Translate

lundi 17 janvier 2022

Légendes

 


Les tempêtes de neige se succèdent et je suis restée encore coincée dans une congère, car les rues ne sont pas déneigées, mais je m’en suis sortie toute seule. En principe, maintenant, ce sont les « gels de la Théophanie », et les tempêtes de neige, c’est en février, mais on dirait que tout est décalé. Nous avons de merveilleuses lumières, qui compensent les inconvénients de la neige. Du reste quand elle fond et regèle sans arrêt, c’est pire.

Je me prends la tête pour savoir si je prends le dernier ou avant dernier petit chien des voisins, comme ils m’y engagent. Ils ont l’intention d’en garder un qui sera à la chaîne comme sa mère. Je prendrais volontiers un autre chien, je donnerais les deux derniers emmerdeurs de chats que j’ai laissés entrer chez moi contre un chien capable et de nous garder et de repousser tout autre nouveau chat ou éventuellement des malfaiteurs, mais cette dernière éventualité me fait moins peur, car je ne me sens vraiment pas en danger, ici. L’idée de voir ce petit chien à la chaîne quand j’aurais pu le prendre me culpablise déjà. Cependant, une pesanteur intérieure me retient toujours, je pense à Rosie, à tous les déboires que j’ai connus, à leur issue malheureuse. En principe, les Pyrénées sont des chiens calmes et intelligents, mais si ce n’est pas le cas... Et puis je n’ai plus beaucoup de temps et d’affection en réserve. Je suis vampirisée par les chats et excédée par leurs disputes autour de moi soir et matin. J’ai le soupçon que Moustachon a été blessé par le gros squatter qui venait de temps à autre et maintenant s’incruste, car il en a désormais une peur bleue.

Je vois déjà un ballet de chiens autour de leur chienne, s'ils ne font rien, elle aura au printemps une nouvelle portée...

J’ai vu une vidéo sur un serial killer américain qui était très beau garçon et avait plein de groupies qui lui écrivaient des lettres d’amour quand il était en prison et attendait son exécution. Il avait vraiment un côté ange des ténèbres, une totale absence d’empathie, un sourire qui fait froid dans le dos et je pensais à Fédka Basmanov qui était probablement de la même espèce, tout comme son maître le tsar Ivan, également bel homme. Pourtant, je n’en suis pas certaine. Natacha, ma rédactrice, croit qu’ils étaient comme dans mon livre, elle me dit que cela s’est passé certainement plus ou moins de cette manière tant cela sonne vrai, et je me souviens de cet écrivain belge, Pierre André Mélon, qui m’avait écrit sans savoir sur quoi portait mon roman, qu’il avait rêvé de moi. Il avait rêvé que depuis l’enfance, j’étais suivie par l’âme d’un orthodoxe du XVI° siècle qui était mort tragiquement et dans une grande détresse, et qui attendait de moi son salut. Et d’autre part, je ne crois pas que le tsar lui-même eût été complètement dépourvu de sentiments humains. A vrai dire, même Gilles de Rais ne l’était pas, puisque il avait essayé de délivrer Jeanne d’Arc, qu’il aimait profondément, et qu’il était allé au bûcher en pleurant de remords et en demandant pardon aux parents de ses victimes...

La correction du livre est presque finie, peut-être vais-je enfin le voir paraître, et pouvoir en faire la promotion. C’est un moment que j’attends depuis longtemps, mais je le redoute aussi. Au moins ai-je le soutien et la bénédiction de mon père Valentin. Ce n’est pas rien. 

Je pense qu'après, je terminerai mes souvenirs d'enfance mais n'écrirai plus, à part mon blog, et des vers, je reviendrai au dessin, et continuerai le folklore, tout ce qui se passe dans l'immédiat, le contemplatif et le non-dit, ou l'indicible, car j'ai de plus en plus de mal à me concentrer. C'est une conséquence de la covid, paraît-il, de l'âge, probablement, et d'internet. Je passais beaucoup plus de temps autrefois dans une vacuité propice aux pensées, et il me faudra consacrer mon carême de cette année à prendre de la distance.

Pendant ma maladie, j'ai crocheté un rideau anti voisin que j'ai enfin posé. A part le petit carré central, pour lequel j'avais un modèle, c'est une création!




