disons, les amis du juste Job aux multiple souffrances, dans l’Ancien Testament. Il souffrait, et ils lui en parlaient, ce qui ne faisait qu’ajouter à sa douleur.  C’est pourquoi que celui qui a la foi prie. Et que celui qui ne l’a pas réfléchisse. Dieu a créé l’un et l’autre pour que l’homme n’ai pas de justification. « Aux jours du malheur réfléchis », ainsi parle l’Ecclésiaste. Le malheur rapproche Dieu de l’homme et l’homme de Dieu. Car aux périodes de confort et dans la zone de confort, les gens oublient Dieu.
TS. Mais tout de même en quoi aujourd’hui l’Eglise peut-elle aider les parents et les proches de ceux qui ont péri ?
 A.T.L’Eglise ne doit pas faire double emploi avec le gouvernement qui va aider matériellement et recruter, mobiliser le travail des psychologues et autes services. L’Eglise peut faire ce qu’elle doit toujours faire : en appeler au Dieu Vivant pour le salut des âmes de ceux qui ont péri dans la fumée et les flammes, pour le soutien du cœur déchiré des parents en deuil, pour que ne se répètent pas de pareils cauchemars. C’est-à-dire que notre affaire principale est de converser avec Dieu, de converser en pleurant avec Dieu sur ce qui se passe.
TS : L’un des péchés qu’il est convenu d’appeler « mortels », c’est la cupidité. Et c’est justement de quoi  l’on parle beaucoup en ce moment, car il est évident que beaucoup de ces tragédies du genre de Kemerovo s’enracinent dans ce péché, dans cette passion.
 A.T Sans aucun doute. Nous vivons dans un monde dans lequel le profit est le sens de la vie pour la plupart des gens. Et cela autant pour ceux qui font des affaires que pour ceux qui n’en font pas. Le bénéfice maximum devient la justification de toute activité « par défaut ». C’est pourquoi se retournent les vaisseaux que des passeurs surchargent avec toujours plus de matériel technique et de gens pour vendre davantage de billets.
C’est pourquoi se créent des situations favorables aux incendies là où on ne s’occupe qu’en tout dernier lieu des installations de sécurité, c’est pourquoi brûlent des boîtes de nuit et des centres commerciaux. Notre époque ne nous apprend pas à penser à l’être humain, nous devons l’apprendre nous-mêmes. Et la tendance mondiale générale, dans laquelle nous sommes submergés et dans laquelle nous suivons le courant,  c’est gagne de l’argent, tant que tu en as la possibilité, et on se débrouillera bien avec le reste.
Ts. Quelle conclusion devons-nous en tirer ? A quoi réfléchir en premier lieu, au vu de ce qui s’est passé à Kemerovo ?
A.T A nouveau, sans doubler l’action du gouvernement, nous devons attendre de lui un contrôle sérieux et une vérification de la sécurité de tous les endroits où s’accumulent des masses de gens. Cela concerne la prévention des incendies et bien d’autres choses (ce qui est particulièrement important à la veille de la coupe du monde de football). Nous sommes des chrétiens orthodoxes et, je le répète, nous devons comprendre qu’on ne peut jamais délaisser la prière, surtout dans les endroits où s’amassent beaucoup de gens.
L’insouciance nous est contre-indiquée partout, car même là où l’on est venu se reposer simplement, se vautrer sur la plage, on se trouve dans la même zone à risques que, par exemple, dans un lieu de production technique. C’est pourquoi prenez soin de vos proches, de vos enfants, de vous-même, soyez vigilants. Et ne croyez pas que le monde moderne est  devenu un paradis grâce au progrès technique. Au contraire, il est devenu plus dangereux, plus menteur, plus ambiguë. Le masque de ce monde s’arrache peu à peu, dans toutes les parties du monde et ici, nous ne faisons pas exception.

