Génia m'ayant invitée à la liturgie mensuelle du village de Tverdilkovo, j'y suis repartie avec un début de migraine qui n'a fait que croître au cours de la journée, mais je ne regrette quand même pas, car l'endroit est très beau, j'ai été accompagnée tout le long de la route par de splendides nuages, et le hiéromoine de service, m'a fait grande impression. C'est un homme qui a dû être beau garçon, mais qui est à présent comme ravagé par l'ascétisme et la douleur, maigre et convulsé, et pourtant, ce visage tourmenté de combattant épuisé est pénétré d'une sorte de grâce, de lumière dévorante, et lorsque je suis allée me confesser à lui, j'ai senti tant de miséricorde et de vertigineuse profondeur, que le seul fait de lui avoir parlé et de recevoir sa bénédiction m'a fait un bien immense. "Vous devez patienter et subir tout cela, la création vous rapproche du Créateur, et il sait ce qu'il fait de vous et pourquoi. Quand à ce qui nous arrive à tous, oh c'est bien compréhensible que cela vous fasse du mal et que cela vous fasse peur, nous sommes faibles, mais le Christ est avec nous, et il sait ce qu'il fait".
Génia m'a dit ensuite qu'il avait fait la guerre en Afghanistan et qu'à son retour, il était entré au monastère, ce qui arrive à beaucoup de guerriers. Le métropolite Philippe de Moscou aussi était un ancien guerrier, et je suis très sensible à cette dimension virile, héroïque du monachisme russe.
Une des fidèles disait, à la sortie de l'église, qu'il semblait un fou-en-Christ surgi des siècles passés. Il y a de cela, parce qu'il parle avec tant de sincérité et d'inspiration, et aussi de souffrance, et pourtant de joie... c'est un champ de bataille à lui tout seul, contre quels souvenirs se bat-il? Contre quelles sombres armées? Et pourtant, il est présent à ce qu'on lui dit, et il ne juge pas.
Il y a quelques temps, une personne très négative m'avait raconté toutes sortes d'anecdotes sur l"Eglise et ses représentants locaux, il fut un temps où de telles anecdotes m'avaient presque fait perdre la foi, mais personnellement, je n'ai pratiquement jamais été le témoin direct de pareilles histoires. Bien au contraire, mes expériences sont généralement extrêmement positives, et en dépit de certaines moniales tyranniques ou de dépenses excessives pour des projets inutiles alors que nos églises anciennes ne sont toujours pas restaurées, je suis quand même étonnée de voir la qualité spirituelle des monastères de Pereslavl. Aussi en suis-je venue à faire miennes deux assertions que je rencontre souvent dans les milieux orthodoxes: "Celui qui ne reconnaît pas l'Eglise comme sa mère, Dieu ne le reconnaît pas comme son fils" et "l'abeille va trouver instinctivement les fleurs, et la mouche la merde".
"Je n'arrive pas à aimer assez le Christ, à l'aimer personnellement", ai-je dit en confession. Mais j'avais l'impression tout à coup de l'avoir auprès de moi, en ce moine souffrant, j'aime le Christ à travers ses moines.
Génia m'a donné du "vin de prune sauvage" qu'il fait lui-même, de la tisane d'épilobe et d'argousier. Il m'a dit que sa défense acharnée et victorieuse des environs du monastère saint Nicétas avait fait de lui l'ennemi numéro un pour les autorités locales. "Pourtant, je suis un pragmatique qui n'aurait jamais dû s'occuper de ce combat, mais je savais qu'on pouvait le gagner et que je devais laisser quelque chose de bien derrière moi. Je n'ai pas toujours été un ennemi du capitalisme, dans les années 90, nous nous sommes presque tous jetés dedans, d'abord parce qu'il fallait survivre, et ensuite, parce qu'il nous arrivait d'occident toutes sortes de biens matériels, le fer à vapeur que j'utilise encore, c'était une vraie conquête, la machine à laver également. Mais au bout d'un moment, j'ai ressenti une espèce de vide que rien ne pouvait combler, et c'est là que je me suis tourné vers Dieu, et vers nos valeurs éternelles"...
Génia m'a dit ensuite qu'il avait fait la guerre en Afghanistan et qu'à son retour, il était entré au monastère, ce qui arrive à beaucoup de guerriers. Le métropolite Philippe de Moscou aussi était un ancien guerrier, et je suis très sensible à cette dimension virile, héroïque du monachisme russe.
Une des fidèles disait, à la sortie de l'église, qu'il semblait un fou-en-Christ surgi des siècles passés. Il y a de cela, parce qu'il parle avec tant de sincérité et d'inspiration, et aussi de souffrance, et pourtant de joie... c'est un champ de bataille à lui tout seul, contre quels souvenirs se bat-il? Contre quelles sombres armées? Et pourtant, il est présent à ce qu'on lui dit, et il ne juge pas.
Il y a quelques temps, une personne très négative m'avait raconté toutes sortes d'anecdotes sur l"Eglise et ses représentants locaux, il fut un temps où de telles anecdotes m'avaient presque fait perdre la foi, mais personnellement, je n'ai pratiquement jamais été le témoin direct de pareilles histoires. Bien au contraire, mes expériences sont généralement extrêmement positives, et en dépit de certaines moniales tyranniques ou de dépenses excessives pour des projets inutiles alors que nos églises anciennes ne sont toujours pas restaurées, je suis quand même étonnée de voir la qualité spirituelle des monastères de Pereslavl. Aussi en suis-je venue à faire miennes deux assertions que je rencontre souvent dans les milieux orthodoxes: "Celui qui ne reconnaît pas l'Eglise comme sa mère, Dieu ne le reconnaît pas comme son fils" et "l'abeille va trouver instinctivement les fleurs, et la mouche la merde".
"Je n'arrive pas à aimer assez le Christ, à l'aimer personnellement", ai-je dit en confession. Mais j'avais l'impression tout à coup de l'avoir auprès de moi, en ce moine souffrant, j'aime le Christ à travers ses moines.
Génia m'a donné du "vin de prune sauvage" qu'il fait lui-même, de la tisane d'épilobe et d'argousier. Il m'a dit que sa défense acharnée et victorieuse des environs du monastère saint Nicétas avait fait de lui l'ennemi numéro un pour les autorités locales. "Pourtant, je suis un pragmatique qui n'aurait jamais dû s'occuper de ce combat, mais je savais qu'on pouvait le gagner et que je devais laisser quelque chose de bien derrière moi. Je n'ai pas toujours été un ennemi du capitalisme, dans les années 90, nous nous sommes presque tous jetés dedans, d'abord parce qu'il fallait survivre, et ensuite, parce qu'il nous arrivait d'occident toutes sortes de biens matériels, le fer à vapeur que j'utilise encore, c'était une vraie conquête, la machine à laver également. Mais au bout d'un moment, j'ai ressenti une espèce de vide que rien ne pouvait combler, et c'est là que je me suis tourné vers Dieu, et vers nos valeurs éternelles"...