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lundi 30 janvier 2023

Adieu Vassia

 


Le père Nikita de Donetsk m'a appris la mort subite d'une force de la nature, Vassia Evkhimovitch, qui avait fabriqué sa vielle et l'une des miennes, et nous avait mis en relations l'un avec l'autre. Vassia est mort en chantant et plaisantant avec des amis. Il s'est effondré sur son voisin de table et il a été impossible de le ranimer. 

Vassia était un vrai Russe, ouvert, exubérant et chaleureux, il avait beaucoup de talent. Designer fortuné, il avait tout laissé tomber pour partir fabriquer des vielles et en jouer. J'étais allée chez lui, dans un centre touristique au fin fond de la Carélie, avec un autre fou, Sérioja Klioutchnikov, et ce voyage restera toujours gravé dans ma mémoire, pour ses aspects poétiques et cocasses. J'étais retournée le voir près de Tver, dans son isba extrêmement rustique, un épisode que j'ai relaté dans mes chroniques. 

Récemment, il était allé dans le Donbass chez le père Nikita, donner un concert pour soutenir la cause, comme ensuite le joueur de gousli Maxime Gavrilenko.C'était courageux, Vassia avait des origines biélorusses mais se sentait solidaire de la Russie, comme avant que tout un sale monde se mêle de séparer ce qui était uni.

Difficile de croire que cet homme jeune, tonitruant et plein de vie ait pu mourir d'un seul coup. Très affecté, le père Nikita a chanté un vers spirituel en hommage à Vassia, et l'office des défunts. Il raconte que Vassia avait été bouleversé par ce qu'il avait vu au Donbass, et s'était confié à lui longuement, il semble qu'il était en train de se rapprocher de Dieu. Il y a quelques jours, le père Nikita m'avait montré une vielle qui avait appartenu à un homme tué au Donbass, et comme il voulait lui donner un nom, j'avais suggéré la Voix de l'Homme Mort. Il dit que ce serait aussi désormais la voix de Vassia qui nous avait permis de nous rencontrer.

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hommage à Vassia du père Nikita.



Ce même jour, mon ami Slava a été inhumé à Moscou. 

vendredi 27 janvier 2023

Deux vieux Français


Visite presque surprise du père Basile Pasquiet, archimandrite vendéen du monastère de la Sainte Trinité à Tcheboksary, en Tchouvachie. Il m'avait appelée la veille sur le chemin du monastère saint Boris et saint Gleb, près de Rostov, pour me prévenir qu'il serait bientôt à Pereslavl. Nous ne nous voyons pas très souvent, parce que Tcheboksary, ce n'est pas la porte à côté. Il me faudrait aller voir les balalaïkers à Oulianovsk en faisaint escale chez lui. Ou bien retourner à Kourmych chez Sacha, ce n'est pas trop loin. 

Il m'avait donné rendez-vous au monastère saint Nicolas après avoir rendu visite à la croix miraculeuse de Godenovo. Nous avons été accueillies par la mère higoumène Evstolia, qui nous a fait faire le tour des églises et des saintes reliques, nombreuses, saint Corneille de Pereslavl, saint André de Smolensk, la magnifique croix de Khersonèse et nombre de belles icônes anciennes, dans un monastère pourtant presque neuf, car il avait énormément souffert à la révolution. Nous avons pris un repas maigre pourtant excellent. La conversation portait sur divers sujets monastiques, émaillées d'anecdotes pleines d'humour, comme les aime le père Basile qui a aussi évoqué le père Placide, à qui il avait rendu visite à Saint-Antoine-le-Grand, peu de temps avant sa mort. 

Je pensais qu'il viendrait chez moi, comme il en avait l'intention, mais comme bien souvent avec les personnalités ecclésiastiques, il n'en a pas eu le temps, nous avons échangé un peu en français dans le jardin du monastère, avant qu'il ne repartît pour Moscou en passant par Serguiev Possad. Nous avons parlé de notre présence ici, deux vieux Français, quel itinéraire... "Cela me donne parfois un peu le vertige, lui dis-je.

- Pas moi!" me répond-il en riant. 

Il pense comme le père Andreï que le conflit en Ukraine était devenu inévitable, et qu'il assainit maintenant pas mal de choses ici, c'est le bon côté de ce qui se passe là bas d'absolument terrible. Une correspondante facebook est interloquée par le fait que le patriarche invite à ne pas juger ceux qui ont quitté la Russie, et qui ont besoin d'aide spirituelle, ni les Ukrainiens, puisque le responsable de tout ce gâchis est "l'occident collectif". Elle trouve que les Ukrainiens sont largement responsables car on n'embrigade pas ceux qui s'y refusent. Cela ne me paraît pas si simple. Quand dès l'école maternelle, on réeeduque les gens, beaucoup n'y résistent pas. Je vois encore beaucoup de Russes avoir une vision complètement faussée de leur histoire, comme d'ailleurs beaucoup de Français, et l'Occident s'est employé, avec le concours d'un personnel politique et médiatique pourri, à rincer la cervelle des Ukrainiens jusqu'au blanc pur. C'est d'autant plus simple, quand les gens n'ont pas d'accès à leur foi ni à leur culture, et on a tout fait pour les couper de l'une et de l'autre. Et pas seulement en Ukraine, qui n'est jamais que le malheureux laboratoire de ce qu'on prépare à toute l'Europe. En ce sens, le patriarche a raison, et de plus, il n'est ni juge, ni commissaire du peuple et ne tient certainement pas à aggraver la position intenable du métropolite Onuphre, de ses hiérarques et de ses fidèles à qui il peut arriver absolument n'importe quoi. 