Mikhaïl Tiourenkov
trad. Laurence Guillon

dimanche 25 mars 2018

Saccage


Il fait encore très froid la nuit, mais le jour est plein de lumière, d’azur sur la neige éblouissante, de nuées irisées qui passent en jetant des flocons dans de grands rayons de soleil. Le paysage sans cesse s’obscurcit et s’éclaire. 
J’ai voulu aller me promener du côté du  monastère Nikitski, et du lac, c’était le plus beau monastère, et le plus bel endroit de Pereslavl, et tout cela s’abîme à vue d’œil : on construit n’importe quoi n’importe où. Des palissades découpent le gâteau, c’est-à-dire cette merveilleuse lande où l’été, couraient le vent et les fleurs sous les nuages, et qui était restée la même depuis le moyen âge, sous le vaisseau fantastique du monastère et de ses coupoles d’argent. On la découpe en tranche pour en tirer du fric, pour fournir de la distraction au consommateur moscovite, pour bâtir des maisons moches et banales, prétentieuses et mal fichues, des centres commerciaux, des discothèques, des restaurants et des parkings et des centres de sport et de loisir. Pour l’instant, les pétitions et autres actions désespérées des gens du cru et des collaborateurs du musée retiennent encore les requins d’achever leur méfait, mais je ne doute pas qu’ils emploient bien leur temps, harcèlent, soudoient, menacent peut-être, la galette est prête, ils veulent la manger, et le saccage sera consommé. Le saccage complet de Pereslavl, impitoyablement défiguré. Ce que le communisme avait épargné, le libéralisme capitaliste l’achèvera. La seule chose qui aurait pu sauver les environs du monastère Nikitski aurait été une ferme nationalisation de ce parc, de cette réserve naturelle, de ce bien commun historique, de ce refuge de la beauté et de la mémoire, mais cela n’a pas été fait, aussi le site sera pollué, à tous les sens du terme : visuel et écologique. La source de saint Nicétas deviendra un cloaque et le lac une pataugeoire.
Je ne sais plus qui m'interrogeait sur la célèbre "pierre bleue" païenne, un bloc de granit qui était l'objet d'un culte, il est à présent environné de baraques qui m'ont ôté toute envie d'aller le visiter: les pierres païennes bordées de constructions touristiques n'ont certainement pas la même magie...
Ayant vu et constaté, j’ai pris la décision de ne plus aller là bas : c’est trop triste.
Quand j’ai été interviewée par Politvera, elle m’a demandé ce qui me déplaisait le plus en Russie, j’avais répondu les conseils indiscrets des femmes qui veulent mon bien, mais en réalité, cela n’est rien, c'est une broutille. Ce qui me bouleverse, c’est le mauvais goût, et la corruption, mais cela va de pair, car si l’on ne pouvait toujours acheter un fonctionnaire pour massacrer tranquillement un site, la laideur fantasmagorique du post-soviétisme ne rongerait pas ce qui reste de la Russie avec cette rapidité catastrophique.
Comme disait Dany Kogan dans un commentaire, les ascenseurs du diable font peu à peu remonter l’enfer jusqu’à nous, et nous n’aurons bientôt plus que les églises comme refuge...
