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dimanche 14 juillet 2019

Retour à Tverdilkovo

Génia m'ayant invitée à la liturgie mensuelle du village de Tverdilkovo, j'y suis repartie avec un début de migraine qui n'a fait que croître au cours de la journée, mais je ne regrette quand même pas, car l'endroit est très beau, j'ai été accompagnée tout le long de la route par de splendides nuages, et le hiéromoine de service,  m'a fait grande impression. C'est un homme qui a dû être beau garçon, mais qui est à présent comme ravagé par l'ascétisme et la douleur, maigre et convulsé, et pourtant, ce visage tourmenté de combattant épuisé est pénétré d'une sorte de grâce, de lumière dévorante, et lorsque je suis allée me confesser à lui, j'ai senti tant de miséricorde et de vertigineuse profondeur, que le seul fait de lui avoir parlé et de recevoir sa bénédiction m'a fait un bien immense. "Vous devez patienter et subir tout cela, la création vous rapproche du Créateur, et il sait ce qu'il fait de vous et pourquoi. Quand à ce qui nous arrive à tous, oh c'est bien compréhensible que cela vous fasse du mal et que cela vous fasse peur, nous sommes faibles, mais le Christ est avec nous, et il sait ce qu'il fait".
Génia m'a dit ensuite qu'il avait fait la guerre en Afghanistan et qu'à son retour, il était entré au monastère, ce qui arrive à beaucoup de guerriers. Le métropolite Philippe de Moscou aussi était un ancien guerrier, et je suis très sensible à cette dimension virile, héroïque du monachisme russe.
Une des fidèles disait, à la sortie de l'église, qu'il semblait un fou-en-Christ surgi des siècles passés. Il y a de cela, parce qu'il parle avec tant de sincérité et d'inspiration, et aussi de souffrance, et pourtant de joie... c'est un champ de bataille à lui tout seul, contre quels souvenirs se bat-il? Contre quelles sombres armées? Et pourtant, il est présent à ce qu'on lui dit, et il ne juge pas.
Il y a quelques temps, une personne très négative m'avait raconté toutes sortes d'anecdotes sur l"Eglise et ses représentants locaux, il fut un temps où de telles anecdotes m'avaient presque fait perdre la foi, mais personnellement, je n'ai pratiquement jamais été le témoin direct de pareilles histoires. Bien au contraire, mes expériences sont généralement extrêmement positives, et en dépit de certaines moniales tyranniques ou de dépenses excessives pour des projets inutiles alors que nos églises anciennes ne sont toujours pas restaurées, je suis quand même étonnée de voir la qualité spirituelle des monastères de Pereslavl. Aussi en suis-je venue à faire miennes deux assertions que je rencontre souvent dans les milieux orthodoxes: "Celui qui ne reconnaît pas l'Eglise comme sa mère, Dieu ne le reconnaît pas comme son fils" et "l'abeille va trouver instinctivement les fleurs, et la mouche la merde".
"Je n'arrive pas à aimer assez le Christ, à l'aimer personnellement", ai-je dit en confession. Mais j'avais l'impression tout à coup de l'avoir auprès de moi, en ce moine souffrant, j'aime le Christ à travers ses moines.
Génia m'a donné du "vin de prune sauvage" qu'il fait lui-même, de la tisane d'épilobe et d'argousier. Il m'a dit que sa défense acharnée et victorieuse des environs du monastère saint Nicétas avait fait de lui l'ennemi numéro un pour les autorités locales. "Pourtant, je suis un pragmatique qui n'aurait jamais dû s'occuper de ce combat, mais je savais qu'on pouvait le gagner et que je devais laisser quelque chose de bien derrière moi. Je n'ai pas toujours été un ennemi du capitalisme, dans les années 90, nous nous sommes presque tous jetés dedans, d'abord parce qu'il fallait survivre, et ensuite, parce qu'il nous arrivait d'occident toutes sortes de biens matériels, le fer à vapeur que j'utilise encore, c'était une vraie conquête, la machine à laver également. Mais au bout d'un moment, j'ai ressenti une espèce de vide que rien ne pouvait combler, et c'est là que je me suis tourné vers Dieu, et vers nos valeurs éternelles"...

vendredi 12 juillet 2019

Immigration, suite et fin possible...