mercredi 25 janvier 2023

Oiseaux de mauvaise augure

 

photo Natalia Kornileva

J’ai vu l’image hallucinante d’un vol de corbeaux innombrables sur Kiev, des corbeaux ou des étourneaux ? Certains disent que c'est un fake, d'autres le confirment, le même phénomène s'était produit quand se concluait la création de l'eglise de Bartholomée. A Pierrelatte, on voyait fréquemment de grands vols d’étourneaux, mais pas en hiver. Et là, dans les lueurs de cette ville nocturne mal éclairée tournoient des oiseaux noirs, comme autant de démons, bien que chacun des oiseaux n’ait rien de démoniaque, ce sont juste des oiseaux, peut-être perturbés par la guerre. Simplement, s’ils sont venus tourner là, quelle qu’en soit la raison matérielle apparente, c’est que Dieu nous incarne peut-être un signe. Liouba dit que les anges peuvent se servir de n’importe qui, le gardien d’immeuble, le flic du coin, pour nous délivrer un message, sans que le messager lui-même en soit forcément conscient.


 

Ces flocons de suie sur Kiev, un nuage de corbeaux

Ou le feu qui revient de différents côtés

C'est votre terre noire qui part en fumée

C'est du charbon et de l'acier, mais pas une goutte d'eau,

C'est le souffre des pneus qui recouvre Sodome,

C'est la suie des villes qui se fige dans l'ombre,

Ce sont les cendres qui cognent à nos coeurs

Les médecins de la peste pour vous viennent trop tard

C'est le serpent qui franchit les remparts

Ce sont vos propres mots qui font écho en vous

C'est le poids du destin que vous avez invoqué, 

Les cercueils au rabais seront bientôt gratuits. 

Ce sont des foulards de veuves et des bouts de bannières

Ce sont les démons qui vous assiègent de leurs milliers de gueules

C'est un chevron pourri couleur de sang et de nuit

Des montagnes de sacs qui remplissent les morgues

Ce sont les soutanes des schismatiques, la croix sciée. 

Qu'une heure avant l'aube parvienne la nouvelle

Que périssent les âmes, que la Laure soit souillée:

Il vient. Que ses ennemis soient dispersés


Olga Danilova Sébastopol

Je sens se lever des ombres immenses, un tumulte épouvantable depuis ce trou noir, cet épicentre de tous les démons de l’occident, et j’ai peur. 

Piotr Tolstoi, en face de toujours les mêmes hyènes médiatiques qui organisent plus un interrogatoire qu’une interview. Ces journalistes se croient au Tribunal international qu’ils mériteraient eux-mêmes pour leurs mensonges, leur partialité et leur complicité dans le traquenard immonde où nous sommes tous en train de tomber, cette énorme imposture.  J’ai vu une vidéo où les patrons de ces hyènes  avouent eux-mêmes avoir, avant le coup d’état du Maïdan, envoyé des instructeurs pour former l’armée ukrainienne à affronter les Russes, ils ont eux-mêmes excité les ukrainiens comme des pit-bulls. On comprend pourquoi les naïfs qui essayaient comme moi de faire de la réinformation se heurtaient à un refus absolu d’évoquer les atrocités causées par les meutes neonazies lâchées sur le Donbass. Mais ils prétendent devant Tolstoï, avec aplomb, que les gens du Donbass « volaient la terre des Ukrainiens », c’étaient plutôt eux qui la vendaient aux Américains sans que leurs habitants légitimes fussent consultés ! Je m’étonne qu’il ne le leur ai pas rappelé. Et puis, quand on pense au cas qu’ils font de la nôtre de terre, la terre française, qu’il est infiniment incorrect de défendre et de revendiquer, et de ses habitants ancestraux perpétuellement honnis, impunément brutalisés et ridiculisés !