Je suis allée ce matin à celle du Signe, celle du marchand de vin et spiritueux touché par la grâce. Il y avait beaucoup de vieilles, mais j’arrivais à m’asseoir.  Les fresques donnent une agréable impression d’ensemble, bien que les figures en soient assez raides. Les icônes de l’iconostase m’ont paru  jolies, et même, celle de la Transfiguration brillait comme une étoile, mais l’iconostase lui-même surchargé de dorures, les étouffe complètement. Il me paraît clair que l’iconostase doit être avant tout un support, un écrin. Quand on offre un brillant, on le présente sur du velours sombre et uni, pour qu’il ressorte. Or la plupart du temps, je vois l’iconostase ramener ses dorures en se fichant éperdument d’éclipser les icônes qu’elle supporte. Les gens semblent ne pas imaginer possible de laisser une belle surface de bois lisse et ciré autour des icônes, il faut obligatoirement le torturer, le creuser dans tous les sens de motifs grouillants et l’asperger d’or. Comme le fond des icônes, en Russie, est généralement doré, cela fait beaucoup d’or quand même, je ne voudrais pas dire…
D'un autre côté, je regardais les icônes dont le fond n’est pas doré, eh bien alors il est « bien peint », méticuleusement, c’est-à-dire qu’on le dirait ripoliné, on voit qu’on s’est bien appliqué à ne pas laisser la moindre différence de tonalité, d’épaisseur, et la lumière ne passe plus du tout, ça ne circule pas, c’est juste bien peint.  Il vaut mieux de l’or, au moins il y  a des reflets. Pourtant, je me souviens de la réflexion d'Ouspenski, me toisant au dessus de ses lunettes d'un oeil plein de sarcasme, quand je lui avais demandé de m'apprendre la dorure: "Pourquoi voulez-vous dorer vos icônes? vous êtes riche?"
Que se passe-t-il avec les gens depuis qu’on a quitté le monde traditionnel où tout était spontanément beau ? Plus personne ne voit de liens entre les choses. L’iconostase d’un côté, les icônes de l’autre, aucun rapport entre l’un et les autres. Le monastère et n’importe quoi autour, n’importe où, n’importe comment. On construit sa maison comme un chien pose sa pêche, sans se soucier une minute du paysage environnant et des architectures voisines. Comme si de plus en plus nombreux, chacun de nous était seul au monde. Et en effet, c’est bien de cela qu’ils’agit : plus de liens traditionnels avec les ancêtres, plus de liens historiques, plus de liens spirituels, plus de liens avec le cosmos, plus de liens avec la nature, plus de liens entre nous… Des poissons de banc, au gré des courants.
Un des sens du mot religion, c’est "relier". Je vois sans cesse, dans les commentaires français sur facebook, des gens bien formatés et complètement ignorants accuser « les religions » de tous les maux de la terre, j’en accuse au contraire ceux qui ont rompu tous nos liens, ceux qui ont « éteint au ciel des étoiles qui ne se rallumeront plus », et s’en vantent. La religion, la tradition, l’art, c’est ce qui nous permet de renouer encore quelque chose. Mais la religion d’autrefois, l’art et la tradition d’autrefois étaient aussi portés par l’immense communauté du monde paysan forcément relié, car dépendant du milieu écologique, de la nature, qu’il connaissait bien, qui était son élément. Du reste, quand je lis les psaumes, je le retrouve, cet élément, les Écritures sont pleines de ce monde agricole et pastoral que nous avons laissé assassiner et qui était notre richesse spirituelle et culturelle millénaire irremplaçable, notre humanité lui survivra-t-elle?

