Venez à moi comme si j'étais en vie, je vous entendrai et vous aiderai", c'est ainsi que s'exprimait l'archimandrie du grand schème Zossima (Sokour) dans les derniers jours de sa vie.
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lundi 6 février 2023
Alentour se déchaînera la folie, mais la Russie tiendra !
Venez à moi comme si j'étais en vie, je vous entendrai et vous aiderai", c'est ainsi que s'exprimait l'archimandrie du grand schème Zossima (Sokour) dans les derniers jours de sa vie.
samedi 4 février 2023
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vol de mouettes au dessus du lac |
Cette année, j'ai fêté modestement mon anniversaire au café la Forêt. Très modestement, parce que beaucoup ne sont pas venus. L'un se croyait mercredi alors qu'on était jeudi, l'autre avait des enfants malades, d'autres encore étaient à Moscou. Je n'ai pas eu le courage d'organiser cela à Moscou, et puis cela me revient cher. Quand j'habitais sur place, c'était plus simple.
Du coup, c'était l'équipe du café plus quelques amis, des pizzas délicieuses et un gros gâteau.
On m'a envoyé beaucoup de messages extrêmement touchants, j'en suis même interloquée. Des Russes mais aussi de nombreux Français.
Je me sens dans un drôle d'état, disons qu'il se produit en moi des transformation, à la faveur de la situation extrême, ce qui arrive à des tas de gens dans le même cas. Toute ma vie a reculé derrière ces événements, comme si on avait refermé toute une série de tomes, dont les illustrations me reviennent en mémoire, feuilletées par une main invisible. Un monde désormais inaccessible et resté si familier m'envoie des signaux au travers d'une incompréhensible folie et de présages sinistres qui pourtant ne touchent pas encore mon refuge septentrional.
A voir ce qui se passe dans notre monde, il m'est venu à l'esprit que beaucoup de gens pourraient ne pas remarquer qu'ils se trouvent en enfer. Par exemple, si je devais vivre éternellement dans un univers de cages en béton, d'usines, de fermes industrielles, avec le vacarme puant de routes fréquentées, de la musique tonitruante et affreuse imposée partout, des objets et des vêtements hideux, des comportements indignes, agressifs et vulgaires, je serais dans un désespoir absolu, mais beaucoup de mes contemporains trouvent tout cela parfaitement normal, détestent le silence et la nature, et ne comprennent plus rien d'authentique, de beau, de bon et d'harmonieux, l'enfer, ils en ont déjà l'habitude, et le paradis les ennuie ou les fait ricaner. Dans Yarilo, à un moine qui lui dit qu'il aura du mal à éviter l'enfer, Maliouta Skouratov, homme de main et bourreau du tsar, répond que cela ne lui fait pas peur car il aura là bas toujours de l'ouvrage. En quelque sorte, il s'est préparé à sa destination finale, et elle lui convient. Bien sûr les gens comme lui passeront à côté de joies radieuses infiniment exponentielles, mais ils ne sont pas équipés pour les apprécier, ils n'ont pas ou n'ont plus les récepteurs: nous emporterons avec nous le trésor de notre coeur, à chacun le sien... Le diable de Boulgakov, le professeur Woland, qui n'a d'ailleurs pas grand chose à voir avec le vrai diable, boit, dans le crâne de l'intellectuel pourri Berlioz, au néant auquel celui-ci avait toujours cru et qu'il allait donc rejoindre.
Je vois avec horreur ce qui se passe dans l'Ukraine en guerre, mais ceux qui ont organisé tout ça et y participent avec enthousiasme, ou poussent les autres à le faire, s'y sentent comme des poissons dans l'eau. Ils ne sont arrêtés ni par les vols impressionnants d'innombrables corbeaux, ni par les larmes que versent de nombreuse icônes, ils ne respectent pas les hommes de Dieu qui firent parfois reculer Ivan le Terrible et ses opritchniks, ou même des nomades barbares, et mènent des bacchanales dans les églises dont ils ont chassé les héritiers légitimes. Ils sont insensibles à l'innocence et à la beauté, n'ont compassion de personne, ne respectent rien, ils s'affichent ouvertement satanistes, ils en sont fiers, ils jouissent du mal et de la profanation, du mensonge, du cynisme et de la fourberie, de la pleurniche manipulatrice, du sarcasme et du persiflage, ils égarent les simples et les enfants, et c'est là, disait le Christ, le péché le plus impardonnable, malheur à celui par qui le scandale arrive...