Les faux-semblants sont fantasmagoriques, et l’on voit des campagnes pour défendre aux gens de boire trop d’eau ou prévenir que le sport est dangereux pour le coeur, alors même que pendant des années on nous prêchait les bienfaits de l’exercice et les deux litres d’eau par jour ! Nos dirigeants n'ont vraiment honte de rien. Un professeur veut faire appel à l’intelligence artificielle pour comprendre les causes des morts subites en rafale qui frappent la population à des âges où elles étaient rarissimes. Voici ce qu'écrit à ce sujet sur VK Lionel Famechon: Une intelligence artificielle est une fausse intelligence par définition. Tout ce qui vient de l'intelligence artificielle a été créé par une connerie naturelle. Si l'intelligence artificielle est égale à celle de l'homme moderne alors il faudrait la renommer "La connerie artificielle" 

C’est qu’il ne faudrait surtout pas que les moutons menés à l’abattoir réalisent le problème avant d’avoir passé l'arme à gauche, alors on continue coûte que coûte à leur pendre des nouilles aux oreilles, comme disent les Russes, c’est-à-dire à leur raconter des craques. Non contents d’avoir injecté à leurs populations des substances douteuses, de les avoir ruinées, exposées sans défense à une criminalité  sans précédent, nos malfaiteurs persistent à vaticiner et à fournir toujours plus d’armes qui servent à envoyer à la mort toujours plus d’Ukrainiens, lesquels à part un certain nombre d'irrécupérables ont largement compris de quoi il retournait, mais on ne leur laisse  plus le choix. Aux Russes non plus. C’est la victoire ou la mort, même si tous ne le saisissent pas encore. On fait avec l'Ukraine et le Donbass comme avec le Covid, et ses conséquences, comme avec la théorie du genre, comme avec l'avortement justifié jusqu'à l'infanticide de foetus viables ou de nouveaux-nés, comme avec notre propre histoire détricotée pour la rendre compatible avec ce qu'on fait de notre pays, on fait semblant de croire, jusqu'à s'en persuader, à des contre-vérités évidentes qui ne peuvent convaincre personne d'encore doué d'un peu de bon sens et d'honnêtété intellectuelle.

 



Ioulia m’a dit hier que mon ami Slava, son père, l'historien et cinéaste Viatcheslav Lopatine, était sur le point de mourir et m’a demandé de prier pour lui, ce que j’ai fait. Après avoir reçu les saints dons, il s’est apaisé et endormi, et il ne s’est pas réveillé. Il paraît qu’il avait un cancer du sang. J’avais discuté avec lui au téléphone il y a peut-être 15 jours, il était gai et alerte, nous avions évoqué notre lointaine rencontre à Paris, quand j’étais étudiante. « Pouviez-vous deviner qu’un jour je viendrais vivre ici ? lui ai-je demandé.

- Eh bien à vrai dire, tu avais quand même quelque chose de spécial ! »

Slava était venu, avec son opérateur Génia, tourner un film sur la commune de Paris. J'avais tout juste 19 ans, c'étaient les premiers "soviétiques" que je voyais de ma vie, et je brûlais de leur parler, au restaurant où notre professeur avait invité ses étudiants pour faire connaissance avec eux. J'étais placée à l'autre bout de la table, et ne pouvais le faire. Au dessert, j'étais allée les trouver et leur avais demandé ce qu'ils pensaient d'Ivan le Terrible. Ils avaient éclaté de rire, et m'avaient pris chacun par un bras pour me réciter des vers et discuter avec moi de l'histoire russe, tout en visitant le Paris nocturne de l'époque parce que travaillant le jour, ils ne pouvaient faire de tourisme que la nuit. Au bout de quatre nuits de ce régime, je ne m'étais pas réveillée pour me rendre au dernier rendez-vous qu'ils m'avaient donné pour me faire leurs adieux, et j'avais amèrement pleuré, persuadée que je ne trouverais jamais d'hommes comme eux dans la France des années 70, ce qui s'est largement avéré. Ils avaient 16 ans de plus que moi, et ils étaient mariés tous les deux. Slava s'était spécialisé dans l'époque de Catherine II, dont il se disait le favori posthume. Il a écrit sur elle et sur Potemkine des dizaines de livres. 

J’étais contente d’avoir renoué avec lui, je pensais à lui cet automne, et sa fille, qui vient souvent à Pereslavl, apprenant par une amie commune que j’y étais, m’avait contactée. Mais je ne l'aurai pas revu.

Slava avait 86 ou 87 ans, il est resté alerte, lucide et passionné par ce qu’il faisait jusqu’à la fin, il a pu communier avant de partir, il est mort paisiblement et entouré des siens, ce n’est pas la pire façon de s’en aller, d’autant plus qu’on ne sait pas trop ce qui attend ceux qui restent.  


Slava et sa femme Natacha




    
Хлопья сажи над Киевом — тучей ворон.
То пожар возвращается с разных сторон.
Это ваш чернозём возгоняется в дым.
Это уголь и сталь — и ни капли воды.
Это сера от шин накрывает Содом.
Это копоть остывших во тьме городов,
это пепел, который нам в сердце стучит.
К вам уже опоздали чумные врачи.
Это змей одолел ограждающий вал.
Это вам отзываются ваши слова.
Это тяжесть накликанной вами судьбы —
и со скидкой, а скоро и даром, гробы.
Это вдовьи платки и ошмётки знамён
цвета крови и ночи, истлевший шеврон,
это горы пакетов, заполнивших морг,
это бесы к вам сунутся тысячей морд,
это рясы раскольников, спиленный крест.
То за час до рассвета доносится весть,
пусть и сгинули души, и Лавра в грязи:
Он грядёт. И его расточатся врази.

lundi 23 janvier 2023

Le double sombre.

