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mercredi 26 avril 2023

La vraie Russie

 


Le printemps avance, de plus en plus vert, translucide et doré. Le temps radieux, paisible et paradisiaque de ces derniers jours a fait place à une pluie bienfaisante, à des giboulées traversées de lumière, nous aurons des arc-en-ciels. Il paraît que nous avons eu une aurore boréale et moi qui ai toujours rêvé d'en voir une, je l'ai manquée. 
Aujourd'hui, j'ai trouvé près du supermarché Magnit un genevrier pyramidal déjà aussi grand que moi, et je l'ai installé du côté des camions et du futur palais sur pilotis, pour ne pas le voir trop longtemps. Ces genevriers sont très jolis, pas trop importants, pas trop hauts, souples, des flammes grises et bleutées. Il devrait faire écran sans trop obscurcir. Il était d'ailleurs temps de planter le pauvre arbuste qui avait commencé à sécher dans son pot.


J'aime beaucoup le blog de Panagiotis qui offre des parentés avec le mien, dans la mesure où la chronique de l'effondrement de son pays est vue au travers de sa vie quotidienne avec ses chats, depuis le coin où il vit. http://www.greekcrisis.fr/2023/04/Fr1020.html#db

Cet effondrement est en trop de points parallèle à celui de la France pour ne pas inspirer aux mauvais esprits qu'il est le fruit du même plan maléfique concerté. Du reste, après avoir discuté avec les cosaques hier soir, je constate une fois de plus que ce plan est à l'oeuvre également en Russie, même encore maintenant, et sans doute le conflit y mettra-t-il un terme où le ralentira, mais il y a eu beaucoup de mal de fait... A ce propos, je conseille de visionner cette vidéo de Pepe Escobar qui met le doigt sur les responsables, qui ne sont même pas des génies du mal, mais des gnomes haineux, acharnés, impitoyables et bassement astucieux: https://videos.francesoir.fr/items/431337a5-9ba8-4144-85a8-41c53406494b/

Parfois, cela suffit...Pour peu que trop de gens leur prêtent l'oreille, se laissent intimider, culpabiliser, monter la tête.

Quand je pense au sang versé par nos pays respectifs pour continuer à exister, avec leur culture, leur foi, leurs usages, aux Grecs de Panagiotis, qui ont survécu à l'occupation turque, qui s'en sont héroiquement débarrassés pour disparaître finalement au pouvoir "européen" dissolvant de ces gnomes corrosifs, j'en pleurerais.

Un jeune homme orthodoxe m'écrit en écho à mes chroniques: "Je ne comprends toujours pas ce suivisme de certains paroissiens orthodoxes derrière cette hystérie médiatique, cette sarabande satanique. Je regarde par curiosité Radio Svobóda et j’y ai lu sans surprise et non sans consternation à nouveau la façon dont ils couvrent le hold-up des lieux de culte en Ukraine (A Dropped Bible, A Brawl, And 'The Fall Of The Moscow Church' In Ukraine

http://www.rferl.org/a/32377110.html). Je me sens toujours plus oppressé devant la frénésie démoniaque qui s’est emparé des esprits ici et qui met en pratique et exerce toute sa rage là-bas, dans cette malheureuse Ukraine. Puissent-ils ne pas entraîner le monde entier dans leur folie !"