Il me semble que la seule issue, dans ce maelstrom où nous sommes tous entraînés est de prendre de la hauteur, de s'élever comme la mouette au dessus de la tempête, ce qui ne signifie pas l'ignorer, ou lui être indifférent, mais garder, entre les abîmes du ciel et les abysses inférieurs, la direction des courants ascendants, ne pas verser d'huile sur le feu ni de sel sur les plaies, ne pas tirer sur les ambulances, ne pas danser sur les tombes ni ajouter au bruit et à la fureur ambiants des appels au meurtre et des blasphèmes.
Cette distance de sécurité, cette hauteur de vue, je ne peux la trouver que dans la prière et la création. Je mets en ordre tout ce que j'ai fait, en quelque sorte, je fais mes bagages. Les chansons, je dois les enregistrer, car je ne connais pas le solfège. Ainsi je garde le texte et la mélodie. Une amie m'a demandé s'il n'y avait pas de moi dans ces oies sauvages. Si, bien sûr. Elles sont pour moi un modèle de vie. Je crois et je crée comme les oies migrent, par nécéssité de nature. J'ai finalement assez peu créé, mais le terreau de la fin du XX° siècle était peu propice à mon développement intérieur, j'ai donc poussé comme ces arbres qui manquent de terre, j'ai volé comme ces oiseaux à qui les ondes et la pollution font perdre la boussole, mais contre les vents et les marées, jusqu'à la dernière page...
les oies sauvages
Je recommande de regarder la vidéo dont je donne le lien, et que je n'arrive pas à partager directement sans doute parce qu'elle est trop véridique, et qu'on en limite la diffusion. Pour ceux qui veulent comprendre et savoir :
https://www.youtube.com/live/nRbIlGbGtuI?feature=share
Je recommande d'ailleurs toutes les vidéos de cette chaîne, qui réinforme avec intelligence. Je souscris à tout ce que dit Karine, y compris au sujet du groupe Wagner, et je partage les inquiétudes des invités concernant les armes biologiques. Le groupe Wagner est très efficace, et s'il ne touche pas aux civils, ni aux prisonniers de l'armée régulière, il adopte envers les tortionnaires d'en face une justice expéditive qui risque de le faire descendre au même niveau. Quelle que soit la nature de l'ennemi, on n'a jamais intérêt à le suivre en enfer. C'est aussi l'une des thématiques de Yarilo.
Objets en vente sur le site du Temple satanique, organisation "religieuse" américaine... |
lundi 30 janvier 2023
Adieu Vassia
Le père Nikita de Donetsk m'a appris la mort subite d'une force de la nature, Vassia Evkhimovitch, qui avait fabriqué sa vielle et l'une des miennes, et nous avait mis en relations l'un avec l'autre. Vassia est mort en chantant et plaisantant avec des amis. Il s'est effondré sur son voisin de table et il a été impossible de le ranimer.
Vassia était un vrai Russe, ouvert, exubérant et chaleureux, il avait beaucoup de talent. Designer fortuné, il avait tout laissé tomber pour partir fabriquer des vielles et en jouer. J'étais allée chez lui, dans un centre touristique au fin fond de la Carélie, avec un autre fou, Sérioja Klioutchnikov, et ce voyage restera toujours gravé dans ma mémoire, pour ses aspects poétiques et cocasses. J'étais retournée le voir près de Tver, dans son isba extrêmement rustique, un épisode que j'ai relaté dans mes chroniques.
Récemment, il était allé dans le Donbass chez le père Nikita, donner un concert pour soutenir la cause, comme ensuite le joueur de gousli Maxime Gavrilenko.C'était courageux, Vassia avait des origines biélorusses mais se sentait solidaire de la Russie, comme avant que tout un sale monde se mêle de séparer ce qui était uni.