Nil va travailler chez les balalaïkers, avec lesquels il s’est entendu comme larrons en foire. En dehors de la fabrication, il va faire le représentant de commerce auprès des français, pour des vielles de type européen beaucoup plus abordables et pour les balalaïkas, car la balalaïka peut être utilisée dans d'autres domaines que ceux de la musique traditionnelle, et il est facile d'en jouer. Peut-être pourra-t-il même donner des cours on line, s'il s'y met suffisemment lui-même! La ville d’Oulianovsk lui a beaucoup plu, comme je le prévoyais, car elle est suffisemment grande pour offrir des opportunités de vie sociale tout en restant à l’échelle humaine, et l’équipe farfelue des balalaikers fêtards lui convient très bien. Ses collègues de l’atelier ne comprennent pas vraiment comment un Français peut quitter son paradis démocratique opulent pour venir faire des balalaïkas à Oulianovsk. Ils ne savent pas que le paradis n’est plus si démocratique et plus si opulent, les légendes ont la vie dure, et en sens inverse également. Ainsi, dans la dictature sanitaire occidentale française délirante qui n’a désormais plus d’égale qu’en Chine et en Australie, on me demande si Poutine est vraiment le dictateur féroce que la télé représente...





vendredi 14 janvier 2022

La communauté saint Alexis

 






Skountsev m’a invitée à un concert au lycée orthodoxe de la communauté saint Alexis, sur la route de Moscou, à 20 km d’ici. Il m’a prévenue la veille. J’y suis allée volontiers

J’avais envisagé de m’installer dans cette communauté, et on m’avait fait l’offre de construire, le terrain était gratuit, la maison bâtie par l’équipe locale. Mais plusieurs choses m’avaient arrêtée : des animaux sauvages en cage (pour les gosses), des chiens à la chaîne (toujours pour les gosses), des animaux empaillés (encore pour les gosses). Or j’ai une idée differente de la pédagogie, les enfants doivent apprendre à aimer et respecter les animaux et la vie sauvage. Et puis j’avais cru comprendre que tout était géré par le prêtre fondateur, même l’argent des résidents, qu’il fallait remplir ses obédiences, et prendre ses repas en commun, une sorte de monastère laïc. Comme m’avait dit alors Sérioja : « C’est une belle petite prison que vous vous préparez là, Laura ! »

Cependant, ce concert a été pour moi un grand moment. Cela se passait dans le gymnase du lycée, et le cadre n’était pas précisément festif, Skountsev et son équipe ne ressortaient pas du tout sur ce fond tristounet. Mais comme d'habitude, le maître a dépoté un maximum, et les gosses ont réagi avec un enthousiasme que je n’attendais pas. A la fin, ils sont même allés danser, et pas n’importe comment, à la russe,  et même avec des sabres. Un garçon a fait une démonstration d’accordéon qui lui a valu les compliments de Skountsev. Comme quoi, quand les enfants reçoivent une éducation exigeante, ils sont sensibles à une thématique poétique et héroïque, à l’épopée, comme ce fut le cas pendant des millénaires. Et cette thématique héroïque et guerrière n’engendre pas la violence, comme le croient les imbéciles, mais apprennent à la canaliser, lui confèrent une noblesse, un code de comportement. Je ne pense pas que les enfants que j’ai vus applaudir Skountsev iraient torturer des animaux, tabasser un garçon seul à plusieurs ou violer une petite fille... Curieux d’ailleurs que ce que l’on n’accepte pas chez les cosaques soit admis dans le domaine des arts martiaux asiatiques.

Ce que je me demande en revanche, c’est comment ces jeunes gens normaux trouveront leur place dans un monde de plus en plus anormal, quand ils sortiront du vase clos de ce lycée en pleine campagne. Mais on ne peut plus envisager d’adapter des gosses à cet asile de fous sans s’associer à une entreprise criminelle de déshumanisation. Ma voisine Ania me dit qu’Aliocha n’a absolument pas le temps de faire quoi que ce soit d’autres que des milliers de devoirs et que l’école habituelle n’est plus un moyen d’instruire mais d’abrutir. Il ne peut ni jouer d’un instrument, ni faire du sport, ni même se promener ou jouer dehors.

Le prêtre qui dirige la communauté saint Alexis déplore que ses élèves, qui ont tous un haut niveau, se détournent des métiers manuels ou du travail de la terre, allant grossir les rangs des diplômés surabondants au lieu de les revaloriser pour le plus grand profit du peuple russe. Mon beau-père qui avait brillemment passé son bac latin grec avait préféré rester à la ferme, car il ne supportait pas la ville. J’ai eu de petits élèves dont je voyais clairement qu’ils n’entreraient pas dans le moule scolaire et universitaire, mais qui pouvaient trouver leur place dans les métiers manuels ou l’agriculture; et je le dis sans la nuance de mépris que mettaient dans ce genre d’observations tant d’instituteurs et de professeurs, plutôt avec le regret que la mentalité moderne leur impose obligatoirement ce qui pour eux est un carcan, un instrument de torture, au lieu de leur permettre de devenir ce qu’ils sont. Il est aussi des diplômés qui finalement retournent à la terre ou à l’artisanat, et le vivent comme une libération.

