Ma nouvelle connaissance Katia m'a invitée à venir à la première liturgie, depuis qu'on l'avait dynamitée à l'époque soviétique, dans l'église de son village de Filimonovo, Elle est en voie de restauration, grâce aux efforts conjugués du monastère saint Nicétas et de Katia elle-même. Dans la village voisin, une mère et sa fille se sont attelées seules à la restauration de l'église, il est vrai plus petite et en meilleur état. Elles étaient venues assurer le rôle du choeur.
Il y avait Génia de Tverdilkovo, une poignée de vieilles, et un moine de saint Nicétas, hirsute et maladroit, dans des vêtements liturgiques trop grands pour lui. A la fin de l'office, il a dit quelques mots, d'un ton brusque et embarrassé: "Eh bien, je vous félicite... Voilà, l'église est ouverte, elle vit à nouveau..."
Et puis il s'est tu, comme si l'émotion l'empêchait d'en dire plus, et il a souri, en élevant sa croix.
Le matin, j'étais partie en râlant tant que je pouvais, car j'étais allée à l'église déjà deux jours d'affilée, au prix de grands efforts sur moi-même et ma flemme, et il pleuvait des cordes, je n'avais aucune envie de sortir. Seulement, une église dans laquelle on servait pour la première fois la liturgie depuis les temps de ténèbres et de persécutions...
Il y avait deux icônes de chaque des portes royales, la Mère de Dieu et le Christ, je les trouvais magnifiques, on m'a dit que c'était l'oeuvre d'un moine de saint Nicétas. En réalité, en les voyant de près, elles pourraient sembler grossières, et ce qui tient lieu de dorure est une sorte de peinture métallisée, et pourtant, par rapport à la plupart des icônes bien léchées que je vois partout, et dont l'expression me rappelle souvent celles des jeunes bigotes qui vous engueulent parfois pour un cierge de travers, celles-ci m'ont paru si transparentes, si spirituelles, si spontanées aussi... Je me disais: elles ont la grâce du moyen âge, mais en fait non, ce n'est pas ainsi qu'il faut le formuler: les icônes du moyen âge et celles du moine de saint Nicétas, ont la grâce, c'est-à-dire qu'elles nous faisaient arriver dans le chantier misérable de cette église sinistrée quelque chose d'éternel, quelque chose qui venait d'un insondable ailleurs et de notre plus profond intérieur.
Katia m'a retenue à déjeuner, elle m'a retenue toute la journée. Elle m'a raconté comment elle avait fait un scénario pour une animatrice spécialisée dans les dessins animés orthodoxes pour enfants, et m'en a montré quelques uns. C'est remarquable de poésie, de spiritualité, sans la moindre mièvrerie, avec de vrais sentiments, de beaux sentiments, des valeurs éternelles. Bien que l'auteur soit primé de tous les côtés, ces dessins animés restent peu diffusés, en regard de tout ce qu'on peut déverser sur les enfants d'idioties étrangères qui ne leur apportent rien de bon. J'ai pensé que ce serait une oeuvre de salut public de les diffuser non seulement auprès des Russes mais des Français, dans les librairies des paroisses orthodoxes, et même dans les librairies catholiques.
J'ai été particulièrement frappée par un film sur la période révolutionnaire "la lumière inextinguible". Il reste terriblement actuel. Je l'ai trouvé sur youtube avec des sous-titres français.
Katia veut me présenter cette jeune femme.
Elle se désolait que les gens ne fussent pas venus plus nombreux à la première liturgie. Moi, je suis étonnée et même soulevée d'enthousiasme par ce que je vois d'humbles, patients et héroïques efforts pour restaurer ce qui a été profané avec tant d'inimaginable méchanceté, et pour rendre leur âme et leur mémoire aux habitants de ce pays profondément traumatisé. Ce peuple orthodoxe qui rallume les églises mortes une à une, comme de petites veilleuses, dans les ténèbres effrayantes de notre déclin mondial est celui auquel j'appartiens, même si j'en suis assez peu digne.