Je ressens la même consternation, et j'exprime le même voeu. En fait le suivisme, je le comprends un peu, dans la mesure où une partie des "spécialistes du monde slave" appartient à la coterie des gnomes, j'en voyais déjà s'agiter dans les facs des années 70. J'ai autrefois eu l'occasion d'échanger dans un avion avec la femme d'un dissident connu défunt, qui était devenue positivement enragée en découvrant que j'avais choisi d'aller travailler en Russie parce que j'aimais ce pays, et j'avais constaté que pour elle, et pour beaucoup de soi-disant Russes, ou Russes tombés de l'arbre, la russophobie outrepassait largement l'antisoviétisme. C'est-à-dire que la dérive communiste ne provient pas pour eux d'une idéologie étrangère inculquée par une caste majoritairement non russe au moyen de la terreur et de la rééducation, mais des défauts intrinsèques de la population russe depuis la nuit des temps. Pour eux, la seule parenthèse lumineuse de l'histoire russe, ce sont, outre les années pré staliniennes du pouvoir soviétique, les dix ans de dépeçage de l'URSS, de pillage et d'humilitation du règne de l'ivrogne servile Eltsine. Parallèlement, il y a tous les rameaux desséchés, indignes d'ancêtres parfois illustres, qui n'ont pas compris qu'on n'était plus dans les années trente, mais que je trouve néanmoins trop prompts à croire n'importe quelles calomnies sur leur pays d'origine pour ne pas être finalement aussi russophobes que les gnomes dont parle Pepe Escobar. Enfin le libéral russe finalement trop bien rééduqué, persuadé qu'avant le règne des gnomes, son pays ne valait absolument rien, et qui, dépourvu de la perspective de l'avenir radieux, estime qu'autant le livrer en pièces détachées aux vautours qui lui promettent la vie de cocagne dans les paradis occidentaux: à aucun moment on ne lui a appris à l'aimer. Quand aux Français de souche orthodoxes qui marchent dans tout cela avec un enthousiasme touchant, je pense et j'ai toujours pensé qu'ils auraient dû rester catholiques de gauche tendance la Croix, ce serait plus en phase avec leur mentalité. 
Rien ne m'agace plus qu'entendre parler ces gens de "la vraie Russie", alors que la vraie Russie, c'est précisément le métropolite Onuphre, ses hiérarques et ses fidèles qui l'incarnent, mais dans leur dégénerescence et leur stupidité, ils sacrifient la vraie Russie à la fausse Ukraine, la véritable orthodoxie à son succédané satanique, les victimes à leurs bourreaux. S'ils aimaient tant que cela "la vraie Russie", ils la reconnaîtraient, et pas seulement chez les fidèles du métropolite Onuphre, d'ailleurs.
Ce qui me console de tout ce qui se passe, dans les divers espaces de la chrétienté vilipendée et persécutée, souvent par ses propres représentants déjà passés à la "Religion du Futur" du père Séraphim Rose, c'est la certitude qu'au delà de tout ce qui nous terrifie et nous horrifie, point quelque chose de grand et de lumineux qui nous dépasse et nous embarque. Qui nous dépasse et nous embarque quand nous sommes prêts à l'envol.

mardi 25 avril 2023

Semaine lumineuse

 


Le semaine lumineuse s'est achevée pour moi à l'église du père Valentin, avec une procession au son des cloches, par un temps radieux. Valérie, qui avait mis 17 heures à franchir la frontière Lituanienne, en raison d'un afflux d'Ukrainiens passés au peigne fin un par un, a logé chez le père Valentin et a fait connaissance avec lui et avec sa famille. Lioudmila, elle, est partie seule en avant-garde pour retrouver mes chats qui lui manquent. Valérie m'a rapporté que si un ou deux Ukrainiens ont protesté qu'ils étaient victimes de discrimination, les autres estimaient que la vigilance des douaniers était tout à fait justifiée. Puis j'ai ramené mon amie à Pereslavl, avec traversée d'un bouchon du samedi. Les cloches, en cette période de Pâques, nous accompagnent partout. Elles résonnent au dessus de mon jardin, en ville, Valérie et Lioudmila s'en émerveillent. Au marché du dimanche, elles ont fait des tas d'emplettes, avec un certain sentiment d'euphorie. 

Il fait doux, avec une brise printanière légère et recueillie, des chants d'oiseaux, une lumière mystique, seulement le type qui avait déjà déversé des camions de glaise chaque jour pendant un mois au milieu du marécage en a remis une dose, décidé cette fois à construire ce qui risque d'être, au vu de ce qu'il fait déjà, un château américain de trois étages que j'aurai bien du mal à cacher, et qui me dérobera les saules et les roseaux de l'espace sauvage conservé par miracle. En attendant, ses camions puants, bruyants et poussiéreux nous gâchent la vie et la suppriment sur tout l'espace de son terrain. Les plantes, les animaux, les terriers, les nids, tout est brutalement enseveli pour édifier un mausolée et faire un jardin sinistre, avec la pelouse tondue et les espèces exotiques autour de petits massifs stupides. Il a déjà fait disparaître un ruisseau, qui remonte chez les voisins, et envoyé ceux-ci, qui protestaient, se faire voir chez les Grecs. Certaines personnes, fort nombreuses d'ailleurs de nos jours, ont la délicatesse d'un gros derrière qui se fraie un siège au mépris de tout ce qui existait auparavant sans lui. J'ai vu comme cela une maison dont la véranda est entièrement obturée par le mur en parpaing de la bâtisse d'un type qui s'est installé sans tenir aucun compte de ce qui pouvait se trouver autour.