Le monastère, je ne sais plus où me mettre pour le photographier

Ces palissades, il y en a des kilomètres. Entre celle-ci et le village de Gorodichtché, si personne n'empêche le saccage, tout sera bâti de baraques recouvertes de plastique et de centres commerciaux et "de loisirs". Le lac et le monastère deviendront complètement infréquentables.  

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vendredi 23 mars 2018

Giboulées



Petrovskoïe
Là, tout de suite, tempête de neige. Mais dans la journée, de brusques déploiements de lumière à travers les flocons, à travers des nuages majestueux, vêtus d’ombre profonde et coiffés de crinières aveuglantes. C’est beau, c’est magique, le combat de l’hiver qui résiste et du printemps jeune et doré qui le provoque, se retire et revient à la charge. Il serait temps qu'arrive sa victoire définitive. Mais ces lumières mouillées, ces vibrations et ces reflets me captivent, et ce paysage, ces forêts, si étranges et si prenantes. Je les traversais avec une sorte d'exaltation apaisée, comme si j'étais passée au dessus de moi-même.
Rosie avait disparu pendant deux jours, elle est revenue roupiller toute la soirée et toute la nuit, je me demande bien ce qu’elle fabrique, la louve des steppes... 
Après l'enregistrement du visa,  je me suis rendue à Petrovskoïé pour recommencer tout le cirque de celui de ma bagnole. On m’avait dit que je n’aurais pas à changer mes plaques et que ce serait moins cher mais pas du tout, il m’aurait fallu faire cette procédure avant l’expiration de mon visa car le jour où il a expiré et où je suis partie en France, ma voiture a perdu son enregistrement et son numéro. Seulement je ne pouvais pas refaire son immatriculation sans avoir le nouvel enregistrement de mon nouveau visa. J’ai dû aller payer une somme complémentaire à la Sberbank locale. L’église de Petrovskoïé est ravissante, dommage qu’autour, les maisons deviennent toutes des emballages de plastique géant  avec des lettres criardes et des trucs qui clignotent.
J’ai passé trois heures à Petrovskoïé, on remplit des tas de papiers, puis on m’envoie de l’autre côté de l’immeuble faire examiner la bagnole (neuve) par l’inspecteur, et celui-ci  remplit des papiers, puis me réexpédie au bureau précédent, où on remplit des papiers, puis on me donne de nouvelles plaques et démerde-toi pour les poser. La dernière fois, l’inspecteur m’avait regardée comme une habitante de la planète Mars, mais il m’avait aidée, cette fois, il a été à la limite de la grossièreté, peut-être même carrément en plein milieu, mais j’avais des liens en plastique achetés chez le quincaillier serbe, et j’ai pu me débrouiller sans ce malotru.
Il m’a fait attendre tellement longtemps le contrôle technique (purement symbolique) que j’ai même pu faire la sieste. Et dans le bureau ensuite, j'ai eu droit au discours de Poutine.
En partant pour Pétrovskoïé, à la sortie de Pereslavl, j’ai pris un bonhomme en stop. C’était un moscovite qui avait fait le retour à la terre, il y a dix ans « a lia ferm » (en français dans le texte !). Sa voiture était en réparation depuis des temps, car la boîte de vitesse sophistiquée et électronique est difficile à réparer. «Je suis pour un retour à l’antiquité profonde, me dit-il. Si vous saviez comme je suis bien là où je suis… C’est une autre dimension. Je passe mon portail, et c’est un autre monde. Mes gosses ont des joues rouges comme des pommes, ils sont heureux comme des rois. Le matin, j’ai fréquemment un élan qui vient dire bonjour, il vient nous regarder par la fenêtre. Vous rammassez de la canneberge ?
- Je n’en ai pas encore eu l’occasion.
- Je vais vous donner ma carte, venez, j’ai un marais au bout de ma terre, et plein de canneberge, surtout ne vous gênez pas ! »