J’avais laissé tomber mon sac, et un de ces enfants me l’a obligemment ramassé. Tous ceux que nous croisions nous saluaient avec révérence, j’avais l’impression d’avoir changé d’époque.

Dans l’équipe de Skountsev, j’ai retrouvé, outre son fils Fédia, des gars de cet été, du festival « le Bouclier d’Or »,  notemment Sergueï, le mari de la belle Sacha. Ils m’ont embrassée comme si j’étais de leur famille, se sont pris en photo avec moi, et m'ont donné rendez-vous l'été prochain sur les bords de la rivière Khapior. Nous avons dîné avec le prêtre, et chanté des vers spirituels à sa table, c’était très beau, je partais dans une autre dimension et un autre temps, à travers ces chants nostalgiques et purs. Après quoi, les cosaques devaient revenir à Moscou, et moi à Pereslavl, au sein d’une tempête de neige comme j’en ai rarement vu. Je n’ose penser au temps qu’ils ont dû mettre à rejoindre leurs logements. De mon côté, peu de circulation, mais prise dans un tourbillon incessant de moucherons blancs, je ne voyais pas grand chose.

La neige n'arrête pas de tomber. J’ai déneigé aujourd’hui à grand peine, tout sera à recommencer demain. C’est impressionnant. La ville est complètement ensevelie sous les congères.

Vidéo et album de photos du concert par le directeur du lycée, Evgueni Iliouchine



















mercredi 12 janvier 2022

à Rostov

 De nouveau, cela n'arrête pas. Je suis allée à Rostov, fêter Noël avec le père Alexandre, Liéna Tsitsoulina, avec laquelle Katia et moi allions chanter, et une dame que je ne connaissais pas, Lioudmila, elle était très gentille et à fait le signe de croix sur moi quand nous avons tous pris congé. Cela se passait dans une sorte de salon de thé qui sert des pains d'épices, et derrière, il y a aussi des salles de restaurant. A vrai dire, avec les Russes, on ne sait jamais ce qu'on va manger, c'était pour moi l'heure d'un vrai repas, et il n'y avait que des pâtisseries. On en ressort bourré de sucres, mais aps vraiment nourri, et si on déjeune par là dessus...

L'endroit était joli, ancien, le père Alexandre a vanté les fenêtres qui s'ouvraient à Rostov sur d'autres époques. Il est passionné d'histoire, spécialement celle du moyen âge. Nous avons chanté avec Liéna, et j'ai joué des gousli. Rostov essaie de m'attirer dans ses murs, c'est clair. On me poussait à fêter mes 70 ans dans l'une des arrières salles et bien sûr, cela me tenterait. Les gens pourraient venir et repartir par le train, ce qui n'est pas possible à Pereslavl, et boire en conséquences! Mais on m'offre aussi de louer un local sur Moscou et de faire apporter par les invités divers plats et boissons, comme je l'ai déjà fait plusieurs fois. Fêter mon anniversaire dans un restaurant à Moscou me coûterait très cher. 



Aujourd'hui, j'avais une soirée chez les cosaques, après une journée de courses et de démarches à n'en plus finir. Et pour terminer en beauté, j'ai dû emmener Moustachon chez le vétérinaire. J'ai vu qu'il était blessé, il avait un oeil plein de sang et de pus. Je l'ai fourré comme j'ai pu dans le sac de voyage de Rita. Il s'est avéré que ses yeux n'avaient rien, mais qu'il avait une blessure au front assez profonde. J'en ai profité pour le faire stériliser, et je l'ai récupéré juste avant de courir chez les cosaques. Quand je vois ce qui se passe avec les animaux à Pereslavl, je ne tiens pas à ce que l'admirable matériel génétique de Moustachon contribue à grossir les rangs des ravissants chatons victimes du froid, de la faim, des chiens errants et des sadiques, il était temps de mettre fin à tout cela, surtout si en plus, il prend des coups qui mettent sa vie en danger. Maintenant, ce sera le tour de Robert.

Il faut que je fasse avaler au fichu Moustachon des antibiotiques, et que je nettoie régulièrement sa plaie. Cela va être sportif. Et encore, Moustachon, il est plutôt gentil et confiant, il en est que je ne pourrais pas soigner du tout, à moins de me transformer en dompteur de cirque. Pauvre Moustachon, c'est le plus mignon de la bande...