 


Slobodan Despot a commencé toute une réflexion sur la chute de la France, à laquelle j'avais répondu par une lettre qu'il a publiée. Son second article sur ce thème est extrêmement juste et profond. Dans ma lettre, j'expliquais, ne voulant pas trop m'étendre, comment j'avais assisté à l'assassinat programmé de la douce France de Trenet, mais il est certain que les racines du phénomène sont à chercher beaucoup plus loin, et c'est ce qu'il fait. Je ne peux que souscrire, d'autant plus que même en ce qui concerne la France de Trenet, il y avait déjà, comme on dit, du mou dans la corde à noeud. Bernanos et Saint-Exupéry en parlaient quand je n'étais pas encore née. Disons que j'ai vu s'éteindre les derniers feux... 

Il écrit:

Si l’Anglais moderne ne sait pas ce qu’est la vérité, le Français fils des Lumières ne sait pas ce qu’est le chant de la vie.

Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Henry de  Montherlant, dans un article de 1928 consacré, justement, au «chant profond», le canto jondo des Andalous, des Arabes et des Gitans(1). Avant la fameuse conférence de Lorca sur le Duende — le démon de la création —, Montherlant fait l’éloge d’un art où la perfection formelle ne vaut rien sans l’investissement éperdu et total de l’âme du pratiquant. Il décrit la transfiguration d’un jeune Gitan pataud et peu assuré, lorsque l’hymne de la douleur d’être né monte de ses entrailles. L’enfant est soudain devenu un homme, puissant et sans âge. Peu importe s’il chante faux! Les virtuoses sont oubliés: c’est pour lui et sa bouleversante sincérité que le public est venu. Il recevra le premier prix et retournera à son obscur trafic de cochons. Chantera-t-il encore? Si l’envie lui prend. C’est une vie que Montherlant respecte: celle où «on ne chante que quand ça vous chante»

En réalité, ceci m'a frappée dès mon enfance, je ne savais pas trop où le chercher, ce chant de la vie, autour de moi, dans ce très beau pays plein de vestiges intacts d'époques antérieures qui ne concernaient plus la nôtre, de signes qu'elle ne savait plus déchiffrer. Montherlant parle du petit gitan transfiguré par le flamenco, c'est précisément ce qui m'a attirée dans le folklore russe, ce chant de la vie. Dont on a aussi essayé de priver les Russes, d'ailleurs, et on y est partiellement arrivé. Adolescente, je ne trouvais pas de chant de la vie chez les écrivains du XVIII° et du XIX° français, si géniaux qu'ils aient pu être. A l'exception de Giono qui était pour moi une source vive, d'ailleurs assez marginale, un "écrivain régional", ou des poètes. Je la trouvais chez les Russes. Il y a des gens pour qui Dostoievsky est déprimant. Pour moi, au contraire, c'était une porte ouverte sur la lumière, et dans les pires convulsions de ses héros, je sentais une vie et une sincérité qu'il n'y avait pas ou n'avait plus, dans notre univers. 

A un moment, nous n'avons pas pris le bon chemin et nous avons acculé le reste du monde à nous imiter ou à se soumettre, et cela concerne toute l'Europe occidentale.

Le malaise remonte à longtemps. Slobodan évoque Versailles, pour lequel il n'éprouve aucun engouement. Moi non plus, et quand Notre Dame a brûlé, je me suis dit que cela ne serait pas arrivé à Versailles, le monument emblématique de toute notre dérive, ce truc vain et pompeux, avec de fausses déesses antiques en lesquelles personne ne croit, ces imitations vides. Non, comme en Russie, où les plus vieux monuments étaient dynamités par les bolcheviques en priorité, c'est le moyen âge que détestent la modernité et la caste qui nous l'a vendue et imposée. Palais de nouveau riche, et en effet, d'ailleurs, Pierre le Grand, méprisant l'architecture unique de son pays, s'est précipité pour le copier avec son palais de Peterhof, déguisant dans la foulée sa noblesse en pingouins perruqués et la coupant de sa culture originelle. 

Je pense à ce sujet à deux films qui m'ont marquée, "tous les matins du monde", avec l'extraordinaire personnage de monsieur de Sainte-Colombe, qui incarne la France encore mystique du XVII° siècle, et celui de Marin Marais, déjà pris par la vanité du siècle "des Lumières" approchant, et puis "Ridicule", où sont dépeints tous les défauts de notre fameux "esprit" guère spirituel qu'évoque Slobodan. 