mardi 20 mars 2018

Des roseaux



Il faisait si beau, hier, que je suis allée me promener avec Rosie, malgré mon genou, mais je note une amélioration, il ne me fait plus mal la nuit. L'espoir me vient que l'acide hyaluronique hors de prix va me donner un sursis. En même temps, même avec ce secours artificiel, il me faut désormais ménager mes articulations, et peut-être m'orienter vers un autre genre de vie, plus immobile et plus recueilli.
Le soleil inondait une neige encore abondante et propre, qui ne fond pas, car les nuits restent froides. Le soleil chauffe à travers un vent frais mais radouci qui porte des chants d’oiseaux et le léger tintement froissé des roseaux. Je ne me lasse pas de ces roseaux, de leur souplesse échevelée, de leur foule gracile qui danse à petits pas d’ombre bleue sur tant de radieuse blancheur, de leurs têtes brillantes et soyeuses qui se bousculent en oscillant. C'est comme une sorte de musique visuelle, de rythme silencieux, une suite symphonique de points vibrants.
Un carillon me parvenait à travers le souffle retenu du vent : je l’ai su plus tard, c’était la fête des quarante martyrs de Sébaste et les cloches de l’église qui leur est consacrée. Dommage que je ne sois pas allée à l’office. Quel profond bonheur d’entendre ces voix de bronze traverser doucement l’azur…
Rosie courait devant moi, joyeuse. Elle est drôle, pleine de vie, et même trop pleine pour moi, libre comme l’air, une tsigane. Une louve domestique.
Je suis chiante, je n'en fais qu'à ma tête, mais je t'aime, mémé.
J’ai fait une aquarelle, assise sur la glace du lac, avec mon sac à dos comme coussin.
J’ai besoin de ces moments dans la nature, dont me privaient l’arthrose et la pâtisserie. La pâtisserie, il me faut y retourner, mais je n’en ai guère envie, j’aime bien tout le monde, mais c’est trop contraignant. Je n’arrive même pas à terminer ma traduction, qui est compliquée, car philosophique et politique, il me faut saisir la pensée de l’auteur et la restituer sans la trahir. J’en ai même la migraine.
Sur Facebook, je suis contactée par des orthodoxes africains, et je serais tout à fait bien disposée, s’ils ne se jetaient à ma tête pour avoir de l’argent, et pas seulement à la mienne, d’ailleurs. Je n'aime pas trop qu'on se jette à ma tête, car j'ai de nombreux correspondants, si chacun se lance dans une conversation privée, dès que je l'ai accepté sur ma liste, et veut m'appeler au téléphone, je ne suis pas sortie de l'auberge, laissons-nous le temps de faire connaissance. Je n’aime pas qu’on me harcèle pour obtenir du fric, d’autant plus que les occasions d’en donner sont innombrables, pourquoi en donnerais-je à ceux qui le demandent avec le plus d’assurance ? Il y a les populations du Donbass, qui en ont besoin, et un jour, j’ai envoyé cent euros pour acheter une bicyclette à des gosses, mais de ma propre initiative. Il y a les prêtres qui restaurent des églises, et là aussi j’ai banqué.  Il y a les malades qui ont besoin d’une opération ou de soins particuliers. Il y a les refuges d’animaux, où des bonnes femmes héroïques soignent la misère de nos victimes à quatre pattes. Il y a le Kossovo, la Syrie, le Yemen. Il y a les sans abri que secoure le père Théodore aux Trois Gares.  On ne sait où donner de l’obole, et certains viennent l’exiger, pourquoi passeraient-ils premiers ? A donner tant de miettes, ma galette ne ferait pas long feu et comme me le dit Xioucha, « Lolo, gardez votre argent pour vous, tous vos amis sont fauchés, et aucun d’eux ne pourra vous aider financièrement quand vous serez très vieille ».
Toujours sur Facebook, une série de commentaires aigres de descendants de Russes émigrés sur les élections russes, forcément manipulées, "soviétiques", et de considérations honteuses sur la "populace de moujiks" qui ne sait pas se tourner vers le bonheur démocratique occidental. Il est vrai qu'en effet, nous sommes vraiment un exemple à suivre, avec nos élections immaculées, notre justice impartiale et notre presse résolument honnête et pluraliste... Ces bêtises m'ont donné la nausée. Dieu sait que j'ai plaint l'émigration russe mais une partie de ses descendants semble acharnée à faire la démonstration qu'on n'avait pas eu tort de la chasser. Aujourd'hui, plus ou moins mutilée, la Russie se relève et poursuit sa route, et ces descendants, que font-ils dans leur aquarium, à part cracher du fiel comme les poulpes crachent de l'encre?