Voilà, dossier complété et remis. Il va partir à Iaroslavl et il faut prier pour que là bas, il passe la rampe. Sinon, je risque fort de devoir refaire pour la troisième fois les examens médicaux! Je suis arrivée à 9 heures du matin chez la juriste avec un paquet énorme de relevés bancaires imprimés en vitesse (2018, 2019). On y voit apparaître chaque mois le montant de ma retraite et les retraits que je fais à Pereslavl. Mais on peut chipoter que ce n'est pas un document légalisé, et qu'il n'est pas traduit, même si les chiffres sont limpides. Mon avis d'imposition, je viens de m'en apercevoir, portait sur 17 et pas 18. J'aurais pu rectifier le tir, et aussi essayer de le faire apostiller à l'ambassade, mais on m'avait dit que ce papier, on n'en voulait pas. Si jamais ça ne passe pas, j'irai en vitesse à Moscou le faire traduire et tenter d'obtenir une apostille. Un principe: faire légaliser, apostiller, couvrir de tampons tout document destiné à la bureaucratie russe...
La juriste m'a rédigé une nouvelle déclaration. Je suis allée porter tout ça à l'immigration. Là, ça a duré des heures avec des coups de fil, parce qu'à Iaroslavl, ils changeaient sans cesse d'avis sur ce qu'il fallait produire, et chaque fois, il fallait refaire une déclaration en fonction des pièces à produire, et donc repartir chez la juriste (j'y suis allée trois fois). Je suis sortie de là à 1 heure de l'après-midi, et j'avais rendez-vous avec l'émissaire de l'électricité venu pour le nouveau compteur...
Depuis, je suis devenue une espèce de méduse échouée devant l'ordinateur, et je n'aimerais pas croiser la route du bon docteur Sanchez, dans l'état où je suis: à 67 ans, mon compte serait bon. L'idée de recommencer à courir me glace le sang, j'espère un miracle. J'ai la phobie administrative et je lis mal les papiers, je n'y comprends rien.
La bureaucratie me semble un des symptômes morbides de notre civilisation malade.
Il fait toujours mauvais, et j'ai l'impression d'être au mois de septembre, d'ailleurs il y a des feuilles qui jaunissent. Cela me rappelle les Solovki, l'année dernière, où les fleurs qui ici fleurissent en juin s'épanouissaient fin juillet, tandis que les arbres prenaient déjà des couleurs automnales.
Katia et moi avons fait le choix de notre équipement folklorique: sarafane, chemise, foulard et ceinture. Mais je n'arrive pas à chanter ni à jouer autant qu'il le faudrait.
j'ai choisi le sarafane du premier plan, sur fond bleu, avec une
blouse grise et un foulard bleu...

J'ai fait la grève facebook pendant deux jours. quand je suis revenue dessus, le pauvre Vincent Lambert était mort, après neuf jours d'agonie, privé d'eau et de nourriture, pour un type qui ne survivait que parce qu'il était "branché", il a mis du temps à être "enfin délivré". Et des gens s'en réjouissent bruyamment en insultant les parents, forcément, des cathos tradis, autant dire la lie du pays.
Il est certain qu'autrefois, le malheureux serait mort assez vite des suites de son accident, et que cela n'aurait sans doute pas été plus mal, mais voilà, on l'a arraché à la mort, maintenu dans un état pauci-relationnel des années, sans lui accorder la chance d'un établissement spécialisé pour améliorer son existence et son état, et puis on a décidé que ça suffisait comme ça, et qu'on ne le nourrirait plus, parce que sa vie n'en était pas une.
Il avait un regard conscient et intense. J'ai déjà vu un garçon réduit à "l'état de légume", comme on dit charitablement à longueur de commentaires, il avait un regard vide qui ne se fixait sur rien, ce n'était pas le cas de Vincent Lambert, c'est sans doute pour cela que les journaux bien pensants floutaient sa photo... Reste que sans doute d'autant plus, sa vie n'en était pas une, mais ce principe peut-être étendu à des tas de gens, les tétraplégiques, les filles affreusement défigurées à l'acide, les sourds et aveugles, et même les SDF. Des tas de gens ont une vie qui n'en est pas une, selon les critères contemporains de la santé, de la beauté et du succès. Il sera désormais miséricordieux et convenable de les envoyer ad patres.
Pour les bébés à naître, le raisonnement du légume, de l'amas de cellules, du tas de viande et de la vie qui n'en est pas une ou qui n'en sera pas une parce que toutes les fées modernes n'entoureront pas le berceau, est depuis longtemps installé, au point que beaucoup de femmes poussent des cris d'orfraie si on remet cela en question ou que des médecins rechignent à la triste besogne. On a fait mourir l'infirme de faim et de soif, avec une sédation qui ne marchait pas tellement, d'après ses proches. On découpe les gosses dans le ventre de leur mère, on les arrache en pièces détachées, mais ça ne crie pas, à ce stade. C'est juste un acte médical miséricordieux, que deviendrait ce malheureux, avec sa vie qui n'en sera pas une?
Bien évidemment, le raisonnement s'étend maintenant jusqu'à des foetus tout à fait formés ou prêts à naître: mieux vaut les tuer que de leur laisser vivre une telle vie, qui ne débute pas sous les auspices radieux obligatoires.
Et par conséquent, le raisonnement Vincent Lambert s'étendra lui aussi à toutes sortes de gens lourdement handicapés, ou socialement défavorisés, ou trop vieux.
Personnellement, je ne tiens pas à ce que l'on s'acharne à me faire vivre si déjà je ne suis plus viable. Mais m'abrutir de drogue pour me faire crever de faim et de soif, seule dans mon coin, épargnez-moi cela, de grâce. 

