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mercredi 25 juillet 2018

Objectif Solovki

J'observe ici un phénomène curieux, le vent change plusieurs fois par jour, et le temps de même. J'ai réussi à aller faire une balade en vélo, vers le lac, la rivière, par les petites rues. De moins en moins d'isbas pittoresques, de plus en plus d'horreurs, aucun contrôle de ce qui se construit: n'importe quel style, si l'on peut appeler ça un style, n'importe quelle hauteur, au besoin en enfermant le voisin derrière son château sans se demander si on le prive de soleil et de vue... J'essaie de me concentrer sur les fleurs et les églises, le ciel et les reflets dans l'eau.
Le vent s'est mis à souffler en tempête, mais doux et tiède. J'ai trouvé un lac sombre, très sombre, exaltant, prêt à se soulever, prêt à tout balayer, toute la modernité hideuse, et à lâcher sur la ville les cavaliers disparus et les guerriers du prince Alexandre, qui défendaient contre les mongols leur poignée d'églises et de maisons de bois, mais cela ne s'est pas produit. Les routes étaient  jonchées de branches brisées.
Au retour, le vent est devenu glacial, le ciel chargé. Le voisin me continuait le mur de Berlin, ce n'est vraiment pas comme cela que je voyais les choses. En chemin, j'ai vu de magnifiques clématites avec de grosses rosaces violettes, et ce sera ma parade, lâcher des clématites sur le grillage. Du chèvrefeuille, peut-être du houblon. Je vais même conserver un coin roseaux.
La pauvre Rosie court avec tant de bonheur, pendant que le voisin s'affaire à la cloîtrer chez moi, dans le grand espace de notre pré intermédiaire... Mais elle ne leur fait que des bêtises, elle leur a déterré leurs pommes de terre, elle pique les jouets de la gosse, et généralement tout ce qui traîne à sa portée.
J'ai dit au voisin que cela sentait l'automne, il m'a répondu que pas du tout, que nous étions au milieu de l'été. En France, on a ce temps fin septembre.
J'ai pris aujourd'hui, avec Anna Messerer, une artiste peintre qui a une datcha à Ferapontovo, la décision de partir la rejoindre là bas, près du monastère saint Cyrille du Lac Blanc, et de pousser avec elle jusqu'aux îles Solovki. D'ici à saint Cyrille 450 km, de saint Cyrille aux Solovki plus de 900... Je vais sur la mer Blanche!
Cela fait plus de 30 ans que je médite d'aller aux Solovki. Par vénération pour le métropolite Philippe de Moscou qui en fut l'higoumène, et pour tous les martyrs de l'époque soviétique qui y furent emprisonnés, puisque ce fut le premier camp d'une longue série, pour le père Pavel Florenski, esprit remarquable et parfaitement innocent de tout crime, sinon celui d'être croyant et prêtre, dont les déchirantes lettres de Solovki à sa famille m'avaient impressionnée. Profondément affecté d'être loin des siens, son esprit scientifique ne cessait de fonctionner, d'observer, d'inventer, et il se lamentait de ne pouvoir travailler normalement et être utile à son pays. Les nouveaux maîtres de ce pays ont fini par le fusiller.
C'est de plus un endroit magnifique, magique, d'après les photos que j'en ai vu.
Enfin, j'ai un chapitre qui se passe là bas, et toute une partie qui se déroule à saint Cyrille. Quand j'aurai fait ces deux coups avec une seule pierre, je pourrai peut-être mettre un point final à mon premier livre et tenter de le publier.




http://nashagazeta.ch/book/15044

 Editions l'Age d'Homme



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