Les cosaques ont demandé à tous les membres de l'assistance de faire le bilan de leur année et de dire ce qu'ils souhaitaient pour l'année suivante, quels objectifs ils se donnaient. Ils sont extrêmement idéalistes. Et plutôt mal perçus par les gens du pays, enfin une partie d'entre eux, qui se moquent d'eux, ou vont leur chercher des poux dans la tête, parce qu'ils ont décoré la cathédrale avec quatre petits sapins, et que cela n'est pas écologique, ou que leurs gosses jouent à la guerre, ce qui en fera naturellement des assassins. J'ai dit que fêtant mes 70 ans, j'atteignais la dernière ligne droite de la vie humaine, et que je la souhaitais ascensionnelle. Que d'autre part, les enfants ayant à mon avis besoin exactement de ce qu'ils leur offrent, j'espérais qu'ils allaient donner à leur action toute l'ampleur nécessaire.

J'ai déjà des nouvelles de Nil par les balalaikers. Ils l'ont déjà visiblement emmené dans un bar, dans leur petite usine et ils ont même trouvé le moyen de lui prendre une interview pour la presse locale... J'ai peur qu'ils ne nous le surmènent, pas en le surchargeant de boulot, mais en le promenant de tous les côtés. D'un autre côté, c'est sûr qu'avec eux, il ne va pas s'ennuyer.

lundi 10 janvier 2022

Peter Pan

 

les 3 D...

Je reviens de Moscou, une route difficile, neige, congères... et là bas, sans l’aide d’Aliocha, le gendre du père Valentin, je n’aurais pas trouvé de place pour garer ma voiture. Il est impossible de se garer pour plusieurs jours sur un parking payant. Ou alors quelque part dans la ville, et autant venir en bus et prendre un taxi. Pour cette raison, j’envisage parfois de déménager à Rostov, où s’arrête le train qui va à la gare de Iaroslavl, à 5 minutes à pied de chez le père Valentin, en 2 heures et demie, ce que je mets pour m’y rendre en voiture, et je ne sais combien de temps je serai encore capable de le faire. Rostov est aussi une plus jolie ville, qui n’a pas été complètement défigurée, comme Pereslavl. Il y a le musée d’art populaire, le père Alexandre qui m’adore, Liéna, qui chante du folklore et du chant “znamenié”.
Mais déménager demande tellement d’énergie....

Chez le père Valentin et ses enfants, je me sens complètement en famille, cela me fait du bien d’aller les voir. La famille, c’est important pour moi et je n’ai pas pu créer la mienne. Nous parlions avec le père Valentin d’un Français qui, devenu orthodoxe en Russie au XVII° siècle, avait au moment du schisme choisi le camp des vieux croyants, ce qui lui avait valu d’être martyrisé. Bien que le père Valentin, en dépit de sa sympathie pour eux, n’approuve pas les positions théologiques des vieux-croyants, il comprend ce Français et dit que quel que soit le choix religieux des gens, nikoniens, vieux-croyants, et même catholiques, s’ils mouraient au nom du Christ, ils allaient directement le rejoindre. Je partage tout à fait ce point de vue, et lui ai parlé de mon amie catho qui a aidé Nadia la chevrière.

Son sermon du dimanche portait sur le massacre des saints innocents, il était court et percutant, comme d’habitude. Il a dit que le Christ était né dans un monde qui, dès le départ, ne le recevait pas, malgré la féerie des bergers, des anges et des rois mages, et que pour savoir si une personne, une figure politique, une idéologie, une philosophie étaient marqués du sceau du diable, il suffisait de regarder si elle allait dans le sens de la volonté divine ou contre elle, consciemment et obstinément, jusqu’au massacre de ceux qui la suivaient.

Je lui ai raconté les déboires administratifs du père Alexandre, qui fait le Don Quichotte local et s'attire bien des ennuis, et il y a pris un vif intérêt, me donnant à ce propos quelques conseils et contacts, puis il m'a demandé: "Croyez-vous que le père Alexandre soit capable de taper quelqu'un sur la gueule?" J'ai consulté Nil: "Oui, oui, a-t-il répondu, sans problèmes!"

J’étais venue aussi raccompagner Nil, qui devait prendre le train pour Oulianovsk, ou comme dit le père Valentin, Simbirsk, nom que portait cette jolie ville de marchands avant d’avoir eu le malheur de donner naissance à Lénine. Sérioja était chez ses parents à Klin, et lui avait pris un billet d’avance, je l’ai accompagné à la gare de Kazan pour avoir l’occasion d’apercevoir ce cher nounours de balalaiker que j’aime comme s’il était mon neveu ou mon filleul. Quand il m’a enlacée sur le quai, à son arrivée, j’ai vu qu’il était malheureux, il a vu que j’avais pris un coup de vieux après mes deux mois de maladie, et nous sommes restés les yeux dans les yeux, avec ces constatations réciproques sur le coeur : « Comment allez-vous, Lora ?