mercredi 10 juillet 2019

L'amour...


J’espérais qu’Ilya m’accompagnerait au service d’immigration maudit, mais il me laisse me débrouiller, il ne viendra que si je l’appelle. Or je suis persuadée que cela va encore foirer. Hier, je suis retournée à la banque deux fois. Car j’avais demandé un état des opérations sur ma carte depuis janvier 19 et il fallait le faire depuis la date d’attribution de mon RVP, et quand je l’ai fait, la juriste m’a reprochée de ne pas l’avoir établi depuis janvier 19. De plus, elle estime que je n’ai pas assez fait d’opérations sur ce compte. Oui, bien sûr, j’essaie de dépenser le moins possible mes réserves d’argent sur place, je tire de l’argent sur ma carte française, et sur ma retraite, mais ils ne reconnaissent pas mon avis d’imposition traduit, où se trouve noir sur blanc la somme de revenus annuels dont je dispose entre la retraite et le loyer de maman…. Cependant, depuis mai dernier, j’ai certainement dépensé sur cette carte leur somme minimum de 120 000 roubles, car j’ai fait des travaux, j’ai acheté des meubles IKEA.  j’ai même viré de l’argent en France pour compenser un découvert.… Mais il n’y pas de dépenses régulières.  A l’avenir, je vais systématiquement déposer 15 000 roubles par mois sur mon compte russe,  comme cela l’année prochaine, je pourrai produire un « revenu » de 150 000 par an. On en arrive à des absurdités incroyables.  Je ne retrouve pas cet avis d’imposition, j’espère qu’il est resté chez eux avec mon dossier, car je soupçonne qu’il pourra quand même servir.
Tout cela m’épuise, j’ai toujours eu la phobie administrative, mais avec l'âge, cela ne fait que croître et embellir. Je suis persuadée qu’il nous faudra, avec Ilya, solliciter un rendez-vous auprès du grand-chef à Iaroslavl, et que jusqu’à ce moment, on me fera sans arrêt courir après des papiers qui ne font jamais l’affaire.
Dire que je croyais naïvement, avec le RVP, avoir fait le plus dur… Je crois que si j’avais occupé la maison que m’avait retenue Martine d’acheter, à Saint-Laurent-la-Vernède, avec son adorable petit jardin, son puits, son ciel dégagé,  sa terrasse et sa glycine, et si on m’avait tracé le tableau complet de ce qui m’attendait comme emmerdes et comme dépenses, je ne serais sans doute pas partie. J’adorais cette magnifique région d’Uzès, je ne peux penser sans nostalgie à cette beauté encore intacte, et au monastère de Solan, à ma chère mère Hypandia. Pourtant, je ne peux pas dire non plus que je regrette d’être partie, c'est mon combat, mon destin, c'est sans doute ma rédemption et mon accomplissement. Merci, clairvoyant père Placide.
Mes deux pensionnaires me collent parfois quelque peu le cafard. Elles respirent la vieillesse et la déprime, tout va mal (c’est vrai, mais il y a la manière d’y réagir), tout est hostile, tout est foutu. Cependant l'une d'elles me sort tout à coup, l'oeil humide: « Je suis peut être naïve, mais mon seul espoir, c’est l’amour ».
 Quel amour? Je crois en l’amour rédempteur, je crois en l’amour de Dieu, je crois à la mystérieuse osmose des âmes, mais je vois bien que ce n’est pas à cela qu'elle fait référence.
L’amour rédempteur peut tout, dans la mesure où les gens le reçoivent. Allez parler d’amour à Soros ou BHL. A un commissaire du peuple. Aux assassins du tsar et de sa famille. A ceux qui affament le Yemen et détruisent le Donbass. A ceux qui violent et sacrifient des enfants, dans les hautes sphères qui nous gouvernent. 
Et même l'amour familial, l'amitié, tous ces excellents sentiments qui nous réchauffent et qui doivent être accueillis avec reconnaissance comme des bénédictions, cultivés, respectés, ont leurs limites. La mort les détruit en un instant, et ils ne tiennent pas toujours l'épreuve de l'adversité, je l'ai vu avec maman, que j'aimais plus que tout au monde, et qu'au contact quotidien de son affreuse maladie, je finissais par engueuler parce que mes nerfs lâchaient lamentablement.
Je crois à l'amour de l'ancien Porphyre, de saint Séraphim de Sarov, mais pas à celui de la larme à l'oeil et du repli sur soi.