Difficile de croire que cet homme jeune, tonitruant et plein de vie ait pu mourir d'un seul coup. Très affecté, le père Nikita a chanté un vers spirituel en hommage à Vassia, et l'office des défunts. Il raconte que Vassia avait été bouleversé par ce qu'il avait vu au Donbass, et s'était confié à lui longuement, il semble qu'il était en train de se rapprocher de Dieu. Il y a quelques jours, le père Nikita m'avait montré une vielle qui avait appartenu à un homme tué au Donbass, et comme il voulait lui donner un nom, j'avais suggéré la Voix de l'Homme Mort. Il dit que ce serait aussi désormais la voix de Vassia qui nous avait permis de nous rencontrer.
hommage à Vassia du père Nikita.
Ce même jour, mon ami Slava a été inhumé à Moscou.
vendredi 27 janvier 2023
Deux vieux Français
Visite presque surprise du père Basile Pasquiet, archimandrite vendéen du monastère de la Sainte Trinité à Tcheboksary, en Tchouvachie. Il m'avait appelée la veille sur le chemin du monastère saint Boris et saint Gleb, près de Rostov, pour me prévenir qu'il serait bientôt à Pereslavl. Nous ne nous voyons pas très souvent, parce que Tcheboksary, ce n'est pas la porte à côté. Il me faudrait aller voir les balalaïkers à Oulianovsk en faisaint escale chez lui. Ou bien retourner à Kourmych chez Sacha, ce n'est pas trop loin.
Il m'avait donné rendez-vous au monastère saint Nicolas après avoir rendu visite à la croix miraculeuse de Godenovo. Nous avons été accueillies par la mère higoumène Evstolia, qui nous a fait faire le tour des églises et des saintes reliques, nombreuses, saint Corneille de Pereslavl, saint André de Smolensk, la magnifique croix de Khersonèse et nombre de belles icônes anciennes, dans un monastère pourtant presque neuf, car il avait énormément souffert à la révolution. Nous avons pris un repas maigre pourtant excellent. La conversation portait sur divers sujets monastiques, émaillées d'anecdotes pleines d'humour, comme les aime le père Basile qui a aussi évoqué le père Placide, à qui il avait rendu visite à Saint-Antoine-le-Grand, peu de temps avant sa mort.
Je pensais qu'il viendrait chez moi, comme il en avait l'intention, mais comme bien souvent avec les personnalités ecclésiastiques, il n'en a pas eu le temps, nous avons échangé un peu en français dans le jardin du monastère, avant qu'il ne repartît pour Moscou en passant par Serguiev Possad. Nous avons parlé de notre présence ici, deux vieux Français, quel itinéraire... "Cela me donne parfois un peu le vertige, lui dis-je.
- Pas moi!" me répond-il en riant.
Il pense comme le père Andreï que le conflit en Ukraine était devenu inévitable, et qu'il assainit maintenant pas mal de choses ici, c'est le bon côté de ce qui se passe là bas d'absolument terrible. Une correspondante facebook est interloquée par le fait que le patriarche invite à ne pas juger ceux qui ont quitté la Russie, et qui ont besoin d'aide spirituelle, ni les Ukrainiens, puisque le responsable de tout ce gâchis est "l'occident collectif". Elle trouve que les Ukrainiens sont largement responsables car on n'embrigade pas ceux qui s'y refusent. Cela ne me paraît pas si simple. Quand dès l'école maternelle, on réeeduque les gens, beaucoup n'y résistent pas. Je vois encore beaucoup de Russes avoir une vision complètement faussée de leur histoire, comme d'ailleurs beaucoup de Français, et l'Occident s'est employé, avec le concours d'un personnel politique et médiatique pourri, à rincer la cervelle des Ukrainiens jusqu'au blanc pur. C'est d'autant plus simple, quand les gens n'ont pas d'accès à leur foi ni à leur culture, et on a tout fait pour les couper de l'une et de l'autre. Et pas seulement en Ukraine, qui n'est jamais que le malheureux laboratoire de ce qu'on prépare à toute l'Europe. En ce sens, le patriarche a raison, et de plus, il n'est ni juge, ni commissaire du peuple et ne tient certainement pas à aggraver la position intenable du métropolite Onuphre, de ses hiérarques et de ses fidèles à qui il peut arriver absolument n'importe quoi.