- Ca va maintenant, je perds mes cheveux et la mémoire !

- L’important, c’est que vous soyez en vie, venez avec nous, on fera la fête... »

Il n’avait pas une tête de fête, mais je regrettais de ne pas m’être arrangée pour l’accompagner, bien que l’équipée eût été bien fatigante. Laisser Nil me rendait également mélancolique, après tout ce temps de cohabitation. J’espère qu’ils s’entendront bien, qu’ils seront l’un à l’autre utiles. Je suis restée un moment sur le quai, à prier pour eux, puis je suis allée chez Dany boire un coup de pinard et dîner avec elle et Iouri, trois covidés rescapés dans le théâtre du Poète... J’étais complètement chavirée, car me revenaient tous les états émotifs extrêmes que j’avais traversés autrefois avec mes bonshommes, avec les cosaques, avec les 3D, avec Micha et avec Sérioja, lorsqu’ils venaient chez moi picoler et faire de la musique, la tendresse que j’avais pour eux, la compassion, la proximité d’âme. Les femmes russes m’emmerdent souvent, surtout celles de ma génération, mais j’adore les hommes russes, et j’avais observé alors qu’ils me rappelaient certains enfants de mes classes de maternelle dont je savais déjà qu’ils ne s’adapteraient jamais au monde contemporain de merde, non plus que moi-même, et ne feraient qu’y prendre sans arrêt des baffes plein la gueule. Mais en plus grand, plus fort, plus alcoolique, moins contrôlable et néanmoins tout aussi vulnérables, tout aussi terriblement touchants et attachants. Je comprenais ce que j’oublie parfois, pourquoi je suis ici: parce que j’aime ces gens, parce que tous ceux que je fréquente depuis plus ou moins longtemps ici, m’émeuvent et me bouleversent.  Je me disais qu’il me fallait entamer une ascension progressive, mettre à profit le sursis que Dieu me donne, ce surplus d’années dont parle le psaume, car j’atteins la limite qu’il indique « soixante-dix ans, parfois quatre vingts, le reste n’est que peine et douleur », pour monter vers Dieu et tirer avec moi les miens, morts et vivants, et tous mes garçon perdus, comme un Peter Pan transfiguré.




jeudi 6 janvier 2022

Encore une coupe



 

L'autre jour, à l'église, j'ai vu un type d'environ quarante ans emprunter de l'argent à la vendeuse de cierges avec un air honteux. Elle m'a dit: "Voyez, ces générations qui grandissent sans prières... Ceux-là font n'importe quoi, ils sont comme la feuille au vent. Si personne ne prie plus dans la famille, plus rien ne nous protège, il peut nous arriver n'importe quoi, les hommes boivent, les filles se vendent."

Je voulais faire connaître, avant son départ, le restaurant moche qui fait de la bonne cuisine à Nil. J'y étais allée sans problèmes avec Yana et Olga, mais là, on a exigé un QR code, et j'ai répondu qu'en ce cas, nous irions ailleurs. Ailleurs, c'était à la pizzeria Pizza Pasta qui n'est pas mal du tout et sans le sceau de la bête indispensable. Qu'ils se l'appliquent tous sur les miches, leur tatouage. En France, cela devient tellement odieux, surréaliste et minable que je ne peux plus lire les articles ni regarder les vidéos. J'ai haï Macron et sa clique au premier regard, mais maintenant, mon sentiment devient si aiguë que j'ai peur de compromettre mon salut éternel. Ce traître idéal, qui proclame son intention "d'emmerder" les réfractaires au vaccin jusqu'à la gauche, envisage de les priver de leur nationalité. En Russie, et même en Union soviétique auparavant, on ne perd jamais sa nationalité, on acquiert, ou on perd la citoyenneté, mais la nationalité se transmet de naissance. C'est bien cette nationalité-là que détestent Macron et ses commanditaires, mais nous en priver n'est pas en leur pouvoir.