Mes amis Soutiaguine ont peut-être trouvé leur datcha ici, une petite maison très mignonne, avec une véranda, et plein de voisins de tous les côtés, mais comme ils n'ont pas beaucoup d'argent et ne veulent pas aller dans un village... En réalité, par les temps qui courent, il conviendrait peut-être de s'installer à plusieurs dans un de ces villages qui meurent dans la campagne, afin de s'éviter les catastrophes écologiques et les constructions indiscrètes et hideuses, encore faut-il avoir le courage de déménager. Toujours est-il que si les Soutiaguine s'installent ici pour leurs vacances, j'en serai bien contente. Je les vois trop rarement, et avec eux, c'est une partie de mon ex paroisse de Moscou qui viendra me rejoindre périodiquement ici.






jeudi 20 avril 2023

Croix russe

 Avertie par les cosaques, je suis allée voir hier un film magnifique, à la maison de la culture. Русский Крест, la Croix russe. D'abord les prises de vue sont somptueuses et ensuite, c'est une sorte de transfiguration de la Russie contemporaine, avec ses misères et ses disgrâces, dans la dimension de la Russie éternelle. Un paysan ivrogne et désespéré voit en rêve un dragon, dont le délivre saint Georges, et après une entrevue avec un ermite local, part quêter, une énorme croix de bois sur le dos, de l'argent pour restaurer l'église du village. Le film est en vers, inspiré par un poème. Il a été tourné avec tant d'amour et de lyrisme que même les constructions hideuses et tout ce qui blesse régulièrement mon sens esthétique paraissent, comme le paysan, rachetées, et s'inscrivent dans une harmonie générale retrouvée. L'oncle Slava m'a dit ensuite que la salle était presque vide. Mais le simple fait qu'on ait éprouvé le besoin de faire un tel film me paraît en soi la preuve que le potentiel de salut de la Russie n'est pas épuisé. De plus, je ne crois pas que beaucoup de gens aient été au courant que le film passait, personne à la caisse, je me demandais même si on allait vraiment nous le projeter.


J'attendais aujourd'hui Valérie et Lioudmila, mais elles sont restées coincées des heures à la frontière lituanienne. Leur bus était bourré d'Ukrainiens, que la douane passe au peigne fin. Il est possible que je les récupère demain à Moscou, car j'ai accepté de participer à une émission de la chaîne orthodoxe Spas. J'avais compris que ce serait à la Trinité, mais pas du tout, à la Trinité, ils la montreront, mais ils la tournent demain, ce qui tombe plutôt mal.

Je reçois fréquemment des lettres d'orthodoxes français qui songent à émigrer, car leurs paroisses deviennent la proie d'agitateurs ukrainiens et de russophobes divers, souvent d'origine russe. Si eux-mêmes n'entrent pas dans cette mouvance, l'atmosphère devient pour eux aussi irrespirable à l'église que dans le reste du pays. Sur le fil facebook d'un site orthodoxe, un individu bêlait, à propos de la persécution de l'Eglise ukrainienne: "Prions pour que Dieu éclaire le patriarche de Moscou". Je lui ai répondu qu'il vaudrait mieux prier pour qu'Il débarrasse le pays de son président et de ceux qui sont derrière. Il a bondi comme un pitbull sur le facteur, enjoignant à l'administrateur "de me calmer". Quel soulagement de ne pas avoir affaire à des gens de cette espèce dans ma vie quotidienne! Cette mièvrerie de cureton qui tourne à l'agressivité de prédicateur puritain dès qu'on touche au dogme politique du moment! Ces personnages ne se sont jamais intéressés aux persécutions avant que la chose ne devienne impossible à cacher, mais moi cela fait des années que je suis cela, et je n'oublie rien, ni leur silence, ni leur complicité, ni la hâte avec laquelle ils ont hurlé avec les loups quand l'affaire a filtré. 