On est parti d’un récital de chant, quelque part dans le Sud, mais c’était pour arriver au cœur du problème: la raideur raisonnante, mesquine et glacée d’une société que Montherlant, comme bien d’autres avant ou après lui, ne supportait plus. Une société dont, pour reprendre les critères de Goumilev, la température passionnelle s’approche du zéro absolu. Son erreur fatale est d’avoir fait divorcer, depuis Descartes, l’intelligence et le sentiment: «Cette grande conspiration française contre la naïveté et le naturel!» Il vient parfois à Montherlant des fulgurances saisissantes. Comme ici: de l’esprit «classique» surcivilisé au primate petit-bourgeois qui se définit aujourd’hui comme «citoyen», la cloison est bien mince. «Les mots d’ordre du primaire ne sont pas si différents de ceux du classique: pas de lyrisme, pas de fantaisie, pas de vision vraie de la réalité, pas d’expression directe de ce qui est ressenti, tout cela est ou ridicule ou choquant: un peuple hier avec perruque, aujourd’hui avec certificat d’études, ne saurait le supporter. Le jargon démocratique de nos petits intellectuels avancés sert un idéal bien opposé, certes, à celui des beaux esprits de Versailles, ou à celui des scolastiques: n’importe, tarte à la crème et baralipton y montrent le nez. Le lit de Procuste sur lequel un instituteur de 1928 étend une page d’écrivain, pour la mutiler de tout ce qu’elle a vigoureux et d’inspiré, c’est un meuble national, le même depuis des siècles…

https://antipresse.net/aparchive/373437/Antipresse-373.pdf

C'est cet esprit que j'ai rejeté dans ma jeunesse et qui me rejetait avec mépris et aversion, que j'ai fui dans la Russie et dans l'orthodoxie, cet esprit qui a enfanté deux monstres, le petit marquis et le bourgeois, à l'origine de notre révolution, de ses horreurs et de la disparition, avec la paysannerie et nos derniers aristos, de nos forces vives, de nos réservoirs d'âme, de poésie, de pureté, de noblesse et de grandeur. 

Je suis ensuite tombée sur cet article complémentaire d'Alexandre Douguine:

 "Aujourd'hui, la Russie mène une guerre absolue pour la première fois de son histoire. Toutes les guerres précédentes n'ont été que des prototypes, des modèles relatifs pour la guerre la plus importante. Maintenant, cette guerre, la guerre actuelle, est définitive, finale et irréversible.

Il est clair que nous ne le comprenons pas encore. Ce qui va se passer dépasse l'entendement, même de ceux qui sont impliqués dans cette guerre et de ceux qui l'ont déclenchée.

Pour la première fois, nous sommes confrontés au mal pur, absolu, total. Elle ne sera plus partielle ou relative. Et il ne s'agit plus seulement de l'"Ouest", et encore moins de la "formation en U" à court terme. L'enfer qu'ils représentent n'a plus d'importance. Ce mal est quelque chose de beaucoup plus profond, comme l'humanité n'en a jamais vu. C'est la dernière guerre de l'humanité. Seule la Russie se tient fermement, inébranlablement, du côté de la justice et de la vérité, sans savoir pourquoi. Mais c'est pour cela que nous avons été créés et c'est pour cela que nous avons vécu. Nous ne savons pas comment cela va se terminer, mais les préparatifs du jugement dernier battent leur plein.

La planète se divise en deux. Soit dans cet hémisphère, soit dans l'autre. L'humanité se divisera. L'histoire est un mouvement de un à deux. Au début, il n'y avait qu'Adam, mais à la fin, il y en aura deux : Adam et son double sombre."

Ce double sombre, c'est bien l'esprit de l'occident chrétien dévoyé, apostasié tout à la fois dans le sarcasme et le sang, qui lui aura donné naissance et l'aura lâché sur le monde. 


dimanche 22 janvier 2023

Immortalisée


Le peintre Alexandre Savielev est venu me peindre. J’aime beaucoup ses portraits puissants et très vivants, qui ne sont pas forcément flatteurs, surtout quand on n’est plus un perdreau de l’année. Me voici immortalisée, et Rita aussi. Il m’a dit qu’il trouvait les animaux très difficiles à peindre, il s’en est vraiment bien sorti, Rita est criante de vérité, on dirait un petit coeur battant. Je suis dévorée par le bleu, ce qui traduit une certaine réalité..

C’était la fête du transfert des reliques du saint métropolite  Philippe des Solovki à Moscou, où elles reposent depuis le XVII° siècle. Comme me le fait toujours remarquer mon amie Liouba, j’ai été logée par l’Ambassade et j’ai acquis ensuite un appartement juste à côté de l’endroit où on était allé accueuillir ces reliques en procession et où une église rappelle l’évènement.