mardi 9 juillet 2019

A la lumière de l'higoumène Daniel



C’était la fête de la naissance de saint Jean Baptiste et l’anniversaire de la mort tragique de l’higoumène Daniel qui dirigeait il y a quelques années le monastère saint Daniel. Je suis donc allée là-bas, à cette occasion. Je pensais que l’higoumène avait été tué par un repris de justice qu’il avait hébergé par charité chrétienne, mais il semble que ce soit plus compliqué que cela. Lioudmila, rencontrée sur place, parle de satanistes, comme dans  le cas des trois moines de la Pâques sanglante d’Optina, dans les années 90. D’après les commentaires divers, l’enquête aurait repris, mais personne ne croit que le crime sera élucidé. L’higoumène Daniel était considéré par les fidèles comme une « icône vivante », il était humble et simple, son monastère sans grandes ressources.
 Le service funèbre à l’extérieur, devant la croix de pierre blanche, parmi les vénérables églises, sous le ciel parcouru de nuages agités, qui passaient en courant de l’ombre à la lumière, m’a beaucoup émue. Au moment où l’on chantait « Mémoire éternelle », le soleil a inondé et réchauffé notre assemblée et illuminé les façades. Pereslavl semble si paisible, mais le diable est à l’œuvre partout, et l’higoumène ascétique dont tout le monde vénère le souvenir, et qui avait prévu sa mort, a été sauvagement égorgé par un mystérieux assassin, si ce n’est pas le repris de justice soupçonné tout d’abord.
J’ai  lu sur la page de l’éparchie de Pereslavl-Ouglitch qu’un novice abordé par des journalistes indiscrets au moment du drame avait, après un moment de stupeur silencieuse,  éclaté en sanglots comme un enfant : « En lui se trouvait tout ce qu’on peut chercher de meilleur, de plus pur et de plus clair… »
A Pereslavl, des saints continuent à apparaître, à jalonner la vie de la ville de leurs modestes et claires existences, après saint Constantin martyrisé par les bolcheviques, l'higoumène Daniel, massacré pour on ne sait encore quelles ténébreuses raisons.
Il ne fait vraiment pas chaud, on a l’impression que l’été a duré trois semaines au mois de juin et que maintenant, ce sera l’automne jusqu’au mois de novembre, un automne de cinq mois… Mais le festival de nuages  somptueux se poursuit. Je suis allée à Rostov fêter l’anniversaire de Liéna avec notre groupe d'apprenties folkloristes. Elle avait une ravissante robe typique à carreaux rouge foncé et bleu marine qui lui allait très bien. Nous avons chanté de manière intensive, et quand elles ont commencé à danser, j’ai exprimé le refus total de la vieille carne : « Pardonnez-moi, mais non. Je suis crevée et j’ai encore une heure de route à faire pour rentrer. J’ai au moins vingt ans de plus que vous et des rhumatismes.  Pour la danse et tout ce qui demande d’être en forme, la prochaine fois, mettez ça au début de la séance ! »
Toute l’équipe s’est confondue en excuses.  Mais l’on oublie souvent que je suis une vieille bonne femme. Or le matin, j’avais fait le ménage de fond en comble pour l’arrivée de mon artiste-peintre.  Nadia, qui avait proposé de m'aider, ne s’était pas réveillée. Le jeune Kolia, envoyé par Kostia en urgence, est venu terminer l’électricité, que le mari de la gérante du café m'avait laissée en plan, avec le père Andreï, celui qui est beau garçon, dans le genre très russe. Ils ont été impeccables. Kolia m’a parlé politique : « Ne vous en faites pas, Laurence, la Russie en a vu d’autres, ils n’ont pas encore notre peau. Nous sommes en train de fonder un nouveau parti patriotique, et nous allons réveiller tout ça. De temps en temps, nous avons des creux de vagues, mais ça va remonter, vous aller voir. »
Au retour de Rostov, Katia et moi avons vu un ciel fantastique au dessus du lac Nero, et nous sommes arrêtées pour le contempler et le photographier : double arc-en-ciel, nuages de plomb et d’or, ourlés d’un bleu étrange, presque d’un autre monde… Sur la route, je voyais du coin de l’œil que la fête se poursuivait, mais je ne pouvais pas bien la regarder, sous peine de me payer un camion.
Mon artiste et sa mère sont extrêmement gentilles, très émotives et elles me prennent pour une maîtresse-femme alors que je suis prête à payer quelqu’un pour aller dans les administrations à ma place et que j’éclate en sanglots sur mon bricolage en demandant à Dieu ce que je lui ai fait pour qu’il ne m’ai jamais donné le mari que je lui réclamais tous les jours et auquel j’étais prête à faire la cuisine et le repassage, pourvu qu’il me délivrât des tournevis, des perceuses, des relations avec les garagistes, les artisans et les bureaucrates, et m'évitât d'aller bosser à l'école... Quand on n'est jamais aidé, on s'aide tout seul, et les gens vous croient fort, alors que vous êtes simplement seul. Marche ou crève.
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samedi 6 juillet 2019