Prêchi, prêcha, prêchons, prions mes frères, et brûlons le vilain Cyrille, ce n'est pourtant pas lui qui a provoqué cette situation, et je dois dire qu'il fait tout pour la désamorcer, enjoignant même aux Ukrainiens qui se sont formalisés des critiques du métropolite Onuphe à son égard, de le soutenir de toutes les manières et de ne pas créer de schisme supplémentaire. C'est que maintenant, on peut faire semblant de croire, et persuader de cela les innocents, que les persécutions, vraiment évidentes et indécentes, sont "le résultat de la situation", et finalement bien méritées, n'est-ce pas? Or dès le début de l'aventure maidanesque, j'étais au courant de cela, moi, humble activiste. J'ai tout fait pour attirer l'attention sur les magnifiques processions que le métropolite Onuphre avait organisées à travers l'Ukraine, et de l'élan spirituel qu'elles avaient suscité, malgré les menaces et les sarcasmes. J'avais compilé photos et témoignages, je les avais traduits, je les avais placés dans un article sur facebook, car je n'avais pas encore ouvert mon blog, j'étais encore en France, c'était avant 2016, avant l'autocéphalie bicéphale de Porochenko Bartholomée. J'avais traduit aussi une vidéo d'une députée ukrainienne qui suppliait le patriarche Bartholomée de ne pas créer sa filiale, j'ai suivi tout cela pas à pas et vu comment on escamotait ces témoignages aussi poignants que gênants, jusque sur les sites orthodoxes, dérangés dans leur version "intelligente et occidentale" de la chose, par ces ferventes figures de la sainte Russie qui n'allaient pas dans le bon sens. Alors maintenant, on peut bien venir bêler "prions" et rugir quand je mets les pieds dans le plat. On a tout simplement pactisé avec le diable et son train, dont on voit de mieux en mieux les sabots et la queue (musicale).

Une amie m'écrit depuis la démocratie radieuse que sa fille gravement handicapée, s'est vu proposer dans le centre où elle se trouve, un film sur un tétraplégique qui choisit l'euthanasie. Autrefois on faisait des films sur les handicapés qui réussissaient malgré tout à se faire une place dans la vie, maintenant, on leur suggère d'avoir la délicatesse de ne pas encombrer la société de leur présence. C'est vrai que voilà un pays qui peut se permettre de donner des leçons à la sombre dictature où j'ai le masochisme de m'obstiner à vivre. J'attends le moment où un claquement de doigts va réveiller les hypnotisés de leur sommeil hagard. En principe, c'est comme cela que cela se passait dans les BD que je lisais enfant.



lundi 17 avril 2023

Christ est ressuscité

 


Il y avait énormément de monde à la cathédrale, la nuit de Pâques, je crois n'en avoir jamais autant vu. Et le lendemain, à la liturgie du dimanche, il y en avait aussi beaucoup plus que d'habitude. La maman de notre nouveau sacristain, le jeune Vania, fils du père Vassili, m'a dit que pendant l'office de nuit, il était si fatigué qu'il s'était évanoui, entraînant un chandelier dans sa chute. Autrefois, je ne m'étais pas évanouie, mais endormie debout pendant un office de Pâques, à Moscou, et un paroissien m'avait rattrapée au vol.

Je me suis confessée au nouveau prêtre, le père Alexandre, qui me plaît beaucoup, il a l'air très bon, et il fait des sermons magnifiques. Je me disais qu'en réalité j'aimais tous nos prêtres, ceux d'ici, et ceux du père Valentin à Moscou. J'aime aussi les dames qui vendent des cierges, les petites vieilles, la bonne Antonina, Valentina, qui fait des câlins aux grands-mères comme si nous étions toutes de sa famille, Génia Kolesov et ses filles, Macha, Vitia, et leurs garçons qui clamaient "en vérité, Il est ressuscité" avec tant de conviction, toute notre communauté chaleureuse et simple. La matouchka du père Vassili m'a offert un koulitch confectionné en famille, disant à son petit dernier, qui me regardait avec des yeux ronds: "Tu vois, c'est notre Laurence..."

Anne-Laure est venue ensuite me rejoindre, nous l'avons mangé sur la terrasse, au soleil. Comme elle loge en face du monastère Saint-Nicolas, elle voit tout ce qui s'y passe, processions, bénédictions des koulitchs, elle participe quelquefois. "Il y a une chose qui me frappe, me dit-elle, c'est que l'orthodoxie est une religion virile. Les prêtres et les moines ont des allures de guerriers." Je l'ai aussi observé. 