Je suis allée aux vigiles puis à la liturgie le lendemain. En sortant de ma voiture, j’ai vu que ma tante m’appelait, mais je n’ai pas pu répondre. A l’église, j’étais dans un état de tristesse lumineuse et de grâce, d’acceptation et de consolation, je ressentais tout le trajet de ma vie et son mystère. J’ai entendu dire que ma cousine s’adressait à son père défunt pour demander de l’aide, et moi, j’ai toujours demandé de l’aide pour les miens défunts, l’intercession des saints et la miséricorde de Dieu. Cependant, l’autre jour, regardant la photo de mon père, je lui ai dit : « En fin de compte, tu es le seul qui ait été vraiment croyant dans cette famille, et si comme je le crois, tu es à la bonne place, joins tes prières aux miennes, là bas, pour les nôtres vivants et morts. »



Et curieusement, il est depuis beaucoup plus présent dans mes pensées, je dirais encore plus présent. Comme si je lui avais ouvert une porte. C'est curieux, cette relation que j'ai gardé plus ou moins toute ma vie avec mon père disparu. Oui, ces jours-ci, j'ai vraiment l'impression qu'il est là quand je lui parle.

Le portrait d'Alexandre est le troisième de ma vie, le premier avait été fait par un peintre peu connu et oublié, Cazassus, qui exposait sur la plage de Sainte-Maxime. Il avait voulu me peindre parce qu'il me trouvait très romantique. J'avais onze ans. Maman avait acheté le tableau, je l'ai toujours, il est dans ma chambre. A ma grande surprise, il m'avait peinte en vert, j'attendais plutôt du bleu, comme chez Alexandre, et avec cette cage et ces oiseaux qui en sont sortis, mais qui restent dessus comme si cela ne valait pas la peine de s'envoler. Je me souviens qu'il m'avait fait poser près du café de la plage, les pieds dans le sable et un pull jeté sur les épaules. 

Le troisième, c'est moi qui l'avais fait à l'aquarelle, j'avais vingt cinq ans. Ces trois tableaux, indépendamment de la qualité artistique des uns et des autres, me paraissent tout à coup former des jalons dans le cours de mon existence. Comme on dit, avant après! De la petite fille à la vieille en passant par la jeune femme. Seule du début à la fin. Ratatinée avec Rita dans tout ce bleu!




J'ai discuté avec une cousine qui m'a dit: "Je n'ai pas vécu ma vie". C'est justement la caractéristique de notre époque, nous sommes très nombreux à ne pas vivre notre vie. Pourtant moi, j'ai vraiment essayé, désespérément essayé, je crois même y être plus ou moins parvenue, cahin caha, pour certaines choses, je ne me suis jamais faite à l'idée que ma vie pouvait m'être volée par des vampires invisibles. Le pire moment, ce furent mes débuts dans l'éducation nationale en banlieue. Comme si j'étais définitivement tombée au royaume des morts vivants, quand j'ai réussi à partir travailler en Russie, j'ai eu l'impression de m'arracher in extremis au naufrage définitif, accrochée par une seule plume à l'oiseau de feu.

 

jeudi 19 janvier 2023

Réminiscences

 


Une personne qui m'est très chère est tombée malade, en France. En d’autres temps, je serais partie la voir, mais en ce moment, je crains de rester bloquée là bas, et avec ma floppée d'animaux, ce serait l'angoisse. Il est vrai que je le crains depuis longtemps, mais on ne peut pas dire que la situation s’arrange. Dans mon désarroi, j’ai appelé le père Valentin, qui m’a dit : « N’y allez pas, je ne fais aucune confiance à l’Occident. Priez pour elle mais n’y allez pas ». 

Je pleurais hier soir comme une Madeleine, je sentais à quel point j'étais loin, comme disait une autre de ces personnes chères que j'ai laissées derrière moi. Evidemment, j’aurais pu y aller quand la situation n’était pas encore aussi explosive, mais avant l’intervention militaire, c’était le covid, les masques, les tests et les vaccins... 

J’avais très mal à la tête, et ce matin, j’ai dû me pousser pour aller fêter la Théophanie, jour anniversaire de mon entrée dans l’Orthodoxie. J’ai dû me pousser, mais comme d’habitude, cela m’a fait beaucoup de bien, la Théophanie est toujours pour moi une fête pleine de grâce. J’ai communié, et je ne saurais dire la saveur qu’ont pris les saints dons dans ma bouche. J’avais encore mal à la tête, j’avais mal aux jambes, j’avais de la peine, et les larmes qui coulaient, mais je ressentais au fond de moi une espèce d’espace intérieur calme dans lequel résonnaient doucement des chants qui, par leur parenté pourtant regrettable avec la musique occidentale, me restituaient l’atmosphère du catholicisme naïf et préconciliaire de ma petite enfance annonéenne.

