Je suis allée à l'agence qui vendait une isba qui me plaisait beaucoup, à Koupanskoïé. Elle était ravissante, pas chère, grande, dans un coin préservé, le village où vit Gilles, et qui a l'essentiel sur place, une église et la rivière où j'aime me baigner. Le but de l'opération était de me trouver dans un endroit joli, et aussi de récupérer le fric qui dort dans ma maison, trop grande pour moi, qui en vaut pas mal maintenant que la demande est forte. En louer une partie est une issue, mais m'impose une cohabitation, alors que je pourrais faire la même chose avec un appartement. Je n'ai pas d'énormes réserves et ne sais si on continuera bien longtemps à nous verser des retraites en France.
Cette jolie isba a été vendue cet été. Le garçon qui m'a reçue m'en a montré une dans Pereslavl, elle a des avantages, l'endroit est plus intéressant que chez moi, malgré tout, parce qu'il y a le monastère saint Nicolas, juste à côté, c'est une impasse, c'est moins marécageux, mais, je ne récupèrerais pas beaucoup de fric, et en plus, je reste quand même à la merci des cottages. Alors faire tout ce chambardement n'aurait pas beaucoup de sens.
Le jeune homme était sympathique, il comprenait bien mon point de vue. Il m'a parlé d'un couple franco-russe qui avait magnifiquement restauré une isba ancienne, dont tous ceux qui les détruisent disent toujours qu'on ne peut rien tirer. Ils ont fait une seule grande pièce au rez de chaussée, autour du poêle de briques, et rétabli les murs de rondins équarris bruts et cirés. J'ai vu chez lui que tout mon quartier était loti de partout. Ils vont construire derrière les deux isbas en face, et aussi plus près, devant les saules du marais, ils vont construire là où je me promenais, et à mon avis, ils vont s'emparer de tout le pourtour du lac; à part le feu du ciel s'abattant sur Moscou, je ne vois pas ce qui pourrait arrêter des promoteurs mafieux qui ne respectent rien. Cela veut dire que le lac sera pollué, et par la même occasion la rivière Vioksa à Koupanskoïé, et que probablement, il se transformera assez vite en marécage, le processus est d'ailleurs déjà en cours. Nous serons alors tous privés d'eau potable, les promoteurs seront partis avec leur fric dans un paradis tropical, ils n'ont ni patrie ni conscience, ni mémoire, ce sont de gros pous suceurs qui se déplacent quand ils ont vidé leur hôte de sa substance et vont saccager quelque chose d'autre.
Le jeune homme m'a montré une vieille photo de Pereslavl, avec toutes les églises encore debout, ce devait être un enchantement. Maintenant, le travail est presque achevé. Plus rien ne rappelle la vieille ville historique, à part les églises du centre, les monastères, et ce qu'il reste du lac et de ses berges. Je regardais le petit film consacré à l'affaire par la chaine Spas. Les habitants conscients du problème, plus notre poignée de cosaques, des artistes-peintres.... Les représentants de cette humanité que l'on piétine à présent, que l'on masque et parque en attendant de la vacciner et de la marquer comme un troupeau de vaches, et en face, tous les orques dénaturés des différents Sauron mondialistes... Je me sentais très solidaire. C'est avec eux que je mourrai, ce sont eux les derniers Russes. Les autres sont devenus je ne sais quoi.
En somme, il reste comme option soit de partir de Pereslavl, soit de planter des arbres pour cacher l'extérieur et y attendre la fin, la mienne ou celle du monde, je ne sais laquelle des deux arrivera en premier. J'espère que j'aurai de quoi vivre, car l'essentiel de ce que j'avais est englouti dans ma maison. J'espère aussi qu'elle ne brûlera jamais...
...
J'ai lu et relu Epitaphe, mais j'y trouve encore des maladresses et des fautes qui m'avaient échappé... J'ai l'impression qu'il attirera plus les gens que Yarilo et sa suite, ce que je trouve complètement injuste. Sans doute pensent-ils qu'il s'agit d'un roman de cape et d'épée russe, ce n'est vraiment pas le cas, comme le savent ceux qui l'ont lu, il est beaucoup plus actuel qu'on ne pourrait le penser, plus profond et plus ambitieux qu'Epitaphe, mais bon, quand ma collaboratrice se sera un peu réveillée pour terminer la mise en forme de ma traduction, il trouvera peut-être un écho ici...
Comme dit Tolkien de Saroumane le destructeur : "son bras s'est étendu !"
RépondreSupprimerOui, c'est exactement cela. C'est fou ce que cette épopée du Seigneur des Anneaux qui semble nous plonger dans un univers mythique est un juste reflet de tout ce qui nous arrive en ce moment. Mais la vérité de la vie est dans les contes. C'est pourquoi j'écris des contes. Ils rendent l'horreur supportable.
Supprimer