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vendredi 18 septembre 2020

Une expo à Serguiev Possad

 

Une jeune femme avec qui j'ai des amis communs, Lisa Fiodorova, m'avait donné rendez-vous à Serguiev Possad pour voir les merveilleuses aquarelles de Tatiana Mavrina consacrées à cette ville, siège de la fameuse et superbe laure de la Trinité-saint-Serge. Ce fut un émerveillement. Ces petits dessins réalisés avec un mélange de techniques sont pleins de vie et de poésie et témoignent d'une Russie pittoresque et colorée jusque dans les années 50 60. De cette ville féerique ne reste que le grand monastère et ses environs immédiats, et encore. Quel creve-coeur de comparer ce monde disparu plein d'animation et de couleur locale, avec des chevaux, des vaches, des chèvres, des chiens, d'adorables maisons biscornue, des ruelles capricieuses, et l'agglomération contemporaine installée à sa place, asphaltee et bétonnée, infiniment moche et banale, à l'image des mutants de la modernité qui l'ont conçue et imposée à tout le monde. Lisa, férue d'art populaire véritable, me disait que même son fils méprisait tout cela et ne rêvait que de partir en Amérique. Elle me parlait de l'arrogance du mauvais goût officiel, de ces femmes qui fabriquent en série des caricatures bien léchées des objets traditionnels et prennent de haut ceux qui les font comme leurs ancêtres, c'est-à-dire vivants, avec les traces de doigts, du geste.


Nous étions allées nous installer dans un café de style nostalgie soviétique, car Lisa en est la proie, bien qu'elle soit parfaitement consciente de tout ce qu'on peut reprocher à ce système: "nous avions une certaine stabilité et puis c'était mon enfance. D'ailleurs, en théorie, ce n'était pas si mal,  pourquoi leur fallait-il persécuter less orthodoxes, arrêter, fusiller et détruire ?

-  Lisa, moi, déjà il y a un mot qui me fait rétrécir c'est le mot "théorie", c'est un mot qui ne va pas bien avec la vie. Et ensuite, votre truc avait fini par se russifier, mais les bolchevique detestaient la Russie et tout ce que nous aimons. Ils détestent aussi la France, nous en avons maintenant une version trotskiste et capitaliste. À choisir, je préférerais votre sovietisme brejnevien ou le régime de Loukatchenko à l'horreur mondialiste électronique qu'on nous prépare.... "

Lisa est douée d'une rare énergie. Pédiatre, elle trouve moyen de dessiner, modeler, coudre des costumes traditionnels et les voyages sportifs ne lui font pas peur.


Lisa



Au retour, le ciel était si fantastique que j'ai décidé de faire un détour par le lac, à la grande joie de Rita, qui courait sur la rive, fascinée par un canard paisible. Je suis restée une heure à contempler le spectacle, si bien qu'elle commençait à avoir froid et s'est réfugiée sur mes genoux. Le vent fort brassait des eaux brillantes et verdâtres sous d'énormes ténèbres bleues, traversées de brusques rayons.  Mon âme s'envolait vers ces gouffres, s'élevait vers ces hauteurs, suivait ces caravanes grises dans l'escalade silencieuse de ces monts suspendus, jusqu'aux créneaux de lontaines et étranges cités célestes ou l'attendaient de lumineux guetteurs, attentifs à ceux qui les cherchent. 













3 commentaires:

  1. Chère Laurence, vos descriptions sont toujours magiques ! Il y a quelque chose de grandiose qui s'impose à nous lorsque vous nous nous faites toucher du doigt ces spectacles célestes qui nous ravissent. Du sublime et du majestueux, un monde merveilleux dans lequel on souhaiterait se perdre pour mieux se trouver ! Le monde tel que vous le voyez me fait prendre patience de tout le moche qui nous est imposé... Merci.

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  2. Petit oubli... Ces aquarelles sont justes magnifiques ! Quel bonheur d'avoir un pareil talent... Ah, si l'homme avait voulu vivre et travailler, comme Dieu l'avait voulu, en célébrant la beauté et les splendeurs de la création, notre monde serait encore si beau et agréable à vivre et nous recevrions tant de grâces...

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