Cette situation qui me sépare des miens est étrange et affreuse. Quoiqu’il arrive en Ukraine, c’est la faute des Russes. La vérité commence à percer, mais tout est si fourbe et embrouillé, par exemple, le métropolite Onuphre fait des déclarations antirusses que me citent des orthodoxes français, alors même que ses hiérarques, ses prêtres et ses fidèles sont abominablement persécutés, l'étaient auparavant, et le seront de toute manière, si les entreprises des démons ne sont pas déjouées. Le père Valentin m’a dit avec fureur qu’on ne devait ni le critiquer ni même le commenter, c’est aussi ce que recommande le patriarche. Et c’est ce que je fais. La position des orthodoxes là bas est plus que difficile. On peut très bien massacrer tout le troupeau et ses hiérarques, et trouver des justifications ou le passer sous silence, ou l'attribuer aux Russes. Les responsables de tout cela n’ont absolument aucun respect de rien. Le père Andreï m'a dit: "Tellement de péchés invraisemblables se sont accumulés, et pas seulement là bas, mais aussi chez nous, il n'y a rien d'étonnant à ce qui nous arrive, et comme d'habitude, ce sont les meilleurs, les plus courageux, qui souffrent en premier. Mais ayez confiance, comme dit notre ancienne directrice d'école, "l'incendie se déroule selon le plan..."

Quand je lis les nouvelles le matin, j’en ai les larmes aux yeux, j’ai tellement pitié des gens normaux qui sont pris dans cet engrenage infernal et cette horreur fantasmagorique, et aussi des Français qu’on ruine, à qui on pourrit la vie, et qui seront peut-être demain achevés dans les guerres civiles fomentées dont on leur a créé toutes les conditions. Je savais dès la guerre au Kosovo, que c’était là le projet.


J’ai vu là au milieu un reportage sur un luthier paysan qui a décidé d’ignorer tout cela et de vivre normalement, pleinement, librement, il le proclame : la vie de paysan, dans sa rude simplicité, donne la liberté et la paix, et ce contact avec la vie qui irrigue l’être et l’enrichit. De quelle liberté, de quelle paix jouit le malheureux qui se précipite sur le métro tous les matins pour aller remplir une tâche imbécile et « travailler de toutes ses forces pour son patron », ainsi que le dit monsieur de Maesmaker dans Gaston Lagaffe ? De quel enrichissement intérieur, de quelle plénitude bénéficie-t-il ? N’y a-t-il pas derrière tout cela une escroquerie énorme ?

Dima Paramonov, le roi des gousli, a vu cette émission deux fois, bien qu’il ne parle pas français, et se demande où se procurer l’espèce de moulin à farine dont se sert le luthier. A mon avis, on ne trouve plus cela que dans les brocantes, et encore...

Au moment du covid, Dima est parti vivre dans l’Oural, dont il est originaire, au village, où le folklore survit encore. Il a fait un très joli disque de polyphonie au violon, c’est-à-dire qu’il joue les différentes parties vocales de chants russes, et cela jette sur ces chants un autre éclairage. Le violon était un instrument populaire courant, avant la révolution, il le redevient peu à peu. Dima n’est pas seulement le roi des gousli, au violon, il ne se défend pas mal non plus.

https://vk.com/music/album/-2000994847_16994847_0b7362c24751c58d4b

 


Bénediction des eaux par le père Valentin et son équipe

lundi 16 janvier 2023

Nourritures terrestres et discussions spirituelles


Vendredi soir, j'étais invitée avec Katia et son amie Ania, la photographe, chez le cuisinier Laurent, dans son appartement de très mauvais goût qui veut faire riche, une location provisoire. Le repas était absolument délicieux et parfaitement diététique, simple et raffiné. De la très bonne viande coupée en lamelles, des ananas revenus avec des poivrons, des patates douces et des pommes de terre, et un très bon taboulé. Laurent nous a expliqué qu'il avait travaillé comme cuisinier privé d'un riche Russe, et je pensais au cuisinier Anatole de la tante Dahlia, dans les romans de P.G. Wodehouse. Quel luxe d'avoir un cuisinier privé! Mais en avoir un parmi ses relations, en plus d'un pâtissier, n'est pas mal non plus... Cela ne m'était jamais arrivé avant Pereslavl!

Je dois dire que Katia, qui n'est pas française, fait pourtant bonne équipe avec moi, car elle adore bouffer, et comme aurait dit Didier, "elle est de la gueule"...

Aujourd'hui, étant allée porter des affaires pour l'aide humanitaire au Donbass, j'ai décidé de déjeuner au café. Et là je suis tombée sur le père Vadim, et sur l'Américain Jason. Nous avons passé trois heures ensemble. Cette fois, j'avais commandé un gratin dauphinois, que Laurent m'a servi avec la sauce de son jarret de porc, et je lui ai dit que sa bouffe était pour moi la madeleine de Proust, parce qu'elle avait le goût français que je ne trouvais à aucune autre cuisine, même excellente. Tout à coup me revenaient ma grand-mère d'Annonay, les restaurants de la vallée du Rhône, Tournon ou Tain l'Hermitage, avec les nappes et les serviettes blanches et le doux tintement des verres ballon et des couverts d'argent! Godefroid qui passait par là m'a déclaré que sa forêt noire l'avait surpris lui-même par la variété de ses goûts et de ses textures, et en effet, c'est le gâteau que je préfère dans sa production. Le chocolat et la cerise, le tendre et le craquant, difficile de résister...