Au vu de ce qui se passe chez nous, si nous n'avions été profondément mutilés et réduits par une rééducation aussi longue que sournoise, tout le monde devrait être dans la rue, prêt à extraire cette vilaine bête de sa coquille et à l'envoyer au diable, avec tous ses séides. Car il saute aux yeux de n'importe quelle personne encore munie d'un cerveau et surtout d'une âme, que nous avons affaire à une bande de malfaisants particulièrement pervers, malsains et minables. Mais si une partie des gens le comprend, si une autre partie le pressent, une bonne partie bascule dans l'ignominie avec cette équipe de bras cassés.

C'est en songeant à tout cela que je suis allée faire mon échographie de contrôle, le coeur serré d'angoisse par les circonstances de cette guerre à mort que mènent les autorités dévoyées, avec leurs médias et leurs histrions divers, aux peuples qu'elles devraient gouverner et défendre. Puis j'avais rendez-vous chez le coiffeur, pas loin de là. Un coiffeur recommandé par les dames de Pereslavl sur mon fil de commentaires. La jeune femme m'a conseillé de couper plus court, comme on pouvait le prévoir, étant donné que les médicaments anticovid me font perdre tous mes cheveux. J'ai vu qu'elle connaissait mieux son affaire que la précédente, mais elle n'a pas pu faire grand chose avec ma frange ratée, que j'avais essayé malencontreusement de corriger!

Voilà qu'arrive notre Nativité du calendrier julien résolument passéiste. Les autres en sont déjà à la Théophanie. Mais si cela a certains inconvénients d'être ainsi décalé, je commence à comprendre qu'il vaut mieux. Notre temps liturgique est organique, comme tout le reste, comme tout ce qui est normal, on bouge un élément, et cela ne tient plus debout, alors on prend le tout comme il a poussé. Le temps est une chose fluctuante et relative, et il n'y a que pour les mutants façon Harari que le passé est mort. Car le présent n'est que l'écume du passé, sa transition vers le futur inexistant. Et il ne me déplaît pas de continuer à vivre dans un autre temps que celui des robots, un temps vivant, élastique et chargé de mémoire.




mercredi 5 janvier 2022

Fin du monde

 


LE METROPOLITE LUC A COMMENTE UN FILM HOLLYWOODIEN

Il semble que les auteurs de science-fiction contemporaine sentent intuitivement la vérité des paroles prophétiques de l'apôtre. C'est ce qu'a développé ces jours-ci sur sa chaîne Telegram le métropolite Luc de Zaporojié et de Mélitopol

"Il n'y a pas si longtemps qu'a eu lieu la première du film américain "Ne regardez pas vers le haut". Le metteur en scène Adam Mac Kay co-auteur avec Leonardo di Caprio a su offrir aux spectateurs un film plein d'un sens profond, en dépit du fait qu'il se positionne comme de la science-fiction satirique", a observé monseigneur Luc. 

On aurait pu se moquer des politiciens minables qui ne se préoccupent que de leur rating personnel, des journalistes vénaux pleins d'assurance, qui ont oublié qu'ils étaient mortels, des richards devenus fous, capables d'aimer seulement leur portefeuille, si tout cela n'était pas la vérité de la vie. Ils ne nous donnent pas du tout envie de rire, les simples travailleurs qui ont depuis longtemps oublié Dieu, la foi, la prière, et supposent naïvement que les puissants de ce monde se préoccuppent d'eux et pourront résoudre leurs problèmes. Mais la vérité la plus triste de ce film, c'est qu'une telle dégradation de l'humanité conduira inévitablement à une perdition générale" considère le hiérarque. 

Selon lui, les valeurs mensongères du monde virtuel, la focalisation sur son propre égoïsme et l'autosuffisance illusoire de la civilisation aboutiront d'une manière ou d'une autre à un final mortel. "La raison pour laquelle périra notre planète n'est pas si importante: par l'effet de quelques forces célestes ou bien nous étoufferons-nous dans le magma incandescent de notre propre planète, ce qui est important, c'est que LA TERRE ET TOUTES LES OEUVRES A SA SURFACE BULERONT (2 Pierre 3:10), - poursuit le métropolite Luc. Et semble-t-il, les auteurs de cette science-fiction contemporaine sentent intuitivement la vérité de ces paroles prophétiques de l'apôtre.  

D'après le sujet du film, le seul homme qui n'a pas oublié Dieu est un "marginal et un freak, qui dans tout le chaos de la fin du monde trouve en lui des forces pour la prière et la repentance". 