Je ne peux déjà plus photographier ni dessiner le monastère surgissant au dessus de la berge, car elle se couvre de maisons moches, bâties sans aucun souci de l'environnement, ni aucun contrôle. C'est drôle comme les maisons modernes ressemblent aux déchets de plastique dont nous couvrons partout la création de Dieu en général, et le bord du chemin que j'emprunte pour me promener en particulier. Autrefois, les constructions tenaient compte du relief, des autres constructions, et en premier lieu des églises, en plus d'être faites avec des matériaux naturels et décorées avec amour et avec goût par leurs occupants eux-mêmes. Maintenant, elles ressemblent à des emballages de yaourts géants et criards qu'on balance n'importe où. Elles sont envahissantes et mal élevées, banales et agressives. Il nous faut de plus en plus détourner les yeux, et focaliser notre regard sur ce qui subsiste. Là où cela deviendra vraiment terrible, c'est le jour où il ne subsistera plus rien.




lundi 19 mars 2018

Doma


Poutine a été triomphalement élu avec une taux de participation record, douze pour cent des gens ont voté pour l’oligarque à moustache stalinienne, je trouve cela très rassurant.
Xioucha et Igor m’ont ramenée chez moi hier. Je leur ai montré le lac, du haut de la berge escarpée. Il reste beaucoup de neige bien blanche, mais le soleil est vif, le ciel très bleu, la température douce, et le lac encore gelé miroitait comme une surface de verre opalescent. Xioucha a voulu me faire descendre avec elle la pente sur une planche : « Alors, Lolo, est-ce que cela fait du bien de se rappeler son enfance ? »
Les chats m’ont fait un accueil grandiose, et Rosie de même. Elle n’a fait aucune difficulté pour grimper dans la voiture. Mais tout ce petit monde a commencé aussitôt à m’empoisonner la vie. Rom ne cessait de me harceler de miaulements idiots : il n’est jamais content de ce que je lui donne et exige autre chose, après avoir piraté les écuelles des autres chats, et cela pendant des heures. Il déteste la chienne, grogne sur elle en permanence, ce qui provoque d’inévitables réactions. La chienne ne cesse de vouloir entrer ou sortir. J’ai trouvé, bien entendu, une maison dégueulasse, poils et pipis de chats partout. Au moment d’essayer de dormir, j’avais sur mon lit la compétition des chats pour être au plus près de moi et au plus loin les uns des autres, plus ce dingo de Rom qui poussait des feulements si la chienne approchait et celle-ci est presque incapable de se coucher et de dormir tranquillement, c’est une agitée perpétuelle, de sorte que j’ai fini par engueuler tous mes parasites, en songeant que jamais je ne criais sur Doggie ou sur le chien de ma sœur.
Violetta m’a invitée à prendre le thé. Elle est potentiellement un peu chiante, mais que faire ? Elle est très gentille, elle s’est occupée de mes chats avec scrupules, elle a même déneigé devant chez moi, son fils a fait démarrer quelquefois la voiture pour que la batterie ne se vide pas. Je crois qu’il me faudra envisager un portillon entre leur terrain et le mien…
Elle se félicitait du résultat des élections. «Je ne sais pas ce qu’ils ont tous en Europe à s’acharner sur nous de cette manière. Ils déploient des troupes pour « protéger » les pays de l’est, mais qu’en avons-nous à faire, de ces pays de l’est, et même de l’Ukraine ? Bon, en Ukraine, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de Russes, mais que les Polonais prennent Lvov et la partie ouest et qu’on en finisse ! »
Mis a part tous ces détails, je suis contente d’être rentrée, je me sens soulagée, je me sens chez moi, dans ma capsule spatiale coupée de mon passé, un passé qui s’effiloche derrière moi dans le gouffre du temps et qui me reste très cher mais me tétanise, me transforme en la statue de sel biblique de la femme de Loth se retournant sur Sodome et Gomorrhe, une statue de sel pleine de larmes.  « Laissez les morts enterrer les morts »…
La photo, faite par Micha l’iconographe, de moi tenant sa création provoque de nombreuses réactions, parfois presque agressives, mais vite désarmées. Cependant, et j’en parlais à Claire, que j’ai vue dimanche, cette « gloire » me fait souvent peur, je suis touchée et je pense que c’est peut-être mon rôle que de témoigner auprès des Russes de mon amour pour leur civilisation et leur mentalité, qu’ils ont souvent tendance à mépriser, et aussi de susciter l’intérêt et l’amour des Français, qui en ont une idée fausse, mais je me sens très exposée et cela me donne le vertige. Cela n’est rien auprès des réactions que pourrait susciter la publication de mon étrange roman sur Fédia Basmanov et Ivan leTerrible.  Claire me disait qu’il pourrait déplaire à ceux qui en font un saint et déplaire à ceux qui en font un monstre. Oui, de la même manière que je peux déplaire aux libéraux comme aux communistes, n’étant ni d’un côté ni de l’autre. Mais c’est le plus profond de la Russie qui m’a fascinée et pas sa déchéance dans les conneries politiques dont elle avait horreur à juste titre.
Quand Xioucha a voulu remettre mon manuscrit au père Dmitri pour qu’il le transmette à une éventuelle traductrice, le directeur d’une maison orthodoxe qui assistait à la chose, et auquel elle  exposait le sujet en deux mots, s’est exclamé : «Ah Ivan le Terrible, surtout pas ! »
C’est malin, vraiment. Quelle curiosité, quelle ouverture d’esprit. Si ça se trouve, il me faudra recourir à l’édition sur Internet, comme je l’envisage en France. Dès que j’ai affaire à un éditeur, je me sens rétrécir comme l’huître sous le citron. Sale race. Contents d’eux, pleins d’aprioris, idéologiques ou commerciaux, oui, m’en passer est mon rêve, livrer son âme à des gens pareils c’est comme la livrer à des journalistes. Il m’est plus facile de l'offrir directement aux lecteurs. 
Claire a trouvé quelque part que la veuve de Fédia Basmanov s’était remariée, et cela m’a fait mal pour lui, je crois qu’il va me falloir me faire soigner, à l’issue de toute cette aventure ! Je vais recommencer à peindre des icônes.
Les chats ont retrouvé leur patronne et leurs habitudes

Pour l'instant, j'ai mis l'icône de Micha
à côté de l'Alexandre Nevski de Michèle.
Je pense qu'il me faudra une étagère de plus.