Bien que je vitupère sans arrêt l'Amérique, Jason m'est proche par l'esprit, c'est une des personnes que je préfère ici, parce qu'il a un côté atypique et barjot que j'aime et que je partage, que je trouvais chez les Américains de type Kerouac ou Jack London, et que l'on trouve aussi d'ailleurs chez les Russes. Ce qui me plaît, c'est qu'il ne fait absolument pas semblant d'être ce qu'il est, il est naturel et sincère, fervent, profond. D'après lui, le père Pantaleimon lui aurait conseillé de se méfier des femmes confites en dévotion, et je vois très bien ce qu'il veut dire! Tout fervent qu'il soit, Jason, comme moi, aime sa liberté et un certain style de bigoterie lui fait froid dans le dos, peut-être aussi simplement parce qu'il est vivant. Il se situe entre les beatniks et Dostoievski. Le père Vadim a vécu vingt ans en Amérique et parle parfaitement anglais, Katia les a présentés l'un à l'autre, et ils ont découvert que le premier connaissait très bien, outre Atlantique, le frère du second, le monde orthodoxe est minuscule.

Etonnante petite ville que Pereslavl. On y trouve un pannel de personnalités vraiment varié. Hier, j'ai eu la visite de trois jeunes filles qui faisaient un reportage sur les intellectuels moscovites ou autres venus s'installer ici, et elles s'étonnaient justement de ce fait. "Nous ne nous attendions pas à trouver une maison comme la vôtre, où tout est tellement stylé, m'ont-elles dit. 

- C'est que j'ai besoin d'avoir de la beauté chez moi, surtout quand on voit ce qui se passe au dehors et qui ne fait que s'accentuer. Pour moi, il est normal de ne pas mettre côte à côte deux tableaux qui vont jurer ensemble, ou d'accumuler des objets n'importe comment, façon foire à la brocante. J'ai besoin de mettre de l'harmonie et de la poésie autour de moi, du sens. J'ai remarqué que dans la famille de mon père spirituel, on faisait pareil, ses filles ont beaucoup de goût. On l'a fait disparaître chez la plupart des gens, mais chez les natures artistiques, cela revient parfois."

J'ai parlé avec Tatiana, qui recueille l'aide humanitaire. J'ai donné quelques uns de mes livres, l'année 16 du blog, cela peut amuser et distraire le soldat. Je pense, et elle aussi, que les Russes remporteront cette guerre, mais on a quand même une fois de plus réussi à organiser une boucherie de slaves, et à monter les Européens les uns contre les autres, tout en préparant, avec une immonde fourberie, leur disparition définitive. Un plan affreux, auquel seule la Russie peut encore faire échec. Et la volonté de Dieu. 


Jason n'aime pas rencontrer des Américains typiques, qui ne sont pas venus ici pour des raisons profondes, et je le comprends. On a demandé à ses filles ce qui les surprenait le plus en Russie, elles ont répondu: "la grande gentillesse des gens", une gentillesse que Jason trouve incroyable et qu'il n'a pas l'impression de mériter, car il est humble de coeur. Avec le père Vadim, nous avons commenté la déchristianisation hallucinante de la France, il parle bien français et connaît notre pays. Il faut dire qu'on a tout fait en haut lieu et dans les cercles qui donnent le ton, pour obtenir ce résultat, et même l'Eglise s'est prêtée à cela. "En Amérique, me dit Jason, le christianisme subsiste plus que chez vous, mais sous un aspect tellement déformé qu'il est méconnaissable et éloigne souvent les gens qui ont une quête spirituelle profonde.

- Oui, eh bien chez nous c'est pareil, outre que les gens ne savent absolument plus ce que c'est et n'en connaissent que des caricatures, ils ne savent de quel côté se tourner quand ils ont besoin d'une vie intérieure, l'univers, Bouddha, l'exotique, le vague et le new age... Je trouve l'affreux boulot des exterminateurs d'étoiles mieux réussi en occident qu'ici, en dépit des persécutions soviétiques, mais je me fais du souci, en voyant filtrer parfois dans l'Eglise orthodoxe, la merde des chansonnettes protestantes pour neuneus à sourire hagard.

- Que voulez-vous, me dit le père Vadim, c'est quand même vous qui avez amorcé le mouvement, avec les "Lumières" et la révolution..."

Cet hiver est si pénible, nous avons à nouveau un redoux, qui sera obligatoirement suivi d'une vraie patinoire. J'ai demandé à la pharmacie du Magnit si elle vendait des crampons pour les chaussures, on m'avait dit qu'on pouvait en trouver là. Pas du tout. Mais la jeune employée, qui toujours s'extasie sur mon accent et sur mon style, est partie explorer les boutiques de la galerie et m'a conduite chez celle de chasse et pêche, où l'on m'a vendu ce qu'il fallait. Oui, une incroyable gentillesse, on peut le dire.