J’ai appelé
Mano, pour entendre sa voix, on dirait que ce voyage, je ne l’ai pas vécu, et
pourtant, il m’a laissé une empreinte profonde. Je sais que je végèterais en France, mais je réalise à quel point ma famille et aussi Solan me manquent. Je
pense à la « bénédiction » que Mano m’a donnée sur le seuil : « Tu
as trouvé là bas ta place, tu es apaisée, là bas, tu te réalises »...
Je prie
ardemment pour les miens et tout ceux que j’ai vus, et ceux que je n’ai pas eu
le temps de voir. Je me fais beaucoup de souci pour eux, le pays est en de très
mauvaises mains. J’éprouve devant tout ce qui en émane au niveau officiel,
politique, médiatique, une appréhension nauséeuse, une véritable honte, c’est
un vrai sabbat qui se déchaîne en occident. Et les gens continuent à se croire
en démocratie, hypnotisés par les contes et légendes de l’affreux dictateur
Poutine, au moment où le démon qui leur sert de président menace d’envoyer
n’importe qui sur le front ukrainien, édicte une loi qui permet de spolier et
d’emprisonner les réfractaires, et une autre qui interdit, jusque en privé,
dans sa cuisine, de critiquer le gouvernement, les labos pharmaceutiques et
leurs médecins vendus, les LGBT, l’avortement obligatoire et les génocides sionistes. (Il a oublié
les Ukrainiens, pourtant, ça va avec tout le reste). Ce misérable ment
effrontément, prétendant que ce sont les Russes qui bombardent le Donbass
depuis 2014, et cela même lorsqu’il est interpellé à ce sujet par une
Ukrainienne désireuse de corriger le tir. Je ne peux plus supporter son expression à la fois fausse, vile et
impudente, et dire que ma cousine trouve à Poutine « une tête de fou »...
S’il était aussi fou que ses adversaires, la planète connaîtrait depuis
longtemps un hiver nucléaire.
https://francais.rt.com/opinions/110216-militarisation-discours-envoi-effectif-troupes
Mais le peu
que j’ai regardé les nouvelles officielles, c’était instructif. Pour parler de
cette loi sur les « dérives sectaires », on montre je ne sais plus
quels illuminés qui attendent les extraterrestres, et on les associe aux
« complotistes », pour convaincre le troupeau que n’importe quel
dissident ou médecin courageux qui s’élèvera contre notre bande de mafieux et
leurs discours est un halluciné à enfermer dans les plus brefs délais.
J’ai vu un
journaliste exploser d’indignation devant les commentaires stupides et
malveillants qui pourrissent ses pages, depuis qu’il est allé observer les
éléctions russes, et a fait part de ce qu’il voyait vraiment : un pays
normal, où les gens ne vivent pas mal, et des élections bien organisées. Il
faut absolument parler du « KGB », de la police, de la terreur, de la
misère, de l’alcoolisme, de la brutalité, bref de tous les fantasmes délirants
des journalistes et intellectuels français et de ceux qui les écoutent. J’ai
moi-même provoqué un tollé en glissant dans un fil de youtube que mon
électricien gagnait 150 000 roubles par mois, soit 1500 euros plus ou
moins, c’est pourtant ce qu’il m’a dit, et je ne prétends pas que tout le monde gagne cela, mais quand même, un électricien, ce n'est pas un oligarque... Il y a aussi des gens pauvres, j’en
connais, et en France, il n’y en a pas ? Des agriculteurs qui se lèvent la
peau du cul pour garder 500 euros par mois après qu’on leur a tout piqué ?
A Pierrelatte,
j’avais vu aussi la vidéo d’un garçon qui fait habituellement des analyses politiques,
et entrait petit à petit dans une colère énorme, violant tous les tabous
imbéciles du politiquement correct, et nous criant qu’il ne voterait plus pour personne
tant que ne viendrait pas un candidat prêt à pendre un à un les membres de
cette caste maudite qui nous détruit et nous humilie sans arrêt, qu’il fallait
cesser de se raconter des histoires, d’entrer dans leurs jeux infâmes. J’avais
envie de pleurer. Il parlait de son fils qui était « un petit être de
lumière » et qu’il ne voulait pas voir grandir dans ce bordel. Quelle
magnifique bravoure, quelle verve, et quelle solitude...
Je me demande si notre satrape de l'usure apatride va réussir à coller les populations européennes exsangues et démobilisées depuis des décennies, dans une guerre qui ne les concerne pas et qui les achèvera totalement. Comme j'ai eu raison, quand je l'ai vu la première fois réciter ses mantras d'un air stupide, de discerner en lui l'instrument de notre fin. Ce sera tout de même dur de pousser nos moutons à l'abattoir, si hagards qu'ils soient, parce qu'ils n'ont plus les réserves d'héroïsme et de dévouement de toutes les excellentes gens qu'on a immolées par deux fois sur l'autel du fric omnipotent. Et si on recourt, faute d'enthousisame, à la coercition, on n'obtiendra pas de grands résultats face aux Russes qui mènent, eux, un combat existentiel. On a déjà vu cela avec les armées perses contre Athènes et Sparte.
Dans le même temps, je lis "le grand Meaulnes". Je l'ai acheté ici. Je ne l'avais jamais lu: au moment où j'aurais dû le faire, je dévorais Dostoievski. Mais quel merveilleux roman... Il me semblait autrefois relever d'un passé récent, et je vois aujourd'hui le gouffre qui nous sépare de cette France encore si poétique, si romantique, si héroïque et si aristocratique jusque dans ses petites gens, leur simplicité, leur savoir vivre, leur langue riche et noble. Et comme Alain Fournier donne une dimension sonore à ses visions oniriques de la France provinciale d'alors, je l'entends autant que je la vois. Je me souviens de mes promenades avec Cécile dans la campagne gardoise. "C'est si beau, me disait-elle, et pourtant, dans cette beauté déserte et muette, il y a comme une menace latente". Dans la campagne gardoise, les bruits étaient mécaniques en semaine, les tracteurs, les débroussailleuses, les tronçonneuses, et le dimanche, on avait les pétarades des chasseurs. Alors que la campagne hivernale d'Alain Fournier résonne de mille sons subtils, les appels des bergères, le claquement des sabots, ceux des enfants et ceux des chevaux, le pays qu'il décrit est vivant, plein de sève et de rêves, et mon coeur se serre à la pensée que tout cela allait être bientôt englouti par l'énorme, le stupide, l'implacable vingtième siècle qui nous a tous embarqués dans un maelstrom de crimes et de dégradations, à commencer par Alain Fournier lui-même, avec son âme patricienne et visionnaire, et son immense talent.
Après quatre jours d'une inexplicable céphalée, je suis délivrée et euphorique, ça fait du bien quand ça s'arrête... Il faisait si beau que tout fond, ruisselle et dégoutte, je suis restée assise au soleil, sans manteau, et j'ai même joué des gousli dans le fil d'une brise douce. Evidemment, l'ouvrier qui travaille à coller une grosse pustule à l'isba d'en face avait branché sa radio, mais moins fort que ne le fait le voisin d'à côté, de sorte que les gousli couvraient l'écho de cette horrible série de bruits qui détruit les derniers neurones du rhinocéros de base.