Rencontre de Rosie avec une corneille facétieuse








dimanche 18 mars 2018

La Mère de Dieu Ostrobramskaïa


A mon arrivée, il faisait un froid terrible. Le ciel est lumineux, printanier, les températures hivernales. Je suis tombée dans les bras de Xioucha, puis dans ceux de Tania, la juriste. Elles sont tellement adorables avec moi, comme si j’avais des filles ou des nièces. Xioucha a proposé de me raccompagner à Pereslavl avec son compagnon Igor. Elle l’a envoyé me chercher chez le père Valentin où je passais la soirée, en lui recommandant de m’aider à grimper dans sa camionnette, à cause de ma patte folle…
Après mon interview de Politvera, un iconographe m’avait contactée, il voulait m’offrir une icône, pour me remercier de ce que j’avais dit sur la Russie. Je n’avais pas pu aller la chercher avant mon départ, je me suis décidée cette fois-ci.  Il vit à l’autre bout de Moscou, dans un endroit tout neuf, avec une station de métro toute neuve, d’ailleurs très esthétique, et au moins, ces stations récentes ne sont pas bâties avec les vestiges des monuments historiques détruits par les communistes.
Il y avait des milliers de sorties et je n’avais pas envie de faire des milliers de pas, or il m’avait plutôt mal expliqué le trajet. J’ai avisé un flic qui cherchait à faire lever un ivrogne effondré sur un banc : «Bonjour, je cherche la sortie côté monument aux automobilistes ? »
Le flic hésitait, mais l’ivrogne perdu a grogné avec un grand geste : « Hon… par là… par là… »
Par là il restait encore trois ou quatre sorties, j’ai demandé à un ouzbek. Et dehors, il me fallait descendre une pente, à travers les congères, je restais immobile sur place avec la conscience aiguë que j’aurais fait cela il y a un an, mais que là, cela m’était devenu complètement impossible, que je risquais de déraper et de me prendre un gadin aux conséquences imprévisibles. Etrange impression. Le corps démissionne. Il faut commencer à envisager la séparation…
Un brave homme d’une cinquantaine d’années a volé à mon secours : « donnez-moi la main, je vais vous aider… » Ah ces Russes qui maternent les vieilles….
De loin, j’ai vu mon iconographe, une sorte d’ours, avec un paquet, qui m’a prise dans ses bras avec effusion. Il m’a énormément plu : drôle, spontané, le voir expliquer quelque chose, avec son regard malin, est un vrai moment de théâtre. L’icône aussi m’a plu. Il l’a choisie parce que je suis une ancienne catholique et que l’icône était un modèle catholique venu en Biélorussie par les Polonais, une icône acclimatée. Elle me rappelle mon enfance, elle a quelque chose de très doux et si j’ose dire, d’un peu magique, au sens enfantin du terme.
Elle a aussi beaucoup plu à mon père Valentin : « Très bonne icône », m’a-t-il dit en me la rendant, après l’avoir bénie.
Je me sentais à nouveau complètement chez moi, dans son église, j’éprouvais un attendrissement soulagé, malgré toute la tristesse de mon départ et mon affection pour les Français que je laisse derrière moi. Je me sens complètement adoptée par la Russie.
Avec le père Valentin, nous avons évoqué nos deux révolutions, et leurs conséquences néfastes incalculables. Et d’abord les fractures infligées à nos peuples, que le système des partis divise forcément en permanence et soumet à des manipulations de plus en plus sophistiquées et à un avilissement presque inévitable. Le pire des monarques me paraît à présent préférable au dictateur moderne qui suit généralement le chaos engendré par les factions et l’exploitation systématique des sentiments humains les plus mauvais, les plus vils.
Les gens vont voter aujourd’hui, et j’ai lu tellement d’idioties dans les commentaires de Facebook que la tête me tourne, mais le starets Elie, père spirituel du patriarche, prie pour Poutine, et en ce qui me concerne, le critère numéro un qui me ferait le choisir si j’étais russe, c’est la détestation hystérique qu’il déclenche chez le personnel politico-médiatique occidental. Un homme que hait à ce point cette bande de psychopathes pervers et de laquais minables ne peut être que providentiel pour son pays.
Dieu le protège. Dieu nous protège.