La routine...


Je m’active pour préparer l’appartement de l’artiste-peintre et de sa mère. Qu’elle me soit tombée du ciel m’a obligée à m’en occuper, mais que de corvées… Je suis encore retournée au siège de l’électricité Energo, qui était tout le temps fermé pour « causes techniques ». Les employées étaient présentes, mais ne me voyaient pas, j'avais un avant-goût de ce que peut signifier être sorti de son corps et imperceptible au monde des vivants, et cela a duré un bon quart d'heure. Quand on m'a enfin aperçue, on m’a encore envoyée ailleurs. Valia, du café français, m’a accompagnée, car c’est son mari qui a changé le compteur. Et là, on me dit qu’avant de changer le compteur, j’aurais dû les appeler, et que d’ailleurs j’avais une dette de 20 000 roubles. Théoriquement, je paie à travers la banque, mais il faut quand même leur envoyer le relevé du compteur, sinon, ça ne marche pas, alors à quoi bon passer par la banque ? En France, il y a un prélèvement mensuel, une vérification ponctuelle du compteur et un réajustement si besoin est, mais ce serait sans doute trop simple… D'un autre côté, les employés sont eux-mêmes tellement conscients que c'est le bordel, que cela ne va généralement pas plus loin et qu'on s'arrange...
Maintenant, il me faut attendre le gars qui viendra plomber le truc.
Pour le gaz, j’ai renoncé à faire le raccordement des plaques au reste du circuit, car c’était également toute une affaire, et j’aurais dû mettre des plaques à induction sans me poser de questions. Là j’ai vraiment manqué de jugeotte. La même Valia m’a dit de prendre une bonbonne, normalement, ici, on doit les placer à l’extérieur, ce qu’en France, on ne fait pas. J’espère que son mari va bien venir finir l’électricité, il manque des prises…
Avec cela, il parait que les flics ont omis de me donner un papier pour l’assurance de la voiture, et il va me falloir aller les trouver, ce que je remets à demain depuis quinze jours.
Et côté permis de séjour, ce n’est pas fini non plus.
Je vais à nouveau chanter toutes les semaines avec Katia à Rostov, car Liéna est plus libre de son temps et désireuse de travailler avec des adultes et de fonder un petit ensemble. Cette fois, elle nous a reçues chez elle. Elle vit dans une isba, et son mari est charpentier, quel beau et véritable métier... Il a agrandi cette isba, pour y mettre les commodités modernes et avoir plus de place, sans aucunement la défigurer, elle reste une jolie maison russe. Il a sculpté lui-même les encadrements de fenêtres, et j'envisage d'en faire poser chez moi, aux fenêtres de la partie ancienne de ma maison. A titre de témoignage!
Nous en sommes au choix de vêtements typiques pour d'éventuels concerts. Ils ne doivent pas être trop typiques non plus. Nous allons nous adresser à une femme qui en fait sur commande, avec des imprimés traditionnels ravissants, à Vologda.
sarafanes de Tatiana Cheoulina