mercredi 25 janvier 2023
Oiseaux de mauvaise augure
photo Natalia Kornileva |
J’ai vu l’image hallucinante d’un vol de corbeaux innombrables sur Kiev, des corbeaux ou des étourneaux ? Certains disent que c'est un fake, d'autres le confirment, le même phénomène s'était produit quand se concluait la création de l'eglise de Bartholomée. A Pierrelatte, on voyait fréquemment de grands vols d’étourneaux, mais pas en hiver. Et là, dans les lueurs de cette ville nocturne mal éclairée tournoient des oiseaux noirs, comme autant de démons, bien que chacun des oiseaux n’ait rien de démoniaque, ce sont juste des oiseaux, peut-être perturbés par la guerre. Simplement, s’ils sont venus tourner là, quelle qu’en soit la raison matérielle apparente, c’est que Dieu nous incarne peut-être un signe. Liouba dit que les anges peuvent se servir de n’importe qui, le gardien d’immeuble, le flic du coin, pour nous délivrer un message, sans que le messager lui-même en soit forcément conscient.
Ces flocons de suie sur Kiev, un nuage de corbeaux
Ou le
feu qui revient de différents côtés
C'est
votre terre noire qui part en fumée
C'est
du charbon et de l'acier, mais pas une goutte d'eau,
C'est
le souffre des pneus qui recouvre Sodome,
C'est
la suie des villes qui se fige dans l'ombre,
Ce sont
les cendres qui cognent à nos coeurs
Les
médecins de la peste pour vous viennent trop tard
C'est
le serpent qui franchit les remparts
Ce sont
vos propres mots qui font écho en vous
C'est
le poids du destin que vous avez invoqué,
Les
cercueils au rabais seront bientôt gratuits.
Ce sont
des foulards de veuves et des bouts de bannières
Ce sont
les démons qui vous assiègent de leurs milliers de gueules
C'est un chevron pourri couleur de sang et de nuit
Des
montagnes de sacs qui remplissent les morgues
Ce sont les soutanes des schismatiques, la croix sciée.
Qu'une
heure avant l'aube parvienne la nouvelle
Que périssent les âmes, que la Laure soit souillée:
Il
vient. Que ses ennemis soient dispersés
Piotr Tolstoi, en
face de toujours les mêmes hyènes médiatiques qui organisent plus un
interrogatoire qu’une interview. Ces journalistes se croient au Tribunal
international qu’ils mériteraient eux-mêmes pour leurs mensonges, leur
partialité et leur complicité dans le traquenard immonde où nous sommes tous en
train de tomber, cette énorme imposture.
J’ai vu une vidéo où les patrons de ces hyènes avouent eux-mêmes avoir, avant le coup d’état
du Maïdan, envoyé des instructeurs pour former l’armée ukrainienne à affronter
les Russes, ils ont eux-mêmes excité les ukrainiens comme des
pit-bulls. On comprend pourquoi les naïfs qui essayaient comme moi de faire de
la réinformation se heurtaient à un refus absolu d’évoquer les atrocités causées
par les meutes neonazies lâchées sur le Donbass. Mais ils prétendent devant
Tolstoï, avec aplomb, que les gens du Donbass « volaient la terre des Ukrainiens »,
c’étaient plutôt eux qui la vendaient aux Américains sans que leurs habitants
légitimes fussent consultés ! Je m’étonne qu’il ne le leur ai pas rappelé. Et
puis, quand on pense au cas qu’ils font de la nôtre de terre, la terre
française, qu’il est infiniment incorrect de défendre et de revendiquer, et de
ses habitants ancestraux perpétuellement honnis, impunément brutalisés et
ridiculisés !