 Puis nous sommes allées au café français. Nous avons discuté avec Laurent, principalement de la France, et des raisons que nous avons d'émigrer ou de rester, rester signifiant s'enfermer dans une bulle quelque part dans un village perdu, tant que l'Etat le permet. "Ce n'est pas parce que nous vivons ici qu'on se fiche de ce qui arrive à la France, dit Laurent, nous suivons tous l'actualité. Cela nous fait mal, et peut-être le recul nous donne-t-il une vision plus complète de la situation, d'ailleurs. Sur place, les gens ont le nez sur leur vie quotidienne, et puis souvent, ils préfèrent ne pas savoir."

Il fait toutes sortes de délicieux sandwich aux crudités, fromage, viande ou poisson, mais sa clientèle russe n'y comprend rien. Les gens s'obstinent à manger ces sandwichs avec un couteau et une fourchette! Ils ouvrent la baguette et grattent ce qu'il y a à l'intérieur et surtout, suprême barbarie, ils exigent quelquefois de faire chauffer le truc! Un jambon beurre parisien passé au four, j'imagine le résultat... Même chose avec les crudités, d'ailleurs. "Tout est sec comme l'âme du diable", nous dit Laurent. Quel gâchis! A vrai dire, je n'en reviens pas, l'équivalent, sur le plan culinaire, des "souvenirs" vendus à Pereslavl, ou des isbas plastifiées et des châteaux Disneyland...

Pour fêter la fin du carême, il m'a servi des rillettes maison, baguette maison, cornichons.

samedi 15 avril 2023

Vendredi

 

mon voisin Vitia et son fils Kolia

Les nuits sont encore fraîches, et même le jour souffle un vent pas chaud, qui me rappelle le mistral, mais le soleil persiste, et je ne saurais dire le bonheur que j'éprouve à m'asseoir sur la terrasse, dans la lumière, dans le fil de l'air murmurant, il me remonte au coeur des impressions d'enfance. Je suis fière de moi, parce que j'ai réussi à rapporter un thuya que j'avais exilé du côté du voisin Oleg, où il ne me sert plus à grand chose depuis que j'ai déménagé dans l'autre partie de la maison, vers le côté du voisin Sacha, où il me fera écran, à côté de son prédécesseur, qui est déjà bien grand.  Cela n'a pas été aussi difficile que prévu, et je n'ai pas eu besoin d'attendre des jours que quelqu'un soit disponible pour m'aider. Comme je ne les taille pas, mes thuyas ont des airs de cyprès.

Je fais ce que je peux pour suivre les offices de la Pâque imminente, mais je finis ce carême dans les tentations et l'épuisement. Tout le long des la lecture des douze Evangiles, je pensais à un rapport clinique que j'avais lu à propos des effets de la crucifixion sur l'organisme de la victime, et de là me revenaient d'autres cruautés, du genre qui me rend positivement malade, au lieu d'entrer dans la prière et l'apaisement. Pendant la liturgie de la Cène, j'ai vu que le fils aîné du père Vassili, un adorable gamin de quatorze ou quinze ans, servant d'autel, était promu par l'évêque à un rang supérieur, et quand il est arrivé tout fier, je lui ai demandé lequel: "sacristain", me répond-il. Sa mère a ajouté: "C'est avant hypodiacre.

- Alors après tu vas devenir hypodiacre, puis diacre?"

Il a approuvé de la tête, avec un sourire radieux. Il va devenir prêtre, comme papa. J'ai vu qu'il avait une belle tunique de brocart trop grande, je pense qu'elle est destinée à servir au sacristain, puis à l'hypodiacre!

Ici, les gens que je préfère, ce sont ceux que je vois à l'église, et aussi les cosaques. Le café français également, mais c'est dans un autre registre. 

Hier vendredi, l'office de la mise au tombeau. J'ai lu les prophéties chez moi, je suis arrivée une heure en retard, repartie après la procession, au bout de presque trois heures, et cela devait durer encore une heure, les orthodoxes commencent de tous côtés à tituber. Mes nouveaux voisins Macha et Vitia, des moscovites, étaient là, avec leurs beaux petits garçons Micha et Kolia. C'est une famille visiblement très unie, et ils sont extrêmement heureux d'être ici, à Pereslavl, de se promener autour du lac, ils ne regrettent pas la capitale.