Katia m'a dit: "Vous savez, Pereslavl est sur "la route des cloches", c'est-à-dire que les carillons s'entendent de ville en ville et de village en village, et que l'antéchrist ne viendra pas ici".
Il y a encore de belles isbas à Filimonovo, mais comme d'habitude, l'ensemble est assez hétéroclite, avec les palissades de tôle et les maisons recouvertes de plastique...
Il y avait Génia de Tverdilkovo, une poignée de vieilles, et un moine de saint Nicétas, hirsute et maladroit, dans des vêtements liturgiques trop grands pour lui. A la fin de l'office, il a dit quelques mots, d'un ton brusque et embarrassé: "Eh bien, je vous félicite... Voilà, l'église est ouverte, elle vit à nouveau..."
Et puis il s'est tu, comme si l'émotion l'empêchait d'en dire plus, et il a souri, en élevant sa croix.
Le matin, j'étais partie en râlant tant que je pouvais, car j'étais allée à l'église déjà deux jours d'affilée, au prix de grands efforts sur moi-même et ma flemme, et il pleuvait des cordes, je n'avais aucune envie de sortir. Seulement, une église dans laquelle on servait pour la première fois la liturgie depuis les temps de ténèbres et de persécutions...
Il y avait deux icônes de chaque des portes royales, la Mère de Dieu et le Christ, je les trouvais magnifiques, on m'a dit que c'était l'oeuvre d'un moine de saint Nicétas. En réalité, en les voyant de près, elles pourraient sembler grossières, et ce qui tient lieu de dorure est une sorte de peinture métallisée, et pourtant, par rapport à la plupart des icônes bien léchées que je vois partout, et dont l'expression me rappelle souvent celles des jeunes bigotes qui vous engueulent parfois pour un cierge de travers, celles-ci m'ont paru si transparentes, si spirituelles, si spontanées aussi... Je me disais: elles ont la grâce du moyen âge, mais en fait non, ce n'est pas ainsi qu'il faut le formuler: les icônes du moyen âge et celles du moine de saint Nicétas, ont la grâce, c'est-à-dire qu'elles nous faisaient arriver dans le chantier misérable de cette église sinistrée quelque chose d'éternel, quelque chose qui venait d'un insondable ailleurs et de notre plus profond intérieur.
Katia m'a retenue à déjeuner, elle m'a retenue toute la journée. Elle m'a raconté comment elle avait fait un scénario pour une animatrice spécialisée dans les dessins animés orthodoxes pour enfants, et m'en a montré quelques uns. C'est remarquable de poésie, de spiritualité, sans la moindre mièvrerie, avec de vrais sentiments, de beaux sentiments, des valeurs éternelles. Bien que l'auteur soit primé de tous les côtés, ces dessins animés restent peu diffusés, en regard de tout ce qu'on peut déverser sur les enfants d'idioties étrangères qui ne leur apportent rien de bon. J'ai pensé que ce serait une oeuvre de salut public de les diffuser non seulement auprès des Russes mais des Français, dans les librairies des paroisses orthodoxes, et même dans les librairies catholiques.
Katia veut me présenter cette jeune femme.
Elle se désolait que les gens ne fussent pas venus plus nombreux à la première liturgie. Moi, je suis étonnée et même soulevée d'enthousiasme par ce que je vois d'humbles, patients et héroïques efforts pour restaurer ce qui a été profané avec tant d'inimaginable méchanceté, et pour rendre leur âme et leur mémoire aux habitants de ce pays profondément traumatisé. Ce peuple orthodoxe qui rallume les églises mortes une à une, comme de petites veilleuses, dans les ténèbres effrayantes de notre déclin mondial est celui auquel j'appartiens, même si j'en suis assez peu digne.
Katia m'a dit: "Vous savez, Pereslavl est sur "la route des cloches", c'est-à-dire que les carillons s'entendent de ville en ville et de village en village, et que l'antéchrist ne viendra pas ici".
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