Les faux-semblants sont fantasmagoriques, et l’on voit des campagnes pour défendre aux gens de boire trop d’eau ou prévenir que le sport est dangereux pour le coeur, alors même que pendant des années on nous prêchait les bienfaits de l’exercice et les deux litres d’eau par jour ! Nos dirigeants n'ont vraiment honte de rien. Un professeur veut faire appel à l’intelligence artificielle pour comprendre les causes des morts subites en rafale qui frappent la population à des âges où elles étaient rarissimes. Voici ce qu'écrit à ce sujet sur VK Lionel Famechon: Une intelligence artificielle est une fausse intelligence par définition. Tout ce qui vient de l'intelligence artificielle a été créé par une connerie naturelle. Si l'intelligence artificielle est égale à celle de l'homme moderne alors il faudrait la renommer "La connerie artificielle"
C’est qu’il ne faudrait surtout pas que les moutons menés à l’abattoir réalisent le problème avant d’avoir passé l'arme à gauche, alors on continue coûte que coûte à leur pendre des nouilles aux oreilles, comme disent les Russes, c’est-à-dire à leur raconter des craques. Non contents d’avoir injecté à leurs populations des substances douteuses, de les avoir ruinées, exposées sans défense à une criminalité sans précédent, nos malfaiteurs persistent à vaticiner et à fournir toujours plus d’armes qui servent à envoyer à la mort toujours plus d’Ukrainiens, lesquels à part un certain nombre d'irrécupérables ont largement compris de quoi il retournait, mais on ne leur laisse plus le choix. Aux Russes non plus. C’est la victoire ou la mort, même si tous ne le saisissent pas encore. On fait avec l'Ukraine et le Donbass comme avec le Covid, et ses conséquences, comme avec la théorie du genre, comme avec l'avortement justifié jusqu'à l'infanticide de foetus viables ou de nouveaux-nés, comme avec notre propre histoire détricotée pour la rendre compatible avec ce qu'on fait de notre pays, on fait semblant de croire, jusqu'à s'en persuader, à des contre-vérités évidentes qui ne peuvent convaincre personne d'encore doué d'un peu de bon sens et d'honnêtété intellectuelle.
Ioulia m’a dit hier que mon ami Slava, son père, l'historien et cinéaste Viatcheslav Lopatine, était sur le point de mourir et m’a demandé de prier pour lui, ce que j’ai fait. Après avoir reçu les saints dons, il s’est apaisé et endormi, et il ne s’est pas réveillé. Il paraît qu’il avait un cancer du sang. J’avais discuté avec lui au téléphone il y a peut-être 15 jours, il était gai et alerte, nous avions évoqué notre lointaine rencontre à Paris, quand j’étais étudiante. « Pouviez-vous deviner qu’un jour je viendrais vivre ici ? lui ai-je demandé.
- Eh bien à vrai dire, tu avais quand même quelque chose de spécial ! »
Slava était venu, avec son opérateur Génia, tourner un film sur la commune de Paris. J'avais tout juste 19 ans, c'étaient les premiers "soviétiques" que je voyais de ma vie, et je brûlais de leur parler, au restaurant où notre professeur avait invité ses étudiants pour faire connaissance avec eux. J'étais placée à l'autre bout de la table, et ne pouvais le faire. Au dessert, j'étais allée les trouver et leur avais demandé ce qu'ils pensaient d'Ivan le Terrible. Ils avaient éclaté de rire, et m'avaient pris chacun par un bras pour me réciter des vers et discuter avec moi de l'histoire russe, tout en visitant le Paris nocturne de l'époque parce que travaillant le jour, ils ne pouvaient faire de tourisme que la nuit. Au bout de quatre nuits de ce régime, je ne m'étais pas réveillée pour me rendre au dernier rendez-vous qu'ils m'avaient donné pour me faire leurs adieux, et j'avais amèrement pleuré, persuadée que je ne trouverais jamais d'hommes comme eux dans la France des années 70, ce qui s'est largement avéré. Ils avaient 16 ans de plus que moi, et ils étaient mariés tous les deux. Slava s'était spécialisé dans l'époque de Catherine II, dont il se disait le favori posthume. Il a écrit sur elle et sur Potemkine des dizaines de livres.
J’étais contente d’avoir renoué avec lui, je pensais à lui cet automne, et sa fille, qui vient souvent à Pereslavl, apprenant par une amie commune que j’y étais, m’avait contactée. Mais je ne l'aurai pas revu.
Slava avait 86 ou 87 ans, il est resté alerte, lucide et passionné par ce qu’il faisait jusqu’à la fin, il a pu communier avant de partir, il est mort paisiblement et entouré des siens, ce n’est pas la pire façon de s’en aller, d’autant plus qu’on ne sait pas trop ce qui attend ceux qui restent.
Slava et sa femme Natacha |
То пожар возвращается с разных сторон.
Это ваш чернозём возгоняется в дым.
Это уголь и сталь — и ни капли воды.
Это сера от шин накрывает Содом.
Это копоть остывших во тьме городов,
это пепел, который нам в сердце стучит.
К вам уже опоздали чумные врачи.
Это змей одолел ограждающий вал.
Это вам отзываются ваши слова.