La ville de Rostov est encore très belle, délabrée, mais belle, avec des dentelles de bois sur les vieilles isbas, des petits hôtels particuliers de brique, des maisons de marchands, quelle magnifique destination touristique elle pourrait devenir si ceux qui décident avaient un minimum de goût et d'intelligence...
L’actualité est abominable, ce ne sont que destructions, génocides discrets, comme au Yemen et au Donbass, indignations bruyantes et manipulées dans le sens voulu par la dictature mondiale qui se met en place avec de plus en plus d’évidence et d’impudence,  invasions voulues et dirigées, corruption, perversion. Une amie russe m’a appelée pour m’en parler. Je vois sur Facebook plein de Français prendre Poutine pour l’homme fort et le dernier recours, et ses discours sont effectivement impeccables, le problème est que la réalité russe nous offre le démenti permanent de ce qu’il nous raconte… Cette amie me disait qu’elle ne savait pas s’il servait de paravent aux entreprises sournoises et délétères des équivalents « russes » de nos seigneurs mafieux occidentaux,  auquel cas c’est un excellent comédien, bien meilleur que Macron, ou s’il ne pouvait, au fond, pas faire grand-chose. Car d’après sa sœur, spécialiste de l’économie et de la politique, la Russie est vendue, comme l’est l’Europe, ce qui explique d’ailleurs cette arrogance des apparatchiks qui font ce qu’ils veulent,  imposent ici tout ce qui a perdu l’Europe, mais en douceur, parce que la population n’étant pas aussi abrutie que la nôtre, aussi coupée de toutes ses sources, désorientée, conditionnée, hypnotisée, il ne faut pas effrayer la grenouille qu’on a mise dans l’eau tiède de sa future cuisson avant que le degré d’ébullition ne lui permette plus de réagir. Aussi Poutine nous parle-t-il des valeurs humaines éternelles, des ciments spirituels et culturels de la sainte Russie et de la foi orthodoxe, et je souscris pleinement,  mais l’on continue à détruire le patrimoine architectural, à piétiner tout ce qui est russe, à promouvoir tout ce qui est étranger, et surtout ce qui peut pervertir et abrutir la jeunesse, tout en lui faisant prendre son pays en horreur. Parallèlement, une immigration musulmane est discrètement favorisée aux dépens des Russes coincés dans les républiques  ex-soviétiques et qu’on devrait inciter à venir et accueillir à bras ouverts. Quand la population sera aussi avachie, abrutie, hypnotisée que la nôtre, on pourra alors lui déverser dessus la Chine et l’Asie Centrale par millions d’envahisseurs voraces, avec peut-être aussi l’Afrique en prime, comme on le fait chez nous.
A mon humble niveau, je ne perds pas une occasion de souligner les parentés de techniques entre leurs politicards et les nôtres, leurs journaleux et les nôtres. Et de manifester mon enthousiasme pour tout ce qui est russe de chez russe.
Il me paraît de plus en plus évident que tout cela est voulu, concerté, qu’une toile d’araignée nous emprisonne tous, que des métastases détruisent nos pays les uns après les autres au profit d’une caste absolument sans foi ni loi qui confisque tout le pouvoir et toutes les richesses, et nous créera un enfer auprès duquel les totalitarismes du XX° siècle nous paraîtront d’aimables plaisanteries, un vrai cauchemar de science-fiction. Parce que ce qui fait la force des peuples, c’est leur unité, c’est leurs traditions, leur culture, leur foi, leur héritage historique, culturel, spirituel, génétique, tout ce système de code subtil qui met les gens en communion, et fait qu’ils se sentent en famille dans leur pays, et porteurs d’une certaine idée sacrée de leur destin commun. Si l’on brise tout cela, si les gens n’ont plus d’autre lien que la merde dans laquelle on les fait vivre universellement, alors on observe l’émergence d’un abruti d’une stupidité et d’une méchanceté, d’une indignité et d’une veulerie qu’on n’avait jamais connues jusqu'alors, le produit, le produit au sens marchand du terme, d’une mafias de monstres auxquels la disparition des monarchies a donné tout pouvoir sur nous, et qui nous prend pour des sous-hommes, qui nous métamorphose en sous-hommes.
Dans ce chaudron de sorcières que devient la planète,  mes seules lueurs d’espoir, c’est la résistance spirituelle du métropolite Onuphre et de ses fidèles en Ukraine; la résistance armée du Donbass qui, au moins, mourra debout, s’il faut mourir. Des prophéties, celles de saint Païssios ou celles de saint Laurent de Tchernigov. Des signes. Par exemple, les nuages. Après ceux que j'ai vus l'autre jour, j'ai observé dans la publications de mes amis russes, qu'ils en avaient aperçu d'aussi fantastiques près de Moscou. A la fois splendides et menaçants, comme un avertissement, assorti d'une bénédiction.
En attendant la suite, je profite de mon jardin, et du ciel, du vent, après deux jours de froid polaire, le soleil réchauffe un peu notre été nordique. J'ai fait une aquarelle, sur le perron, en écoutant l'air siffler à mes oreilles, et en contemplant les mouvements torses et bleuâtres de ce ciel unique, plein de lumières exaltées et d'ombres menaçantes, de rayons et de pluies traversières. Nous avons encore des oiseaux. Nous avons encore des papillons, des abeilles et des bourdons, des coccinelles... Et cela me paraît miraculeux, cela me paraît un sursis, cela qui me semblait si normal dans mon enfance, et si éternel.
Fouillis fleuri, comme dit ma tante