Comme le pense monseigneur, ce film fait réflechir chacun à SA PROPRE "FIN DU MONDE", "qui on ne sait pourquoi préoccuppe beaucoup moins de gens que notre fin collective". "Et pourtant le résultat de l'une et de l'autre sera le même. Et si nous ne vivons pas jusqu'à la fin du monde, nous sommes sûrs et certains de vivre jusqu'à notre propre fin " rappelle-t-il. Mais on ne sait pourquoi, la conscience de l'absurdité de tout ce qu'il a vécu ne vient à l'homme qu'au moment où il reçoit son dernier  et définitif diagnostic qui l'assure de sa mort prochaine. quand changer radicalement l'état de son âme est devenu déjà impossible.

"Nous avons maintenant tout ce qu'il nous faut pour sauver notre âme. Dieu, dans Sa miséricorde, nous donne aussi ce qui est indispensable à la vie, mais quelle réponse lui donnons-nous et comment le remercions-nous? " conclut le métropolite Luc.  

МИТРОПОЛИТ ЛУКА ПРОКОММЕНТИРОВАЛ ГОЛЛИВУДСКИЙ ФИЛЬМ

Похоже, что авторы современной фантастики интуитивно чувствуют истинность пророческих слов апостола. Об этом написал на днях в своём Telegram-канале митрополит Запорожский и Мелитопольский Лука.
«Не так давно состоялась премьера американского фильма "Не смотрите наверх". Режиссёр Адам Маккей в соавторстве с Леонадро Ди Каприо смогли порадовать зрителей кинокартиной, наполненной глубоким смыслом, несмотря на то, что официально она позиционируется как сатирическая фантастика», — отметил владыка Лука.
«Можно было бы и посмяться над ничтожными политиками, которых беспокоит только собственный рейтинг, продажными самоуверенными журналистами, забывшими о своей смертности, обезумевшими богачами, любящими только свои кошельки, если бы всё это не было правдой жизни. Совершенно не вызывают смеха простые рабочие люди, которые давно забыли о Боге, о вере, о молитве, и наивно полагают, что сильные мира сего о них позаботятся и смогут решить все проблемы. Но самая печальная правда этого фильма в том, что такая деградация человечества неминуемо приведёт к всеобщей гибели», — считает архиерей.
По его словам, ложные ценности виртуального мира, зацикленность на собственном эгоизме и мнимая самодостаточность цивилизации так или иначе окончатся смертельным финалом. «Не так важна причина, по которой погибнет наша планета: погибнет ли она из-за каких-то небесных сил или же мы захлебнёмся огненной магмой собственной планеты — важно то, что "ЗЕМЛЯ И ВСЕ ДЕЛА НА НЕЙ СГОРЯТ" (2 Петр. 3:10), — продолжил митрополит Лука. — И похоже, что авторы современной фантастики интуитивно чувствуют истинность этих пророческих слов апостола».
Согласно сюжету фильма, единственным человеком, не забывшем о Боге, был «маргинал и фрик, который во всём хаосе конца света нашёл в себе силы для молитвы и покаяния».
Как считает владыка Лука, этот фильм заставляет каждого задуматься и О ЛИЧНОМ «КОНЦЕ СВЕТА», «который почему-то многих беспокоит намного меньше, чем всеобщий». «А ведь результат и того, и другого будет один и тот же. И если до всеобщего конца света мы, может быть, и не доживём, то до своей собственной смерти доживём гарантировано», — напомнил он. Но почему-то осознание бессмысленности всей прожитой жизни часто к человеку приходит только тогда, когда он получает последний и окончательный диагноз, удостоверяющий его о предстоящей смерти. Тогда, когда радикально изменить состояние своей души уже невозможно.
«У нас ... сейчас есть всё, что нужно для спасения души. Бог по Своей милости дарует нам и всё необходимое для жизни, но чем мы Ему отвечаем за это и как Его за это всё благодарим?» — заключил митрополит Лука.

mardi 4 janvier 2022

Visites du jour de l'an

 


Quand j'étais enfant, mon grand-père et ma grand-mère faisaient à leur entourage des visites pour souhaiter la bonne année. J'ai eu celle de la famille Parédès, dont deux enfants sont passés dans ma classe de maternelle au lycée français. J'aurais tout de suite reconnu Paula, à ma gauche sur la photo, mais pas son frère Olivier, à ma droite. Paula a déjà elle-même un enfant de deux ans...

Nous avons passé un moment gai et chaleureux. Aurore m'a rappelé que Paula s'était cachée pendant une demie heure dans la classe, me plongeant dans la panique. J'ai complètement oublié cet épisode qui aurait dû me marquer. Elle faisait beaucoup de bêtise avec sa copine dont le nom m'échappe, là tout de suite, alors que je m'en souvenais fort bien hier. Cette dernière, un jour qu'à la suite d'une engueulade générale, je m'étais retrouvée devant une classe muette, avait déclaré tout à coup: "Mais pourquoi vous faites cette tête, vous ne voyez pas qu'elle plaisante?"