Это тяжесть накликанной вами судьбы —
и со скидкой, а скоро и даром, гробы.
Это вдовьи платки и ошмётки знамён
цвета крови и ночи, истлевший шеврон,
это горы пакетов, заполнивших морг,
это бесы к вам сунутся тысячей морд,
это рясы раскольников, спиленный крест.
То за час до рассвета доносится весть,
пусть и сгинули души, и Лавра в грязи:
Он грядёт. И его расточатся врази.
lundi 23 janvier 2023
Le double sombre.
Slobodan Despot a commencé toute une réflexion sur la chute de la France, à laquelle j'avais répondu par une lettre qu'il a publiée. Son second article sur ce thème est extrêmement juste et profond. Dans ma lettre, j'expliquais, ne voulant pas trop m'étendre, comment j'avais assisté à l'assassinat programmé de la douce France de Trenet, mais il est certain que les racines du phénomène sont à chercher beaucoup plus loin, et c'est ce qu'il fait. Je ne peux que souscrire, d'autant plus que même en ce qui concerne la France de Trenet, il y avait déjà, comme on dit, du mou dans la corde à noeud. Bernanos et Saint-Exupéry en parlaient quand je n'étais pas encore née. Disons que j'ai vu s'éteindre les derniers feux...
Il écrit:
Si l’Anglais moderne ne sait pas ce qu’est la vérité, le Français fils des Lumières ne sait pas ce qu’est le chant de la vie.
Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Henry de Montherlant, dans un article de 1928 consacré, justement, au «chant profond», le canto jondo des Andalous, des Arabes et des Gitans(1). Avant la fameuse conférence de Lorca sur le Duende — le démon de la création —, Montherlant fait l’éloge d’un art où la perfection formelle ne vaut rien sans l’investissement éperdu et total de l’âme du pratiquant. Il décrit la transfiguration d’un jeune Gitan pataud et peu assuré, lorsque l’hymne de la douleur d’être né monte de ses entrailles. L’enfant est soudain devenu un homme, puissant et sans âge. Peu importe s’il chante faux! Les virtuoses sont oubliés: c’est pour lui et sa bouleversante sincérité que le public est venu. Il recevra le premier prix et retournera à son obscur trafic de cochons. Chantera-t-il encore? Si l’envie lui prend. C’est une vie que Montherlant respecte: celle où «on ne chante que quand ça vous chante»
En réalité, ceci m'a frappée dès mon enfance, je ne savais pas trop où le chercher, ce chant de la vie, autour de moi, dans ce très beau pays plein de vestiges intacts d'époques antérieures qui ne concernaient plus la nôtre, de signes qu'elle ne savait plus déchiffrer. Montherlant parle du petit gitan transfiguré par le flamenco, c'est précisément ce qui m'a attirée dans le folklore russe, ce chant de la vie. Dont on a aussi essayé de priver les Russes, d'ailleurs, et on y est partiellement arrivé. Adolescente, je ne trouvais pas de chant de la vie chez les écrivains du XVIII° et du XIX° français, si géniaux qu'ils aient pu être. A l'exception de Giono qui était pour moi une source vive, d'ailleurs assez marginale, un "écrivain régional", ou des poètes. Je la trouvais chez les Russes. Il y a des gens pour qui Dostoievsky est déprimant. Pour moi, au contraire, c'était une porte ouverte sur la lumière, et dans les pires convulsions de ses héros, je sentais une vie et une sincérité qu'il n'y avait pas ou n'avait plus, dans notre univers.
A un moment, nous n'avons pas pris le bon chemin et nous avons acculé le reste du monde à nous imiter ou à se soumettre, et cela concerne toute l'Europe occidentale.
Le malaise remonte à longtemps. Slobodan évoque Versailles, pour lequel il n'éprouve aucun engouement. Moi non plus, et quand Notre Dame a brûlé, je me suis dit que cela ne serait pas arrivé à Versailles, le monument emblématique de toute notre dérive, ce truc vain et pompeux, avec de fausses déesses antiques en lesquelles personne ne croit, ces imitations vides. Non, comme en Russie, où les plus vieux monuments étaient dynamités par les bolcheviques en priorité, c'est le moyen âge que détestent la modernité et la caste qui nous l'a vendue et imposée. Palais de nouveau riche, et en effet, d'ailleurs, Pierre le Grand, méprisant l'architecture unique de son pays, s'est précipité pour le copier avec son palais de Peterhof, déguisant dans la foulée sa noblesse en pingouins perruqués et la coupant de sa culture originelle.