L'office était beau, recueilli, au sein de notre paroisse paisible et amicale, avec toujours ce contraste entre la pauvreté de l'édifice, et le faste médiéval du rite. Je me souviens avec émotion de mes Pâques à Solan, où dans une certaine mesure, grâce aux offices en français, je pénétrais mieux dans la fête, et nous chantions avec les soeurs, la mélodie byzantine était très noble, sans les roulades et roucoulades introduites au moment de l'occidentalisation de la Russie, et qui sont particulièrement redoutables lors de l'office de Pâques lui-même, quand il faut "faire joyeux", et qu'on tombe parfois dans le refrain de gondolier ou la romance napolitaine. Mais je n'assisterai ce soir qu'à la procession, j'irai demain matin à la liturgie, ce sera beaucoup plus simple, quelques vieilles et le père Vassili, tenir des heures au milieu de la nuit n'est plus de mon âge.





photo éparchie de Pereslavl

vendredi 14 avril 2023

Les pharisiens et les judas.

 


En ce moment, il faut avoir le coeur bien accroché, car on se prend des giclées d'infamie et de stupidité à chaque fois que l'on se risque sur l'actualité des réseaux. D'un autre côté, précisément en ce moment, comme me l'a dit Génia Kolesov, qui organise les concerts du café, il est bien difficile de ne pas s'y risquer. 

Après le Russe de l'autre jour, qui trouve que l'Eglise ukrainienne l'a bien cherché, voilà que je tombe sur cet article de "Parlons d'orthodoxie":  Le métropolite Onuphre a « admis » qu’il avait la nationalité et un passeport russes – PARLONS D'ORTHODOXIE (wordpress.com)

Le métropolite Onuphre "a admis" qu'il avait un passeport russe. Sous-entendu: c'est un agent, un espion, un "homme du KGB". Le métropolite Onuphre a toujours eu un comportement irréprochable qui lui vaut l'amour inconditionnel de son clergé et de ses fidèles. Deux métropolites seulement l'ont trahi quand Bartholomée l'a poignardé dans le dos, ajoutant la persécution à la persécution. ses sermons et ses déclarations ont toujours été d'une grande élévation spirituelle et se sont toujours gardés des prises de position politique, et je le suis depuis très longtemps. Au moment de l'intervention russe, il a désavoué le patriarche Cyrille, bien qu'il soit évident qu'avec ou sans intervention, le métropolite et son Eglise sont destinés à disparaître par les tenants de la "Religion du futur" promue par l'OTAN et ses séides. Le patriarche Cyrille, et aussi le prédicateur ukrainien célèbre, le père Andreï Tkatchov, enjoignent néanmoins avec énergie à tout le monde de ne jamais le critiquer et de le soutenir de toutes les manières, étant donnée la difficulté de sa position. Le métropolite est le chef d'une Eglise qui est sur place depuis saint Vladimir. Une Eglise que ses nombreux  fidèles aiment et reconnaissent, car ils en aiment et reconnaissent les pasteurs, et parce que c'est celle de leurs ancêtres. Peut-être que des millions d'orthodoxes ukrainiens ne sont pas assez "ukrainiens" pour les acteurs et les oligarques  qui dirigent le pays dans le sens voulu par la CIA, mais c'est néanmoins un fait. 

En effet, d'ailleurs. C'est bien le cas, ils sont trop russes. J'ai lu le commentaire d'un Russe d'Argentine qui reproche au métropolite Onuphre et à son Eglise d'être restés "soviétiques". Mais pas du tout. Quand je regarde les fidèles du métropolite Onuphre, ses hiérarques et son clergé, je vois la sainte Russie, celle d'avant "l'Ukraine" de Lénine et Staline, puis de Clinton, Obama, Biden père et fils, BHL, Glucksmann, Soros and Co. La noblesse et la simplicité des visages et des comportements, la ferveur, le courage. Oui, c'est la sainte Russie, celle de Dostoiveski, de Pouchkine, de Gogol, et c'est sur elle que crachent ces émigrés d'Argentine ou de Paris, en appelant de tout leur voeu la victoire du golem occidental, et le règne autocéphale d'un paltoquet mitré aux discours suffisants et revanchards, ordonné par un pseudo patriarche excommunié qui, lui, fricotait vraiment avec le KGB et doit continuer avec le SBU: un métropolite de carnaval qui fut, pour finir, adoubé par un patriarche aux ordres d'une entreprise mondiale de déchristianisation, dirigée principalement contre l'orthodoxie. Le métropolite Onuphre et ses fidèles, c'est le patriarche Tikhon et les siens en 1918, trahis de la même manière par le patriarche de Constantinople de l'époque, qui avait reconnu l'Eglise "rénovée" des bolcheviques, instrument, comme l'Eglise autocéphale, de la destruction planifiée de l'orthodoxie par des gnomes qui n'avaient, comme aujourd'hui, rien d'orthodoxe, ni même de russe ou d'ukrainien, c'est exactement le même schéma. 