Tout le monde me dit, même des jeunes, que la covid provoque des trous de mémoire et des difficultés de concentration...

Ils sont venus avec Natacha, le taxi de l'higoumène Boris que je leur avais recommandé.

Ensuite, j'avais rendez-vous au café la Forêt avec une famille très amie avec Marie Gestkoff, qui nous a quittés au printemps dernier. La jeune fille, Sophia, doit à celle-ci son bon niveau de français, et le travail intéressant que cela lui a permis de trouver. Ils étaient très attachés à "Maricha" qui était d'ailleurs très bonne, et nous avons évoqué son côté aventureux, et le voyage que nous avons fait ensemble avec un fou du volant à Tcheboksary pour rencontrer le père Basile Pasquiet. 

J'ai le grand remords de ne pas avoir fait plus d'efforts pour voir Maricha, qui est morte dans une certaine détresse. Elle n'en parlait pas du tout. Je lui avais proposé de la prendre au passage à Pouchkino quand je revenais de Moscou, pour la recevoir quelques jours chez moi, mais elle avait décliné l'offre sous je ne sais plus quel prétexte.

Sophia m'a demandé de corriger sa thèse, c'est une commande. Et de lui dédicacer Yarilo, version française. Elle pourra m'aider à le promouvoir quand il paraîtra en russe. Elle m'a conseillé de fêter mon anniversaire en louant un ancien local professionnel, ce n'est pas très cher, parfois un peu excentré. Car cette année est un jubilé, je vais avoir 70 ans. Je ne peux pas dire que ça m'enchante; d'ailleurs, passer des dizaines m'a toujours fichu le cafard. Mais ici, en Russie, les jubilés, ça se fête. Dans quel état serai-je au prochain? Tout peut arriver. Enfin comme il vaut mieux fêter que se lamenter, allons-y. Mais j'ai l'affreuse impression, parfois, d'avoir peu de temps pour me mettre en conformité avec les impératifs de l'autre monde et prendre congé de celui-ci, auquel je reste attachée, si ingrat soit-il, surtout de nos jours.

Pendant que nous discutions de tout cela, le peintre Pacha me conviait à un concert au pied levé. Puis, comme j'avais refusé, il m'a fait appeler par Nadia, pas très à l'aise.  Mais après avoir passé la journée en mondanités, je n'avais pas du tout la force d'aller en faire encore pendant deux ou trois heures.

Le père de Sophia, Dima, a passé des heures à dépanner Katia, dont le tout-terrain Patriote était en panne de batterie. La seule fois où cela m'est arrivé avec ma Logan, j'avais oublié d'éteindre les phares... J'ai eu autrefois une Lada Niva, à vrai dire pas neuve, et on me disait que si elle était en panne, on pouvait la réparer partout, il y avait toujours les pièces, et un gars capable de s'en occuper. Ce qui est vrai. Le problème, c'est que cela lui arrivait tout le temps. Je salue la gentillesse et la solidarité de Dima.




Marie Gestkoff




J'ai été une fois de plus punie sur Facebook. Huit jours de ban. Pour avoir écrit en commentaire d'un post avec tristesse: "Les Français sont devenus complètement cons".  Eh oui, Facebook, ce n'est pas le café du Commerce; et le café du Commerce est une institution dont la caste des patrons de Facebook veut la peau. Cela dit, cette phrase classique et anodine me semble un prétexte, je pense que la vraie raison est la publication d'une vidéo fort intéressante que déjà mes amis ne parviennent pas à ouvrir dans l'univers enchanté de Montagne de Sucre, mais qu'on trouve sur youtube, dans les archives oubliées de TV 5. Je propose cette pépite à ceux qui ne veulent pas mourir idiots:


C'est court et instructif. Ecoutez le mutant, et ça vaut la peine aussi de regarder sa face rétrécie, dans le genre démon, on est loin de Stavroguine, qui garde un charme slave, quelque chose de charnel et de médiéval. J'aime beaucoup l'entendre parler de "religion", qu'il met sur le même plan que Google et son moteur de recherche, et de "méditation", cette activité "spirituelle", à laquelle se livrent tant de gens sans soupçonner qu'elle peut mener à n'importe quoi. La voilà, la secte à l'oeuvre. D'autant plus implacable que ses élus se croient élus, promis au glorieux destin de surhommes augmentés. A voir celui-ci, je ne sais pas s'il est augmenté, mais je suis certaine qu'il n'a plus grand chose d'humain et que le monde dont il rêve n'est pas le paradis.