Je pense à ce sujet à deux films qui m'ont marquée, "tous les matins du monde", avec l'extraordinaire personnage de monsieur de Sainte-Colombe, qui incarne la France encore mystique du XVII° siècle, et celui de Marin Marais, déjà pris par la vanité du siècle "des Lumières" approchant, et puis "Ridicule", où sont dépeints tous les défauts de notre fameux "esprit" guère spirituel qu'évoque Slobodan.
On est parti d’un récital de chant, quelque part dans le Sud, mais c’était pour arriver au cœur du problème: la raideur raisonnante, mesquine et glacée d’une société que Montherlant, comme bien d’autres avant ou après lui, ne supportait plus. Une société dont, pour reprendre les critères de Goumilev, la température passionnelle s’approche du zéro absolu. Son erreur fatale est d’avoir fait divorcer, depuis Descartes, l’intelligence et le sentiment: «Cette grande conspiration française contre la naïveté et le naturel!» Il vient parfois à Montherlant des fulgurances saisissantes. Comme ici: de l’esprit «classique» surcivilisé au primate petit-bourgeois qui se définit aujourd’hui comme «citoyen», la cloison est bien mince. «Les mots d’ordre du primaire ne sont pas si différents de ceux du classique: pas de lyrisme, pas de fantaisie, pas de vision vraie de la réalité, pas d’expression directe de ce qui est ressenti, tout cela est ou ridicule ou choquant: un peuple hier avec perruque, aujourd’hui avec certificat d’études, ne saurait le supporter. Le jargon démocratique de nos petits intellectuels avancés sert un idéal bien opposé, certes, à celui des beaux esprits de Versailles, ou à celui des scolastiques: n’importe, tarte à la crème et baralipton y montrent le nez. Le lit de Procuste sur lequel un instituteur de 1928 étend une page d’écrivain, pour la mutiler de tout ce qu’elle a vigoureux et d’inspiré, c’est un meuble national, le même depuis des siècles…
https://antipresse.net/aparchive/373437/Antipresse-373.pdf
C'est cet esprit que j'ai rejeté dans ma jeunesse et qui me rejetait avec mépris et aversion, que j'ai fui dans la Russie et dans l'orthodoxie, cet esprit qui a enfanté deux monstres, le petit marquis et le bourgeois, à l'origine de notre révolution, de ses horreurs et de la disparition, avec la paysannerie et nos derniers aristos, de nos forces vives, de nos réservoirs d'âme, de poésie, de pureté, de noblesse et de grandeur.
Je suis ensuite tombée sur cet article complémentaire d'Alexandre Douguine:
"Aujourd'hui, la Russie mène une guerre absolue pour la première fois de son histoire. Toutes les guerres précédentes n'ont été que des prototypes, des modèles relatifs pour la guerre la plus importante. Maintenant, cette guerre, la guerre actuelle, est définitive, finale et irréversible.
Il est clair que nous ne le comprenons pas encore. Ce qui va se passer dépasse l'entendement, même de ceux qui sont impliqués dans cette guerre et de ceux qui l'ont déclenchée.
Pour la première fois, nous sommes confrontés au mal pur, absolu, total. Elle ne sera plus partielle ou relative. Et il ne s'agit plus seulement de l'"Ouest", et encore moins de la "formation en U" à court terme. L'enfer qu'ils représentent n'a plus d'importance. Ce mal est quelque chose de beaucoup plus profond, comme l'humanité n'en a jamais vu. C'est la dernière guerre de l'humanité. Seule la Russie se tient fermement, inébranlablement, du côté de la justice et de la vérité, sans savoir pourquoi. Mais c'est pour cela que nous avons été créés et c'est pour cela que nous avons vécu. Nous ne savons pas comment cela va se terminer, mais les préparatifs du jugement dernier battent leur plein.
La planète se divise en deux. Soit dans cet hémisphère, soit dans l'autre. L'humanité se divisera. L'histoire est un mouvement de un à deux. Au début, il n'y avait qu'Adam, mais à la fin, il y en aura deux : Adam et son double sombre."