Cet article, ironie du sort, surgit le jeudi saint, et le soir, écoutant le récit de l'arrestation de Jésus, je ne cessais d'y penser. Quel parallèle... Comme dit notre père Vassili, les pharisiens sont toujours à l'oeuvre, les pharisiens et les judas. Mais dans ma naïveté, je n'aurais pas cru voir un jour des Russes émigrés et des orthodoxes s'associer aux débiles qui dansent à Kiev la Carmagnole autour des chrétiennes agenouillées, à ceux qui depuis des années molestent des prêtres, terrorisent leurs paroissiens, et quelquefois les torturent et les tuent. Quel soulagement de me trouver avec la sainte Russie, et non pas avec ceux-là qui ne la reconnaissent pas et la conspuent, ces rameaux tombés de l'arbre qui se déssèchent à Sodome et n'en brûleront que mieux. Tout mon entourage russe n'en revient pas, d'ailleurs, tellement c'est indigne. 

Notons que ces gens, tout contents de trouver un passeport russe au métropolite Onuphe, ne sont pas excessivement dérangés par les multiples passeports des serviteurs de la CIA, le passeport israélien et le passeport suisse du mafieux Kolomoiski, patron des sinistres bataillons punitifs néonazis qui semaient la terreur au Donbass...

jeudi 13 avril 2023

L'autre planète 16 et 17

 Pour le rendre accessible à ceux que cela intéresse, et à ceux qui ne vont pas sur internet, j'ai publié mon blog aux éditions du Net:


Résumé de l’ouvrage 

Après 16 ans passés en Russie, je dus prendre ma retraite et rentrer m’occuper de ma mère, qui ne pouvait plus rester seule. Après sa mort, quatre ans plus tard, alors que j’étais installée dans le Gard, je m’étais habituée à l’idée que je ne repartirais plus. Cependant, au bout de deux ans, je pris la décision de revenir vivre dans ce pays qui m’avait attirée dès mon adolescence de telle manière qu’on peut parler de vocation particulière. Je n’en renie pas pour autant la France, à laquelle je reste attachée, dont je reste imprégnée et dont je conserve la langue. Mais à un certain moment, j’ai choisi, et ne le regrette pas, même si au moment où je l’ai fait, cela ne fut pas très facile. Je ne m’étendrai pas sur toutes les raisons que j’ai eues de le faire, elles apparaissent au cours du texte que je propose et qui est le début de mon journal de Russie, le blog que j’avais ouvert à mon arrivée, à l’intention des gens que je laissais en France, et qui pour toutes sortes de raisons, n’allaient pas sur les réseaux sociaux. C’était en quelque sorte, pour moi, une lettre régulière à destination collective qui a pris de l’ampleur et qui est devenue un témoignage. 

Fiche auteur Laurence 

Guillon est née en 1952. Après des études de russe et d’arts plastiques et une jeunesse erratique, elle publie en 1985 une première version de son roman Yarilo, sous le titre « Le Tsar Hérode », au Mercure de France (prix Félix Fénéon) qu’elle réécrit complètement lors de son déménagement définitif en Russie, en 2016, pour l’harmoniser avec sa suite, « Parthène le fou ». Passionnée de folklore russe ethnographique, elle est aussi aquarelliste, pastelliste. Ce livre rassemble les années 16 et 17 de son blog, les Chroniques de Pereslavl, où elle relate sa vie dans la petite ville de Pereslavl-Zalesski, au nord de Moscou. 

Descriptif technique 

Format : 150 x 230 cm 

Pagination : 494 pages ISBN : 978-2-312-13211-2 

Publié le 13-04-2023 par Les Éditions du Net GENCOD : 3019000006902 

Prix de vente public : 34 € TTC 

Pour commander 

Auprès de l’éditeur : www.leseditionsdunet.com 

Sur les sites Internet : Amazon.fr, Chapitre.com, Fnac.com, etc. 

Auprès de votre libraire habituel Les Éditions du Net 126, rue du Landy - 93400 St Ouen Tel : 01 41 02 06 62 - Fax : 01 41 02 02 63