Vigilante gardienne

partie de hamac...



lundi 1 juillet 2019

Rouslan, le retour.

Il m'a fallu un moment pour comprendre que cette chose énorme, puissante et incroyablement belle qui s'avançait sur nos têtes était un orage grondant et traversé d'éclairs. Je n'avais jamais vu de pareilles architectures, et de pareilles nuances, on ne voit cela qu'ici, en Russie, de pareils nuages, à la fois sombres et transparents, avec des passages de formes mauves, si lointaines qu'on ne les discerne pas vraiment, des caravanes célestes dans de fantastiques décombres. A Krasnoïé, j'avais plus d'espace pour les contempler. Il me faudrait reprendre l'habitude d'aller sur l'ancienne berge du lac, le soir, pour regarder le spectacle que Dieu nous prépare tous les jours et qui vaut tout ce que nous pouvons inventer.
Ritoulia va mieux, mais il lui arrive encore de pleurer, et elle est agressive avec les chats,surtout Georgette. J'ai dû décevoir ce soir la voisine Violetta, qui passait avec la voisine Ania, devant ma palissade. J'ai discuté avec elle, dans la rue. Ritoulia en a eu vite assez, elle est allée m'attendre sur le perron, d'où elle aboyait avec autorité pour me dire que ça commençait à bien faire, et qu'il était temps de rentrer.
La petite cuisine est presque installée. Le plombier Rouslan est venu faire les raccordements. Comme d'habitude, nous avons refait le monde: "Ne vous en faites pas, ils n'ont pas encore la peau de la Russie, les Russes ne fonctionnent pas comme les Européens, l'argent, ce n'est pas une motivation, pour nous, nous pouvons vivre sans, nous ne nous sentons pas déshonorés, et nous nous débrouillons toujours. Laurence, mais voyons, nous sommes un peuple théophore, gardien de la foi chrétienne, Dieu sauvera la Russie, la catastrophe est imminente, mais la Russie résistera.
- Dieu vous entende, Rouslan, je suis contente d'être venue ici.
- Ici, mais ici, c'est le paradis, vous ne pouviez pas mieux faire. Oui, Pereslavl, c'est le paradis, c'est une sainte terre, et voyez, nos églises et notre lac...
- Oui, c'est dommage que l'on ait détruit tant de belles choses pour construire tant d'horreurs...
- Ah les Russes sont influençables, vous savez, faites une belle maison, avec des encadrements de fenêtre sculptés, et vous verrez qu'ils vous copieront!"