Métro Tropariovo


jeudi 15 mars 2018

Départ



Déjeuner hier avec ma cousine  Dany, à Montélimar. Nous avons évoqué ceux qui sont partis et ceux qui vont bientôt partir. Dany est la gardienne de nos tombes, elle les visite régulièrement. Nous avons parlé de la foi, car elle est catholique, de la prière. Cela semblait lui poser problème, comment prier ? A vrai dire, moi, j’ai entendu parler de ce qu’était vraiment la prière quand j’ai lu les Récits d’un Pèlerin russe à l’âge de dix-huit ans. Auparavant, au cathé, on me disait qu'il fallait être bien gentil avec tout le monde, mais je sentais déjà que ce précepte comportait certaines limites que la prière, je le découvris plus tard, permettait seule de reculer. 
«J’ai un livre de prières, lui dis-je, pour les dire toutes, celles du matin, du soir, l’office de minuit, les complies, les matines, les vêpres plus les psaumes ou le nouveau Testament, la journée ne m’y suffirait pas. Plus la prière de Jésus qu’on peut dire n’importe où.  Et ces prières sont pleines de sens, souvent très belles.
- Oui, mais il arrive qu’on les dise et qu’on ait la tête complètement ailleurs…
- Cela arrive très souvent et à tout le monde !
- Mais alors est-ce que cela a un sens ?
- D'après saint Païssios, oui, car si nous avons la tête ailleurs et ne comprenons plus ce que nous disons, le diable, lui, comprend, et il tremble…
-C'est imagé! »
La foi est la seule chose qui nous tient debout toutes les deux, même si, dans mon cas, elle n’est vraiment pas inébranlable et si j’ai perdu tellement de temps : «Je ne sais pas si j’écrirai un autre roman, peut-être vaudrait-il mieux peindre des icônes et prier, me préparer à passer de l’autre côté. En même temps, je vois que Dieu m’a poussée en Russie, à travers le père Placide, et c’est de partir qui m’a remis le nez dans mon roman, cela faisait donc partie du dessein providentiel à mon égard. Certes, cela a provoqué chez moi une sorte d’effondrement spirituel, mais c’est que des choses n’étaient pas réglées.
- Tu verras bien par la suite… »
Avec Dany, c’est tout un cortège de fantômes qui descend d’Annonay en Ardèche, dans ce Montélimar de la fin de ma vie qui coincide probablement avec la fin de la France. Quelle étrange impression que de se voir mourir en même temps que son pays millénaire, de savoir que la continuité dans laquelle s’inscrivaient mes ancêtres s’achève plus ou moins avec moi. Déjà, Montélimar n’est plus vraiment Montélimar. Pierrelatte n’est plus Pierrelatte. Ne plus se sentir vraiment chez soi dans son pays vous pousse  à aller rejoindre dans la Mémoire Eternelle le meilleur de ce qui nous était cher.
En dessous du pont, un oiseau blanc pêche dans le Roubion, un grand échassier, avec une aigrette. L’eau plisse à ses pieds d’agiles dentelles. Je regagne l’affreuse église saint Jammes en vieux béton triste. Elle doit dater de la fin des années 40, je l’ai toujours vue. Nos voitures sont garées à côté. « Montélimar, Montélimar, train sans arrêt jusqu’à Pierrelatte », chantait la gare avec l’accent du midi, autrefois, et maman m’y attendait, ou bien, plus loin encore dans le temps, quand je prenais de Paris le train postal de nuit, je sortais alors du compartiment couchette, je tirais ma valise, je regardais au delà de la fenêtre le défilé de Donzère, l’aurore pleine de mistral, je descendais à Pierrelatte dans la bourrasque du quai, et je voyais Pedro venir à ma rencontre. Nous allions acheter le pain et les croissants de l'hôtel, nous prenions le café avec maman...
Quand nous revenions d’Annonay à Pierrelatte en voiture, Montélimar annonçait la fin de la route. Le « rucher des abeilles » est encore là, une ruche géante en béton où l’on vendait des nougats, mais la grande publicité du début du XX° siècle, où une petite fille féroce débitait du nougat à la hache, a fini par disparaître.
 Aujourd’hui, c’est avec ma sœur et le père Gauthier que nous avons repris l’habitude du déjeuner au restaurant qui se faisait avec Patrick. Patrick pour lequel je lis les prières des défunts tous les matins et que nous ne reverrons plus sur cette terre. Son absence était pourtant bien présente. Je pars demain. Mon plombier m’a écrit : « la Patrie vous attend. » La seconde, la dernière, ma dernière arche.



Dernière vision de la Garde au petit matin