Ce double sombre, c'est bien l'esprit de l'occident chrétien dévoyé, apostasié tout à la fois dans le sarcasme et le sang, qui lui aura donné naissance et l'aura lâché sur le monde.
dimanche 22 janvier 2023
Immortalisée
Le peintre Alexandre Savielev est venu me peindre. J’aime beaucoup ses portraits puissants et très vivants, qui ne sont pas forcément flatteurs, surtout quand on n’est plus un perdreau de l’année. Me voici immortalisée, et Rita aussi. Il m’a dit qu’il trouvait les animaux très difficiles à peindre, il s’en est vraiment bien sorti, Rita est criante de vérité, on dirait un petit coeur battant. Je suis dévorée par le bleu, ce qui traduit une certaine réalité..
C’était la fête
du transfert des reliques du saint métropolite
Philippe des Solovki à Moscou, où elles reposent depuis le XVII° siècle.
Comme me le fait toujours remarquer mon amie Liouba, j’ai été logée par
l’Ambassade et j’ai acquis ensuite un appartement juste à côté de l’endroit où
on était allé accueuillir ces reliques en procession et où une église rappelle
l’évènement.
Je suis allée aux vigiles puis à la liturgie le lendemain. En sortant de ma voiture, j’ai vu que ma tante m’appelait, mais je n’ai pas pu répondre. A l’église, j’étais dans un état de tristesse lumineuse et de grâce, d’acceptation et de consolation, je ressentais tout le trajet de ma vie et son mystère. J’ai entendu dire que ma cousine s’adressait à son père défunt pour demander de l’aide, et moi, j’ai toujours demandé de l’aide pour les miens défunts, l’intercession des saints et la miséricorde de Dieu. Cependant, l’autre jour, regardant la photo de mon père, je lui ai dit : « En fin de compte, tu es le seul qui ait été vraiment croyant dans cette famille, et si comme je le crois, tu es à la bonne place, joins tes prières aux miennes, là bas, pour les nôtres vivants et morts. »
Et curieusement, il est depuis beaucoup plus présent dans mes pensées, je dirais encore plus présent. Comme si je lui avais ouvert une porte. C'est curieux, cette relation que j'ai gardé plus ou moins toute ma vie avec mon père disparu. Oui, ces jours-ci, j'ai vraiment l'impression qu'il est là quand je lui parle.
Le portrait d'Alexandre est le troisième de ma vie, le premier avait été fait par un peintre peu connu et oublié, Cazassus, qui exposait sur la plage de Sainte-Maxime. Il avait voulu me peindre parce qu'il me trouvait très romantique. J'avais onze ans. Maman avait acheté le tableau, je l'ai toujours, il est dans ma chambre. A ma grande surprise, il m'avait peinte en vert, j'attendais plutôt du bleu, comme chez Alexandre, et avec cette cage et ces oiseaux qui en sont sortis, mais qui restent dessus comme si cela ne valait pas la peine de s'envoler. Je me souviens qu'il m'avait fait poser près du café de la plage, les pieds dans le sable et un pull jeté sur les épaules.
Le troisième, c'est moi qui l'avais fait à l'aquarelle, j'avais vingt cinq ans. Ces trois tableaux, indépendamment de la qualité artistique des uns et des autres, me paraissent tout à coup former des jalons dans le cours de mon existence. Comme on dit, avant après! De la petite fille à la vieille en passant par la jeune femme. Seule du début à la fin. Ratatinée avec Rita dans tout ce bleu!
J'ai discuté avec une cousine qui m'a dit: "Je n'ai pas vécu ma vie". C'est justement la caractéristique de notre époque, nous sommes très nombreux à ne pas vivre notre vie. Pourtant moi, j'ai vraiment essayé, désespérément essayé, je crois même y être plus ou moins parvenue, cahin caha, pour certaines choses, je ne me suis jamais faite à l'idée que ma vie pouvait m'être volée par des vampires invisibles. Le pire moment, ce furent mes débuts dans l'éducation nationale en banlieue. Comme si j'étais définitivement tombée au royaume des morts vivants, quand j'ai réussi à partir travailler en Russie, j'ai eu l'impression de m'arracher in extremis au naufrage définitif, accrochée par une seule plume à l'oiseau de feu.