Le festival de nuages









mercredi 26 juin 2019

Une triste déception


A ma grande déception, Ritoulia a accouché d'un petit chien mort, qu'elle appelle en pleurant. Je suis allée aujourd'hui chez le vétérinaire: elle est en pleine forme, mais il n'y a pas d'autre petit chien à venir. C'était le seul, et il est mort. On m'a prescrit de l'antistress et un truc pour arrêter la lactation. J'ai passé trois jours difficiles dont une nuit presque sans sommeil. Elle aussi, et tout cela en vain, alors que j'avais une grande demande pour les chiots, et c'étaient des gens normaux que je connais, ma voisine Violetta par exemple...
Je devais rapporter mon ancien compteur électrique que l'on m'a changé et déclarer le nouveau, mais je n'osais pas laisser Rita. J'y étais allée une première fois tout de suite après le changement. Il y avait la queue et quelqu'un m'avait envoyé à l'autre bout de la ville, où l'on m'a réexpédiée d'où je venais. Puis le WE, puis un jour de flemme, puis l'affaire Rita. J'ai fait une tentative mardi, car on m'avait dit que j'avais le temps avant que la mise-bas ne se produisît. J'arrive devant la porte du bureau ad hoc: fermé ce jour pour "raisons techniques". Bon, me dis-je naïvement, je reviendrai plus tard. J'y suis passée aujourd'hui: fermé ce jour, pour raisons techniques. Les raisons techniques, c'est généralement très mauvais signe. Quand c'est un magasin, on peut être quasiment sûr qu'il ne rouvrira jamais.
Je suis allée au café français me remonter le moral avec un "rubis" (la tuerie à la mousse au chocolat avec gelée de framboises et écailles de chocolat craquant), alors que normalement, je ne mange plus du tout de sucre, à part sous forme de fruits, et je constate que si je n'ai pas maigri de façon spectaculaire, j'ai retrouvé une énergie que je croyais définitivement perdue. J'y ai vu Gilles et le pâtissier Didier qui voudrait faire du tourisme avec moi à travers les monastères orthodoxes, et d'abord la Trinité Saint Serge. Je sens que les commentaires ne seront pas tristes! Je pense l'emmener à Rostov, avec Martha, c'est vraiment à voir. Et à Souzdal, ce qui me permettra de renouveler mes stocks d'hydromel pétillant incomparable.
Je suis tellement pleine d'énergie que j'ai tondu moi-même une partie de mon terrain, calmement et sans tout ravager. Car le voisin, lui, c'est la tonte Monsanto... Il ne comprend pas mon amour des plants de consoude, par exemple, que j'essaie d'implanter sur ma butte, car il semble que cela éloigne les orties, et j'ai là mes framboisiers. Et puis en plus c'est joli, ça fait de petites fleurs bleues. Cet après-midi, en allant acheter les médicaments de Ritoulia, j'ai vu de merveilleux ensembles de roses-trémières; c'est exactement ce que je voudrais obtenir chez moi: des roses-trémières multicolores qui prolifèrent. La butte aux framboises et aux consoudes s'y prêterait bien, et aussi le grillage qui me sépare de la voisine Violetta, mais c'est le coin le plus marécageux. Cependant, les deux roses-trémières que j'y ai mises semblent partir au quart de tour. Je voudrais mélanger roses-trémières, topinambours, asters et roseaux le long de ce grillage, et s'il y a des "mauvaises herbes" au milieu, cela ne se verra du coup pas tellement.
J'ai vu que j'aurais mes premières airelles, cette année. Le fruit de cet arbrisseau russe ou peut-être khirghize qu'on appelle "irga" est délicieux, mais je n'en ai pas encore beaucoup.
Je croyais morte la clématite que j'avais plantée l'an dernier, mais elle s'avère très vivace et très florifère. J'avais peur d'avoir du mal à en faire pousser, eh bien pas de problèmes, et j'en ai mis une violette devant la palissade.
Il a fait très chaud et trop sec, et là tout d'un coup, on dirait que l'automne vient d'arriver en avance: temps frais et pluvieux. Les plantes ont souffert du manque d'eau, même dans mon marécage.
Ce matin, je suis allée à l'église, me confesser et communier, et ensuite prendre un café avec le père Constantin. Nous allons toujours au café Montpensier, derrière la cathédrale. De la terrasse, on peut voir l'église du XII° siècle où a été baptisé saint Alexandre Nevski. Les serveuses adorent ma chienne et la gâtent toujours beaucoup, mais elle n'était vraiment pas dans son assiette.
C'est finalement la femme du père Constantin, qui va m'aider à traduire mon livre.

Un commentaire vient de m'apprendre que irga, c'est l'amélanchier...

une large population de roses-trémières

une de mes roses-trémières commence à fleurir, cette année, elle est
énorme


Les delphiniums manquent d'eau
La clématite